Face à la mer

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Sur les mille neuf cents cinquante mineur-e-s expulsé-e-s du bidonville de Calais et jeté-e-s dans le chaos des CAOMI (Centres d’Accueil et d’Orientation pour mineurs – voir ici, ici, ici, ici et ), plus de la moitié, plus de mille, ont disparu sans laisser de trace, et sans faire l’objet d’aucune mesure de protection.

Aujourd’hui, les mineur-e-s qui sont à Calais, revenu-e-s des CAOMI ou nouvellement arrivé-e-s, sont à la rue, dorment enroulé-e-s dans des couvertures, sont gazé-e-s et harcelé-e-s par la police.

Certain-e-s ont de la famille au Royaume-uni et pourraient passer légalement la frontière. Mais l’information, l’accompagnement et les démarches administratives sont rendus plus difficile par la traque policière et la fermeture du bureau d’enregistrement des demandes d’asile à la sous-préfecture de Calais.

Ce dimanche matin, comme l’année dernière, une action d’interpellation des autorités a eu lieu sur la plage de Calais, face à la mer et aux côtes anglaises, à l’initiative de l’artiste calaisienne Veronika Boutinova.

« Lancer de bébés 2017

Une jolie bande de mariées cette année, Calaisiennes, Lilloises, comédiennes, citoyennes qui se sont jointes à moi pour l’action « J’épouse la cause des migrateurs et des Mineurs Isolés Etrangers ».

Nous avons marché vers la mer et l’Angleterre pour interpeller par-delà les vagues féroces Theresa May sur le rapprochement familial des enfants dans la migration qui désirent rejoindre leur père, leur mère, leurs frères ou oncles vivant sur le territoire britannique. »

 

La mobilisation continue autour des « dubliné-e-s » en CAO

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Il y avait eu la « promesse de Cazeneuve », puis « promesse de Le Roux » avec le changement de ministre de l’intérieur, concernant les demandeur-se-s d’asile de Calais dispersé-e-s dans les Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO – voir ici, ici, ici et ) et pouvant être placé-e-s en procédure Dublin. Celle-ci prévoit l’expulsion de la personne dans le pays responsable de sa demande d’asile selon les critères du règlement européen Dublin III. La « promesse » oscillait entre ne pas placer ces personnes en procédure Dublin et examiner leur demande d’asile en France, et ne pas les renvoyer de force à partir des CAO.

La note envoyée par le ministre de l’intérieur aux préfets les invitant à utiliser la clause de souveraineté prévue à l’article 17 du règlement Dublin III, qui permet à un État d’examiner une demande d’asile même s’il n’est pas l’État responsable, semblait devoir résoudre le problème.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-pas-calais/pas-calais/calais/migrants-jungle-enregistres-ailleurs-europe-pourront-demander-asile-france-1208667.html

Sauf que cette laisse subsister une inégalité de traitement entre les demandeur-se-s d’asile venant de Calais et ceux et celles venant de Paris ou de Grande-Synthe, près de Dunkerque, se trouvant parfois dans les mêmes centres. Sauf que cette « invitation » à utiliser une clause discrétionnaire du règlement ne suffit pas à résoudre l’arbitraire préfectoral et les différences d’interprétation d’une préfecture à l’autre. Ainsi en Bretagne, « l’invitation » n’est mise en pratique que pour une partie des personnes dublinées, en sont exclues les personnes qui ont obtenu l’asile dans un autre pays (généralement la Bulgarie, la Hongrie, l’Italie) et celle qui seraient auteure de « troubles à l’ordre public », notion totalement floue ouvrant la porte à l’arbitraire préfectoral.

Des mobilisations de soutien continuent donc. Ainsi une manifestation aura lieu samedi 25 mars à Sarrebourg, en Moselle.

Vous pouvez télécharger le tract d’appel ici.

 

Voici le manifeste du Collectif Citoyen Solidarité Migrants Languimberg :

« Collectif citoyen « Solidarité Migrants Languimberg »
D’ici, de là, d’ailleurs…

Ils étaient arrivés, ils étaient sauvés croyaient-ils … ! L’Europe allait leur ouvrir grandes ses portes. Et la France, grande sœur du Droit d’asile, et mère de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen…

Ils ont parcouru les déserts, franchi les montagnes, traversé les mers ; subi la persécution des talibans, l’oppression de régimes dictatoriaux, la misère, le désespoir, la faim, tous les outrages, les tortures, connu les geôles libyennes, affronté tous les dangers, simplement mus par l’espoir d’une vie meilleure, d’une vie, tout simplement… et donc, enfin, ils y étaient …. Presque !

Numérotés, code-barrés, saisis dans le grand ordinateur, ballottés, embarqués dans des autobus et, pour une cinquantaine d’entre eux, déposés au fil des évacuations de camps, dans un petit coin de forêt du pays de Sarrebourg, au Relais des Étangs de Languimberg en Moselle.

Ils ont quitté nos journaux télévisés, défaits, âbimés par tant d’épreuves, mais éclatant d’humanité, fragiles et forts à la fois.

Ils sont sortis des listes, ils sont Najib, Mohamed, Shazaly, Awad, Saeed, Philip, Djibo. Ils sont de chair et de sang, et ils sont beaux ! Welcome to Languimberg !
Nous, citoyens de tous horizons, nous bénévoles et aidants du centre, sommes heureux de les connaître et les côtoyer. Bravo pour leurs efforts pour apprendre le français, merci à eux de nous sourire à chacune de nos rencontres même quand le cœur n’y est pas ! Merci d’être venus !
Alors, aux autorités, qui souhaitent les chasser de France, nous rappelons que la France, c’est aussi nous, petits Lorrains perdus mais bien enracinés dans nos campagnes, collectif fait de citoyens de tous horizons et prêts à entrer en résistance afin que la bienveillance et l’humanité prévalent sur les règlements iniques visant, en vertu du règlement de Dublin, à expulser ces réfugiés vers le pays d’Europe par lequel ils sont entrés. Est-il digne pour le pays des Droits de l’Homme d’oeuvrer à renvoyer ces personnes vers l’Italie, Malte, et autres pays d’Europe déjà submergés et auxquels les moyens manquent, qui n’en veulent pas, qui n’en peuvent plus ?
Aussi, par soucis d’équité et d’humanité, nous demandons l’extension à TOUS les hommes, femmes et enfants dits « dublinés » et issus des autres camps de fortune que la France compte ou a compté, des promesses de B. Cazeneuve faites aux migrants évacués de Calais, et confirmées par la circulaire Le Roux du 22/02/2017 …et réclamons que les demandes d’asile de TOUS NOS migrants soient examinées en France. Bien entendu, nous pensons en particulier à certains de nos protégés de Languimberg, évacués le 08 novembre 2016 du camp du Blida à Metz, Moselle .

Car oui, à Languimberg, Moselle, plusieurs de NOS migrants sont déjà assignés à résidence !
Notre nation aurait à s’enorgueillir de veiller à l’intégrité physique de ces êtres humains venus chercher refuge et asile sur notre sol. Et qui seront une force vive pour notre pays !

D’ailleurs, qui peut croire qu’après tant dépreuves, un tampon au bas d’un bout de papier suffira pour que ces damnés du monde rentrent …chez eux ? Ce « chez eux » quitté au péril de leurs vies ?
Mesdames et Messieurs les décideurs, Élus, Préfets de la République, Ministres, Président, présidents-candidats, SOYEZ GRANDS !
Collectif Citoyen « Solidarité Migrants Languimberg » B.P. 20 Abreschviller 57560

Facebook : « Nos Migrants de Languimberg » https://www.facebook.com/Nos-Migrants-de-Languimberg-502240600165650/

Mail de contact : nosmigrants-languimberg@gmx.fr

site Web : http://nosmigrantsdelanguimberg.com/ »

 

Paul Klee : Veste rouge.

Quand la rétention des « dubliné-e-s » est illégale en France

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Quand une juridiction nationale a un doute quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, elle adresse une question préjudicielle, c’est-à-dire une demande de clarification, à la Cour de Justice de l’Union Européenne. C’est ce qu’a fait la Cour de cassation de la République tchèque à propos du placement en rétention de personnes en procédure Dublin (procédure de détermination du pays responsable d’une demande d’asile et de renvoi de la personne demandant l’asile vers ce pays) : les critères permettant ce placement en rétention doivent-ils être déterminés par une loi, ou d’autres voies participant à l’élaboration du droit comme la jurisprudence des tribunaux sont-elles également possibles.

La réponse de CJUE, s’appuyant sur le règlement Dublin III, mais également sur les garanties de la Charte des droits fondamentaux et de Cour Européenne des Droits de l’Homme en matière de libertés individuelles, clarifie qu’il faut « une disposition contraignante de portée générale », c’est-à-dire une loi ou l’équivalent selon le système juridique des différents États.

Cette réponse n’est pas seulement valable pour la République tchèque, mais aussi pour tous les pays de l’Union européenne.

Hors la France n’a pas adopté de loi définissant les critères permettant le placement en rétention administrative des demandeur-se-s d’asile en procédure Dublin. Leur enfermement dans les centres et locaux de rétention administrative est donc illégal. Le parlement étant en vacances jusqu’à la fin du mois de juin en raison des élections présidentielle et législatives, il n’y aura de toute façon pas de modification de la loi au moins jusqu’à cette date.

Et en attendant, plus vite les avocat-e-s, souvent commis-es d’office, les associations apportant un soutien juridique dans les centres de rétention qui préparent souvent le travail des avocat-e-s, les juges, tribunal administratif en cas de contestation de la décision de placement en rétention, juge des libertés et de la détention pour le contrôle de sa légalité, plus vite les demandeur-se-s d’asile en procédure Dublin que des préfecture peu scrupuleuses auraient placé-e-s en rétention en seront libéré-e-s.

N’hésitez donc pas à faire circuler l’information auprès des personnes concernées.

Voici la réponse de la CJUE :

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text&docid=188907&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir&occ=first&part=1&cid=576409

et une analyse de ses effets en droit français :

http://www.editions-legislatives.fr/content/transferts-%C2%AB-dublin-%C2%BB-la-r%C3%A9tention-administrative-hors-la-loi

 

Marc Chagall : La Flûte enchantée.

Expulsions : Fahrad en sursit, Mohammed expulsé au Soudan

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Fahrad, qui devait d’être expulsé lundi dernier pour la Norvège dans le cadre du règlement Dublin III qui a pour fonction de déterminer le pays européen responsable d’une demande d’asile, et risquait de là d’être expulsé vers l’Afghanistan, a refusé d’embarquer. Une centaine de personnes s’étaient mobilisées à l’aéroport contre son expulsion. Il n’a donc pas été expulsé, mais il est toujours enfermé au centre de rétention du Mesnil-Amelot, juste au bord des pistes de l’aéroport de Roissy – Charles De Gaulle. Précisons d’autres personnes renvoyées vers la Norvège dans les mêmes circonstances y avaient été placées dans un centre pour préparer leur expulsion, sans accès à un soutien juridique indépendant, et avaient été expulsées vers l’Afghanistan en quelques jours, sans pouvoir déposer de recours. Peut-être va-t-il par contre bénéficier du récent arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne déclarant illégal au vu du règlement Dublin III le placement en rétention de demandeur-se-s d’asile sans motivation précise (voir ici et ).

Mohammed Moussa, qui était lui aussi enfermé au centre de rétention du Mesnil Amelot, a lui été expulsé vers le Soudan hier jeudi. Selon certains témoins, il était dans un état léthargique au moment de son embarquement, ce qui signifierait que des somnifères lui auraient été administrés, empêchant toute résistance.

Ce n’est pas la seule pratique déloyale concernant son expulsion. Il avait reçu au centre de rétention la visite de personnes se présentant au nom d’une soit-disant « organisation humanitaire », et c’est suite à cette visite que l’ambassade du Soudan a délivré le laissez-passer nécessaire à son expulsion. Deux autres personnes elles aussi arrêtées à Calais et expulsées au Soudan à partir du centre de rétention de Oissel, près de Rouen (voir ici et ), avaient rencontré alors qu’elles étaient encore au commissariat de la police aux frontière à Calais des représentants d’une soit-disant « organisation humanitaire américaine ». Ceci témoigne de la collaboration étroite entre la police française et les autorités soudanaises en vue de faciliter les expulsions.

D’autres personnes sont enfermée au centre de rétention du Mesnil-Amelot en vue de leur expulsion vers l’Érythrée, l’Irak, la Somalie, ainsi que des personnes malades qui risquent d’être renvoyées dans un pays où elles n’auront pas accès au traitement dont elles ont besoin :

http://www.lacimade.org/exiles-de-pays-en-crise-ou-gravement-malades-en-instance-dexpulsion-au-mesnil-amelot/

 

Guerre des repas à Calais : l’État prend la suite de la municipalité

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Face aux arrêtés pris par la mairie de Calais pour interdire les distributions de repas aux exilé-e-s à la périphérie de Calais, des distributions de nourritures avaient commencé ce lundi à l’extérieur du hangar Paul Dévot, près du centre de Calais (voir ici et ). Par ailleurs un recours en référé (procédure d’urgence) a été déposé lundi soir et doit être audiencé demain jeudi au tribunal administratif de Lille.

Les distributions de lundi et d’hier mardi soir se sont bien passées, sous l’œil plus inquisiteur le premier jour, plus distant le second, d’un fourgon de CRS et d’une voiture de la police municipale.

Ce soir, le hangar Paul Dévot était entouré de fourgons de CRS et de voitures de police, des personnes des associations qui s’approchaient ont été contrôlées, la distribution n’a pas pu y avoir lieu, il y avait ont dit les policiers une réquisition du procureur (donc en principe pour des contrôles d’identité, et on serait intéressé pour la voir et savoir comment le procureur motive des contrôles d’identité qui visent à empêcher que des gens mangent).

La distribution a eu lieu un peu plus loin, devant l’ancien Bureau Calaisien de la Main d’Œuvre, qui était aussi le lieu de mise à l’abri des exilé-e-s dans le cadre du plan grand froid entre 2007 et 2014, et que la mairie de Calais aujourd’hui laisse à l’abandon comme de nombreux bâtiments dont elle est propriétaire.

En fin de distribution, des fourgons de CRS se déploient et un contrôle d’identité est annoncé au mégaphone (sur quelle base légale ?) Deux exilés ne s’enfuient pas, un mineur, et un adulte qui a le bras en écharpe et ne peut pas courir. Tous deux sont embarqués par la BAC (Brigade Anti-Criminalité – il est donc criminel de manger). Et les bénévoles sont contrôlé-e-s avant d’être laissé-e-s libres d’aller et de venir.

C’est ainsi qu’il en va à Calais, de Calais à la Roya via Paris, tout au long du corridor d’inhospitalité d’État qui va de la frontière italienne à la frontière britannique – et après sur tout le territoire ?

En tout cas, toujours nous serons là.

 

Paul Signac : Petit déjeuner.

Alerte : expulsion pour le Soudan prévue demain

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Comme nous l’avons signalé, l’expulsion de Mohammed Moussa vers le Soudan est prévue demain.

Il doit être embarqué demain par le vol Qatar Airways pour Doha de 9h25 du matin à l’aéroport Charles de Gaulle, terminal 1.

Un appel à rassemblement sur place de 7h à midi commence à circuler :

https://www.facebook.com/events/1898853833682982/

 

Voici le témoignage qu’il a livré au collectif La Chapelle Debout pour qu’il soit publié :

https://www.facebook.com/notes/collectif-la-chapelle-debout/est-ce-que-vous-me-renvoyez-pour-mourir-rendez-moi-ma-libert%C3%A9/442499966082946

« Est-ce que vous me renvoyez pour mourir ? Rendez-moi ma liberté »

Aujourd’hui nous nous sommes entretenus avec Mohamed Moussa actuellement enfermé depuis 43 jours au Mesnil Amelot et expulsable via Doha avec la compagnie Qatar Airways par le vol de 9h25 ce jeudi 16 mars 2017, un jour avant la fin de sa détention.

Stoppons l’ expulsion de Mohamed Moussa et celles de tous.tes les autres

« J’étais commerçant. Je vendais des produits alimentaires entre le nord du Darfour et le sud d’où je viens (Nyala) au Soudan.

Je vendais du sucre, de l’huile, de la farine, du thé, de la sauce tomates et même du Coca et du Pepsi. Parfois, je vendais aussi des vêtements comme des pantalons quand il y en avait. Deux fois par mois je prenais les transports en commun pour faire la navette entre le Nord et le Sud.
J’avais hérité d’un petit pécule pour faire ce buisness. Il venait pour partie de l’héritage après la mort de son père, qui était aussi commerçant et qui possédait un petit supermarché.

J’ai 30 ans et suis l’aîné d’une famille de 5. Il y a mon frère Amjad, 26 ans, et j’ai trois petites sœurs : Majda (24 ans), Mahla (22 ans) et Maissa (11 ans).

Mon père est mort tué par la guerre et les Janjaouid à côté de Chiria. »

Il faut savoir que Mohamed est Zaghawa. Ce groupe ethnique représente 6 % de la population du Soudan et il est ciblé et persécuté notamment par le gouvernement soudanais[1].

C’est avec ce même gouvernement que la France et l’Union Européenne signent des « accords de coopération » dans lesquels les uns donnent de l’argent ou font des « allégements de dette » quand les autres s’engagent à bien contrôler leur ressortissants et leurs frontières.

« Un jour alors que je revenais voir ma mère qui était malade, je me suis fait attraper par une milice qui m’a amené dans un dépôt à côté d’une voie ferrée près de Nyala. De là, j’ai été transféré dans une prison à 15 km de la ville où je suis resté pendant 10 mois. Je ne souhaite pas me souvenir ni parler de ce qui s’est passé là-bas. Cette partie de ma vie était très dure, noire. On était en 2012.

« Suite à l’intervention de mon oncle, des miliciens parmi ceux qui m’enfermaient sont venus me voir et ils m’ont annoncé qu’ils me laisseraient sortir à la condition expresse que je quitte ma terre du Darfour. Je suis donc parti pour Al Fashir, puis je suis entré en Libye.

Là, après avoir fait divers petits boulots, j’ai travaillé comme ouvrier agricole dans un champ pour un patron qui m’hébergeait, de 2013 à 2015. Malgré la guerre j’aurais pu rester là si je n’avais pas eu d’autres problèmes. Par deux fois des membres de milices et de bandes armées sont venues racketter la ferme, je me suis fait menacer car je n’avais pas d’argent, insulter, et maltraiter. J’ai été menacé de mort : « on va te tuer sale étranger », m’ont-ils dit. Plusieurs fois je suis allé voir mon patron qui m’a répondu : « c’est comme ça, je ne peux rien faire ».

En septembre 2016 dernier, j’ai donc pris un petit bateau.

J’ai payé 1000 dinars lybiens. J’ai voyagé dans la cale vu que je n’avais pas payé beaucoup d’argent. Nous étions 110 personnes entassées pendant 11h, après quoi nous nous sommes fait accoster par un autre bateau plus grand dans lequel nous sommes restés deux jours avant d’arriver en Italie.

J’ai réussi à ne pas laisser mes empreintes en Italie.

Je suis arrivé à Paris en octobre dernier et j’ai passé 5 jours à la Chapelle à dormir dans la rue. En face du Camp. Je voulais me reposer mais ce n’était pas possible. Plusieurs personnes m’ont conseillé là-bas de partir pour Calais car c’était plus simple pour les démarches, plus rapide et qu’il y avait des organisations qui aidaient les éxilé.es.

Le 31/01, il me restait deux euros dans la poche et j’avais faim.

J’ai « fait des courses » et je me suis assis dans un parc public pour manger.

La police est venue le voir et ils m’ont demandé mes papiers.

Je ne comprenais rien [Mohamed ne parle pas français et très peu anglais]. Ils m’ont embarqué au commissariat et là-bas on m’a donné un papier. J’ai refusé de signer car je ne comprenais pas ce qui était écrit [c’était une Obligation de Quitter le Territoire Français].

Du commissariat j’ai été amené dans un deuxième centre « Paris Charles de gaulle ».

C’est là que j’ai voulu faire une demande d’asile mais on m’a dit que c’était trop tard.[2]
En tout je suis passé cinq fois devant le juge. J’avais des traducteurs différents à chaque fois mais très souvent je ne comprenais pas ce qu’ils me disaient car nous ne parlions pas le même arabe.

Au tribunal on me reprochait à chaque fois de ne pas avoir demandé l’asile dès mon arrivée. J’ai pourtant dit que je n’ai pas pu le faire ne sachant ni où aller et ne connaissant ni la langue ni les institutions.

Fin février, le 22 si je me souviens bien la police de la prison est venue avec 4 personnes soudanaises. Je ne sais pas pourquoi ils sont venus me voir. La police ne m’a rien expliqué.

Les soudanais m’ont dit qu’ils faisaient partie d’une organisation humanitaire qui aide les exilé.es. Ils avaient l’air bizarres c’est pour ça que je suis resté méfiant et surtout plutôt silencieux.

Du fait de mon attitude ils ont mis fin à la discussion et on m’a ramené dans ma cellule[3]

Ils ont déjà voulu m’expulser le 24 février mais ils ne pouvaient pas car il n’y avait pas de papier de l’ambassade.

Si je reviens au Soudan, les milices me tueront. Je ne peux pas rentrer !

De plus ma tribu est perçue comme opposante au régime.

Est-ce que vous me renvoyez pour mourir ? Rendez-moi ma liberté et laissez-moi commencer mes démarches. Emprisonné je ne peux rien faire. Je suis Darfouri et menacé de mort !

Comment voulez-vous que je fasse des démarches alors qu’il me faut du temps pour comprendre comment faire, connaître et savoir où aller?!

Je précise que l’attitude de la police est incorrecte et qu’à aucun moment je n’ai eu un traducteur qui parlait ma langue, mes droits ont été violés.

Je n’ai pas trouvé la justice que j’espérais en France. Dommage. »

[1] http://www.refworld.org/docid/54f04…

[2] Il s’agit du centre de rétention du Mesnil Amelot.

[3] Normalement on présente les migrant.es aux ambassades dont ils dépendent. Elles doivent reconnaître le ressortissant et délivrer un laissez passer consulaire pour qu’ils ou elles puisse être expulsé.es.
On notera donc la nouveauté puisque ici la police et l’administration travaillent mais dans la main avec l’ambassade. Tout est bon pour déporter.
Nous ajoutons que si visiblement l’accès au CRA est facile pour le gouvernement soudanais.es, ce n’est pas la même chose pour les citoyen.ness, les médecins ou les avocat.es et que même les associations agréées par l’Etat.En effet, elles sont très strictement contrôlées et surtout limitées dans leur prérogatives. »

 

 

Comme un recommencement

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Pour les personnes qui ont connu Calais avant la création du bidonville sous la pression des pouvoirs publics en mars – avril 2015, la scène a un air familier. Le quai de chargement des camions, abrité par un auvent, du hangar Paul Dévot a été l’un des lieux de distributions de repas jusqu’à ce que les pouvoirs publics concèdent un lieu aménagé rue de Moscou, en 2009. Puis à nouveau de manière occasionnelle après l’évacuation du lieu aménagé pour la distribution des repas occupé par les exilés le 2 juillet 2014. L’autre lieu de distribution était un terrain vague quai de la Moselle, qui n’est plus praticable puisqu’un bâtiment y est en cours de construction.

C’est au hangar Paul Dévot que les associations ont décidé d’organiser la distribution de repas hier soir, en réponse aux arrêtés municipaux les interdisant dans différents secteurs de la ville. Des personnes de tous les horizons de la solidarité avec les exilé-e-s sont venues, au-delà des divergences qui ont été fortes ces deux dernières années, dans une unité au moins provisoirement retrouvée.

À des personnes plus anciennes à Calais, la situation rappelle sans doute la période qui a suivi la fermeture du Centre de Sangatte à l’automne 2002, quand il a fallu remettre en place sous le harcèlement de la police une solidarité répondant aux besoins de base, manger, se laver, se vêtir. À défaut d’avoir ne serait-ce qu’un abri, à défaut de pouvoir accéder à ses droits fondamentaux.

 

Salomon Koninck : Philosophe au livre ouvert.

Mort suite à une tentative de passage

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Un exilé afghan est mort suite à une tentative de passage ce samedi. Il avait sauté d’un camion qui allait dans la mauvaise direction, et a perdu connaissance en tentant de rejoindre le camp de réfugié-e-s de Grande-Synthe, près de Dunkerque.

http://www.lepharedunkerquois.fr/fait-divers/grande-synthe-un-afghan-de-20-ans-decede-apres-une-ia685b0n201641

Il s’agit du deuxième décès à la frontière depuis le début de l’année. Le 21 janvier, Johnsina est mort écrasé sur l’autoroute à proximité de Calais.

 

La CNCDH interpelle le premier ministre

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La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) est une autorité indépendante dont le rôle est de conseiller le parlement et le gouvernement pour tout ce qui concerne les droits fondamentaux et les libertés publiques. Elle exprime principalement ses positions par des avis et des rapports.

Lorsque la présidente de cette institution sort de ce cadre pour interpeller directement le premier ministre, c’est pour marquer la gravité de la situation.

Elle l’a fait par une lettre datée du 24 février et rendue publique par la CNCDH, soulignant la gravité de la situation d’abandon dans laquelle sont laissé-e-s les exilé-e-s, dont de nombreux-ses mineur-e-s ainsi que les entraves, intimidations et poursuites auxquelles sont confrontées les personnes solidaires, tant à Calais qu’à la frontière franco-italienne.

Elle demande par conséquent au premier ministre de revoir les arbitrages politiques qui ont conduit à cette situation.

Vous pouvez lire la lettre de la présidente de la CNCDH au premier ministre ici :

http://www.cncdh.fr/fr/publications/lettre-de-la-presidente-concernant-la-situation-des-migrants

http://www.cncdh.fr/sites/default/files/courrier_pm_-_migrants_-_24.12.17.pdf

 

 

Alerte : risque d’expulsion vers le Soudan

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Monsieur M. a été arrêté à Calais le 31 janvier dernier. Une Obligation de Quitter le Territoire Français a été émise à son encontre avec comme pays de destination le Soudan. Il a été transféré au centre de rétention du Mesnil Amelot, près l’aéroport de Roissy – Charles De Gaulle, où il est actuellement enfermé.

Bien qu’il n’ait pas pour l’instant été présenté aux autorités consulaires du Soudan pour être identifié et pour qu’elles émettent le laissez-passer nécessaire à son expulsion, un vol a été réservé pour son expulsion jeudi 16 mars sur un avions de la compagnie Qatar Airways, qui participe généralement aux expulsions vers le Soudan. Le 16 mars est son avant-dernier jour de rétention, dont la durée maximale est de 45 jours, et il devrait sans cela être libéré le lendemain.

 

Ce que vous pouvez faire :

Interpeller le ministre de l’intérieur pour demander de stopper l’expulsion :

sec.immigration@interieur.gouv.fr

Écrire un message ou téléphoner au préfet du Pas-de-Calais, Fabien Sudry, auteur de la décision d’expulsion, pour lui demander de l’annuler :

formulaire de contact : http://pas-de-calais.gouv.fr/Contactez-nous

Téléphone : 03.21.21.20.00

E-mail : fabien.sudry@pas-de-calais.pref.gouv.fr

La compagnie Qatar Airways, auprès de laquelle sont réservés les vols pour les expulsion. Vous pouvez téléphoner à son agence de Paris ou vous y rendre pour expliquer courtoisement votre point de vue sur leur participation à ces expulsions.

http://www.qatarairways.com/fr/fr/contact-us.page

Qatar Airways, Agence de Paris, 19 rue de Ponthieu, 75008 Paris, France, 01 43 12 84 40

Vous pouvez aussi l’interpeller sur facebook : https://www.facebook.com/qatarairways

Pour argumenter, vous pouvez vous baser sur les constatations d’Amnesty International :

https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/france-deux-personnes-bientot-renvoyes-dans-un-pays

https://www.amnesty.org/fr/countries/africa/sudan/report-sudan/