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Après le festival d'Angoulême, les 5 mangas que je vous invite à lire

Que lire sous la couette pour supporter la fin de l'hiver un peu trop rude cette année? Et pourquoi pas des BD asiatiques?

30/01/2017 07:00 CET | Actualisé 30/01/2017 09:55 CET
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Peut-être que l'édition du Festival d'Angoulême qui vient de se terminer vous a donné envie d'acheter des bandes dessinées. Que lire sous la couette pour supporter la fin de l'hiver un peu trop rude cette année? Et pourquoi pas des BD asiatiques? Par coïncidence, plusieurs coups de coeur de saison sont des mangas.

Voici donc cinq conseils de lectures en regardant vers l'Est.

  1. Yuko, par Ryoichi Ikegami (Japon), Delcourt

Delcourt

Ryoichi Ikegami est un auteur de manga connu chez nous pour son célèbre Crying Freeman, adapté au cinéma par le français Christophe Gans en 1996. Vingt ans plus tard, les éditions Delcourt publient Yuko un gros recueil de douze histoires inédites de l'auteur, initialement publiées entre 1991 et 1999 au Japon dans le bimensuel Big Comic. Trois d'entre elles sont des adaptations d'histoires classiques de la littérature japonaise du début du XXe siècle, les neuf autres étant des nouvelles originales d'Ikegami dans le même esprit. Si l'on reconnaît au premier dessin le trait magnifique du mangaka (un auteur hélas disparu des radars), on est surpris de le retrouver dans un style bien éloigné des thrillers qui ont fait sa réputation. La plupart des nouvelles traduites ici racontent des histoires d'amour souvent sacrificielles, ou des histoires de sexe utilisé comme un instrument de pouvoir et de domination. Cette anthologie vénéneuse et étonnante se révèle indispensable à l'amateur de manga adulte et de qualité. Un deuxième volume devrait suivre. Réjouissant!

2. Une femme de Shôwa, par Kazuo Kamimura et Ikki Kajiwara (Japon), Kana

Kana

Kazuo Kamimura est le maître absolu du gekika, ce genre de manga social et très littéraire destiné aux adultes. Disparu bien trop jeune en 1986, il laisse une oeuvre colossale (Kamimura dessinait jusqu'à 400 planches par mois) qui fait depuis quelques années l'objet d'un retour en grâce, notamment grâce au travail remarquable de l'éditeur Kana qui a traduit en français quelques mangas extraordinaires: La Plaine du Kantô, Lorsque nous nous aimions, Folles Passions ou Le club des divorcés. Le festival d'Angoulême vient également de rendre hommage à Kazuo Kamimura avec une exposition magnifique qui le place enfin au niveau des plus grands. Pour accompagner cet hommage, Kana publie un inédit: Une femme de Shôwa. Ce titre dessiné par Kamimura n'est pas scénarisé par lui (tout comme son manga le plus connu: Lady Snowblood, qui inspira à Quentin Tarantino l'histoire de Kill Bill), mais par Ikki Kajiwara.

Réquisitoire implacable contre les violences faites aux femmes, Une femme de Shôwa est aussi un magnifique portrait sans manichéisme d'une jeune fille à qui la vie ne fait aucun cadeau, et qui n'en fait pas non plus à celles et ceux qui lui portent préjudice. L'ouvrage démarre à la fin de la Seconde guerre mondiale pendant les terribles bombardements des forces alliées, et se termine quelques années plus tard un peu abruptement, en raison de l'arrêt prématuré du magazine dans lequel l'oeuvre fut à l'époque publiée. Si le travail éditorial semble cette fois un peu léger (l'introduction traduite du japonais vante la qualité des pages en couleur tandis que le livre français est intégralement en noir et blanc, c'est un peu frustrant), Une femme de Shôwa compte parmi les titres incontournables de Kamimura dont le dessin est ici toujours aussi élégant. Quant au scénario de Kajiwara, il est bien sombre et vous tirera sans doute quelques larmes. Bouleversant!

3. Charlie Chan Hock Chye, Une vie dessinée, Sonny Liew (Singapour), Urban Comics

Urban Comics

Charlie Chan Hock Chye, Une vie dessinée est une bande dessinée de Singapour assez stupéfiante, publiée sous la forme d'une autobiographie de l'auteur du même nom, né en 1938. Elle raconte en parallèle cinquante ans de carrière dans la BD et l'histoire politique et sociale du pays de son auteur, inspiration directe de ses récits. La quête de l'indépendance de Singapour et sa relation géopolitique avec les pays avoisinants constituent en effet la trame de tout l'album.

En réalité, l'autobiographie est complètement imaginaire et sert de prétexte à Sonny Liew (le véritable auteur) pour imaginer la vie de l'artiste dont il aurait rêvé pour son pays, tout en développant un propos très pertinent sur le média bande dessinée, exploré sous toutes les formes connues depuis les années 1950. Portrait d'artiste en jeune homme (puis en vieillard), Charlie Chan Hock Chye, Une vie dessinée est une démonstration virtuose et expérimentale d'un auteur multipliant les styles graphiques à travers des illustrations, des peintures, des strips, des croquis et des publications fictives. Dans un style graphique mutant évoquant aussi bien Osamu Tezuka qu'Art Spiegelman, Daniel Clowes ou Chris Ware (Sonny Liew a travaillé aux Etats-Unis où il a même été nommé pour un Eisner Award), Liew dispense ici une véritable leçon à ses contemporains. Le livre est d'ailleurs le premier ouvrage dessiné à avoir obtenu le Singapore Literature Prize (équivalent du Goncourt dans son pays). Brillant!

4. Bungô Stray Dogs, Kafka et Harukawa 35 (Japon), Ototo

Ototo

Bungô Stray Dogs est déjà connu des fans français de japanimation puisque l'adaptation animée de ce manga aura été diffusée chez nous sur Crunchyroll avant la publication des livres. Au Japon où le onzième tome vient de paraître, le manga est un succès vendu à plus de 4 millions d'exemplaires. En France, les deux premiers volumes seront publiés simultanément le 2 février chez Ototo. On nage ici dans des eaux plus classiques avec ce seinen mêlant aventure, fantastique et action.

L'histoire tourne autour d'une agence de détectives pourvus de pouvoirs surnaturels aidant la police à résoudre des enquêtes sur des mafieux doués eux aussi de pouvoirs extraordinaires. Les références à la littérature japonaise sont nombreuses: chacun des héros porte le nom d'un auteur du XXe siècle, ses pouvoirs et sa personnalité se trouvant liés à l'œuvre de celui-ci. Les deux premiers tomes, sans révolutionner le genre, se lisent avec un grand plaisir. Bungô Stray Dogs démarre doucement et dévoile ses capacités de séduction dans son deuxième tome. Sans être épargnée par quelques facilités scénaristiques ni quelques clichés inhérents au genre, la série est sauvée par un dessin dynamique et tout en clair-obscurs. Divertissant!

5. Dead Dead Demon's Dededededestruction, Inio Asano (Japon), Kana

Kana

Inio Asano est un formidable auteur de manga dont le génie a été révélé par les deux tomes deLa fille de la plage, véritable chef d'œuvre publié en France par IMHO en 2015. Sa nouvelle série Dead Dead Demon's Dededededestruction est en cours de parution en France chez Kana, qui vient d'en sortir le deuxième tome. L'histoire: depuis trois ans, le ciel de Tokyo laisse voir un immense vaisseau extra-terrestre. Si les humains abattent de petits navettes spatiales qui en sortent sporadiquement, aucun contact n'a encore été établi avec les aliens. Mais après trois années de paix, l'envahisseur pourrait s'être secrètement infiltré au sein de la population. C'est en tout cas ce que semble cacher la propagande du gouvernement.

A la fois auteur et dessinateur, Asano signe ce qui semble après seulement deux volumes être déjà l'une des ses meilleures séries. Il développe une histoire touchante vue - comme souvent chez lui - à hauteur de deux adolescentes aussi insouciantes qu'on peut l'être à cet âge. La collision de leur quotidien banal avec un contexte de science-fiction fonctionne parfaitement. Grâce à sa galerie de personnages fragiles et émouvants, Dead Dead Demon's Dededededestruction est un manga intimiste étonnant qui doit plus à François Truffaut qu'à Katsuhiro Otomo, et dont l'histoire est focalisée sur les émois et la psyché des jeunes filles bien plus que l'invasion supposée d'extra-terrestres qui sert de toile de fond. Cette possible invasion est d'ailleurs plutôt à voir comme une métaphore des menaces fantômes susceptibles de détruire un pays bien au courant d'un danger immédiat de disparition mais endormi et incapable de faire face à ses responsabilités. Serait-ce une critique post-Fukushima du nucléaire? Non seulement la narration touche à la perfection, mais elle est servie par un dessin merveilleux et fourmillant de détails. Enthousiasmant!

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