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Maroc-États-Unis: quel partenariat stratégique face au défi de la sécurisation du Maghreb?

20/09/2012 07:10 CEST | Actualisé 06/10/2016 00:48 CEST

MAROC - Hasard tragique du calendrier, c'est après un événement terrible -l'assassinat de l'ambassadeur américain en Libye- que le Maroc et les Etats-Unis ont franchi une nouvelle étape importante de leur parcours commun en amorçant un pacte stratégique à Washington ce jeudi 13 septembre.

L'évènement, soigneusement négocié depuis de nombreux mois, constitue en réalité le prolongement naturel de l'histoire partagée du Royaume et de l'Amérique.

2012-09-19-800pxScene_at_the_Signing_of_the_Constitution_of_the_United_States2.jpgMaroc - États-Unis: un longue histoire commune

Celle-ci a démarré par un acte de courage politique effectué il y a plus de deux cent ans par le sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah, qui reconnu les Etats-Unis indépendantes en leur ouvrant les ports marocains en 1777, préfigurant ainsi le traité de paix et d'amitié entre les deux pays, ratifié par le congrès US en 1786.

Au delà de la légitimité historique de ce partenariat se sont par la suite greffées des relations de confiance et de collaboration, qui aboutissent en 2012 à un nouvel instrument bilatéral de coopération politique et stratégique. Ce dernier correspond à un agenda commun dicté à la fois par la géopolitique et les intérêts des deux parties.

Géopolitiquement, le Maroc représente un allié de taille

En effet, le Maroc est considéré par les américains -à juste titre- comme un "laboratoire" en termes de dialogue interculturel et interreligieux, un lieux unique dans le monde arabe, où la recherche du vivre-ensemble et du consensus ont toujours été placées au dessus des autres considérations, et ce, quelles que soit les prégnances dictées par la conjoncture.

De surcroit, le Maroc a traversé le "printemps arabe" avec une certaine intelligence, préférant au "chaos constructif" la voie plus douce mais tout aussi ambitieuse de la transformation démocratique, dont nombre de jalons avaient été disséminés dès la fin des années 90, ce qui fait du Royaume un partenaire solide dans une région perturbée.

Un pays stable, mais pas forcément calme

Cependant, au delà de l'argument de la stabilité du pays -souvent avancé- cette solidité ne signifie pas pour autant que la contestation, notamment émanant de la jeunesse, n'aie pas été vivace au cours de ces derniers mois.

Cette voix dissonante est même devenue, en partie, constitutive d'une dynamique de changement, notamment dans la relation du citoyen au politique. Elle a ainsi favorisé l'émergence d'une ligne irrévocable du Maroc en faveur des droits de l'homme et permis la sanctuarisation d'un certain nombre d'acquis dans la nouvelle constitution de 2011.

Un manque de démocratisation qui pourrait poser problème

Cela ne signifie pas non plus que le processus de démocratisation du Maroc soit arrivé à son terme ou qu'il suivra une courbe linéaire ascendante.

En effet, la construction d'une démocratie vivante suppose une remise en question permanente, de même qu'une vigilance de tous les instants face aux tentatives de confiscations d'espaces de libertés par ceux qui souhaitent flatter les extrêmes de l'opinion publique, bien que les marocains semblent très attachés à leur identité particulière.

Or, c'est précisément parce que les Etats-Unis sont un allié cher du Maroc -certains diraient un ami- qu'ils seront en capacité d'aider le pays à conserver sa vigilance, voire à la renforcer si certains venaient à vouloir dévoyer "une certaine idée du Maroc", empreinte de tolérance et de respect de la différence.

Une amitié durable, de grands projets à long terme

C'est donc un témoignage d'une confiance renouvelée qui intervient à ce moment crucial de l'histoire du Maghreb, puisqu'américains comme marocains sont engagés ensemble et solidairement dans le grand chantier de la sécurité durable de la région; dont l'importance vient malheureusement d'être rappelée cruellement par l'attentat de Benghazi.


Attaque du consulat américain en Libye...par BFMTV

A cet égard, il n'est pas anodin que le Maroc et les Etats-Unis aient des vues convergentes sur les objectifs stratégiques à atteindre en matière de sécurisation de la zone Mena, et que le deux partenaires aient choisi d'approfondir leur alliance pour parvenir à ces fins.

En effet, au delà de la zone Mena, le Maroc, comme les Etats-Unis, ont un autre défi à relever: celui de l'accompagnement du Sahel pour lui permettre de sortir des tenailles d'AQMI et des autres groupes terroristes. De part ses liens civilisationnels avec le Sahel, le Maroc, est en effet un acteur incontournable, en capacité de jouer un rôle d'aplanissement des conflits dans la zone.

Conscient que la stabilité du monde est en jeu si le Sahel continue de basculer peu à peu dans les ténèbres, les américains sont en effet conscients qu'il est nécessaire d'agir vite et d'associer tous les acteurs concernés et intéressés par le sort de la région.

C'est pourquoi, enfin, le pacte stratégique signé à Washington par Hillary Clinton et le ministre marocain des affaires étrangères n'a omis aucune des quatre dimensions qui font l'essence des relations bilatérales entre l'Amérique et la façade occidentale du Maghreb: le politique, le culturel, le sécuritaire et l'économique. De ces quatre dimensions devrait sortir plus qu'un pacte bilatéral rénové: un véritable partenariat d'avenir.

Ce ne serait là, après tout, que le rééquilibrage naturel de la politique atlantique du Maroc, qui, forte de 223 années expertise, peut légitimement prétendre désormais à l'âge de raison.