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Le cimentier franco-suisse Lafarge prêt à participer à la construction du mur de Donald Trump

Ce mur "anti-clandestins" entre le Mexique et les États-Unis est l'une des promesses phares du président américain.

09/03/2017 08:02 CET | Actualisé il y a 16 heures
AFP
Le cimentier franco-suisse Lafarge prêt à participer à la construction du mur de Donald Trump

INTERNATIONAL - Que choisir entre un contrat juteux et le risque d'un blâme? Lorgnant sur le colossal programme de travaux publics en préparation aux Etats-Unis, le groupe franco-suisse LafargeHolcim se dit prêt à vendre son ciment pour le mur anti-clandestins promis par Donald Trump, assure son PDG dans un entretien à l'AFP.

Ce projet à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars, est au centre d'une crise diplomatique entre Mexico et Washington et suscite des critiques à travers le monde.

"Nous sommes prêts à fournir nos matériaux de construction pour tous types de projets d'infrastructures aux Etats-Unis", déclare Eric Olsen, le patron du géant du ciment, interrogé sur sa possible participation à ce chantier controversé. "Nous sommes le premier cimentier aux Etats-Unis (...). Nous sommes ici pour soutenir la construction et le développement du pays", justifie, en anglais, le dirigeant.

"Nous ne sommes pas une organisation politique"

Questionné sur les éventuelles conséquences sur la réputation du groupe, Eric Olsen insiste sur le fait que LafargeHolcim ne fait pas de politique. "Nous sommes ici (aux Etats-Unis) pour servir nos clients et répondre à leurs besoins. Nous ne sommes pas une organisation politique", défend le grand patron.

"Nous n'avons pas d'opinion politique", martèle-t-il, refusant par ailleurs de s'exprimer sur le financement indirect par Lafarge en 2013 et 2014 de groupes armés en Syrie, pays déchiré par un long conflit, pour maintenir en activité une des ses cimenteries.

Eric Olsen opposera une réponse identique au sujet d'une possible victoire de la candidate d'extrême droite Marine Le Pen lors de la future présidentielle française, alors que cette perspective inquiète de plus en plus les milieux financiers et d'affaires internationaux.

Mais cette décision n'est pas vraiment au goût du ministère français des Affaires étrangères. "Il faut que cette entreprise réfléchisse bien" a réagi Jean-Marc Ayrault, après les déclarations du patron de Lafarge. "Cette entreprise a déjà fait parler d'elle il y a peu de temps puisqu'elle a été accusée d'avoir financé Daech pour pouvoir continuer des activités en Syrie", a rappelé le ministre. "Je rappelle que les entreprises (...) ont aussi une responsabilité sociale et environnementale", a souligné le chef de la diplomatie française.

"Je l'appelle à ses responsabilités. Je n'ai pas de pouvoir", a ajouté le ministre français. Pour Jean-Marc Ayrault, la multinationale "devrait bien réfléchir à ses propres intérêts, parce qu'il y a d'autres clients dans le monde qui vont regarder cela avec une certaine stupéfaction".

Si ces positions sont de nature à valoir au groupe une mauvaise publicité et des remontrances des politiciens, notamment en Europe, l'impact matériel serait, lui, négligeable, car LafargeHolcim ne vend pas directement son ciment aux consommateurs. Il est ainsi à l'abri d'un potentiel boycott populaire comparable à celui subi par Uber après sa réaction timide au premier décret anti-immigration pris par le président américain fin janvier.

Egalement présent aux Etats-Unis, le cimentier irlandais CRH a pour sa part déjà fait savoir qu'il ne fournirait pas ses matériaux pour la construction du mur du président Trump, qui a signé le décret de lancement du projet de construction le 25 janvier.

Créations d'emplois

Les enjeux sont importants pour LafargeHolcim, né en 2015 de la fusion entre les cimentiers français Lafarge et suisse Holcim

L'entreprise espère être un des grands gagnants du programme d'investissements de 1000 milliards de dollars promis par Donald Trump pour rénover les infrastructures américaines (ponts, tunnels, routes, aéroports). Ce plan, dont l'annonce est imminente, devrait inclure la construction du mur frontalier, croit savoir la presse américaine.

"Il va y avoir une hausse importante des dépenses d'infrastructures", anticipe d'ores et déjà Eric Olsen, parlant des premiers effets sur les résultats de LafargeHolcim à partir de 2018. "Nous sommes bien placés pour tirer profit de ces investissements".

Le groupe, qui a renoué avec les bénéfices en 2016 après des pertes l'année précédente, devrait annoncer dans les prochaines semaines aux Etats-Unis des créations d'emplois, un sujet cher à Donald Trump, élu sur la promesse de rapatrier les emplois industriels sur le sol américain. "Je ne peux pas donner de chiffre exact mais ce sera important", avance Eric Olsen.

Autre élément qui pourrait séduire le président américain, qui martèle depuis des semaines sa stratégie de donner la priorité aux salariés, marchandises et entreprises américains: LafargeHolcim dispose de sites de production au Texas et des opérations dans le Nouveau-Mexique et en Arizona, soit trois des quatre Etats américains frontaliers du Mexique.

Le groupe vient par ailleurs de construire deux nouvelles usines dans le Maryland et l'Oklahoma et a ouvert de nouvelles capacités dans les Etats de New York et du Missouri, en prévision du redressement en cours du secteur de la construction.

Cette forte présence américaine pourrait faire pencher la balance de son côté face au cimentier mexicain Cemex, fortement pressenti pour emporter ce projet.

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