Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

2 Comments

Breitbart débarque à Paris pour la présidentielle

Breitbart débarque à Paris pour la présidentielle
mm

Breitbart, site web d’information conservateur, marque la campagne américaine par sa couverture presque dithyrambique de Donald Trump. Dans une conversation du mois dernier, Steve Bannon, son directeur général, nous a avoué avoir des projets très français. Mais qui, et surtout que se cache derrière Breitbart ?


 

« Nous pensons que la France est l’endroit où il faut être, nous confie Steve Bannon, président exécutif du site web conservateur Breitbart. Avec ses jeunes entrepreneurs, les femmes de la famille Le Pen… Marion Maréchal Le Pen est la nouvelle étoile montante. Nous cherchons à ouvrir un Breitbart Paris, voire un Breitbart France. »

Lorsque l’on entre sur son site, Breitbart affiche ses ambitions informatives. News Network, clame son onglet, alors qu’une page au long bandeau noir vous offre ses différentes rubriques : Big Hollywood, Big Government, Big Journalism s’alignent à côté du gros B orange. En dessous, les bureaux de Breitbart se déroulent, exposant la présence du groupe aux Etats-Unis (Californie, Texas) et dans le monde (Londres, Jérusalem). Et, peut-être, dans un futur proche, Breitbart Paris.

 

Une installation à Paris sous peu

 

Breitbart veut en effet poursuivre son expansion sur le continent, et voit dans les élections présidentielles allemande et françaises l’occasion idéale : « Les médias traditionnels considèrent les Américains comme isolationnistes, peu intéressés du monde extérieur, se moque Steve Bannon, président exécutif de Breitbart. C’est tout le contraire ! ».

Devant cet appétit de son lectorat pour les questions de « terrorisme » et des « Le Pen, ils sont fascinés ! », Breitbart envisage d’ouvrir un bureau à Paris : « S’il n’y avait pas eu la présidentielle américaine, nous nous serions déjà installés cet été ». L’objectif ? Une reproduction de la rédaction de Londres, avec une dizaine de journalistes, des contenus produits en Français et traduits en anglais pour leur audience américaine. Le but du groupe est donc double : capter l’intérêt américain pour les élections européennes et agréger dans son sillage une toute nouvelle audience franco-française.

Raheem Kassam, rédacteur en chef à Breitbart Londres, confirme avoir eu vent de ces projets : « Evidemment, il faudra un ou deux de nos journalistes pour former ceux installés en France. Mais Breitbart Paris devra recruter sa propre équipe de journalistes ». Il note, au passage, que les ambitions de Breitbart ne s’arrêteront pas à Paris : « Nous voulons avoir un bureau aux quatre coins du monde ». Comme Bannon, il rappelle que Breitbart lorgne également vers une installation prochaine sur le continent asiatique. Mais pour l’instant, la priorité reste avant tout l’Europe et la France.

Bannon clame que les bureaux parisiens de Breitbart s’installeront probablement avant mai 2017 :

 

« Nous voulons couvrir les élections présidentielles françaises, elles vont être historiques ! »

 

Un site dans la droite lignée du Drudge Report

 

Le site a été créé en 2007 par Andrew Breitbart, un éditeur et consultant conservateur. Breitbart, décédé en mars 2012 d’une crise cardiaque, était une figure contrastée de la scène internet américaine : « Il a aidé Matt Drudge avec le Drudge Report, explique Lloyd Grove, journaliste au Daily Beast. Il a contribué au développement du Huffington Post avec Ariana Huffington, et était même présent à son lancement ». « Il a vraiment travaillé pour les deux côtés », a-t-il ajouté.

 

Andrew Breitbart en 2009/ Source : Flickr, Shal Farley

Andrew Breitbart en 2009/ Source : Flickr, Shal Farley

 

Fort de ces expériences, Breitbart lance ensuite son propre site éponyme breitbart.com. A l’époque, il est un agrégat de dépêches d’agences de presse internationales, et se concentre surtout sur le showbiz avec sa chronique Big Hollywood.

 

« La politique n’est venue qu’après, raconte Bannon. Andrew pensait que l’on devait d’abord changer la culture avant de changer la politique ».

 

Une telle déclaration en dit déjà long sur les objectifs de la rédaction de Breitbart. Ceux-ci ne tardent en effet pas à se faire connaitre. Ils veulent être dans la droite ligne du Drudge Report, lancé en 1996, référence dans le coin d’internet passionné par les conservateurs et les membres du Tea Party. Plus encore, The Drudge est reconnu pour avoir révélé l’un des plus croustillants scandales sexuels de la politique américaine : l’affaire Lewinsky, en 1998. Mais là où le Drudge renvoie son visiteur vers des blogs et des articles souvent très à droite, Breitbart veut concevoir son propre contenu, et devenir une voix audible dans le débat conservateur américain. En 2009, s’ouvre Big Government, et en 2010 Big Journalism : « Nous voulons dire les histoires que les médias traditionnels ne couvrent pas », explique Breitbart à Mediaite. Il s’entoure pour cela de Michael A. Walch, ancien du Time Magazine.

En 2010, toutefois, le site connaît son premier scandale. Il publie une vidéo, fournie par un activiste conservateur, qui montre une officielle du Département de l’Agriculture défendre, dans un discours, le racisme anti-blanc. En quelques heures, la responsable est renvoyée, et l’histoire est propulsée sur les chaînes câblées. Mais peu de temps après, on découvre que la vidéo a été bidonnée, et que le point de vue exposé était en réalité le contraire de celui dévoilé dans la vidéo. Fox News, après avoir été un des premiers promoteurs du document, renvoie Andrew Breitbart de son poste de consultant. Première traversée du désert.

 

La succession Breitbart : entrée en scène de Steve Bannon

 

Steve Bannon sur Fox News, en 2013

Steve Bannon sur Fox News, en 2013

 

Mais le système médiatique étant garant de pardon, sinon d’oubli rapide, Breitbart revient rapidement sur le devant de la scène, son site avec lui. Une course interrompue par un accident inattendu :

 

« Andrew est mort d’une crise cardiaque à 42 ans, raconte Lloyd Grove. Il meurt, et la configuration de Breitbart a changé, et a été totalement prise par un intéressant individu : Steve Bannon. »

 

Steve Bannon, ancien banquier chez Goldman Sachs, producteur – il a financé le documentaire à charge contre les Clinton Clinton Cash – mais également hôte radio sur Sirius XM, est un personnage singulier. Joshua Green, journaliste chez Bloomberg, a fait son portrait en octobre 2015, et qualifie sa vie « d’une série de réinventions gastbyesques ». C’est sous sa direction que les bureaux de Breitbart au Texas, en Californie, mais aussi à l’étranger avec Londres et Jérusalem, ont été ouverts. Sous sa direction que le site est entré dans la campagne des primaires américaines, un trafic de 17 millions de visiteurs uniques par mois à son plastron, mais également de vieux relents de populisme et des soupçons de financement par le milliardaire Donald Trump.

 

Une production d’articles 24h sur 24, 7 jours sur 7

 

Il vante la production d’articles non-stop : « 24h sur 24, 7 jours sur 7 ». Ses journalistes doivent être de jeunes ambitieux, appartenant avant tout à la génération des millenials : « Les jeunes que l’on engage doivent être prêts à travailler constamment. Ils doivent accepter que Breitbart devienne leur vie ». Cette emphase sur la nouvelle génération tient évidemment à l’aspect numérique du site. Sur Twitter, Breitbart ne pèse pas lourd : 342 000 followers – contre 959 000 pour The Drudge. Mais c’est bien sur Facebook, véritable interface correspondant au site, que Breitbart regroupe une « communauté », comme aime à l’appeler Bannon : plus de 2 100 000 personnes ont cliqué « J’aime », et des milliers commentent régulièrement. Il cite un rapport de la société Newswhip observatrice des médias, qui a placé Breitbart au 14ème rang des contenus les plus partagés dans le monde, devant Yahoo.

 

« La large majorité des gens qui lisent Breitbart semblent être en total rejet de ce qu’ils appellent le status quo de Washington », commente Lloyd Grove.

 

Un site d’information populo-nationaliste

 

« Nous voulons être un site mondial d’information de centre-droit à la ligne populo-nationaliste », nous explique Steve Bannon. Il ne doute pas de sa ligne éditoriale, la répétant à l’envi, et explique que Breitbart est avant tout « un site d’informations, pas d’opinion ». Lorsqu’on lui demande pour quelle raison il assume des termes aussi peu reluisants et évocateurs que ceux de « populisme » et « nationalisme », Bannon s’insurge :

 

« Vous savez, ce que vous venez de dire, c’est simplement le discours de l’élite mondiale, aussi bien médiatique que politique. Je pense que nous sommes en train de casser ce mode depensée. La victoire du Brexit en est le plus brillant exemple ».

 

Pour lui, un tel développement couronne de succès la stratégie mise en place par Breitbart, qui laisse les commentaires s’auto-gérer, autant sur Facebook que sur le site. Il revient sur l’argument populiste qui semble être la matrice de tout son raisonnement : « C’est une démarche populiste. Nous voulons donner une voix aux gens ordinaires ». Ce « little guy », comme il l’aime à le surnommer, il en fait son fer de lance « Je peux vous assurer que tous les gens que j’ai à la radio et qui vont sur le site sont bien plus intelligents et distingués que les gens dans les médias, où ceux que j’ai pu fréquenter chez Goldman Sachs ». Qu’importe que plusieurs médias, dont Lloyd Grove, accusent Breitbart d’être un site abritant une majorité de néo-nazis et de suprémacistes blancs.

Derrière cette ambition d’être proche du peuple, de très près, l’habituelle hostilité du « système » et de l’establishment. Il égratigne aussi bien les médias anglais et américains que les français. Et ses cibles ne semblent pas être prises au hasard : « Il ne faut pas que le gens ne restent pas assis, passif, à regarder Canal + ou TF1, la BBC, Fox News, ou CNN. »

Pour lui, le succès de Breitbart (son traffic a augmenté de 120% depuis 2014) semble être avant tout idéologique. Une idéologie qu’il assène à coup d’un discours bien rodé entremêlant termes en « isme » et mise en scène digne d’une épopée épique :

 

« Je pense que nous vivons les derniers temps du combat entre l’élite globale et le populisme nationaliste. Le cercle médiatique a juste été trop feignant et trop stupide pour le comprendre. Nous construisons notre site entier sur ce raisonnement ».

 

Breitbart, accusé de financements occultes

 

Ce que Steve Bannon définit comme un « changement de paradigme » va selon lui aussi bien affecter la classe politique que les médias. Et pour lui, personne n’est aussi à même de porter les idées auxquelles Breitbart adhère que Donald Trump. Breitbart fait de la campagne ses choux gras, et a été accusé à répétition de n’être qu’une anti-chambre du milliardaire :

 

« Trump est un phénomène qui arrive très tard. Il donne de la voix à des questions qui étaient posées sur le site depuis très longtemps, comme celles de l’immigration ou encore des accords commerciaux ».

 

Bannon n’évoque évidemment pas les soupçons de financements venant du milliardaire qui planent sur Breitbart. Il n’a aucune raison de le faire, car en dépit d’un papier publié par Buzzfeed portant ces accusations d’après « des sources anonymes venant de la rédaction », le site n’a pas été inquiété par la justice. Tout juste Bannon admet-il recevoir de l’argent provenant des encarts publicitaires payés par Trump « mais ça, n’importe quel candidat peut le faire », contre-t-il.

Pourtant, plusieurs scandales liant Trump et Breitbart ont éclaté ces derniers mois, conduisant des journalistes du site à démissionner, certains répliquant qu’ils ne pouvaient approuver « sa propagande pro-Trump ». D’abord, en janvier, il y avait eu cette étrange déclaration de Matthew Boyle, journaliste à Breitbart, qui avait affirmé que si Donald Trump devenait président, il serait sans doute « nommé responsable de la presse à la Maison Blanche ». Devant le scandale, Boyle s’était rétracté, plaidant la boutade. Nous avons tenté de le joindre, mais il n’a pas répondu à nos sollicitations, nous renvoyant à son supérieur, Steve Bannon.

 

Le scandale Michelle Fields

 

Michelle Fields témoigne sur ABC.

Michelle Fields témoigne sur ABC.

 

Mais ce n’est qu’en mars que le scandale éclate réellement, prenant la forme d’une marque de main écarlate sur le bras diaphane d’une reporter. Michelle Fields, habituellement loin des sujets relatifs à Trump, a été envoyée à un de ses meetings. La jeune femme insiste pour avoir des réponses. Un homme l’en empêche en lui empoignant le bras. En sortant du meeting, Fields identifie l’individu comme étant Corey Lewandowski, responsable de campagne de Donald Trump. Breitbart publie une déclaration où ils admettent l’incident, mais refusent d’accuser ce dernier. S’en suit un long feuilleton d’une semaine où chacun place ses pions. Lewandowski nie, Breitbart le suit. Plusieurs médias se rangent derrière leur consoeur, Politico se procurant des documents audios confirmant la version de Fields. Buzzfeed obtient plusieurs extraits de conversations Slack où il est demandé de multiples fois à la reporter de revenir sur ses accusations. Le lendemain, Fields, et un des journalistes phares de Breitbart, Ben Shapiro, démissionne. Par la suite, il déclare à Buzzfeed :

 

« Selon moi, Steve Bannon est une brute, et a vendu la mission que lui a laissé Andrew dans le but de soutenir une autre brute, Donald Trump ».

 

L’image donnée du site est désastreuse, et plusieurs reporters démissionnent à cette occasion. La même semaine, Politico publie des preuves du comportement violent de Lewandowski envers les femmes. Mais ce dernier nie, et Breitbart continue sa course, des reporters en moins, et toujours Trump en bout de plume.

 

Trump, Farage, Le Pen… et les autres

 

En dépit des remous occasionnés, Bannon approuve des personnalités politiques comme Trump, qui « cristallisent les débats ». Il trace un parallèle avec Breitbart Londres et Nigel Farage, d’ailleurs invité récemment dans son émission de radio sur Sirius XM. Selon son analyse, il est l’homme qui a fait basculé le scrutin en posant la bonne question, c’est-à-dire celle de l’immigration :

 

« Le camp du Leave était huit points derrière avant que Farage n’en parle, et pourtant c’est le sujet de prédilection de la classe moyenne ».

 

Pour Breitbart, le monde vit donc un changement qui oppose non plus la droite et la gauche -comme le montre son intérêt pour le mouvement 5 étoiles, en Italie – mais la politique « des élites » au populisme nationaliste. Et c’est précisément ici que, dans ce grand schéma en pleine évolution, Bannon évoque le nom des Le Pen, pour lesquels il ne cache pas son admiration : « Marion Maréchal Le Pen est la vraie étoile montante ».

Et Steve Bannon, enthousiaste, de conclure :

 

« At the moment, France is really the place to be. »

 

Edit 15/11/2016 : Nous indiquions que Stephen Bannon avait « réalisé » le documentaire « Clinton Cash ». Il l’a en réalité produit. Précisions : nous avions écrit « diffusé à Cannes lors de l’édition 2016 du festival ». Le film n’a jamais été diffusé dans le cadre du Festival, mais à la même période, à Cannes.

The following two tabs change content below.
mm

Alexandra Saviana

mm

Derniers articles parAlexandra Saviana (voir tous)

Comments

  1. notteghem

    Je porte grand interet a votre cercle

  2. Peut-on signaler préventivement à la CNIL un site de ce genre ? Est-ce qu’on a les moyens de le faire fermer ?

Submit a Comment