Anatolie

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Anatolie
Limites de l'Anatolie.
Limites de l'Anatolie.
Localisation
Pays Drapeau de la Turquie Turquie
Régions Celles situées entre l'Égée et l'ouest d'une ligne Çoruh-Oronte
Coordonnées 39° nord, 34° est
Mers Méditerranée, Marmara et Noire
Géographie
Superficie 520 000 km2de l'Égée à une ligne Çoruh-Oronte
Longueur 1 500 km
Largeur 800 kmde Sinope à Adana
Altitude 3 932 mpoint culminant : Kaçkar Daği

L'Anatolie ou Asie Mineure (Anadolu en turc) est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l'ouest d'une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire. Dans le sens politique donné par les autorités turques, elle désigne toute la partie asiatique de la Turquie (97 % du territoire du pays, les 3 % restants étant situés en Thrace orientale).

Noms[modifier | modifier le code]

Anatolie vient du grec Anatolē, ἀνατολή, qui signifie « Orient » ou littéralement « lever de soleil »[1]. Pour désigner la péninsule, le terme d’« Asie Mineure » (Asia Minor en latin) est encore très utilisé de nos jours, bien que la province romaine de ce nom n'ait recouvert, en fait, que le tiers occidental de l’Anatolie.

Géologie[modifier | modifier le code]

La péninsule anatolienne est constituée d'un ensemble de petits boucliers, anciennes îles de la mer Téthysienne, compressées lors de l'orogenèse Himalayo-Alpine entre des sédiments marins soulevés et plissés. Cette histoire géologique a formé un plateau central entouré de chaînes plus élevées, les Taurus et les Pontiques. Le tout est piqueté de volcans situés le long des principales failles, tels le mont Argée. Les failles sont toujours actives, ce qui fait de l'Anatolie une terre sismique.

Histoire de l'Anatolie[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Histoire de l'Anatolie.

Origine et Antiquité[modifier | modifier le code]

L’Anatolie a vu s’épanouir plusieurs civilisations dès la Préhistoire.

Parmi les sites néolithiques on peut citer Aşıklı Höyük, Çatal Höyük, Çayönü, Körtik Tepe, Nevalı Çori, Hacılar, Göbekli Tepe et Mersin. L’occupation du site mythique de Troie, situé à l’ouest de l’Anatolie, débute aussi pendant le Néolithique.

Les plus anciens habitants de l’Anatolie et de l’Asie mineure paraissent avoir été de langues pré-indoeuropéennes comme les Gasgas ou les Hourrites. À ces populations mal connues vinrent se joindre de bonne heure, du côté du Nord-Est ou du Nord-Ouest, des peuples indo-européens comme les Hattis, les Louvites, les Hittites, les Cimmériens ou les Phrygiens, et du côté du Sud-Est des peuples sémitiques tels les Phéniciens et les Syriens qui se mêlèrent à leurs devanciers. On discute l’appartenance des Cappadociens, des Ciliciens, des Pamphyles, des Pisides, les Paphlagones, des Solymes et des Milyens, les plus anciens habitants de la Lycie, qui de toute manière subirent les influences de leurs voisins, qu’ils ont eux-mêmes influencés[2]. Parmi les civilisations et les peuples qui ont vécu plus tard en Anatolie, il convient de citer les Arméniens, les Grecs, les Perses, les Galates (peuple celte), les Romains (hellénisés et christianisés en Byzantins) et les Ottomans, sous le règne desquels la langue turque et l’islam finissent par devenir majoritaires. Ces peuples, d’origines ethniques et linguistiques très diverses, ont constitué le « mille-feuille historique » des Anatoliens, qui présentent aujourd’hui des morphologies très diverses, allant du blond le plus clair au brun fort cuivré, et qui, au fil des temps, ont parlé non seulement des langues indo-européennes et sémitiques, mais aussi caucasiennes comme le laze.

Certains auteurs[3] ont proposé l’Anatolie comme foyer originel des langues indo-européennes (hittites et louvite) et source du diffusion de celles-ci. Colin Renfrew contestera cette hypothèse quelques années plus tard[4].

La plus importante des civilisations qui s’y développa fut celle des Hittites (de 1900 à 1200 av. J.-C.). Ce sont eux qui vont faire une découverte encore plus importante que le bronze, l'étain et le plomb : en chauffant certaines pierres rouges, ils vont découvrir le fer, plus dur que le bronze, qui va le remplacer pour la confection d'armes et d'outils. Fondateurs du premier grand État centralisé d'Asie Mineure, les Hittites se partagèrent avec les Égyptiens l'hégémonie du Proche-Orient. Pendant quatre siècles, ils influencent la politique dans le monde méditerranéen. Spécialistes de l'art militaire, ces guerriers ont gravé dans la pierre la première langue indo-européenne. La Porte royale de Hattusha, capitale hittite (1500 av. J.-C.), était formée de blocs cyclopéens. Cette ville fut détruite par d'autres indo-européens, navigateurs ceux-là : les Peuples de la mer, parmi lesquels on compte habituellement les Lyciens et les Philistins.

Régions et principales cités de l'Anatolie dans l'Antiquité.

L’Anatolie orientale a été aussi historiquement peuplée en grand nombre par les Arméniens : ceux-ci probablement d'origine thraco-phrygienne et se seraient déplacés vers le centre de l'Anatolie, puis vers le Caucase (l'Arménie historique, dont l'actuelle république arménienne ne représente qu'un dixième du territoire, allait de la Cilicie à la Caspienne) à la charnière des VIIe – VIe siècles av. J.-C.[5].

L’Anatolie occidentale a vu fleurir les civilisations de Troie du XVe au Xe siècle av. J.-C., et de Lydie (du Xe au VIe), les colonies grecques d'Ionie, d'Éolie et de Doride, puis les royaumes de Bithynie, de Paphlagonie, de Pont et de Cappadoce, qui, après avoir été longtemps indépendants, furent tous réunis à l'Empire perse (548 av. J.-C.).

Sous la domination perse, l’Asie Mineure forma parfois une seule satrapie et une sorte d'apanage, notamment sous Artaxerxès II Mnémon (-404 à 401 av. J.-C.), qui la donna à son frère Cyrus le Jeune.

Conquise par Alexandre le Grand, elle échut après sa mort à Antigone le Borgne et, après la mort de ce dernier, elle passa aux Séleucides. L'autorité de ceux-ci déclinant, il s'y forma bientôt plusieurs royaumes hellénistiques indépendants : Pont, Cappadoce, Bithynie, Pergame, Galatie, Paphlagonie... Ces royaumes subsistèrent jusqu'à la conquête de l'Asie Mineure par les Romains (qui y pénétrèrent pour la première fois en l'an 189 avant notre ère en tant qu'héritiers des rois de Pergame, et achevèrent leur conquête au Ier siècle de notre ère). L'Anatolie fut la partie de l'Empire Romain la plus intensément christianisée dès le IVe siècle. À cette même époque, lors du partage de l'empire, elle fut comprise dans l'empire d'Orient, formant le diocèse d'Asie et la plus grande partie des diocèses du Pont et d'Orient.

Moyen Âge et époque moderne[modifier | modifier le code]

Alors que les califes, au VIIe siècle, s'étaient emparés de l'Arménie et de l'actuel Kurdistan, les gréco-romains dits « byzantins »[6] leur résistèrent en Anatolie ; plus tard, au XIe siècle, les Turcs Selçuks réussirent à s'y établir et y fondèrent le sultanat de Roum (« des Romains ») ou d'Ikonion (Konya), ne laissant aux empereurs byzantins que le tiers nord-ouest du pays. Après que la Quatrième croisade se fut emparée de Constantinople en 1204, les Byzantins formèrent les deux empires de Nicée et de Trébizonde.

À la chute des Seldjoukides, dix petites principautés turques s'établirent à leur place : l'une d'elles, celle d'Ertogrul, est à l'origine de l'émirat d'Osman, qui s'établit sur les rives de la mer de Marmara, en face de Constantinople. Les descendants d'Osman prirent le nom d'Ottomans : ce fut le cas de l'émir Orhan, qui en 1332 prit pied en Europe, à Gallipoli. Enfin de 1381 à 1387, Murad Ier, fils d'Orhan, soumit toute l'Asie Mineure, inaugurant l’Empire ottoman qui dura jusqu'au traité de Sèvres en 1920. Au sein de celui-ci, les non-musulmans devaient payer un impôt supplémentaire, le haraç, et subir l’enlèvement des garçons pour le corps des janissaires : pour y échapper, la majorité de la population anatolienne passa progressivement à l’islam et à la langue turque.

L’Empire ottoman était multi-ethnique (système des Milliyets) mais durant la Première Guerre mondiale, le gouvernement Jeunes-Turcs ordonne de déporter et massacrer méthodiquement les deux-tiers des Arméniens d'Anatolie et du Haut-plateau arménien, soupçonnés de sympathie envers les Alliés, dans les déserts de Syrie et de Mésopotamie en 1915 et 1916, soit 1 200 000 morts[7] : ce génocide est considéré comme le premier du XXe siècle. Selon les statistiques officielles du Patriarcat œcuménique de Constantinople, 750 000 Grecs — principalement des côtes de la Propontide — sont également déportés, de 1913 à 1918, vers l'intérieur du pays dans des camps de travail forcé appelés Amele taburu : 250 000 personnes y meurent[8]. Après une courte occupation par la Grèce de la région de Smyrne entre 1919 et 1922, la totalité de l'Asie Mineure est attribuée à la République de Turquie en 1923. La population considérée comme grecque et qui n'avait pas déjà émigré (ou péri) est alors expulsée (Grande Catastrophe), exceptées environ 350 000 personnes de la région du Pont, qui passent à l'islam et adoptent progressivement la langue turque[9].

Les langues parlées en Anatolie en 1910.

La république turque naît de ces convulsions, et de la crainte des Turcs, à la suite de la défaite en 1918 de l'Empire ottoman, d'être colonisés par les grandes puissances chrétiennes, qui se sont déjà partagé le Proche-Orient. Le statut de « sauveur de la nation » de Mustafa Kemal Paşa lui permet de promulguer la première constitution laïque d'un état musulman, d'accorder le droit de vote aux femmes, de romaniser l'écriture et de rendre l'instruction publique obligatoire.

Aujourd’hui 98 % des Anatoliens sont musulmans. Une grande partie d'entre eux parlent le turc ; une importante communauté kurde, majoritaire dans le Sud-Est de la région, près des frontières avec l’Iran et l’Irak, parle le kurde.

L'Asie Mineure[modifier | modifier le code]

Sous l'Antiquité, le nom d'Asie mineure était donné à la partie occidentale de l'Anatolie, mais par la suite et par extension il a désigné, surtout en grec et dans les textes traduits du grec, toute la péninsule, dont le rivage occidental était occupé par les colonies grecques : Éoliens au nord, Ioniens au centre (Lydie) et Doriens au sud. Ces colons y avaient fondé des villes qui se disputaient, pour la richesse, la civilisation et la puissance, à celles de la Grèce, et qui sont elles-mêmes devenues des métropoles d'autres colonies autour de la Méditerranée et de la Mer Noire : telles étaient Éphèse, Phocée (métropole de Massalia), Milet, Smyrne, Halicarnasse, Lampsaque et Cnide. Sur cette côte occidentale, l'hellénisme s'est maintenu jusqu'en 1923 et n'a été éradiqué qu'à la suite d'une guerre moderne.

Les autres villes importantes étaient :

Les îles principales qui en dépendaient sont celles de Lesbos, Chios, Cos, Samos, Rhodes, sur la côte occidentale, Chypre au sud.

Sur la côte sud de la Turquie, certains sites archéologiques ne sont accessibles que par la mer (notamment la crique de Kekova).

L'Asie Mineure a été décrite par Strabon (58 av. J.-C. - vers 21-25 ap. J.-C.) dans les livres XI à XIV de sa Géographie: voir liste des noms latins des villes d'Anatolie.

Langage écrit[modifier | modifier le code]

Si la Mésopotamie fut le berceau de l'écriture, les civilisations anatoliennes jouèrent un rôle déterminant dans l'évolution du langage écrit. Ce fut d'abord le règne du cunéiforme de style assyrien (signes gravés, de la forme d'un coin), puis s'imposèrent les hiéroglyphes, signes figuratifs ou idéographiques. Les Hittites maîtrisèrent les deux modes de graphisme. L'alphabet grec fut très tôt adopté dans les royaumes de l'Asie Mineure antique, et a aussi servi à noter les premiers textes en langue turque. L'Empire ottoman utilisa l'alphabet arabe pour écrire le turc. À la révolution turque, il fut décidé d'utiliser l'alphabet latin plus moderne et plus accessible pour une transcription totalement phonétique.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  • Cet article comprend des extraits du Dictionnaire Bouillet. Il est possible de supprimer cette indication, si le texte reflète le savoir actuel sur ce thème, si les sources sont citées, s'il satisfait aux exigences linguistiques actuelles et s'il ne contient pas de propos qui vont à l'encontre des règles de neutralité de Wikipédia.
  1. Dictionnaire des noms de lieux - Louis Deroy et Marianne Mulon (Le Robert, 1994) (ISBN 285036195X)
  2. Philippe Le Bas, Asie Mineure depuis les temps les plus anciens jusqu'à la bataille d'Ancyre, en 1402., Paris, Firmin-Didot et cie, , 530 p. (ISBN 1247774848)
  3. John V. Day : Indo-European origins : the anthropological evidence, The Institute for the Study of Man, Washington DC 2001, (ISBN 0-941694-75-5)
  4. (en) Dienekes Pontikos, « Indo-European in Southeast Europe »,‎
  5. Claude Mutafian & Éric Van Lauwe, Atlas historique de l'Arménie, collection Atlas/Mémoires et Annie et Jean-Pierre Mahé, L'Arménie à l'épreuve des siècles, éditions Gallimard, collection « Découvertes ».
  6. Les Gréco-Romains de l'Empire romain d'Orient ne sont dits « Byzantins » que depuis le XVIe siècle : c'est un nom qui leur a été donné par l'historien allemand Hieronymus Wolf, mais eux-mêmes se sont toujours désignés comme « Romains » et c'est pourquoi les Turcs les appellent "Rum" d'où vient le mot "Roumis".
  7. Yves Ternon, Les Arméniens. Histoire d'un génocide, Paris, Seuil, [détail des éditions].
  8. (en) « Foreign policy (1897-1922) », Foundation of the Hellenic World,‎ (consulté le 1er novembre 2009).
  9. Ömer Asan : (tr) : Pontos Kültürü (La Culture du Pont), 1996 (ISBN 975-344-220-3)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]