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Les tensions entre les États-Unis et l’Europe persistent malgré les assurances données sur l’OTAN

Par Bill Van Auken
22 février 2017

Une série de discours de hauts responsables américains lors du Sommet de la sécurité de Munich n’a pas réussi à atténuer les inquiétudes croissantes au sein des milieux dirigeants européens que la politique America First énoncée par le président Donald Trump sera poursuivie à leurs dépens, menaçant une dissolution accélérée des institutions et alliances qui sous-tendent l’Europe capitaliste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le vice-président des États-Unis, Michael Pence, a apporté le message principal de Washington à la conférence qui réunit des hauts responsables des États, des militaires de haut rang, des experts de la sécurité et des personnages des grandes entreprises pour ce qui est depuis longtemps considéré comme un débat franc sur les défis de l’alliance transatlantique dominée par les États-Unis.

Pour la première fois dans les 62 ans qui se sont écoulés depuis le premier de ces rassemblements annuels, la plus grande menace sur la stabilité est considérée comme émanant de Washington. Ces préoccupations découlent du plaidoyer de Trump en faveur d’une politique étrangère unilatérale et nationaliste, combinée à ses déclarations qualifiant l’OTAN comme « obsolète », suggérant la levée unilatérale des sanctions sur la Russie et soutenant le Brexit, tout en encourageant d’autres pays à suivre l’exemple de la Grande-Bretagne en quittant l’Union Européenne qu’il appelait avec mépris le « consortium ».

Dans ses remarques à la réunion samedi, Pence a livré un engagement rhétorique d’allégeance à l’alliance de l’OTAN, tout en mentionnant le nom « Trump » une douzaine de fois. Il a assuré à plusieurs reprises à son auditoire qu’il prenait la parole au nom du président américain, dans l’anticipation évidente du scepticisme intense que quelqu’un à Washington serait capable d’énoncer la vraie politique étrangère de la nouvelle administration.

Les États-Unis seraient « indéfectibles » dans leur soutien à l’OTAN, a déclaré Pence, et Donald Trump « resterait aux côtés de l’Europe ». Il a ajouté : « Sachez ceci : Les États-Unis continueront à obliger à la Russie à répondre de ses actes » alors même quand le gouvernement Trump cherche un « terrain d’entente » avec Moscou.

Après ses remarques, Pence a rencontré le président ukrainien Petro Poroshenko et, selon une déclaration de la Maison Blanche, « a souligné que les États-Unis ne reconnaissent pas l’occupation et la tentative d’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie ». La Crimée s’est réunie à la Russie après un référendum populaire tenu dans le sillage du coup d’extrême droite orchestré par l’Occident à Kiev en 2014.

La déclaration de Pence à propos de la Russie a suivi des remarques similaires la semaine dernière par le secrétaire à la défense de Trump, l’ancien général des marines James Mad Dog (chien enragé) Mattis, qui a écarté toute collaboration militaire avec la Russie jusqu’à ce que Moscou « fasse preuve de bonne volonté » en Ukraine et en Crimée.

Encore plus belliqueux, il y avait les membres d’une délégation bipartite du Congrès présente à Munich. Le sénateur républicain Lindsey Graham de la Caroline du Sud a déclaré dimanche que « 2017 va être une année de coups de pied au cul à la Russie au Congrès », et a promis que le Congrès passerait de nouvelles séries de sanctions contre la Russie et l’Iran. Le sénateur Christopher Murphy, un démocrate du Connecticut qui s’est exprimé dans le même panel que Graham à Munich, a dit qu’il n’y aurait pas de « division partisane » sur la pression pour des sanctions redoublées.

Quelles que soient les différences qui ont surgi entre l’administration Trump et les alliés de Washington de l’OTAN sur la Russie, sans parler de la lutte interne acharnée à Washington sur la question, le renforcement militaire des États-Unis et de l’OTAN se poursuit avec le déploiement de quelque 4000 soldats américains en Europe de l’Est, et des remarques à Munich suggèrent qu’aucune levée des sanctions américaines contre Moscou n’est imminente.

Présent à Munich pour les propos de Pence à la conférence, Konstantin Kosachyov, le chef de la commission parlementaire des affaires étrangères de la Russie, a répondu : « Je n’ai rien entendu dans le discours. Les nouveaux dirigeants américains ont commencé à reproduire les négatifs accumulés sous l’administration précédente. »

Une grande partie du discours de Pence a été une célébration du militarisme américain et des vœux que sous Trump la préparation américaine à la guerre accélérait spectaculairement.

« Je peux vous assurer que les États-Unis seront forts, plus forts que jamais », a déclaré le vice-président. « Nous renforcerons nos forces armées, rétablirons l’arsenal de la démocratie et, en collaboration avec de nombreux membres du congrès réunis ici aujourd’hui, nous allons fournir aux soldats, aux marins, aux aviateurs et aux gardes côtes des ressources renouvelées pour défendre notre nation et nos alliés des menaces d’aujourd’hui et les menaces inconnues de demain. »

En même temps, Pence, faisant écho aux remarques antérieures du secrétaire à la Défense Mattis, a réprimandé les membres européens de l’OTAN pour avoir omis de payer leur « juste part » pour financer l’alliance dirigée par les États-Unis. Il a affirmé que « certains de nos plus grands alliés », une pique apparente contre l’Allemagne, n’étaient pas sur la bonne voie pour respecter l’engagement de consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires.

Dans ses propres remarques défensives à la conférence de Munich, la chancelière allemande Angela Merkel a souligné l’importance des institutions multilatérales et a insisté sur le fait que l’OTAN était autant « dans l’intérêt américain » que dans celui de l’Allemagne ou de l’Europe. En réponse à la demande que l’Allemagne augmente ses dépenses militaires à 2 % du PIB, près du double du budget militaire actuel, Merkel a déclaré : « Nous ferons tout notre possible pour respecter ces engagements ».

Répondant à une question après son discours, Merkel a souligné que l’Allemagne augmente ses dépenses militaires de 8 pour cent cette année et a plaidé que « nous ne pouvons pas faire plus […] L’argent doit être pris d’une façon ou d’une autre [du budget national] ». Sa remarque reflète le fait que l’establishment dirigeant allemand fait face à l’hostilité populaire accablante au renforcement militaire du pays et que le coût de celui-ci devra être imposé à la classe ouvrière allemande par des coupes draconiennes dans les dépenses sociales et les niveaux de vie.

Merkel et également le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel ont suggéré que les dépenses de l’Allemagne en faveur des réfugiés et du développement social soient prises en compte dans le mandat de 2 % de l’OTAN.

Ailleurs, cependant, la demande de Washington pour la remilitarisation de l’Allemagne a été bien accueillie. Dans son édition du 18 février, Der Spiegel a publié un éditorial déclarant « Donald Trump a raison » sur les dépenses militaires de l’Allemagne.

« L’ère de l’histoire européenne où le continent pouvait déléguer sa sécurité à un partenaire de l’autre côté de l’Atlantique est passée, irrévocablement. Cela restera vrai même après que Trump ne soit plus à la Maison Blanche », affirme l’éditorial, déclarant que Trump n’est qu’« un symptôme de la crise en Occident, et non sa cause. »

Il continue en avertissant qu’il serait « imprudent et naïf que l’Europe ne se prépare pas au fait qu’elle ne peut plus compter inconditionnellement sur les États-Unis. »

L’éditorial appelle l’Europe à « élargir massivement la politique de sécurité et de défense commune de l’UE », ajoutant que « l’idée de l’Europe dans le rôle d’associé subalterne pourrait finalement être confiée à la poubelle de l’histoire et conduire l’Europe à définir ses propres intérêts ». L’éditorial a accepté que l’Allemagne ne doive pas nécessairement développer ses propres armes nucléaires, si elle peut développer « un degré de confiance dans la puissance nucléaire de la France ».

Un des traits importants du discours du vice-président Pence a été que, bien qu’elle comprenne de multiples vœux de soutien à l’OTAN, elle n’a pas fait une seule mention de l’Union européenne, ce que certains à Munich ont pris comme un avertissement que Washington puisse se lancer dans une poursuite agressive des intérêts impérialistes américains aux dépens de l’Europe.

Wolfgang Ischinger, l’ancien ambassadeur d’Allemagne à Washington, qui préside la Conférence de Munich sur la sécurité, a déclaré à Deutsche Welle que si l’administration Trump continuait à adopter une attitude hostile à l’égard de l’UE, « cela constituerait une sorte de déclaration de guerre non militaire. Cela signifierait un conflit entre l’Europe et les États-Unis. Est-ce ce bien ce que les États-Unis veulent ? Est-ce ainsi qu’il veut rendre à l’Amérique sa grandeur ? »

C’est Ischinger qui a rédigé le rapport publié à l’ouverture de la conférence de Munich. Il a averti que la situation internationale est « sans doute plus volatile aujourd’hui qu’à n’importe quel monment depuis la Seconde Guerre mondiale » et a poursuivi en demandant : « Cette nouvelle ère sera-t-elle de nouveau marquée par de plus grandes tensions et peut-être même par des conflits entre les grandes puissances mondiales, notamment entre la Chine et les États-Unis ? » Compte tenu des questions qui ont dominé la conférence, la même question s’applique clairement à l’Europe et à l’Amérique.

(Article paru en anglais le 20 février 2017)