Adapter un livre au grand écran représente sans doute une tâche colossale. Compiler des dizaines d'heures de lecture et les faire tenir en moins de trois heures au cinéma, sans faire abstraction des détails importants, s'apparente au miracle. Partant du fait que l'expérience de lecture soit subjective, il est utopique de croire que le produit final fera l'unanimité, toutes et tous n'étant pas touché(e)s de la même manière et ne retenant pas les mêmes choses. Réaliser un film basé sur certains romans et récits, eux-mêmes basés sur la vie de celle les ayant mis au monde augmente donc certainement la difficulté de plusieurs crans. Est-il possible de rendre compte avec justesse d'une auteure énigmatique? C'est ce qui m'amène à vous parler du film Nelly, que je suis allée voir récemment.
Le film nous a été présenté comme une mise en scène de quatre Nelly : la prostituée, l'écrivaine, la star et l'amoureuse. Or, l'accent a surtout été mis sur la «putasserie» d'Arcan et a éclipsé plusieurs aspects qu'il aurait été pertinent de développer. Cela donne l'impression, sans doute fausse, qu'Anne Émond ne s'est intéressée qu'au caractère de putain dans l'œuvre du même titre. Ironiquement, cela confirme ce que l'auteure disait, à savoir que les gens n'avaient d'intérêt que pour celui-ci, elle qui a tout de même publié cinq ouvrages. De plus, Putain n'est pas seulement l'histoire d'une prostituée; c'est d'abord et avant tout le récit de celle qui vient d'une famille dysfonctionnelle où la religion est omniprésente. Cela a été déterminant dans le façonnement de Cynthia (narratrice de Putain) et a été la pierre angulaire de sa fuite vers l'avant. Cependant, cela n'est jamais abordé dans le film, ni de près, ni de loin. La mort faisait aussi partie des obsessions d'Arcan. Le film s'ouvre d'ailleurs avec une citation, tirée de Folle : «Quand la mort viendra, je ne veux pas être là. » Malgré le fait que l'écrivaine avait décidé à quinze ans de mourir à trente ans (et qu'elle se soit finalement suicidée à 34 ans), on effleure à peine la question, qui est capitale. La chose hante tellement Arcan, qu'elle consacre un livre entier à ce sujet, Paradis clef en main. (2009)
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Nous ne voyons que trop peu Nelly l'écrivaine; nous ne la voyons pour ainsi dire jamais entrer en contact avec la matière et lorsque ça arrive, elle apparaît à l'écran petite et apitoyée, comme si écrire était seulement une source d'angoisses insurmontables. Pourtant, la bande-annonce vend le film en mettant en relief la scène où elle dit : «En dehors de l'écriture, je suis rien.» Si elle n'est rien en dehors de l'écriture, il aurait été judicieux d'accorder plus d'importance à cet aspect, au détriment d'une énième scène où on la voit se prostituer ou prendre de la cocaïne. Il en va de même pour Nelly la star. Les deux fois où nous la voyons dans ce rôle, elle n'apparaît pas sous son meilleur jour. Pourtant, elle a toujours été solide en entrevue, que ce soit à la radio ou à la télévision, n'hésitant pas à remettre les Guy A. Lepage et Thierry Ardisson de ce monde à leur place. Elle a toujours eu le verbe intelligent, la prose éloquente et un discours fier, ce qui contraste avec le film, où elle n'est qu'exposée en paillettes et saoule, en train de faire des simagrées. Ça ne lui fait pas honneur, bien que l'on comprenne que le but était de mettre en évidence la difficulté avec laquelle elle habitait sa vie.
Le contexte dans lequel évolue Nelly l'amoureuse est, quant à lui, ce qui contraste le plus avec le livre. Anne Émond a affirmé, en entrevue pour Le tapis rose, s'être fortement inspirée du personnage décrit dans Folle, qui est une autofiction, pour créer cette facette de Nelly Arcan. Cependant, rien ne colle, hormis l'aspect toxique de la relation que l'écrivaine entretenait avec ce fameux journaliste du Journal. Considérant que Folle ait une grande dimension biographique, il est quasi impossible d'accorder une valeur à ce qui est présenté, puisque l'écart entre le livre et le film est trop grand.
Chronologiquement, cela ne tient pas la route. «La première fois que tu m'as vue, c'était chez Christiane Charrette où j'étais l'invitée d'honneur.» (Folle, p. 18) Or, dans le film, c'est une Nelly à l'apparence plus juvénile, qui ne correspond en rien à celle qu'était Arcan à l'époque de son passage dans les studios de Radio-Canada qui est présentée. Cette relation a été vécue après la publication de Putain, contrairement à ce qui est suggéré dans le film. De plus, l'amant en question est de nationalité française, ce qui n'est pas le cas dans Nelly. Bien qu'il soit clairement indiqué en prémisse que c'est une libre adaptation de la vie de l'auteure, un décalage important entre l'œuvre écrite et l'œuvre cinématographique se fait sentir, ce qui empêche les personnes initiées de plonger dans l'histoire. Seule la déchéance est portée à l'écran pour faire valoir une intensité qui aurait pu être démontrée autrement. Des sujets de fond sont abordés dans Folle : l'astronomie, la mort, la famille.
En somme, la vision que la réalisatrice nous offre de l'écrivaine est étriquée et la cantonne dans des clichés auxquels on s'attend, ce qui est dommage. Bien que les détails foisonnent tout au long de la représentation, on se perd dans une surface qui ne va jamais réellement en profondeur; le tout manque de précision. Il est certes délicat de réaliser un film sur une personnalité connue, puisqu'elle existe, avec son histoire véritable, avec ses livres véritables. De ce fait, il est risqué d'en faire l'objet d'une fiction. Malgré tout, ce film reste à voir, ne serait-ce que pour être sensibilisé à l'œuvre de Nelly Arcan, interprétée avec brio par Mylène Mackay.
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