Les allégations de corruption menacent la candidature de Fillon
Par Alice Laurençon
4 février 2017
Un peu plus d’une semaine après la publication initiale des allégations de corruption contre François Fillon, la publications d'éléments supplémentaires accablants fait monter la pression sur lui.
Mecredi dernier, l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné avait publié des informations selon lesquelles Fillon, le candidat du parti de droite Les Républicains (LR), aurait fait rémunérer sa femme à la hauteur de 600.000 euros sur huit ans pour deux emplois fictifs en tant qu'assistante parlementaire. Ce montant aurait compris un salaire de 500.000 euros comme «attachée parlementaire » pour Marc Joulard, un député qui a remplacé Fillon à l’Assemblée lorsque Fillon était ministre.
Le Canard Enchaîné a aussi cité des déclarations d’une autre attachée, Jeanne Robinson-Behre, qui avait travaillé pour Joulard pendant la même période. Elle a affirmé ne pas se rappeler que Penelope Fillon ait du tout fait du travail pour Joulard. Fillon n’a pas nié que sa femme ait reçu ce montant, mais il a répété a plusieurs reprises qu'elle avait fait du travail, y compris la réception d'invités dans son absence et la relecture de brouillons de ses discours, pour justifier son salaire.
Une vidéo diffusée sur France2 jeudi porte un coup dévastateur à cette défense et alimente les allégations contre Fillon. La vidéo montre un extrait d’une interview avec le journal britannique le Sunday Telegraph, dans laquelle Penelope Fillon déclare, « Je n'ai jamais été son assistante, ou quoi que ce soit de ce genre ».
Elle ajoute : « Je ne me suis pas occupée de sa communication non plus ».
Le Canard déclare dans sa dernière édition que la somme que la femme de Fillon avait reçue était en fait environ 831.000 euros. Selon l'hebdomadaire satirique, deux des enfants de Fillon auraient perçu 84.000 euros de deniers publiques en tant qu'assistants parlementaires lorsque Fillon était sénateur. Fillon a affirmé qu’ils ont été engagés pour leur expertise légale, bien qu’ils n’aient pas terminé leurs études légales ; ils n’étaient donc pas encore des avocats. Ceci a entraîné davantage de spéculations sur la réalité du travail qu’ils auraient pu faire.
Même s'il n'est pas clair si ces paiements à Penelope Fillon et à ses enfants étaient techniquement illégaux, ces allégations ont profondément discrédité non seulement Fillon, mais tout l’establishment politique. Alors qu’ils exigent les mesures d’austérité draconiennes contre la classe ouvrière, l’élite dirigeante se procure des centaines de milliers d’euros de deniers publiques pour leur .
Les milieux dirgeants médiatiques et politiques craignent de plus en plus les conséquences des telles affaires, qui intensifient l'hostilité de la classe ouvrière envers les partis établis.
Dans un éditorial publié hier, Le Monde déclare : « A force de prendre les Français pour des benêts, à force de donner à voir et à entendre de telles formes d’indifférence ou de mépris à leur égard, à force de s’affranchir de la plus élémentaire probité publique, l’on finira, d’une manière ou d’une autre, par creuser un peu plus leur dégoût de la chose publique et par provoquer leur révolte – légitime. ... les candidats responsables de cet état de fait ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes. Mais trop tard. »
La publication de ces nouvelles informations a provoqué des divisions intenses au sein de LR, dont le candidat, auparavnt le favori pour remporter la présidentielle, fait face à une possible débâcle. Selon un sondage récent, 76 pourcent de la population française se dit sceptique à propos des déclarations de Fillon sur les allégations de corruption. Fillon obtiendrait 19 a 20 pourcent du vote au premier tour aux élections présidentielles, ce qui le placerait derrière le banquier lié au Parti socialiste (PS), Emmanuel Macron et la candidate du Front National (FN), Marine Le Pen ; il serait éliminé dès le premier tour.
Alors que les puissances européennes tentent de réagir à Donald Trump, dont l'administration soutient Le Pen et espère qu'elle remportera la présidence française, les dirigeants de LR débattent de comment sauver la candidature de Fillon et défendre le capitalisme français sur l'arène mondiale.
Jeudi, dix-sept élus de LR, y compris le secrétaire général de LR, Bernard Accoyer, et les anciens candidats à la primaire Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire, ont signé une tribune publiée dans Le Figaro. Ils y ont affiché leur « soutien total » à Fillon, et ont traité les allégations de « rumeurs, approximations, calomnies ».
Cependant, d’autres membres du LR ont appelé au retrait de Fillon en faveur d’un autre candidat de LR. Qualifiant le résultat des primaires en novembre, qui ont sélectionné Fillon comme candidat présidentiel, de « caduc face à cet événement imprévisible », le député du Rhône, George Fenech, a appelé à l’organisation d’un conseil national pour « trouver une solution ».
Des sections de LR sont à la manœuvre pour ranimer la candidature d'Alain Juppé, qui est arrivé en deuxième place après Fillon aux primaires. Philippe Gosselin, un député de LR, a confirmé jeudi qu’une tribune appelant à la nomination de Juppé était en cours de préparation, et était « prête à être signée par plusieurs dizaines de députés ».
De profondes divisions existent au sein du Parti socialiste (PS) aussi, après la nomination dimanche dernier de Benoît Hamon comme candidat présidentiel. L’élite dirigeante française est confrontée à l’effondrement possible des deux principaux partis de gouvernement depuis les années 1970..
L’élite dirigeante en France et en Europe est de plus en plus inquiète à propos de la possibilité que Marine Le Pen du FN pourrait bénéficier d'un effondrement de ces deux partis, et du dégoût populaire envers toute la classe politique. Le Pen est résolument hostile à l’Union Européenne (UE), et à la suite du Brexit britannique et la position agressive de Donald Trump vers l’Europe, une présidence du FN changerait en profondeur les structures politiques de l’EU et menacerait sa survie même.