L'assaillant de la mosquée de Québec associé à l'extrême droite
Par Jacques Richard
2 février 2017
On continue d'en apprendre davantage sur les positions chauvines d'extrême droite d'Alexandre Bissonnette, l'étudiant de 27 ans de l'Université Laval qui fait face à 11 chefs d'accusation: six pour meurtre et cinq pour tentative de meurtre dans l'attaque contre une mosquée de la ville de Québec dimanche soir.
Bissonnette a contacté la police quelques minutes seulement après l'assaut contre le Centre culturel islamique de Québec et s'est rendu à elle peu de temps après. Des armes, y compris un fusil automatique AK-47 et un pistolet de gros calibre, ont été retrouvées dans sa voiture.
Selon des témoins, le tireur masqué qui a ouvert le feu sur des musulmans durant la prière dimanche soir a rechargé son arme deux fois durant l'attaque.
La tuerie de dimanche a fait six morts, tous des Canadiens musulmans, et 19 blessés qui ont été conduits à l'hôpital. Certaines des victimes étaient d'origine algérienne, marocaine et guinéenne. La grande majorité, sinon tous, étaient résidents canadiens de longue date. L'un d'entre eux était un professeur à l'Université Laval. Plusieurs autres travaillaient pour le gouvernement du Québec.
Deux blessés demeurent dans un état critique. Les médecins ont affirmé qu'ils pourraient en garder des séquelles permanentes.
Selon les autorités, Bissonnette aurait exprimé des remords lors de son arrestation, ou se serait au moins soucié des victimes, et il aurait parlé de s'enlever la vie.
La police dit qu'il n'a pas donné d'explication pour ses gestes. Il n'en aurait pas non plus laissé sur son ordinateur ou sur les réseaux sociaux.
Cependant, ses actions étaient manifestement inspirées de positions politiques d'extrême droite.
Depuis dimanche soir, de nombreuses personnes qui avaient rencontré Bissonnette dans les dernières années, du porte-parole d'un groupe d'aide aux réfugiés à des étudiants de l'Université Laval, ont affirmé qu'il était extrêmement anti-immigrant et un admirateur avoué de Marine Le Pen, la dirigeante Front national néofasciste français, et du président américain Donald Trump.
Tant Le Pen que Trump attisent systématiquement le chauvinisme anti-immigrant et l'islamophobie.
Vendredi dernier, deux jours seulement avant le massacre de la mosquée, Trump signait un décret présidentiel ouvertement antidémocratique et discriminatoire interdisant aux réfugiés, visiteurs et résidents américains permanents de sept pays musulmans d'entrer aux États-Unis.
Selon plusieurs collègues de Bissonnette, la visite hautement médiatisée de Le Pen au Québec au printemps dernier l'avait radicalisé.
Ceux qui ont vu la page Facebook de Bissonnette avant qu'elle ne soit désactivée sous les ordres de la police ont dit que, en plus de confirmer son appui à Le Pen, au Front national et à Donald Trump, elle montrait qu'il était un admirateur des Forces de défense israéliennes et un amateur d'armes.
Olivier Banville, l'ancien président du club du Parti Québécois (PQ) à l'Université Laval, a confié au journal montréalais Le Devoir que Bissonnette avait été en discussion avec lui en 2014 pour adhérer au parti indépendantiste pro-Québec.
Il est révélateur que cela se déroulait au moment où le PQ faisait la promotion de la fameuse Charte des valeurs québécoises: un projet de loi chauvin qui aurait interdit aux travailleurs du secteur public de se couvrir la tête d'un vêtement religieux et de porter tout autre symbole «ostentatoire», sous la menace qui ceux-ci perdent leur emploi. Une exception aurait été faite pour les crucifix «discrets».
Des reportages ont présenté Bissonnette comme quelqu'un d'introverti et solitaire qui avait subi de l'intimidation à travers son enfance.
Qu'il soit psychologiquement troublé ne change en rien le caractère politique de ses actes et, ce qui est encore plus important, la culpabilité de l'establishment politique et de l'élite capitaliste.
Au Canada, comme dans les autres «démocraties» impérialistes, les élites dirigeantes entretiennent un environnement politique et social toxique à travers leur frauduleuse «guerre contre le terrorisme». Elles mènent des guerres d'agression au Moyen-Orient, de vastes attaques contre les droits démocratiques et des politiques visant à redistribuer la richesse vers les couches les plus privilégiées de la société.
Le premier ministre du Canada, le libéral Justin Trudeau, a dénoncé le recours à l'islamophobie du gouvernement conservateur de Harper comme étant «diviseur». Par contre, Trudeau et les libéraux ont voté pour la loi C-51 de Harper, qui au nom de la lutte contre la «terreur islamique», a armé l'appareil de sécurité nationale de ce que le Globe and Mail, le porte-parole traditionnel des banques de Bay Street à Toronto, a décrit comme étant des pouvoirs d'État policier.
Étant-donné que l'élite canadienne considère des liens étroits avec Washington comme étant vitaux pour la poursuite agressive de ses propres intérêts impérialistes dans le monde, Trudeau fait à présent tout pour apaiser Trump. Il a pris le soin d'éviter toute critique de Trump concernant l'interdiction d'entrée aux États-Unis qui vise des voyageurs musulmans, ses plans de militarisation de la frontière mexicaine et d'autres actes chauvinistes et ouvertement antidémocratiques.
Dans les dix dernières années, la politique québécoise et les médias de la grande entreprise ont fait la promotion des mensonges selon lesquels les immigrants, en particulier de pays musulmans, seraient une menace potentielle pour «nos valeurs démocratiques».
L'amalgame entre musulmans et terroristes n'est jamais lointain. En août dernier, par exemple, Jean-François Lisée, le nouveau leader du Parti québécois, l'autre parti de gouvernement de la classe dirigeante depuis les années 1970, a publié un message sur sa page Facebook demandant «l'interdiction de la burqa AVANT qu'un djihadiste l'utilise pour dissimuler ses mouvements pour une attaque».
À la suite de l'atrocité de ce dimanche, certains journalistes ont admis, si ce n'est que très partiellement, leur participation au débat réactionnaire concernant «l'accommodement excessif» des minorités. Michèle Ouimet, une éditorialiste du journal montréalais La Presse, a parlé d'un «climat malsain alimenté par les animateurs de radio poubelle qui se permettent de dire n'importe quoi et les chroniqueurs qui vomissent sur les musulmans et les juifs».
Dans une déclaration officielle, Philippe Couillard, le premier ministre libéral du Québec, a indirectement fait allusion à ce climat en disant: «Les mots prononcés, les mots écrits aussi ne sont pas anodins».
Les deux partis les plus ouvertement associés au discours chauvin «d'identité» québécoise, le PQ de Lisée et la Coalition Avenir Québec de François Legault, ont immédiatement rejeté tout lien entre leurs appels anti-immigrants et l'horrible attentat commis par un droitiste sans doute influencé et encouragé par leurs positions. Les deux ont promis de continuer de poursuivre un vigoureux débat sur l'interdiction du tchador et de la burqa en public – bien que Lisée ait considéré politiquement correct de concéder que son avertissement précédent selon lequel une burqa pourrait cacher une arme d'assaut AK-47 «n'était pas une bonne idée».
La déclaration de Couillard était toutefois entièrement démagogique. Son gouvernement a mené une attaque de plein fouet contre les travailleurs en réduisant les dépenses publiques et les pensions, tout en réduisant les impôts pour les riches et la grande entreprise. En même temps, il a proposé des lois visant directement la communauté musulmane en interdisant l'accès à la santé, l'éducation, et d'autres services publics essentiels (sauf pour des urgences) aux femmes qui couvrent leur visage pour des raisons religieuses.