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9 février 2017 4 09 /02 /février /2017 14:39

Ci-après l’intervention de Marc DOLEZ dans la discussion du projet de loi relatif à la sécurité publique (1ère séance du mardi 7 Février 2017).

 

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est présenté comme une réponse au mouvement de protestation des policiers qui a débuté à l’automne dernier, à la suite de la dramatique agression de quatre d’entre eux à Viry-Châtillon.
Notre groupe tient d’abord à saluer le travail des forces de l’ordre, particulièrement éprouvées depuis les attentats et la mise en œuvre de l’état d’urgence. Il souhaite rendre hommage à leur dévouement au service de nos concitoyens.
Ce projet de loi, qui a été élaboré dans un contexte particulier et difficile, fait aujourd’hui l’objet d’un examen en procédure accélérée, à quelques jours de la fin de la législature. Je ne suis pas sûr que cela favorise un débat suffisamment éclairé, sachant aussi que les principales revendications des forces de l’ordre sont avant tout matérielles et salariales.

M. Pascal Popelin. Nous nous en sommes occupés aussi !

M. Marc Dolez. Cela étant précisé, j’en viens au fond du texte.
La première évolution concerne l’élaboration d’un cadre commun d’usage des armes pour les policiers, les gendarmes, les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national pour exercer des missions de sécurité intérieure.
Nous nous interrogeons sur l’utilité et la portée de cette mesure puisque la jurisprudence nationale et européenne a déjà considérablement unifié le régime applicable à la police et à la gendarmerie, en exigeant en particulier que soient réunis les critères d’absolue nécessité et de proportionnalité, quel que soit le cas de recours aux armes. L’Union syndicale des magistrats, dans ses observations sur le projet de loi, rappelle d’ailleurs que le droit jurisprudentiel en matière de légitime défense « est empreint des notions de nécessité absolue et de proportionnalité applicables indistinctement aux policiers et aux gendarmes. Ainsi, la différence de régime juridique apparaît purement théorique et dépourvue d’incidence pratique ».
De même, la mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes présidée par Mattias Guyomar et instituée en juin 2012 conclut que « les critères de la légitime défense priment finalement la question du respect des cas légaux d’ouverture du feu puisque, quoi qu’il en soit du respect du cadre légal, l’atteinte à la vie doit toujours, sous le contrôle des juges, être strictement proportionnée à la menace qui la justifie ».
J’ajoute que l’extension de l’usage des armes par les forces de l’ordre a fait l’objet de plusieurs initiatives parlementaires ces dernières années, qui ont toutes été rejetées, le Gouvernement considérant alors, au regard des jurisprudences convergentes et constantes de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, que l’harmonisation était déjà réalisée, de fait, dans l’ordre juridique français.
À vrai dire, le dispositif proposé n’apporte pas de protection supplémentaire mais il pourrait donner l’illusion aux policiers qu’ils pourraient user plus facilement de leurs armes alors même que les principes de la légitime défense, absolue nécessité et proportionnalité, resteront primordiaux.
Enfin, pour notre part, nous sommes opposés à toute extension à des fonctionnaires de police municipale, police nationale et police municipale ayant des missions diamétralement différentes. C’est pourquoi nous sommes satisfaits que la commission des lois ait supprimé une disposition introduite par le Sénat et qui allait dans ce sens.
La deuxième évolution proposée vise à protéger l’identité des agents de la police et de la gendarmerie lorsque sa révélation constitue un danger pour eux-mêmes ou pour leur famille. Alors que l’anonymat est aujourd’hui limité aux questions de terrorisme et aux unités spécialisées, il sera étendu à de nombreuses procédures. Or, selon une jurisprudence constante de la CEDH sur le respect des droits de la défense, imposé par le troisième paragraphe de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’anonymat des témoins appartenant aux forces de l’ordre doit répondre à des exigences de nécessité et de proportionnalité et ne doit être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles.
L’autorisation de l’anonymat sera délivrée par un responsable hiérarchique d’un niveau suffisant, défini par décret. Comme le souligne le défenseur des droits, « cela constitue un changement majeur par rapport à l’autorisation actuellement délivrée en matière de terrorisme, qui relève du procureur général près la cour d’appel de Paris. Ici, l’autorisation sera seulement communiquée au parquet. En outre, la qualité du responsable hiérarchique reste à définir par décret ».
Là aussi, nous sommes dubitatifs. Les conditions de délivrance de l’autorisation par un supérieur hiérarchique et l’étendue du champ d’application de cette mesure permettront-elles réellement de garantir le caractère exceptionnel de l’anonymat qu’exige le respect des droits de la défense ? Je serais heureux de vous entendre sur ce point précis, monsieur le ministre.
Le texte propose par ailleurs de doubler les peines encourues en cas d’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique, en les alignant sur celles qui sont prévues en cas d’outrage à magistrat. L’objectif de cette mesure, adoptée au Sénat, est la protection et le respect des forces de l’ordre. Cependant, comme l’a précisé la mission présidée par Hélène Cazaux-Charles, le taux de réponse pénale pour les outrages atteint déjà 95,5 % : on peut s’interroger sur l’utilité d’une telle disposition.
Nous sommes par ailleurs défavorables à la réduction du nombre d’assesseurs dans la composition de la cour d’assises spéciale et réservés quant à l’élargissement des prérogatives des agents de surveillance de l’administration pénitentiaire.
En revanche, nous approuvons l’expérimentation tendant à la création d’un volontariat militaire d’insertion et nous saluons l’expérimentation d’une double prise en charge des mineurs en danger par l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse, qui permet de réaffirmer la possibilité pour la PJJ d’intervenir en assistance éducative.
Pour conclure, compte tenu de l’ensemble de ces réflexions, réserves et interrogations, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce projet de loi, à condition toutefois, bien sûr, que l’équilibre du texte tel qu’il est issu de la commission des lois ne soit pas remis en cause à l’issue de nos travaux.

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7 février 2017 2 07 /02 /février /2017 10:34

L’Assemblée Nationale a adopté le 2 Février 2017 (2ème séance) une proposition de résolution européenne pour un débat démocratique sur le CETA, présentée par le groupe GDR.

 

Ci-après le rapport de Marc DOLEZ ainsi que sa réponse aux différents orateurs.

 

Rapport

 

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne porte sur l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, plus connu sous son acronyme anglais, le CETA. Cet accord s’inscrit dans la longue liste de ces traités de libre-échange animés par des dogmes néolibéraux à l’origine d’une « mondialisation malheureuse » pour les peuples. C’est donc la nature et l’objet même du CETA que nous rejetons sur le principe.
Comme l’ensemble de ceux qui l’ont précédé, cet accord de libre-échange vise à supprimer les barrières tarifaires dans les échanges de biens et de services. Il inclut également de nombreuses dispositions relatives à la libéralisation des marchés publics et des investissements, à la protection de la propriété intellectuelle – dont les indications géographiques protégées –, ainsi qu’à l’harmonisation des normes, sans oublier la création d’un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Sa portée est si large qu’il peut être comparé au partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec les États-Unis, appelé plus couramment TAFTA.
Très logiquement, cette portée du CETA a suscité de nombreuses inquiétudes et critiques, à la fois dans la société civile et au sein des institutions politiques, tant au niveau national qu’au niveau européen.
La première critique porte sur le caractère antidémocratique du traité. En effet, il a été négocié pendant de longues années dans la plus totale opacité, sans aucune consultation ni information des parlements et de la société civile, sous l’influence évidente des lobbies, ce qui explique son orientation très libérale.
De plus, le Conseil européen a décidé le 28 octobre dernier d’autoriser non seulement sa signature, mais aussi son entrée en vigueur provisoire. Cela signifie que, sous réserve d’une approbation par le Parlement européen, la quasi-totalité des dispositions du traité pourront entrer en vigueur sans que les parlements nationaux aient pu se prononcer. Le CETA étant un accord mixte, c’est-à-dire comportant des dispositions relevant à la fois des compétences exclusives de l’Union européenne et des compétences nationales, il devra certes être ratifié par les parlements nationaux mais probablement pas avant plusieurs années.
Enfin, comme je l’ai indiqué, le CETA comprend un mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs, sous la forme d’une cour internationale d’investissement. Certes, il n’est plus question désormais des scandaleux tribunaux d’arbitrage privés qui figuraient dans le projet initial. Cependant, les risques pour le droit des États à réguler sont les mêmes : des investisseurs pourront attaquer des décisions de politique publique, par exemple l’interdiction des OGM, et, s’ils gagnent, contraindre les États à leur verser des millions d’euros à titre de compensation.
La deuxième inquiétude porte sur le coût social du CETA. Une étude indépendante réalisée par l’université américaine Tufts, qui s’appuie sur le modèle des politiques mondiales des Nations unies, a conclu à la disparition, d’ici à 2023, de près de 230 000 emplois cumulés au Canada et dans l’Union européenne, dont un peu plus de 200 000 dans l’Union et près de 45 000 emplois en France. Le secteur agricole français, notamment ses filières d’élevage, dont on connaît la fragilité, serait particulièrement touché par l’augmentation des quotas d’importations à 50 000 tonnes de viande bovine et 75 000 tonnes de viande porcine par an.
Les inquiétudes sont également très vives quant à l’impact du CETA sur les services publics. Pour la première fois dans un accord de libre-échange signé par l’Union européenne figure une liste négative des services exclus de la libéralisation. Bien qu’elle se donne comme protectrice des services publics, cette liste, par son existence même, hypothèque largement l’avenir en interdisant de transformer en service public des activités économiques encore en devenir, voire les services publics déjà libéralisés.
Enfin, comme l’a relevé la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans un avis rendu public le 15 décembre dernier, le CETA est susceptible d’avoir des conséquences qui vont à l’encontre des objectifs du développement durable, en particulier s’agissant des enjeux climatiques et environnementaux. En effet, il promeut l’investissement européen au Canada, y compris dans l’exploitation des sables bitumineux dont on sait l’impact désastreux sur l’environnement. Le mécanisme de règlement des différends permettrait également aux investisseurs d’attaquer des réglementations environnementales adoptées par les États, y compris les dispositions prises en application des accords de Paris. Au reste, le CETA ne comporte aucune référence au principe de précaution, pourtant inscrit en tant que tel dans le droit européen à l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Les risques pour l’économie européenne apparaissent suffisamment réels et sérieux pour que la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen recommande, le 8 décembre dernier, de rejeter l’accord. Ce rejet est également exigé par les 3,5 millions de citoyens qui ont signé la pétition contre le CETA et son équivalent états-unien, le TAFTA. Par ailleurs, 2 100 communes européennes se sont déclarées « hors TAFTA et CETA », refusant symboliquement d’être soumises à ces deux accords. Enfin, une plainte à laquelle se sont jointes plus de 100 000 personnes a été déposée contre le CETA devant la Cour constitutionnelle allemande. Les plaignants considèrent que cet accord est de nature à menacer les droits des travailleurs et des consommateurs ainsi que la protection de l’environnement, lesquels sont garantis par la loi fondamentale allemande.
Malgré cette large mobilisation des citoyens, des partenaires sociaux et même d’une commission du Parlement européen, sans oublier la résistance de la Wallonie, qui a réussi à faire reporter quelque temps la signature de l’accord, le CETA a été signé le 30 octobre 2016 et entrera très prochainement en vigueur, sous réserve que le Parlement européen l’approuve lors du vote prévu le 15 février prochain. Par conséquent, cette proposition de résolution n’arrive pas « trop tard », ainsi que j’ai pu l’entendre durant son examen en commission. Bien au contraire, elle est débattue au bon moment, parce que tout est en train de se jouer au Parlement européen et que, d’une manière générale, il n’est jamais trop tard pour débattre, surtout lorsque les enjeux sont aussi considérables. Je rappelle à ce propos que c’est grâce à une autre proposition de résolution européenne déposée par le groupe GDR que notre assemblée a pu débattre, le 22 mai 2014, des négociations du TAFTA.
À vrai dire, la catastrophe économique, sociale et environnementale que nous promet le CETA n’est rendue possible que par le mépris avec lequel les Parlements nationaux et l’opinion publique ont été traités depuis l’ouverture des négociations. Une telle situation exige plus que jamais que les implications de cet accord soient débattues publiquement, de manière transparente et contradictoire.
C’est pourquoi la proposition de résolution invite le Gouvernement à consulter le Parlement avant toute mise en œuvre provisoire…

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Marc Dolez, rapporteur. …même si, évidemment, il eût été préférable de consulter le Parlement avant même d’autoriser la signature du traité.

M. Jean-Luc Laurent. Bien sûr !

M. Marc Dolez, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, le CETA, accord mixte, devra être ratifié par l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Or, compte tenu des enjeux, il ne serait pas acceptable que cette ratification soit expédiée à la va-vite, comme c’est souvent le cas pour les traités internationaux. Il est au contraire indispensable de donner la parole au peuple auxquels il revient de décider de son propre destin.

M. Jean-Luc Laurent. C’est évident !

M. Marc Dolez, rapporteur. C’est pourquoi la proposition de résolution invite aussi le Gouvernement à proposer au Président de la République l’organisation d’un référendum, conformément à l’article 11 de la Constitution.

M. Jean-Luc Laurent. Excellente idée !

M. Marc Dolez, rapporteur. Je précise qu’il n’est pas dans l’esprit de la résolution de demander l’organisation d’un référendum avant les échéances électorales du printemps prochain mais d’en fixer dès maintenant le principe.
Mes chers collègues, cette proposition de résolution a été rejetée, tant par la commission des affaires européennes que par la commission des affaires étrangères, mais vous comprendrez qu’à titre personnel et pour toutes les raisons indiquées, je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

 

Réponse aux orateurs

 

M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur. Je veux tout d’abord remercier la plupart des orateurs, issus de tous les groupes, qui ont souligné l’intérêt de la démarche du groupe GDR auteur de cette proposition de résolution. Celle-ci n’avait pas pour objet d’examiner l’ensemble de la politique commerciale de l’Union européenne, que ce soit avec le Canada ou avec d’autres pays, mais de créer les conditions d’un débat véritablement démocratique sur le CETA. Je sais gré à ces différents orateurs d’avoir reconnu que grâce à nous, grâce au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le débat sur le CETA est entré dans l’hémicycle – quoique l’assistance ne soit peut-être pas aussi importante que nous l’aurions souhaité…
C’est important, car les enjeux sont considérables. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit tout à l’heure que le CETA était un accord bon et équilibré. Ce n’est que la position du Gouvernement ! C’est la position que le Gouvernement a défendue le 28 octobre dernier en autorisant la signature du traité sans avoir consulté le Parlement. Mais cela fait débat. J’ai présenté un certain nombre d’arguments tout à l’heure à la tribune, que je ne reprendrai pas, et d’autres orateurs, de tous les groupes, en ont avancé d’autres.
Je rappelle par exemple que nous ne disposons pas de véritables études d’impact sur les conséquences du traité en matière d’emplois et en matière économique.
La commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a proposé, en décembre, le rejet du traité.
La CNCDH, elle, a émis un avis très critique sur son volet environnemental et climatique. Elle n’est d’ailleurs pas la seule : beaucoup d’ONG, notamment la Fondation Nicolas Hulot, ont fait de même, considérant que le traité allait à l’encontre de l’accord de Paris.

M. Patrice Carvalho. Vive la COP21 !

M. Marc Dolez, rapporteur. Sur les questions agricoles, on nous dit que les choses vont dans le bon sens, qu’elles sont équilibrées, que nos éleveurs ne doivent nourrir aucune crainte. Mais ce n’est pas la position du syndicat français de la filière bovine, INTERBEV :…

M. André Chassaigne. En effet !

M. Marc Dolez, rapporteur. …selon lui, le contingent canadien, qui contient des morceaux à forte valeur ajoutée, représentera en réalité pas moins de 16,2 % des 400 000 tonnes de viande équivalente produites chaque année en Europe.
On pourrait aussi évoquer les services publics, avec la liste négative.
Et la juridiction multilatérale des investissements, tout en restant bien sûr préférable à l’arbitrage privé, laisse entièrement en suspens la question de l’exclusivité de l’interprétation du droit européen par les juridictions européennes.
Bref, il y a débat dans la société civile, il y a débat dans les associations, il y a – ou il devrait y avoir – débat dans les parlements, il y a débat dans les organisations politiques. Mais vous ne paraissez guère sensible, monsieur le secrétaire d’État, aux acteurs que je convoque à l’appui de ma démonstration…
Peut-être serez-vous davantage intéressé par la position de la délégation des socialistes français au Parlement européen : ils ont réclamé un débat de fond sur le sujet et appelé les membres du groupe des socialistes et démocrates à s’engager sur cette voie, car ils considèrent que les choses ne sont pas aussi évidentes qu’il y paraît et que l’accord n’est pas forcément bon et équilibré d’entrée. Selon cette même délégation, les votes des différentes commissions parlementaires ont révélé que le CETA ne faisait pas l’unanimité au sein du groupe socialiste et démocrate.

M. Pascal Cherki. C’est tout à fait vrai !

M. André Chassaigne. Eh oui !

M. Marc Dolez, rapporteur. Elle estime aussi que trop d’incertitudes planent encore sur l’accord : celui-ci reste trop vague, en particulier, à propos de la coopération réglementaire, ce qui risque de ne pas garantir le droit des États à légiférer.

M. André Chassaigne. Absolument !

M. Marc Dolez, rapporteur. Cette prise de position mérite assurément d’être connue : elle plaide pour la tenue d’un vrai débat au Parlement sur le sujet. Il eût été préférable, je le répète, d’organiser ce débat avant l’autorisation de signature du 28 octobre, mais il demeure indispensable avant toute application provisoire, je redirai un mot là-dessus.
J’ai bien sûr écouté vos interventions avec beaucoup d’intérêt et toute l’estime qui vous est due, monsieur Caresche, monsieur Loncle. Puis-je néanmoins vous faire observer, en guise de clin d’œil et pour suggérer que le débat n’est pas clos, que le candidat à la présidentielle désigné dimanche dernier s’est prononcé contre le CETA ? (Murmures sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christophe Caresche. Il aurait pu venir le dire ici !

M. Marc Dolez, rapporteur. Cela prouve bien, me semble-t-il, que le débat existe et que nous ne sommes pas les seuls à le penser. En tout état de cause, la position que le Gouvernement français a adoptée, sans consulter le Parlement ni se soucier des diverses revendications de la société civile, est très loin d’être partagée.
Le présent texte, vous l’avez compris, comporte deux propositions essentielles.
S’agissant en premier lieu de l’autorisation d’application provisoire du traité, je rejoins M. Lellouche, notamment sur un point : cette autorisation concerne en réalité la quasi-totalité du CETA. Hier, en répondant à une question au Gouvernement, M. le ministre des affaires étrangères n’a pas dit les choses telles qu’elles sont à cet égard, puisqu’il a minimisé, en quelque sorte, cette application provisoire, en prétendant qu’elle ne se ferait qu’à la marge du traité. C’est tout à fait inexact : plus de 90 % des dispositions du texte s’appliqueront dès le 1er mars prochain. Ce serait bien la moindre des choses qu’un parlement démocratique comme celui de la République française soit consulté, ainsi que nous le demandons, avant la mise en œuvre de ces dispositions.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, je ne nie pas le travail important qui a été effectué, notamment au cours des auditions, celles de Matthias Fekl en particulier, qui a été entendu à plusieurs reprises, tant par la commission des affaires étrangères que par la commission des affaires européennes. Mais l’audition d’un secrétaire d’État en commission ne saurait remplacer un débat démocratique dans l’hémicycle, en présence de représentants de tous les groupes et de toutes les commissions permanentes susceptibles d’être saisies des différents aspects du texte.
La procédure de négociation, confiée à la Commission européenne, a été à l’évidence anti-démocratique, et l’autorisation de signature délivrée par le Gouvernement français n’a fait l’objet d’aucun débat préalable au Parlement ; il faudrait au moins que l’application provisoire fasse l’objet d’une telle consultation.
Peut-être y a-t-il d’ailleurs eu une petite confusion tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, ou alors j’ai mal interprété vos propos – je lirai le compte rendu sur ce point. Matthias Fekl a été très clair, en particulier devant les commissions, sur la mixité de l’accord : certaines de ses dispositions relevant des compétences de l’Union, et certaines autres, des États membres, si l’un de ces derniers ne ratifie pas l’accord, l’ensemble de l’accord tombe, a-t-il expliqué. Tout le problème est là.

M. Christophe Caresche. En réalité, personne ne sait ce qui se passe dans ce cas.

M. Marc Dolez, rapporteur. C’est en tout cas ce qu’a dit M. Fekl : c’est donc la position du gouvernement français. Cela soulève, je vous l’accorde, une vraie question. Lorsque les procédures de ratification seront engagées, elles pourront prendre plusieurs années, chacun le sait, et l’on viendra nous expliquer, si un ou plusieurs États membres ne ratifient pas l’accord, que l’on ne peut faire autrement que de le mettre en œuvre, dès lors que l’application provisoire porte sur 90 % de son contenu, qui plus est sur des dispositions relevant des compétences de l’Union européenne ; les États nationaux ne pourront donc pas dire grand-chose.
Je termine sur la question du référendum. En commission des affaires étrangères et en commission des affaires européennes, on m’avait expliqué, à ma grande surprise, qu’un sujet de cette importance ne pouvait être soumis à référendum. Je m’étonne que M. Lellouche fasse sienne cette opinion, qui l’empêche de voter notre proposition de résolution : le recours au référendum ne devrait-il pas être naturel pour quelqu’un qui se réclame du gaullisme ?

M. François Loncle. Pas moi !

M. Marc Dolez, rapporteur. En effet, monsieur Loncle, pas vous.

M. François Loncle. Mais le texte du traité fait 2 200 pages.

M. Marc Dolez, rapporteur. Ce texte, dit-on, est compliqué, quasi illisible, volumineux en pages et en annexes ; mais c’était déjà le cas du traité de Maastricht, que François Mitterrand avait pourtant fait approuver par référendum. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C’était également le cas, en 2005, du projet de Constitution européenne, que Jacques Chirac avait lui aussi soumis à un référendum.
Nous avons donc, sur ce point, un désaccord de fond : sur un sujet aussi important, qui engage l’avenir du pays et de nos concitoyens, le peuple doit pouvoir se prononcer directement et avoir le dernier mot.

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur.

M. Marc Dolez, rapporteur. J’ajoute un dernier mot, monsieur le président. Le recours au référendum que nous proposons ici fait écho, en quelque sorte, aux remarquables travaux de la commission Bartolone sur l’avenir des institutions, laquelle a associé tous les groupes de notre assemblée plus des personnalités extérieures. Parmi ses conclusions figurait notamment la nécessité d’encourager et de développer le recours au référendum.

M. le président. Il faut conclure.

M. Marc Dolez, rapporteur. Celui-ci est en effet un instrument essentiel pour rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions et leurs élus.
Je vous prie de m’excuser, monsieur le président, d’avoir été long ; mais, comme vous le savez, le rapporteur que je ne suis n’est pas limité dans son temps de parole, et le sujet appelait quelques développements.

M. Jean-Luc Laurent. Il l’exigeait, même !

M. Marc Dolez, rapporteur. Il l’exigeait, en effet.
Pour toutes ces raisons, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de résolution.
Et, si vous me le permettez, monsieur le président, je veux apporter une dernière précision pour éviter toute « embrouille » au moment du vote : vous allez mettre aux voix les conclusions de rejet de la commission ; par conséquent, ceux qui soutiennent cette bonne proposition de résolution doivent rejeter les conclusions de rejet.

 

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16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 09:34

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, notre groupe souhaite saluer l’augmentation conséquente de ce budget de la justice pour 2017 ainsi que l’effort poursuivi de création d’emplois, l’amélioration de certains régimes indemnitaires, les crédits affectés à l’entretien du bâti, de même que l’augmentation de l’aide juridictionnelle et des moyens alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, l’amélioration de la prise en charge des victimes et la création d’un service d’accueil unique du justiciable sont à souligner, même si beaucoup restera à faire pour rattraper le retard structurel et pour que le service public de la justice dispose d’un budget à la hauteur de sa mission.
Comme les années précédentes, les crédits les plus importants sont octroyés au programme « Administration pénitentiaire ». La hausse des effectifs devrait permettre aux personnels de reprendre un peu de leur souffle face aux difficultés quotidiennes et structurelles auxquelles ils sont confrontés. Toutefois, les moyens restent insuffisants et les créations d’emplois, en particulier, ne permettront pas de combler l’ensemble des besoins tant la situation est dégradée.
Nous sommes encore plus circonspects s’agissant de l’extension du parc carcéral. Au regard du coût déjà exorbitant des partenariats public-privé, le ministère a-t-il réellement les moyens de financer un nouveau programme de construction de places de prison ? On peut d’autant plus se poser la question que les crédits nécessaires sont chiffrés principalement en autorisations d’engagement. Pour notre part, nous considérons qu’il serait plus opportun de rénover massivement certaines prisons, de remplacer les établissements vétustes et, parallèlement, de favoriser le milieu ouvert et les autres alternatives à l’emprisonnement.
Malgré les créations d’emplois, la situation des services judiciaires demeure préoccupante : les délais de jugement, en matière civile comme en matière pénale, stagnent voire s’allongent légèrement par rapport à l’année 2014, comme l’indiquent notamment les derniers travaux de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice. Il faut revanche saluer la stabilisation du nombre de magistrats et le développement d’une gestion prévisionnelle des emplois.
À l’occasion de l’examen de ce dernier budget de la législature, monsieur le ministre, permettez-moi également de regretter une occasion manquée pour la justice des mineurs : la grande réforme de l’ordonnance de 1945, pourtant promise, n’aura pas eu lieu – à l’exception de quelques dispositions a minima qui figurent dans la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle.
Par ailleurs, si nous nous félicitons que le montant des ressources consacrées à l’aide juridictionnelle soit en augmentation de 15 %, nous souhaitons que celle-ci ne conduise pas à éluder la question fondamentale de la rétribution des professionnels du droit intervenant à ce titre.
Pour conclure, sous réserve de ces quelques observations et compte tenu de la hausse significative des moyens alloués à la justice depuis 2012, en particulier pour 2017, les députés du Front de gauche voteront pour les crédits de la mission « Justice ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis. Très bien !

 

- 2ème séance du vendredi 4 Novembre 2016 -

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16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 09:23

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en premier lieu, nous saluons l’augmentation de près de 15 % des crédits budgétaires de la mission, qui vise en particulier à renforcer les moyens de l’action 02 « Garantie de l’exercice du droit d’asile », augmentation indispensable dans le contexte exceptionnel que chacun connaît : celui d’une crise migratoire durable et d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. La France s’est ainsi engagée à accueillir 37 000 migrants d’ici à 2017, même si nous sommes encore loin du compte.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, le démantèlement de la jungle de Calais s’est effectué dans des conditions très satisfaisantes et, comme vous l’avez fait, il convient de remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette opération, même si pour notre part nous conservons quelques inquiétudes quant à la prise en charge des mineurs isolés et au nombre de places ouvertes dans les centres d’accueil et d’orientation, les CAO.
Si les moyens budgétaires consentis à l’OFPRA sont en très nette augmentation, nous déplorons cependant que l’objectif affiché d’un délai de traitement moyen des demandes d’asile de trois mois soit encore loin d’être respecté, celui-ci stagnant à environ 200 jours en 2016. Dans le même temps, nous insistons pour que la diminution des délais de traitement ne soit en aucun cas synonyme de procédures expéditives aux garanties réduites pour les demandeurs d’asile.
Nous avons également quelques inquiétudes concernant l’hébergement des demandeurs d’asile. Dans les CAO, nous déplorons la présence d’un seul travailleur social pour trente personnes, l’absence de prestation d’interprétariat, d’aide d’urgence pour la vie quotidienne et de garantie quant aux normes d’accueil, ce qui risque de nuire fortement à la qualité de l’accompagnement proposé.
Quant aux CADA, ils sont reconnus comme le mode d’hébergement le mieux adapté à la situation de ce public fragile et la loi du 29 juillet 2015 en fait le principal mode d’hébergement pérenne des demandeurs d’asile. C’est pourquoi, même si cela reste insuffisant, il convient de souligner les efforts réalisés pour créer de nouvelles places en CADA et porter ainsi leur capacité d’hébergement à plus de 40 000 à la fin de l’année 2017.
S’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière, je voudrais insister en particulier sur les centres de rétention administrative, les CRA. Les crédits prévus pour 2017 sont en légère hausse mais, nous l’avions dit à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif aux droits des étrangers, le régime proposé ne nous paraît guère satisfaisant. Comme le souligne le Défenseur des droits, si l’assignation à résidence est érigée en principe, ce principe souffre « de trop nombreuses dérogations » et « peut conduire à ce que l’assignation à résidence soit en réalité une mesure supplémentaire de contrainte et non alternative à la rétention ».
S’agissant en particulier des enfants en rétention, quatre ans après une première condamnation, la Cour européenne des droits de l’homme a, en juillet dernier, infligé un nouveau désaveu à la France pour maintien en centre de rétention des mineurs étrangers accompagnant leur famille. Si la Cour n’a pas posé d’interdiction de principe, elle a cependant durci les conditions du recours à la rétention des mineurs étrangers accompagnés, conçue comme une mesure exceptionnelle, de dernier ressort. C’est pourquoi nous émettons une nouvelle fois le souhait que toutes les conséquences de ces arrêts de la CEDH soient enfin tirées.
Pour toutes les raisons indiquées, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur les crédits de cette mission.

 

- 1ère séance du vendredi 4 Novembre 2016 -

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16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 09:13

 

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2012, la sécurité s’est appuyée sur un effort budgétaire continu qui s’est évidemment considérablement accru pour faire face à la menace terroriste.
Les augmentations de crédit ont naturellement concerné en premier lieu les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme. Sous l’effet du plan de lutte antiterroriste consécutif aux attentats de janvier 2015 et du pacte de sécurité annoncé à la suite des attentats du 13 novembre 2015, la police comme la gendarmerie ont connu des hausses d’effectifs qui, ajoutées à celles qui étaient déjà prévues dans le cadre triennal, atteignent près de 9 000 postes sur la législature.
Cette trajectoire est à comparer avec la mise en place aveugle de la révision générale des politiques publiques – RGPP – sous la précédente législature, qui s’est soldée, rappelons-le, par la disparition de 13 000 postes. C’est pourquoi nous ne pouvons que saluer l’effort engagé par le Gouvernement, même s’il ne suffira évidemment pas à combler le déficit dont celui-ci a hérité. La courbe des effectifs se redresse néanmoins, et ce malgré un grand nombre de départs en retraite et en dépit du temps nécessaire à la formation des élèves des écoles de police et de gendarmerie.
Cela étant dit, l’augmentation des effectifs n’est qu’une partie de la réponse qui doit être apportée aux attentes des forces de l’ordre, lesquelles sont confrontées non seulement à des formes de criminalité de plus en plus complexes et à des formes de délinquance de plus en plus violentes, mais aussi à un manque de reconnaissance et à une souffrance au travail accrue.
Dans un tel contexte, nous approuvons les récentes annonces visant à mettre en œuvre un nouveau plan pour la sécurité publique doté d’une enveloppe globale de 250 millions d’euros.
Pour notre part, nous demandons avec insistance, depuis plusieurs années, que l’on consacre des moyens plus ambitieux à l’amélioration des conditions de travail des policiers et des gendarmes. Alors que l’essentiel des crédits supplémentaires a été attribué jusqu’à présent à la lutte contre le terrorisme ou l’immigration illégale, ce nouveau plan s’adresse à juste titre aux personnels, qui exercent en quelque sorte la police de tous les jours. Cela va dans le bon sens, même si beaucoup reste à faire. Il nous semble essentiel de poursuivre cet effort dans les années à venir, quelles que soient les majorités politiques. Il nous semble en effet indispensable de reconstituer une véritable police de proximité, une police de la sécurité quotidienne retissant des liens étroits avec la population.
À vrai dire, aucun bilan sérieux n’a été tiré de l’expérience conduite en ce sens il y a plus de quinze ans. L’approche privilégiée a finalement accru le fossé et la défiance entre la police et la population. La police de proximité a peu à peu laissé place à une police d’ordre plus réactive que préventive. Au bénéfice de ces quelques observations, les députés du Front de gauche voteront les crédits de la mission « Sécurités » en souhaitant que les récentes annonces gouvernementales constituent la première étape de la réforme plus globale que les personnels appellent de leurs vœux.

 

- 1ère séance du vendredi 4 Novembre 2016 -

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3 novembre 2016 4 03 /11 /novembre /2016 09:25

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger sur les accords de libre-échange que l’Union européenne négocie avec les États-Unis, le Transatlantic Free Trade Area, TAFTA, et avec le Canada, le Comprehensive Economic and Trade Agreement, CETA.
Vous avez déclaré, le 28 juin, dans cet hémicycle, que le TAFTA n’était pas acceptable. Ma première question est donc simple : quelles initiatives la France a-t-elle prises ou va-t-elle prendre pour mettre un terme aux négociations ?
Le CETA n’est pas plus acceptable car la négociation avec le Canada est tout aussi opaque sur la forme et néolibérale sur le fond : déréglementation des normes sociales, écologiques et alimentaires, soumission des États aux marchés, sans compter de nombreuses zones d’ombre, qui font de ce texte de 1 600 pages un véritable chèque en blanc. Et pourtant, monsieur le Premier ministre, vous l’avez qualifié d’« équilibré » et de « gagnant-gagnant », alors que, par exemple, les multinationales américaines de l’agroalimentaire détenant une filiale au Canada pourront profiter de l’accord pour mieux pénétrer et inonder le marché européen.
J’en viens à ma seconde question. Après l’échec, hier, du conseil des ministres du commerce, la France entend-elle tirer les leçons de la négociation et renoncer en toute cohérence à soutenir le CETA ? S’engage-t-elle aussi à s’opposer à toute application du traité, avant même une hypothétique ratification par les parlements nationaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Chassaigne. Excellent !

Mme Brigitte Allain, Mme Danielle Auroi et Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, je vous remercie de votre question. Nous sommes clairement à la fin d’un cycle en matière commerciale. Après trente années de suppression des règles, de néolibéralisme, de promesses d’emploi et de croissance qui, il faut le dire, n’ont souvent pas été tenues, l’Union européenne a aujourd’hui l’ardente obligation de réinventer sa politique commerciale et de s’affirmer comme une puissance commerciale qui défend les Européens et ses intérêts propres.
C’est pourquoi, comme l’a rappelé M. le Premier ministre, nous demandons – et nous sommes à ce stade le seul pays européen à le faire – la fin pure et simple des négociations sur le TAFTA, qui vont clairement dans le mauvais sens et dont l’Europe n’a manifestement rien à attendre.
S’agissant des négociations avec le Canada, il faut d’abord rétablir un certain nombre de vérités. Ces discussions sont achevées depuis deux ans et la France s’est battue, même après la fin des négociations, pour obtenir un certain nombre d’avancées extrêmement importantes.
D’abord, concernant la ratification des parlements, comme je m’y étais engagé devant vous, Sigmar Gabriel et moi avons écrit à la Commission européenne avant l’été pour obtenir la reconnaissance du caractère mixte de l’accord, afin que vous, mesdames et messieurs les parlementaires, puissiez avoir le dernier mot.
Ensuite, nous nous sommes battus, hier encore, en conseil des ministres européens, à Luxembourg, sur la question de son application provisoire. Il est maintenant clairement acté au niveau européen qu’en cas d’opposition des parlements nationaux à cet accord, son application provisoire devra être remise en question, conformément aux procédures européennes. C’est la première fois que la démocratie est respectée à ce point.
Enfin, l’arbitrage privé a été remplacé par une cour de justice commerciale internationale publique, ce qui est inédit. Je suis fier que cette initiative, portée par la France, ait abouti au niveau européen.

Mme Luce Pane. Bravo !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Pourquoi les progressistes européens, y compris les soutiens de M. Tsipras, en Grèce, et le Bloc de gauche, au Portugal, soutiennent-ils cet accord ? Parce que celui-ci pose des règles et protège l’économie européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

 

- 1ère séance du 19 Octobre 2016 -

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30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 08:49

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, un traité peut en cacher un autre. Derrière le TAFTA – Trans-Atlantic free trade agreement, ou accord commercial transatlantique – , il y a aussi le TISA – Trade in services agreement, ou accord sur le commerce des services ! Dans une totale opacité, l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et une vingtaine d’autres pays négocient actuellement un accord sur le commerce des services. Ce traité de libre échange, le TISA, vise à libéraliser les activités de services, qu’il s’agisse des transports, des télécommunications, des services financiers, mais aussi de l’eau, de l’éducation ou de la santé. Sous l’influence du lobbying des multinationales américaines, l’objectif est limpide : réduire autant que possible les barrières de la concurrence, accélérer privatisations et dérégulations, endiguer toute velléité de réglementation par les États. L’égalité de concurrence irait jusqu’à exiger que tout soutien financier apporté aux services publics soit explicitement exclu, ou également ouvert aux prestataires de services privés à but lucratif. De surcroît, une clause du traité rendrait impossible tout retour en arrière.
Devant une telle atteinte à la souveraineté de la France et une telle menace pour nos services publics, ma question est double : le Gouvernement est-il prêt à demander l’arrêt immédiat de ces négociations dont la conclusion est annoncée pour la fin de l’année ? En tout état de cause, s’engage-t-il à exclure toute ratification ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Michèle Bonneton et Mme Véronique Massonneau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question. Concernant le TAFTA, je vous renvoie aux déclarations du Premier ministre devant votre assemblée hier. Je vous rappelle aussi que le chef de l’État, le chef du Gouvernement et moi-même, dans mes fonctions au commerce extérieur, avons été les premiers – et à ce stade les seuls – à poser ce degré-là d’exigence et ce degré-là de précision dans nos interventions sur ce thème.
Vous m’interrogez sur une autre négociation en cours, celle du TISA, qui concerne spécifiquement les services. Le but de ces négociations, telles qu’elles sont conduites, n’est pas de procéder à la libéralisation tous azimuts de ce qui existe. Ce n’est pas le souhait de la France et sincèrement, ce n’est pas non plus ce que défend l’Union européenne aujourd’hui. Le secteur des services, à savoir les transports, les services financiers et toute une série d’activités importantes pour la France, est un secteur très fort dans notre économie. Nous avons plus de 10 milliards d’euros d’excédent dans ce domaine. Notre économie et nos salariés ont donc intérêt à ce que des règles ambitieuses et exigeantes soient fixées à l’échelle mondiale.
Nous avons des réserves très précises sur les points que vous avez évoqués. Les services publics tout d’abord : en l’état actuel des négociations, ils sont protégés par ce que l’on appelle une clause transversale, c’est-à-dire que quel que soit le secteur concerné, il ne sera pas possible de remettre en cause les services publics existants, ni les services publics futurs qu’un État souhaiterait créer. C’est pour nous une ligne rouge très claire. Concernant la transparence, nous avons obtenu la publicité du mandat de négociation en mars 2015, et je suis à votre disposition pour vous apporter des précisions complémentaires. L’audiovisuel est exclu de ces négociations, et avec la ministre de la culture, Audrey Azoulay, nous sommes plus particulièrement attentifs à la question de la diversité culturelle. Vous le voyez, les exigences posées sur le TAFTA sont aussi d’actualité sur ce sujet-là. C’est la cohérence de notre diplomatie qui est ici en jeu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

 

- questions au gouvernement, 1ère séance du 29 Juin 2016 -

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8 juin 2016 3 08 /06 /juin /2016 09:16

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne s’étonnera dans cet hémicycle que, dans le consensus ambiant, je fasse entendre une voix dissonante.

M. Michel Piron. Oh !

M. Marc Dolez. Les députés du Front de gauche sont en désaccord avec la philosophie même de cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la lignée de la réforme de 2010 et du processus de disparition des communes.

M. Jacques Pélissard. Non !

M. Marc Dolez. Après l’échec de la loi Marcellin de 1971, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a en effet mis en place un nouveau dispositif de fusion de communes, alors présenté comme plus simple et plus incitatif, en donnant la possibilité à plusieurs communes de se regrouper en une commune nouvelle.
Dans le même esprit, la loi du 16 mars 2015 a assoupli ces dispositions afin de favoriser les fusions. La proposition de loi que nous examinons ce soir entend encore assouplir le dispositif.
Nous ne sommes pas opposés par principe aux regroupements de communes,…

M. Michel Piron. Ah !

M. Marc Dolez. …mais nous considérons que ce choix doit d’abord être celui des citoyens par la voix référendaire et non celui d’élus qui n’ont pas reçu de mandat en ce sens.
Chaque commune doit aussi pouvoir se prononcer sur son devenir. Or, faut-il le rappeler, la règle majoritaire rend possible la fusion de communes contre leur gré, ce qui est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
C’est pourquoi, le processus de création des communes nouvelles ne répondant pas à cette double exigence, nous ne soutenons aucun texte tendant à favoriser leur développement.
Par ailleurs, au regard de la baisse de la DGF, qui, en cumulé, ampute les budgets des collectivités territoriales de 28 milliards d’euros sur trois ans, l’avantage financier accordé aux communes nouvelles constitue plus qu’une incitation financière, il y a un risque d’intégration forcée des petites communes.
Les nouvelles dispositions fiscales et incitations financières pour encourager le processus de fusion ne garantissent nullement le maintien des dotations au-delà de la période transitoire et vont conduire mécaniquement à une baisse des dotations des communes qui ne s’inscrivent pas dans ce processus.
Plus le processus de la commune nouvelle rencontrera de succès, plus la dotation des autres collectivités diminuera, puisque le montant de l’enveloppe demeurera le même.

M. Éric Straumann. C’est vrai !

M. Marc Dolez. C’est donc l’État qui incite financièrement les communes à se regrouper, mais ce sont les collectivités territoriales et leurs contribuables qui paieront la facture, les maires étant contraints soit d’augmenter la fiscalité pesant sur les ménages ou les entreprises, soit de baisser le niveau des services rendus aux habitants ou d’en augmenter le coût. C’est une raison supplémentaire pour fonder notre opposition au renforcement de ces dispositions.
Nous sommes totalement opposés à un dispositif dont l’objectif, à terme, est limpide : supprimer des milliers de communes et mettre fin à ce qui est appelé l’émiettement communal, comme si nos presque 36 000 communes étaient un handicap pour la République, alors qu’elles sont un atout et une chance.
En réalité, cela n’aboutira qu’à accroître les inégalités territoriales…

M. Gérard Menuel. Vous mélangez tout !

M. Marc Dolez. …et à éloigner les centres de décision des citoyens. C’est pourquoi nous refusons cette proposition de loi qui poursuit ce mouvement, avec l’ambition de supprimer les derniers freins à la création à marche forcée…

M. Gérard Menuel. Mais non !

M. Marc Dolez. …des communes nouvelles. Nous pensons, au contraire, que la commune doit être confortée comme la cellule de base de la démocratie. Cette volonté est très largement partagée par nos concitoyens. Un sondage IPSOS publié avant-hier rappelle en effet que trois Français sur quatre sont toujours fortement attachés à leur commune, quelle qu’en soit la taille. Selon cette enquête, les municipalités sont clairement perçues par les Français comme le dernier espace fort de la capacité d’action publique. Voilà un lien qui devrait interpeller, dans l’inquiétante crise démocratique que connaît aujourd’hui le pays.
J’ajoute que nous sommes bien sûr favorables à une coopération intercommunale, volontaire et utile, qui aboutisse à un approfondissement de la démocratie locale et respecte la libre administration des communes. Pour toutes les raisons que j’ai données, les députés du Front de gauche voteront résolument contre cette proposition de loi.

 

- 2ème séance du 1er Juin 2016 -

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2 juin 2016 4 02 /06 /juin /2016 08:39

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question des modalités d’inscription sur les listes électorales a souvent été sous-estimée en raison de son apparence technique. Aujourd’hui cependant, au regard de l’accroissement constant de l’abstention, elle constitue un enjeu démocratique non négligeable. Plusieurs études ont en effet pointé les contraintes pesant sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales ainsi que sa complexité.
Notre système est en effet l’un des plus lourds et des plus compliqués au monde. Dans leur ouvrage La démocratie de l’abstention, publié en 2007, Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen relèvent que les électeurs qui sont correctement inscrits sont rarement des abstentionnistes constants mais que le vote intermittent se développe depuis les années 1980, tendance qui s’est d’ailleurs confirmée et amplifiée ces dernières années. La non-inscription sur les listes électorales, ou la « mal-inscription », c’est-à-dire l’inscription un bureau de vote ne correspondant plus au domicile, constitue ainsi un facteur essentiel d’exclusion durable du jeu électoral.
Comme les rapporteurs l’ont parfaitement indiqué, sur les 45 millions d’inscrits sur les listes électorales, on dénombre 6,5 millions de mal-inscrits auxquels il faut ajouter au moins 3 millions de Français qui ne sont pas inscrits du tout.
Face à ce constat, auquel évidemment personne ne peut se résigner, la mission d’information créée en 2014 s’est très utilement interrogée sur les conditions qui permettraient de concilier l’impératif démocratique de participation citoyenne aux élections et la nécessaire sécurisation de la procédure d’inscription. Dans leur rapport, nos collègues Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann avaient formulé vingt-et-une propositions particulièrement pertinentes en vue d’assouplir le calendrier de l’inscription et de simplifier sa procédure.
Les trois propositions de loi que nous examinons aujourd’hui s’appuient sur ces recommandations. Notre groupe soutient la philosophie et les principaux axes de la réforme proposée au travers de ces trois textes, et d’abord l’assouplissement du calendrier d’inscription sur les listes électorales, qui offrirait la possibilité à tout électeur de s’inscrire jusqu’à trente jours avant un scrutin.
Cette disposition apparaît nécessaire : actuellement, la révision annuelle de la liste électorale communale oblige à s’inscrire au plus tard le 31 décembre de chaque année pour participer aux scrutins organisés à partir du mois de mars de l’année suivante. Ce calendrier contraignant dissuade certainement un nombre important d’électeurs potentiels de venir aux urnes. Comme la mission d’information l’a souligné, ce calendrier joue un rôle déterminant dans l’éloignement de millions d’électeurs de l’institution électorale. La révision permanente des listes devrait permettre de remédier, de manière significative, même si ce n’est que partiellement, à cette situation.
De même, la création par l’INSEE d’un répertoire électoral unique, dont les listes électorales communales seront extraites, permettra, en garantissant l’unicité de l’inscription, de les rendre plus fiables.
Le remplacement dans chaque commune de la commission électorale par une commission de contrôle chargée de vérifier la régularité des décisions prises par le maire constitue également une avancée. Ces commissions exerceront un contrôle a posteriori et disposeront du pouvoir de saisir le juge d’instance.
Nous sommes également favorables à une meilleure prise en compte de la mobilité résidentielle des électeurs via la réduction de cinq à deux ans de la durée minimale nécessaire à la reconnaissance de la qualité de contribuable local.
Autre mesure positive, la procédure d’inscription d’office, aujourd’hui applicable aux jeunes de dix-huit ans, sera étendue aux personnes qui acquièrent la nationalité française. De même, les jeunes devenant majeurs entre les deux tours d’une élection pourront voter lors du second tour de scrutin.
Nous aurions, pour notre part, préféré que la réforme puisse entrer en vigueur dès les élections de l’année prochaine, mais nous nous rangeons à l’avis éclairé de nos rapporteurs : ils nous ont convaincu qu’il n’était guère possible d’aller plus vite au regard de l’ampleur de la réforme. Ainsi la mise en place d’un répertoire unique nécessitera plusieurs mois.

Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. C’est vrai !

M. Marc Dolez. Toutes ces mesures concrètes vont incontestablement dans le bon sens, même si, bien sûr – chacun en conviendra – la réforme proposée ne suffira pas à revitaliser notre démocratie. La désaffection de nos concitoyens envers les élections est en effet un phénomène bien plus profond. Beaucoup de nos concitoyens ne s’inscrivent pas sur les listes électorales et beaucoup d’autres ne se déplacent pas le jour du scrutin parce qu’ils doutent de l’utilité de leur vote. Il s’agit d’un point crucial : ce constat se vérifie désormais à chaque scrutin, à l’exception, probablement, des élections municipales. La crise démocratique que connaît aujourd’hui le pays est telle qu’à l’évidence, la réforme des modalités d’inscription sur les listes électorales ne peut, à elle seule, permettre d’y répondre.
Cependant, cette réforme est de nature à favoriser une meilleure participation aux élections, tout en garantissant la sécurisation du processus électoral. C’est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera pour ces trois propositions de loi.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Merci.

 

- Séance du 31 Mai 2016 -

 

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1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 09:30

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui vise à favoriser l’autonomie et l’indépendance des femmes étrangères, résulte d’un long processus de travail mené avec le monde associatif, dont l’expérience de terrain s’est révélée particulièrement utile. Ce travail a mis en lumière la disparité des situations et l’insuffisance de la protection législative pour garantir les droits des femmes étrangères séjournant sur le sol français.
Celles-ci peuvent en effet être victimes de différents types de violences : esclavage moderne, exploitation des mineures, traite des êtres humains, système prostituteur, polygamie, violences de toutes sortes contre les femmes sans papiers. Dans toutes ces situations, la protection accordée aux femmes étrangères reste encore limitée ; le plus grand nombre d’entre elles n’en bénéficient pas. Certes, des dispositions législatives ont été adoptées ces dernières années afin d’améliorer la situation des femmes étrangères sans toutefois leur reconnaître un véritable statut.
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers comporte ainsi plusieurs dispositions spécifiques, comme le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire ou du titre de séjour pour les victimes de violences familiales. De même, aux termes de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, la première délivrance de la carte de séjour temporaire est désormais accordée de plein droit à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions relatives à la traite des êtres humains ou qui témoigne dans une procédure pénale en cours pour ces mêmes infractions.
La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a autorisé, pour sa part, la délivrance de la carte de résident de plein droit en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, tandis que le renouvellement de la carte de séjour temporaire est accordé de plein droit à l’étranger qui a déposé plainte dans le cadre d’une infraction liée à la traite.
Toutes ces mesures représentent indéniablement des avancées, mais restent très insuffisantes pour garantir aux femmes étrangères un véritable statut, et leur permettre de se soustraire durablement aux situations de violences. Plus largement, l’insuffisance des protections ne leur permet pas d’exercer pleinement leurs droits, en particulier pour avoir accès à un logement ou à un travail. Le constat s’impose : aujourd’hui, l’autonomie des femmes étrangères n’est toujours pas une réalité en France.
Cette situation n’est pas acceptable ; la République se doit d’y remédier. Telle est la philosophie de cette proposition de loi, que notre collègue Marie-George Buffet défend avec détermination, et qui vise à donner aux femmes étrangères un véritable statut, pour mettre fin aux différentes situations qui causent – ou favorisent – leur dépendance à l’égard de leur famille, de leur conjoint, ou encore de leur employeur, qui profiterait de leur situation irrégulière. Ces femmes doivent bénéficier des protections nécessaires à l’exercice plein et entier des droits qui leur sont reconnus au titre de leur droit de séjour. Il s’agit, bien sûr, des droits universels et fondamentaux, mais également des droits sociaux, pour les aider à s’intégrer pleinement à notre société : droit à la santé et à un logement décent, droit au travail ou à un revenu de subsistance.
Pour notre part, nous regrettons vivement que les modifications adoptées par la commission des lois limitent la portée du texte en supprimant en particulier deux articles essentiels, et d’abord l’article 1er, qui vise à porter à quatre années – contre une année actuellement – la durée de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Il s’agit de donner aux femmes étrangères le temps nécessaire pour construire leur vie en France. Cet allongement leur permettrait en effet d’engager une véritable démarche d’intégration sans pour autant être menacées de perdre leur droit de séjour à brève échéance en cas de mésentente avec leur conjoint – que ce dernier soit de nationalité française, ou qu’il soit un étranger titulaire d’un titre de séjour.
L’article 3, ensuite, est indispensable pour pallier les carences de la loi du 7 mars 2016 et garantir que la dissolution de la vie commune, lorsqu’elle résulte d’un comportement violent dont la femme est victime, ne puisse lui porter un préjudice supplémentaire en matière de droit au séjour. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de rétablissement de ces deux articles qui nous semblent indispensables dans la mise en œuvre d’un statut autonome pour les femmes étrangères.
Nous soutenons fortement, par ailleurs, les autres dispositions de ce texte, puisqu’il s’agit d’établir des protections nouvelles. L’article 4 étend ainsi la protection des victimes de violences conjugales aux victimes de violences familiales dans le cadre du regroupement familial. Quant aux dispositions des articles 5 et 6, elles permettent aux étrangers de rester en France en cas de dépôt de plainte pour des violences conjugales ou pour certaines infractions comme la répudiation. Ces deux articles s’inscrivent en cela dans le prolongement de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, en complétant les procédures prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA.
Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche souhaitent que cette proposition de loi soit très largement adoptée par notre assemblée, si possible dans sa version initiale, afin d’être totalement opérationnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Tourret. Très bien !

 

- 2ème séance du jeudi 26 Mai 2016 -

 

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