Editeurs
- Abbès Zouache (CNRS - UMR 5648 CIHAM)
- Jérémie Schiettecatte (CNRS - UMR 8167 Orient et Méditerranée)
Argumentaire
En 2011, une statue d’équidé découverte deux ans plus tôt par un éleveur de dromadaire sur le site d’al-Maqar (Arabie Saoudite), à mi-chemin entre Tathlith et le wādī al-Dawāsir, était présentée à la Commission Saoudienne du Tourisme et des Antiquités à Riyadh. S’accompagnant d’artefacts néolithiques, la statue considérée comme vieille de 9000 ans fut présentée au roi Abdallah b. Abdelaziz et rapidement considérée comme la preuve que le berceau de la domestication du cheval devait être cherché en Arabie Saoudite. Cette découverte demeure très discutée, en raison du caractère fortuit de son contexte, d’une part ; par l’interprétation que l’on peut faire de la statue d’autre part : s’agit-il d’un cheval, d’un âne, d’un onagre ? Ce qui apparait comme un bandeau en relief est-il la représentation d’un harnachement ou une caractéristique naturelle de l’animal ?
Indépendamment du crédit que l’on peut apporter à l’interprétation initiale qui fut faite de la découverte d’al-Maqar, celle-ci met en exergue deux points fondamentaux : premièrement, nous ne savons que peu de chose de l’époque de l’introduction et de la domestication du cheval en péninsule Arabique ; deuxièmement, cette découverte souligne la portée symbolique qu’y occupe le cheval dans l’imaginaire collectif.
Partant de ce double constat, il nous est apparu opportun de consacrer un numéro d’Arabian Humanities à la question du cheval et de la pratique de l’équitation en Arabie sous des angles multiples, allant de son introduction, de sa domestication et de sa commercialisation, à ses usages, aux symboles qui y ont été attachés et aux représentations qui en sont faites.
Sur l’origine du cheval et ses usages, des données factuelles peuvent être mobilisées. Les fouilles archéologiques ont livré des assemblages fauniques qui permettent d’identifier la présence d’équidés, et parfois d’en déterminer la nature. Dans l’art rupestre, si le dromadaire monté n’est que rarement représenté, les cavaliers sur chevaux, armés de sabres ou de lances sont un thème récurrent de l’iconographie. Du point de vue des sources historiques, si l’animal est importé en Arabie méridionale au Ier siècle de l’ère chrétienne, comme l’atteste le Périple de la mer Erythrée, nous voyons progressivement le nombre des cavaliers croître au sein des armées himyarites par la suite. Au IVe siècle, alors que le cheval semble devenir une monture commune en Arabie méridionale, des élevages de chevaux sont attestés sur les hauts-plateaux du Yémen. Ces élevages perdurent après la conquête islamique. Les élevages de Sanaa, Dhamār et Ḥaṣī qui alimentent le marché d’Aden sous les Rasūlides (XIIIe-XIVe siècles) deviennent un pilier de l’économie du Yémen médiéval. Des chevaux sont exportés jusqu’en Inde. Les plus beaux, soigneusement choisis, sont des cadeaux de choix. Ainsi, en 1267, le maître du Yémen fait envoyer au sultan mamelouk Baybars vingt chevaux d’exception.
Source de profits, le cheval est aussi, tout au long du Moyen Âge, un marqueur social qui consacre la domination d’une classe de guerriers sur les sociétés de la péninsule Arabique comme de l’ensemble de l’Orient islamique. Il peuple l’imaginaire arabe et musulman. Des légendes attribuent sa domestication à l’ancêtre des Arabes, Ismaël, ou exaltent ses liens avec le Prophète Muḥammad et l’islam. Un véritable genre littéraire lui est consacré, celui des « Livres sur le cheval » (kutub al-ḫayl) qui s’attardent longuement sur leurs qualités et sur leurs défauts, et/ou font la part belle aux nombreux poèmes qui chantent ses vertus. Ces kutub se rattachent à la culture de la furūsiyya, qui englobe tout ce qui a trait de près ou de loin au cheval, dont notamment les arts équestres, mais aussi à la guerre, et que l’ensemble des détenteurs du pouvoir paraissent avoir partagé. Le souverain rasūlide al-Malik al-Muǧāhid ‘Alī b. Dāwūd (m. 1362) rédige un traité d’hippologie. En 1541, le pieux ‘Abd al-Qādir al-Fākihī s’étend longuement sur le cheval, dans le Kitāb manāhiǧ al-surūr… (« Les voies de la gaieté… ») qu’il rédige en l’honneur du chérif de La Mecque, Abū Numayy.
Par la suite, alors que des voyageurs occidentaux s’extasient pour l’équitation et la race arabes, l’engouement pour le cheval ne s’éteint pas dans la péninsule Arabique. Encore aujourd’hui, il continue d’y fasciner nombre de ses habitants, dont certains entretiennent volontiers son mythe.
Ce numéro s’adresse donc aussi bien aux archéologues, historiens, archéozoologues et spécialistes de l’art rupestre, qu’aux disciplines qui interrogent la place du cheval et de la pratique de la furūsiyya dans la société moderne (anthropologues, linguistes, sociologues…).
Modalités de soumission
Les propositions d’article doivent être envoyées avant le 1er février 2016
aux coordinateurs : Abbès Zouache (ab1zouache@yahoo.fr), et Jérémie Schiettecatte (jeremie.schiettecatte@cnrs.fr); ainsi qu’à Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
Ils devront inclure :
- Le titre de l’article
- Un résumé de 15 à 20 lignes
- Toutes les données nécessaires à l’identification de l’auteur : nom, affiliation institutionnelle et fonction, adresse professionnelle, téléphone et e-mail.
Après acceptation, la date limite de soumission des articles sera le 1er mai 2016. Il est demandé aux auteurs de respecter les normes de publication de Arabian Humanities. Elles sont exposées dans la note aux contributeurs, disponibles ici ou bien en contactant la secrétaire de rédaction Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
Comité de lecture permanent
Archéologie et épigraphie
- Jean-François Breton, Directeur de recherche, CNRS, Maison René Ginouvès, Paris-Nanterre
- François Bron, Directeur d’Études, École pratique des hautes études, Paris
- Iwona Gajda, Chargée de recherche, CNRS, UMR Orient & Méditerranée, Mondes sémitiques, Paris-Ivry
- Iris Gerlach, Directrice de l’Institut archéologique allemand, Sanaa
- Michael Macdonald, Professeur assistant, Université d’Oxford
- Joy McCorriston, Université d’Ohio
- Laïla Nehme, Chargée de recherche, CNRS, UMR Orient & Méditerranée, Paris-Ivry
- Jan Retsö, Professeur, Université de Göteborg
Histoire médiévale
- Muhammad Abdelrahim Jazem, Chercheur permanent, Centre français d’archéologie et de sciences sociales, Sanaa
- Ariana d’Ottone, Maître de conférence, Université La Sapienza, Rome
- Anne Regourd, Chercheur, Académie des sciences autrichienne, Institut d’anthropologie sociale, Vienne
- Abdulrahman Al-Salimi, Expert en manuscrits islamiques, Ministère des Waqfs, Mascate
- Daniel Varisco, Directeur des Études du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, Université Hofstra, New York
Histoire moderne et contemporaine
- Gian Carlo Casale, Professeur associé, Université de Minnesota
- Bernard Haykel, Professeur, Université de Princeton
- Nâsir Ibrâhim, Professeur assistant, Université de Dammam
- Thomas Kuehn, Professeur assistant, Université Simon Fraser, Burnaby
- Pierre-Jean Luizard, Directeur de recherche, CNRS GSRL, Paris
- Franck Mermier, Directeur de recherche, CNRS IIAC-LAU, Paris-Ivry
- Jonathan Miran, Professeur associé, Université de Western Washington
- Timothy Mitchell, Professeur, Université de Columbia
Linguistique et littérature
- Mohamed Bakhouch, Maître de conférences, Université d’Aix-Marseille
- Peter Behnstedt, Professeur émérite, Université de Tübingen
- Steve Caton, Professeur, Université de Harvard
- Clive Holes, Professeur, Département des études orientales, Université d’Oxford
- Philip Kennedy, Professeur associé, Université de New York Abu Dhabi
- Marie-Claude Simeone-Senelle, Directrice de recherche, CNRS LLACAN
- Saad Sowayan, Professeur émérite, Université du roi Saoud, Riyad
- Élisabeth Vauthier, Professeur, Université de Rennes
Anthropologie et Sociologie
- Najwa Adra, Chargée de recherche, Institut américain des études yéménites
- Michael Gilsenan, Professeur, Université de New-York
- Yves Gonzalez Quijano, Maître de conférences, Université Lyon II
- Amélie Le Renard, Chargée de recherche, CNRS, Centre Maurice Halbwachs
- Pardis Mahdavi, Professeur associé, Université-collège de Pomona
- Nathalie Peutz, Professeur assistant, Université de New-York Abu Dhabi
- Marina de Regt, Professeur assistant, Université Libre d’Amsterdam
- Rita Wright, Professeur, Center for the Study of Human Origins, New York University
Sciences Politiques
- Laurent Bonnefoy, Chargé de recherche, CNRS-CERI, Paris
- Arang Keshavarzian, Professeur associé, Université de New York
- Stéphane Lacroix, Maître de conférences, Institut d’Études Politiques, Paris
- Marc Valéri, Maître de conférence, Institut des Études Arabes et Islamiques, Université d’Exeter
- Géographie et études urbaines
- Ali Bensaad, Maître de conférences, Université de Provence
- Yasser Elsheshtawy, Professeur associé, Université des Émirats Arabes Unis, al-‘Ain
- Marc Lavergne, Directeur de recherches, CNRS, GREMMO - Université Lyon 2
Editors
- Abbès Zouache (CNRS - UMR 5648 CIHAM)
- Jérémie Schiettecatte (CNRS - UMR 8167 Orient et Méditerranée)
Argumentaire
In 2011, an equine statue discovered two years earlier by a camel breeder on the site of al-Maqar (Saudi Arabia), halfway between Tathlith and Wādī al-Dawāsir, was presented to the Saudi Commission for Tourism and Antiquities in Riyadh. As it had been found with Neolithic artifacts, the statue considered to be 9000 years old was presented to King Abdullah b. Abdulaziz, as evidence that the cradle of the domestication of the horse was to be found in Saudi Arabia. This finding remains the subject of much debate, due to the fortuitous nature of its discovery, and to how should the statue be interpreted in the first place. Does it represent a horse, a donkey, or an onager? And what of the apparent band carved in relief? Is it supposed to be a bridle of sorts? Or a natural feature of the animal?
Regardless of what can be made of the discovery of al-Maqar, it does nevertheless highlight two fundamental points: first, that very little is known about when the horse was introduced and domesticated in the Arabian Peninsula; secondly, that this discovery underscores, in the region, the measure of the importance of the horse in the collective imagination.
Based on these observations, it seemed appropriate to devote a special issue of Arabian Humanities to the significance of the horse and of horseback riding in Arabia from multiple perspectives, from its introduction, domestication and trade, to its many uses, the symbols it conveys and the resulting representations.
Regarding its origins and uses, evidence can be mobilized. Archaeological excavations have yielded faunal assemblages that identify the presence of horses, and sometimes even determine what kind of equine they are. If mounted camels are rarely depicted in rock art, horsemen, armed with swords or spears are a recurring theme of iconography. Historical sources such as the Periplus of the Erythraean Sea tell us the animal was imported in southern Arabia in the 1st c. CE, and they observe a growing number of horsemen in the Himyarite armies. By the 4th c. CE, while the horse seems to have become quite common in southern Arabia, horse farms are attested in the Yemeni highlands. Horse breeding goes on after the Islamic conquest: farms in /Sana'a, Dhamar and Hasi supply the Aden market under the Rasūlids (13th-14th c.) as breeding becomes a mainstay of the economy of medieval Yemen, and horses are exported all the way to India. The most beautiful of them, carefully selected, make for choice gifts. Thus, in 1267, the master of Yemen had twenty such horses sent to the Mamluk Sultan Baybars.
A livelihood for many, throughout the Middle Ages the horse is also a social marker which establishes the domination of a warrior class over the societies of the Arabian Peninsula, as well as the entire Islamic East. As such, it feeds the Arab and Muslim peoples' imagination. Legends attribute its domestication to the ancestor of the Arabs, Ismail, or celebrate its ties with Prophet Muḥammad and Islam. A veritable literary genre is devoted to it, that of the "horse" books" (kutub al-ḫayl), which discuss at length their qualities and defects, and / or focus on the many poems praising its virtues. Such kutub relate to the culture of furūsiyya, which encompasses just about anything having to do with horses, from equestrian art to war, and which every ruler of the period seemed to share. The Rasulid ruler al-Malik al- Muǧāhid 'Alī b. Dāwūd (d. 1362) wrote an essay on hippology. In 1541, the devout ‛Abd al-Qādir al-Fākihī deals extensively with the topic of horses in the Kitāb manāhiǧ al-surūr ("The ways to happiness") which he writes in honour of the Sharif of Mecca Abū Numayy.
Afterwards, while Western travelers rant and rave over horse-riding and Arabian horses, the passion is still alive and well in the Arabian Peninsula. Even today, it still fascinates many of its inhabitants, some of who willingly maintain the myth.
This issue is therefore addressed to archaeologists, historians, archaeozoologists, rock art experts, as well as the disciplines that address the horse’s place and the practice of furūsiyya in modern society (anthropologists, linguists, sociologists ...).
Submission guidelines
Articles should be roughly 9 000 words.
Proposals should be sent before February 1st, 2016
to the editors of the special issue: Abbès Zouache (ab1zouache@yahoo.fr), and Jérémie Schiettecatte (jeremie.schiettecatte@cnrs.fr); as wells as to Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
All proposals should include the following:
- The title of the paper
- An abstract of 15 to 20 lines
- Additional data to identify the author: full name, institutional affiliation and position, institutional address, phone number and e-mail.
- Once accepted, the deadline for submission of articles is May 1st, 2016. Authors are requested to meet the editorial standards of Arabian Humanities, available here or from the Editorial Secretary, Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).