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De l’épigastre au ventre : œconomia animale et économie du corps social

De l’épigastre au ventre : œconomia animale et économie du corps social

Bertrand Marquer

Topos de la pensée du Vivant, l’association du principe vital au processus de la nutrition semble consacrer, au XIXe siècle, la suprématie d’un organe qui proposait l’avantage de concilier l’ancien discours des alchimistes et l’optique de la physiologie héritée des Lumières. En popularisant l’image du « triumvirat, trépied de la vie », constitué du cerveau, du cœur, et de l’estomac, Théophile de Bordeu a en effet joué un rôle central dans l’élaboration d’une configuration, tant anatomique qu’idéologique, dans laquelle le « second cerveau, placé dans le diaphragme » (Le Cousin Pons) fait figure d’organe primus inter pares, à l’image d’une classe bourgeoise se définissant, elle aussi, comme médiane et centrale. Relayée par une gastronomie conçue comme un art de vivre en société, la nouvelle œconomia animale issue de la physiologie lie ainsi étroitement les représentations du Vivant aux représentations sociales, et dessine les contours d’un organicisme à vocation transdisciplinaire, et paradigmatique. À travers l’affirmation de la centralité de l’estomac se joue l’instauration d’une norme et d’un écart, dont la littérature est tour à tour le relais critique et ironique.

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Le « Dieu vivant » romantique

Le « Dieu vivant » romantique

Claude Rétat

L’expression « Dieu vivant » provient de la Bible (nombreuses occurrences dans l’ancien et dans le nouveau Testament). Elle figure en bonne place dans les dictionnaires du XIXe siècle, portant la notion d’un « vrai » Dieu (par opposition aux « idoles ») et d’un Dieu « personnel » (par opposition aux idées abstraites), conçu comme principe de toute vie.
Cette étude part d’un constat : la fréquence de réemploi en contexte romantique, la richesse des potentialités de réutilisation. « Dieu vivant » se constitue en formule-bascule, pour réinvestir des représentations théologiques et déboucher sur un nouvel imaginaire du vivant. La formule est pour ainsi dire active en romantisme : ainsi, chez Hugo, est-elle la formule même qui parle au vivant et le met en branle (« Le cèdre »).
Il s’agit donc ici de tracer les cadres de ce ré-emploi romantique. Est analysé l’investissement massif de la formule, autour de 1830, par la littérature saint-simonienne, au service d’une pensée de l’organique, du lien, du « corps social », et plus encore d’une pratique vivante de la réflexion sur le vivant. Son application à une pensée totalisante de l’histoire, de l’humanité et de la nature (« Dieu vivant » permettant de théologiser la pensée de la vie universelle, du vivant mû par le même moteur) ressort de l’œuvre d’Edgar Quinet. Michelet apporte une vue du Dieu vivant, pièce maîtresse d’un système d’auto-création du sujet par lui-même, qui déplace peut-être la perspective du vivant à celle de la vitalité.

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