Combien de chômeurs devra compter l'Europe avant qu'on ne prenne vraiment la mesure du drame qui se met tout doucement en place ? Car depuis 2008, leur nombre a augmenté de 10 millions !
« Il faudrait créer 6 millions d'emplois en Europe pour revenir au niveau d'emploi d'avant la crise, soit à celui du dernier trimestre de 2008 » écrit Le Parisien, citant une étude de l'Organisation internationale du travail (OIT). Le chiffre fait froid dans le dos, surtout quand on apprend que : 26 millions d'Européens étaient au chômage en février 2013, 10 millions de plus qu'en 2008.
Ces chiffres n'ont pourtant pas l'air de préoccuper outre mesure la Commission européenne qui se félicite, tout en menaçant, des nouvelles mesures d'austérité décidées par le gouvernement portugais, dont certaines avaient pourtant été retoquées par sa propre Cour constitutionnelle. D'ailleurs, la Commission européenne a été claire : «Tout écart des objectifs du plan d’aide ou leur renégociation neutraliserait les efforts déjà accomplis par les citoyens portugais ou prolongerait leurs difficultés». Ce qui va certainement réjouir les 17,6% de chômeurs locaux, et tout particulièrement aux 38,2% de jeunes de moins de 25 ans !
Ce à quoi, on pourra ajouter les fortes hausses du chômage en : Grèce (de 21,4% à 26,4% entre décembre 2011 et décembre 2012), Chypre (de 10,2% à 14,0%), Espagne (de 23,9% à 26,3%). Et si Eurostat se réjouit des « baisses les plus marquées » il n'y a pas lieu de faire la fête, lorsqu'on sait que la Lettonie est passée de 15,6% à 14,3% ou que l'Irlande de son côté après avoir connu 15,1% se situe à 14,2% !
De plus, en ce qui concerne les jeunes de moins de 25 ans, le même Eurosat indique que : « (...) En février 2013, 5,694 millions de jeunes de moins de 25 ans étaient au chômage dans l'UE27, dont 3,581 millions dans la zone euro (...) le taux de chômage des jeunes s'est élevé à 23,5% dans l’UE27 et à 23,9% dans la zone euro, contre respectivement 22,5% et 22,3% en février 2012. Les taux les plus bas en février 2013 ont été observés en Allemagne (7,7%), en Autriche (8,9%) et aux Pays-Bas (10,4%), et les plus élevés en Grèce (58,4% ), en Espagne (55,7%), au Portugal (38,2%) et en Italie (37,8%) »
La compétitivité ! vous diront les cassandres qui, il y a quelques années, nous expliquaient que le départ des unités de production vers l'Asie étaient inéluctable et que, le développement des services dans la vielle Europe rééquilibreraient harmonieusement le tout ! Cassandres qui vous expliquent maintenant qu'il est nécessaire de baisser les salaires et les coûts du travail afin de pouvoir exporter vers les pays émergents susceptibles d'acheter à tout va !
Il va de soi que cette nouvelle « fulgurance » est un leurre, dans la mesure où, les pays émergents qui continuent à exporter la majorité des produits vers la vielle Europe, en profitent pour exiger, à l'instar de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, pour ne citer qu'eux, des transferts technologiques qui leur permettront de servir leurs marchés intérieurs. Et aussi, de vendre à la vielle europe et au reste du monde des produits de haute technologie dont le développement ... ne leur aura rien coûté !
Et comme il faudra un nombre incalculable d'années avant que les salaires et les conditions sociales des salariés des pays émergent atteignent ne serais ce que la moitié des nôtres, pour le FMI, la BCE, l'OCDE et la Commission européenne, mieux vaut aligner par le bas les salaires et conditions sociales en Europe. Sans pour cela sortir les 26 millions de chômeurs actuels de leur situation puisque, la cure d'austérité est prônée par les mêmes !
Ce qui est l'avis de l’Organisation internationale du Travail (OIT) : « Si les objectifs d’équilibre budgétaire et de compétitivité sont importants, il est crucial de ne pas s’y attaquer par des mesures d’austérité et des réformes structurelles qui ne traitent pas les causes profondes de la crise »
Ce à quoi, les candidats à la succession de Laurence Parisot au Medef répondent
Frédéric Saint-Geours : « Je propose d'agir pour mettre en place de nouveaux équilibres indissociables dans quatre domaines. Celui de la sphère publique, en réduisant de 100 milliards d'euros les dépenses, pour restaurer l'équilibre budgétaire et alléger le poids des cotisations sociales (...) » Le Figaro
Roux de Bézieux : « L’allongement de l’espérance de vie implique d’augmenter la durée d’activité. C’est non négociable ! » appelant de plus à « plus de flexibilité »
Patrick Bernasconi : « ll va falloir reculer l'âge de départ en retraite et s'aligner sur les standards européens. Il va probablement falloir réintroduire de la dégressivité dans les allocations chômage. Il va falloir laisser les entreprises déterminer elles-mêmes leur durée du travail » Le Figaro
Pierre Gattaz : « le chômage est le problème numéro un en France » et « l’on risque si on ne fait rien d’arriver à 12%, 13%, 14% avec des banlieues qui vont exploser ». Les patrons ont « peur d’embaucher », a-t-il souligné en appelant à « la flexibilité de l’emploi » et en fustigeant les « postures dogmatiques politiques pour dire on va garder telle usine, on va garder les emplois »
En résumé : Encore plus de chômeurs âgés, et surtout, de précaires, dans la mesure où la flexibilité réclamée équivaut à partager le chômage entre tous et que, la baisse programmée des indemnités de chômage ne fera que plonger les gens dans la misère, un peu plus tôt. Donc, aucun effet sur l'emploi
Néanmoins, nos preux défenseurs de l'entreprise et des entrepreneurs évitent certains sujets qui, c'est vrai, pourraient fâcher : la compétition à la flexibilité entre salariés européens ! En effet, les expériences comme celle de Renault en Espagne montrent bien comment il sera facile de mettre la pression sur les salariés pour obtenir toujours plus de sacrifices. Ce qui améliorera sans nul doute les marges et les revenus des actionnaires mais n'aura aucun effet sur l'emploi !
De plus, pas un mot sur l'attractivité de nos produits qui certes pourraient être moins chers en cas de baisse des cotisations, sans pour autant être plébiscités par les consommateurs. A moins bien entendu d'investir dans la R&D dans notre pays, et pas en la délocalisant, comme c'est devenu la mode ces dernières années.
La réalité, c'est que plus on baissera le niveau de protection et les salaires et moins il y aura de clients pour acheter les produits. Et, comme nous l'expliquions plus haut, les pays émergents achèteront les produits construits et assemblés chez eux, même une suppression totale des cotisations sociales et un droit du travail réduit à sa plus simple expression ne changerait rien, l'emploi ne reviendra jamais et les prétendants à la présidence du Medef le savent pertinemment !
Une situation qui, à terme, fera exploser pas seulement les banlieues citées par Pierre Gattaz. Car écrit l'OIT : « Le chômage de longue durée devient un problème structurel pour beaucoup de pays européens. Dans 19 d’entre eux, plus de 40 pour cent des demandeurs d’emploi sont maintenant des chômeurs de longue durée, ce qui veut dire qu’ils sont sans travail depuis douze mois ou plus (...) La situation de l’emploi qui se dégrade signifie également que le risque de troubles sociaux est maintenant supérieur de 12 points de pourcentage à ce qu’il était avant le déclenchement de la crise (...) »
C'est quand même dommage que ces gens ne veillent pas comprendre qu'ils doivent payer une crise dont ils ne sont pas responsables .....
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