Année passée en revue : 2000

Partout dans le monde les gens ont célébré l’an 2000 dans l’espoir que le nouveau millénaire leur offrira un monde meilleur, un monde avec moins de violence et de pauvreté. Pour leur part, les classes dirigeantes ont proclamé que les convulsions sociales et les révolutions appartenaient au passé et que la prochaine période serait celle du capitalisme triomphant.


L’élection volée

Le World Socialist Web Site a relevé les divisions sociales et économiques de plus en plus fortes au sein du capitalisme tant aux Etats-Unis qu’internationalement. Nous avons souligné que l’instabilité financière et l’aggravation des conflits entre les Etats-nations présageaient une nouvelle période de guerres et de soulèvements politiques.

Cette évaluation se verra confirmée au cours de cette année, d’abord par l’effondrement de la bulle Internet sur les marchés boursiers puis par la pire crise politique depuis un siècle aux Etats-Unis – l’élection présidentielle de l’année 2000. L’issue de l’élection présidentielle resta incertaine pendant plus d’un mois après que les suffrages aient été exprimés. Finalement, la Cour suprême intervint pour interrompre le décompte des votes en Floride et attribua le vote des grands électeurs de l’Etat, et de ce fait la Maison Blanche, à George W. Bush.

Tout en maintenant une opposition intransigeante à l’encontre des deux partis, démocrate et républicain contrôlés par le grand patronat aux Etats-Unis, le WSWS a expliqué que la lutte acharnée menée en Floride avait une importance décisive pour la classe ouvrière en raison de ce qu’elle révélait sur la rupture de toutes les fractions de la classe dirigeante américaine d’avec les normes démocratiques.

Dès le départ de la campagne électorale présidentielle américaine, le WSWS avait concentré son attention sur la croissance de l’inégalité sociale (« the growth of social inequality ») et le gouffre énorme existant entre la population laborieuse et les politiciens des deux partis capitalistes.
Le vice-président Al Gore, le candidat démocrate désigné, a refusé d’en appeler à l’hostilité populaire contre le complot droitier visant à la destitution de Clinton, allant même jusqu’à choisir le plus virulent critique de ce dernier au sein du Parti Démocrate, le sénateur Joseph Liebermann du Connecticut, comme son colistier.

Si des factions rivales de l’élite patronale s’étaient rangées soit derrière Gore soit derrière son homologue républicain, le gouverneur du Texas George W. Bush, fils de l’ancien président, les travailleurs furent eux, aliénés et très largement exclus du processus. Ce n’est que lorsqu’il devint évident qu’il perdrait les élections au profit de Bush qui s’affichait comme un modéré et un « conservateur compassionnel » que Gore tenta un dernier appel pour enrayer son déclin dans les urnes et lui procurer une courte victoire dans le vote populaire. Une analyse (« analysis ») importante de la campagne de Gore plaça celle-ci dans le cadre de la crise historique du libéralisme américain.

Le Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité Socialiste, SEP) a publié sur le WSWS, du 3 au 5 octobre, une déclaration (« statement ») en trois parties analysant les questions politiques auxquelles était confrontée la classe ouvrière. Le SEP a appelé les travailleurs à s’opposer aux deux candidats ainsi qu’à celui du Parti des Verts, Ralph Nader, et à se joindre à la lutte pour la construction d’un parti indépendant de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste.

Cette déclaration analysait concrètement les contradictions de classe grandissantes au sein de la société américaine et disait : « La caractéristique la plus remarquable de ces élections est que le Parti démocrate et le Parti républicain ont soudainement découvert que la vaste majorité de la population américaine est constituée de travailleurs qui ont peu, ou pas, profité du boum boursier de Wall Street au cours des dernières années. »

Un mois avant l’éruption de la crise consécutive à l’élection, la déclaration du SEP avait tiré cette conclusion clairvoyante : « Une campagne qui a déjà eu tant de revirements nous réserve peut-être encore quelques surprises. Mais quel que soit le résultat des élections, la question centrale est la suivante : aucun des candidats ou partis bourgeois n'a une solution à la crise sociale grandissante. »

La veille de l’élection, le 7 novembre, il était clair que Gore était en tête du vote populaire et serait le vainqueur vraisemblable du Collège électoral, en admettant que son avance se maintienne en Floride. La campagne de Bush réagit de façon décisive. En collaboration avec le gouvernement d’Etat de la Floride contrôlé par les Républicains et dirigé par Jeb, le frère du candidat et la chaîne de télévision Fox News où le cousin de Bush, John Ellis, était responsable des opérations électorales, elle lança l’affirmation que Bush l’avait emporté en Floride.

Ceci fut à l’origine de cinq semaines de turbulences politiques sans précédent durant lesquelles il n’était pas clair qui deviendrait chef d’Etat dans le plus puissant pays impérialiste. Le WSWS, sur la base de son analyse précédente de la crise de la destitution et des campagnes électorales droitières menées à la fois par les Démocrates et les Républicains, fut en mesure d’analyser et d’expliquer les événements alors qu’ils déroulaient.

Une déclaration du comité de rédaction affichée le 9 novembre donnait le ton, « Résultats des élections aux États-Unis : approfondissement de la crise constitutionnelle » :

Les événements extraordinaires des dernières 24 heures ont transformé la vie politique aux États-Unis de façon fondamentale et irrévocable. En effet, pour la première fois depuis plus de 125 ans, le résultat d'une élection nationale est contesté. Non seulement y a-t-il division entre le vote populaire et le vote collégial, mais en plus la puanteur de la fraude électorale plane au-dessus des comtés de la Floride desquels la victoire du gouverneur George W. Bush dépend.

Dès le début, le WSWS a accordé la plus grande attention à la nature suspecte des résultats de l’Etat de Floride (« state of Florida »). Des journalistes du WSWS se rendirent en Floride et publièrent des reportages à chaud et des interviews (« interviews ») avec les travailleurs au fur et à mesure que la crise se développait. Il devint évident que les Républicains s’étaient lancés dans une campagne d’intimidation (« campaign of voter intimidation ») et de fraude, y compris la mise en place, le jour de l’élection, de points de contrôle et de barrages routiers dans des zones à prédominance noire. Durant le recomptage crucial des votes en Floride, ils essayèrent de perturber le décompte en recourant à la violence physique.
Une suite d’événements extraordinaires eut lieu. Alors que des recomptages avaient lieu dans plusieurs comtés, la secrétaire d’Etat républicaine de la Floride, Katherine Harris, décida de déclarer Bush vainqueur de l’élection. Elle fut bloquée par la Cour suprême de l’Etat de Floride qui avait trouvé, à juste titre, que cette action constituait une violation du droit le plus fondamental dans une démocratie – le droit de vote et le droit de voir tous les votes décomptés.

L’assemblée législative contrôlée par les Républicains a totalement renversé le vote populaire en octroyant les votes des grands électeurs à Bush par décret législatif ; elle fut encouragée par les suggestions des juges droitiers de la Cour suprême des Etats-Unis selon lesquels il « n’y [avait] pas de droit au suffrage » pour le peuple américain dans une élection présidentielle et les Etats étaient en droit d’agir comme bon leur semblait.

Le résultat fut en fin de compte décidé par l’arrêt notoire rendu par la Cour suprême de Bush v. Gore par lequel une majorité de 5 voix contre 4 ordonna la fin du recomptage en Floride ; la Cour déclara ensuite que sa décision ne pourrait pas servir de précédent pour d’éventuelles actions futures. Elle avait concocté une théorie juridique dans l’unique but d’arriver au résultat souhaité d’installer Bush à la Maison Blanche.

Quelques jours avant la décision de la Cour suprême, le président du comité international de rédaction, David North, avait donné une conférence (« address ») lors d’une réunion à Sydney, en Australie et examiné la signification profonde de ce qui était en train de se passer aux Etats-Unis.

Ce que l’arrêt de ce tribunal révèlera est jusqu’où la classe dirigeante américaine est prête à aller pour briser les normes démocratiques bourgeoises et constitutionnelles traditionnelles. Est-elle prête à approuver la fraude électorale et l’annulation des suffrages pour installer à la Maison Blanche un candidat qui sera parvenu à cette fonction grâce à des méthodes manifestement illégales et anti-démocratiques ?

Une partie considérable de la bourgeoisie et peut-être même la majorité de la Cour suprême est prête à faire justement cela. Il y a eu une érosion dramatique au sein des élites dirigeantes du soutien pour les formes traditionnelles de la démocratie bourgeoise aux Etats-Unis.

Après la décision de la Cour, une déclaration du comité de rédaction du WSWS, « La Cour suprême des États-Unis renverse le vote populaire américain : un jugement qui vivra dans l’infamie », a expliqué que la décision de permettre à la Floride de certifier les résultats électoraux sans inclure les votes recomptés représentait une « une brisure fondamentale et irrévocable avec la démocratie et les formes traditionnelles de la légalité bourgeoise. »

Avec la déconsidération de la Cour suprême, chaque institution de l’Etat bourgeois était tombée en discrédit… La crise de l’élection de 2000 marque un nouveau point de départ dans la vie américaine, et, de ce fait, dans le monde des affaires. Les relations sociales et les conditions politiques ne seront plus jamais ce qu’elles étaient avant le 7 novembre.

Nous avons condamné la capitulation de Gore (« capitulation of Gore ») et des Démocrates ainsi que de l’establishment libéral en général, devant l’intervention de la Cour suprême. Dans l’article « Une distinction à observer – George W. Bush : un président élu ou un président sélectionné, » Barry Grey avait écrit (« wrote ») :

La précipitation malséante avec laquelle l’ensemble de l’establishment politique s’est empressé de laisser derrière lui la crise de l’élection témoigne de la fragilité du système politique et de la gravité de la crise de la société américaine. En fin de compte, l’impasse a révélé l’absence de tout soutien significatif au sein de l’élite dirigeante en faveur d’un règlement démocratique de l’élection présidentielle. La défense des droits démocratiques, qui prendra de plus en plus d’importance en Amérique, incombe directement aux dizaines de millions de travailleurs qui ont été depuis si longtemps exclus d’un processus politique monopolisé par l’oligarchie patronale et financière.

George W. Bush prêtant serment
Le formulaire de vote officiel pour l’élection présidentielle en Floride, le « bulletin papillon »

Matériel mis en ligne


L’aggravation de la crise économique

Motivé par l’intensification de la crise économique mondiale, le WSWS a développé au cours de l’année 2000 son travail sur l’économie politique marxiste. L’éclatement de la bulle des marchés boursiers aux Etats-Unis, fondée sur une grossière surévaluation des sociétés de la nouvelle économie (Internet) fut l’une des manifestations les plus spectaculaires de cette crise, mais l’instabilité grandissait au niveau mondial.

Outre la croissance explosive du déficit commercial américain (« trade deficit ») et de la dette internationale («  international debt »), il y eut la récession continue du Japon (« Japanese recession »), le déclin de l’euro (« decline in the euro »), la crise de la dette en Argentine (« Argentine debt crisis ») et des déséquilibres économiques internationaux croissants que les dirigeants des principales puissances impérialistes, profondément divisées, ne pouvaient ni atténuer ni gérer.

Cette analyse fut développée en nous différenciant de la gauche petite-bourgeoise. Dans « L`internationalisme marxiste et le point de vue de la protestation radicale », Nick Beams, le secrétaire national du SEP d’Australie, a étudié les questions soulevées par les protestations antimondialisation ayant eu lieu à Seattle en décembre 1999 et durant lesquelles des milliers de personnes ont manifesté contre une réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En juin, le WSWS publiait la conférence de Beams « La mondialisation : et la perspective socialiste - conclusion », qui fut donnée à plusieurs universités australiennes le même mois.

Une déclaration du comité de rédaction intitulée « Les questions politiques clés dans la lutte contre le capitalisme mondial », fut diffusée à des milliers de personnes qui protestaient le 11 septembre contre le Forum économique mondial à Melbourne, en Australie ; elle fournissait un important résumé de la perspective socialiste et internationaliste du Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) :

La mondialisation de la production, fondée sur les progrès technologiques énormes accomplis dans l’informatique, la science et les communications, constitue un développement historiquement progressiste et ayant le potentiel d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de l’humanité… Les conséquences socialement destructrices qui sont survenues jusque-là, ne découlent ni de la mondialisation en tant que telle ni de la technologie. Elles sont le résultat de la subordination de l’économie mondiale à l’ordre capitaliste et au système dépassé d’Etats-nations capitalistes rivaux.

L’intensification de la crise économique a été accompagnée par une augmentation des mouvements de grève, notamment aux Etats-Unis où il y eut les grèves longues et significatives des travailleurs du Musée d’art moderne de New York (« Museum of Modern Art »), des acteurs de télévision et de cinéma (« television and movie actors »), des travailleurs de l’entreprise de télécommunication Verizon (« Verizon telecommunications workers ») et des travailleurs des transports publics du comté de Los Angeles (« Los Angeles county and transit workers »).

En Europe, une série de grèves et de blocages des chauffeurs routiers et autres travailleurs et petits entrepreneurs touchés par les taxes sur le carburant et l’augmentation du prix de l’essence et du gasoil a eu un vaste impact, notamment en Grande-Bretagne et en France.


Changements politiques dans le monde

Si la crise politique aux Etats-Unis a été la plus importante, il y eut d’autres bouleversements politiques en 2000, notamment le début de la seconde intifada dans les territoires palestiniens occupés par Israël, tout comme d’importants changements dans la politique bourgeoise en Russie, au Mexique, en Espagne, en Autriche et en Serbie ainsi qu’un coup d’Etat militaire aux îles Fidji.

L’impasse du nationalisme bourgeois fut démontrée dans l’échec des négociations de Camp David entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les sept ans de négociations qui avaient débuté en 1993 ont montré la faillite de la perspective de l’OLP qui était d’obtenir des concessions de l’élite sioniste en Israël grâce à des discussions négociées  par les Etats-Unis.

Au lendemain de l’échec des négociations, Ariel Sharon, le dirigeant du parti droitier Likud en Israël, qui faisait alors partie de l’opposition au gouvernement d’Ehud Barak, a fait, encadré d’une escorte lourdement armée, une visite provocatrice au Mont du Temple. Des émeutes ont déferlé sur les régions palestiniennes de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ; elles furent réprimées avec une force écrasante par l’armée israélienne. Le bilan, à la fois militaire et civil, fut estimé à plus de 4.000 morts.

Une analyse du WSWS (« analysis by the WSWS ») avait mis en exergue les tensions sociales sous-jacentes au sein de la population palestinienne et l’échec de l’Autorité palestinienne (AP), établie par l’OLP sous la direction de Yasser Arafat, à contribuer à une quelconque véritable amélioration de la vie du peuple palestinien.

Loin d’apporter la paix et une amélioration du niveau de vie, les Accords d’Oslo et les marchés subséquents de « la terre contre la paix » passés avec Israël ont accru la misère de la majorité du peuple palestinien. Avec l’économie de l’AP encore sous contrôle israélien, le niveau de vie a chuté et le chômage est resté élevé atteignant plus de 50 pour cent dans la bande de Gaza… Les conditions de quasi guerre civile après la visite provocante de Sharon montraient que ceci ne pouvait durer indéfiniment.

Les tensions sociales et politiques sont parvenues à un point de rupture à un moment où la position tant d’Arafat que de Barak était fortement minée.
Le WSWS a consacré beaucoup d’attention à la Russie et au transfert du pouvoir d’Eltsine à Poutine (« transfer of power from Yeltsin to Putin ») au début de 2000. Poutine s’était d’abord fait connaître sur la scène politique durant les années turbulentes de 1990-1991 en tant que partisan d’une « réforme » capitaliste radicale de marché. Le WSWS avait prévu la trajectoire de Poutine comme dirigeant autoritaire (« authoritarian ruler ») unissant la bureaucratie de la police secrète à l’oligarchie financière émergeante.

En Espagne, le parti populaire droitier (PP) mené par José Maria Aznar a remporté une claire majorité (« won an outright majority ») lors des élections législatives de mars allant bien au-delà des prévisions pré-électorales et a formé son premier gouvernement majoritaire depuis la fin de la dictature franquiste fasciste en 1976.

En Europe encore, le Parti de la liberté d’extrême droite (FPÖ) de Jörg Haider a pris part à un gouvernement de coalition en Autriche (« Austria »), la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale qu’un parti lié au nazisme partageait le pouvoir. En Serbie, le président de longue date Slobodan Milosevic fut évincé, le point d’orgue d’une campagne menée par les puissances impérialistes depuis le bombardement en 1999 par l’OTAN du Kosovo et de la Serbie.

Au Mexique, le règne de 71 ans du Partido Revolucionario Institucional (PRI) s’est terminé avec la victoire de Vicente Fox du parti droitier Partido Acción Nacional (PAN) sur le candidat du PRI, Francisco Labastida. Le PAN avait bénéficié du soutien de Wall Street en raison de sa promesse de déréguler l’économie mexicaine qui est déjà fortement intégrée au reste de l’Amérique du Nord en raison de l’Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA). Dans une analyse faite la veille du vote (« analysis on the eve of the vote »), le WSWS avait expliqué que la chute du régime à parti unique PRI avait montré l’effondrement de sa perspective nationaliste bourgeoise de développement national isolé et de suppression de toute expression des contradictions sociales aiguës existant au Mexique.

L’impact de la crise économique mondiale a été ressenti sous forme de chocs politiques même dans les îles éloignées du Pacifique. Aux Fidji, le gouvernement travailliste du premier ministre Mahendra Chaudry a été renversé par un coup d’Etat. Le gouvernement australien a soutenu l’action militaire (« military intervention ») comme moyen de défendre ses substantiels intérêts économiques et stratégiques dans ce pays du Pacifique. Les syndicats des îles Fidji qui avaient soutenu le gouvernement travailliste ont empêché (« prevented ») la classe ouvrière de lancer un défi à la prise de contrôle de l’armée.

Le premier ministre israélien Ehud Barak, le président américain Clinton et le dirigeant de l’OLP, Yasser Arafat
Boris Etsine remettant l’emblème présidentiel à Vladimir Poutine

Art, science et censure

Au cours de l’année 2000, le WSWS conduisit une campagne importante contre la censure politique du cinéma et des arts. Cette campagne consista d’abord en une réponse aux actions des intégristes Hindous en Inde qui avaient, en février, ruiné le plateau de tournage du film Water dans l’Etat de l’Uttar Pradesh, le premier jour de son tournage. La troisième partie d’une trilogie dirigée par la metteur en scène Deepa Mehta, le film traitait de l’oppression des veuves dans l’Inde contemporaine.

Au cours d’une campagne chauvine menée par le BJP  (Bharatiya Janata Party) le principal parti du gouvernement de l’Alliance démocratique nationale, Mehta dut subir des calomnies et des menaces de mort parce qu’elle avait prétendument insulté l’Inde et attaqué l’Hindouisme. Le gouvernement de l’Uttar Pradesh, indiquant par là qu’il soutenait les nervis intégristes, a interdit la production du film et expulsé Mehta et son équipe de tournage de l’Etat.

Le World Socialist Web Site a lancé une campagne (« launched an international campaign »), en défense de Mehta et de son droit de produire le film. Cette campagne a obtenu un fort soutien de la part de cinéastes de renommée internationale, parmi lesquels Ken Loach et Mohsen Makhmalbaf, des cinéastes indépendants, des techniciens du film, des acteurs, des organisateurs de festivals du film, des scénaristes, des universitaires et des étudiants. Cela représenta une importante contre-offensive contre les attaques de plus en plus virulentes contre les droits démocratiques et la liberté d’expression artistique en Inde et dans le monde.
La censure politique exercée directement par le gouvernement était aussi en question au Sri Lanka, où le régime de la présidente Chandrika Kumaratunga se servit de l’état d’urgence invoqué pendant la guerre civile avec le mouvement séparatiste tamoul LTTE, pour interdire un film anti-guerre (« ban an antiwar film »). Ce film, Death on a Full Moon Day, mis en scène par Prasanna Vithanage, fait un portrait sans complaisance des effets de la guerre sur un village sri lankais. Le WSWS a informé en grand de l’interdiction du film, tant au Sri Lanka qu’internationalement, où il atteint un public considérable et interviewa le metteur en scène (« interviewed the director »).

Aux Etats-Unis, le responsable de la rubrique artistique, David Walsh, participa aux efforts entrepris pour empêcher la censure de l’artiste Jef Bourgeau, dont l’exposition d’Art contemporain fut fermée par le directeur du Detroit Institute of Art, Graham Beal, en Novembre 1999. En janvier 2000, Bourgeau discuta de son expérience avec le WSWS, ce qui produisit un échange animé (« a lively exchange ») sur la censure, le rôle des musées et l’importance de l’art contemporain.

L’année 2000 fut une des plus pauvres en ce qui concerne la production cinématographique d’ Hollywood, mais le WSWS élargit sa collaboration en matière d’art international, écrivant sur les festivals du film de San Francisco, Toronto, Vancouver, Berlin et Singapore, où nos critiques découvrirent plusieurs films importants et émouvants réalisés par des metteurs en scènes internationaux. Un événement important du festival de San Francisco fut une interview avec le metteur en scène iranien renommé Abbas Kiarostami.

Le WSWS a également développé sa couverture en matière de sciences et de technologie, publiant plus de 60 articles durant l’année. L’événement qui fut peut-être le plus important durant l’année 2000 fut l’achèvement d’une « première version » du projet de génome humain (« human genome project ») avec des implications formidables pour le domaine de la médecine et l’étude de l’évolution. L’établissement d’une carte du génome humain démontra le potentiel positif énorme du développement scientifique.
Dans le domaine de la science également il y eut une lutte contre la censure politique. Cette dernière fut la plus évidente dans la dissimulation opérée lors de la crise de l’ESB (« BSE [mad cow disease] crisis » – encéphalopathie spongiforme bovine, ou encore « maladie de la vache folle »). L’Enquête Phillips, organisée par le gouvernement travailliste en 1997, publia son rapport en octobre 2000 et documenta l’épidémie qui était une conséquence des méthodes employées pour nourrir le bétail et déterminées par la recherche du profit.

L’enquête ne trouva aucun responsable pour une catastrophe qui touchait 180 000 bovins et tua plus de 160 personnes, mortes d’une variante de la maladie  de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ), la maladie mortelle dégénérative du cerveau, et liée à la consommation de viande de bœuf contaminée.

Une opération de dissimulation semblable eut lieu au Canada après que sept personnes soient mortes et des milliers d’autres soient tombées malades lors d’une épidémie d’E-coli en rapport avec l’approvisionnement en eau dans la région rurale de Walkerton (« water supply in the rural Walkerton area »). Le WSWS expliqua que cette tragédie était le résultat inévitable de la politique réactionnaire de la déréglementation  menée par le gouvernement conservateur Harris en Ontario, qui dissimula délibérément tant l’ampleur que les causes du désastre.


Comité International de la Quatrième Internationale

Au mois d’avril 2000, le LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam) s’est emparé de la base militaire stratégique de l’Elephant Pass au Sri Lanka et avança rapidement le long de la péninsule de Jaffna, bloquant jusqu’à 50 000 soldats sri lankais dans sa pointe nord. Soumis à une pression internationale intense, le LTTE arrêta son offensive, mais la débâcle militaire causa une profonde crise politique à Colombo.

La présidente, Chandrika Kumaratunga, ayant désespérément besoin de renforcer son gouvernement appela à des pourparlers avec tous les partis. Lors d’une action jamais vue auparavant, son gouvernement a d’abord reconnu officiellement le SEP, statut qui lui avait été refusé pendant des décennies, puis elle l’invita à prendre part à des pourparlers. Dans une lettre à la présidente, (« letter to the president ») le secrétaire national du SEP, Wije Dias rejeta l’invitation, déclarant qu’une telle rencontre serait une « totale imposture » et que son véritable objectif serait de « sanctionner des décisions gouvernementales déjà prises, donner de la crédibilité à sa politique et d’obtenir un appui pour la continuation de la guerre. »

Les mises en garde de Dias se sont vues confirmées. Six mois plus tard, Kumaratunga fut forcée d’appeler à une élection législative anticipée dans le contexte d’un renforcement de l’Opposition dans la classe ouvrière. Le SEP présenta une liste de candidats à Colombo pour appeler à une fin immédiate à la guerre, au retrait de toutes les troupes du Nord et de l’Est du pays et à une lutte unifiée de la part des travailleurs pour la défense de leurs emplois, leur niveau de vie et leurs droits démocratiques.

Le WSWS a inauguré sa section en langue tamoule le premier mai, ce qui permit aux lecteurs de langue tamoule, plus de 80 millions en Inde, au Sri Lanka, en Malaisie et à Singapour, sans compter la diaspora tamoule dans le reste du monde, de suivre l’analyse politique et théorique du Comité international de la Quatrième internationale. La page tamoule a renforcé la lutte politique menée par le SEP du Sri Lanka pour unifier la classe ouvrière en Asie du sud-est et combattre la politique communaliste engendrée par la guerre civile au Sri lanka. Le SEP s’est non seulement opposé au suprématisme Cingalais des gouvernements de Colombo qui étaient responsables de la guerre, mais il avertit encore de ce que le séparatisme du LTTE produirait un désastre pour les ouvriers tamouls et les ruraux pauvres.