Nouvelles fouilles au Tombeau des Rois à Jérusalem (mai-juin 2012)

Le Tombeau des Rois est le plus grand hypogée de Jérusalem. Il a été fouillé pour la première fois en 1863 par Félicien de Saulcy, convaincu qu’il s’agissait du tombeau des Rois de Judée. Pourtant, très vite, la communauté scientifique, s’opposant à cette interprétation, reconnut dans le monument le complexe funéraire de la reine Hélène d’Adiabène (nom donné au royaume d’Assyrie depuis la période perse). Convertie au judaïsme au milieu du Ier siècle apr. J.-C, la reine, venue s’établir à Jérusalem avec une partie de la famille royale, s’était en autre fait construire un palais au sud de la cité. La nature des vestiges et la localisation du Tombeau des Rois au nord de la ville correspondent aux indications données par Flavius Josèphe et d’autres auteurs antiques pour l’emplacement du grand tombeau de la reine Hélène.

Vue générale du Tombeau des Rois lors des fouilles de J.-B. Humbert en 2008 (cliché EBAF)

Vue générale du Tombeau des Rois lors des fouilles de J.-B. Humbert en 2008 (cliché ÉBAF)

Malgré les siècles écoulés, le monument conserve un caractère majestueux dont témoignent encore les vestiges rupestres d’un escalier monumental, de deux bains rituels et d’une grande cour encaissée de près de 8 mètres de profondeur. Dans la paroi ouest de cette cour a été taillé le vestibule du tombeau, dont le sol dissimule l’accès aux nombreuses chambres funéraires.

Les travaux de recherche menés en 2012 prolongent les fouilles archéologiques menées par l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (ÉBAF), sous la direction de Jean-Baptiste Humbert, au cours de l’hiver 2008-2009. La mission s’est déroulée du 30 avril au 30 juin 2012 et a nécessité la participation d’une dizaine de personnes : ouvriers, étudiants de l’ÉBAF, volontaires extérieurs et spécialistes (topographe, anthropologue).

La campagne de 2012 a privilégié deux axes de recherche. Selon Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, XX, 94-95) et les fragments d’architecture retrouvés dans la cour après leur chute, des mausolées marquaient l’emplacement du tombeau de la reine d’Adiabène. Il s’agissait, d’une part, de vérifier si les traces de ces édifices étaient conservées au nord de la grande cour, dans l’axe du porche cintré y donnant accès, et non pas à l’ouest de la cour, au-dessus du vestibule, comme le proposent la plupart des restitutions. Il s’agissait, d’autre part, de réaliser un relevé systématique des traces laissées par l’extraction des blocs lors du creusement de la grande cour et de l’escalier monumental.

Mise au jour des traces de creusement et des blocs en cours d’extraction en bas de l’escalier monumental.

Mise au jour des traces de creusement et des blocs en cours d’extraction en bas de l’escalier monumental.

Les investigations archéologiques menées au nord du site ont concerné deux secteurs : une bande étroite longeant la paroi septentrionale de la cour et une partie du jardin du gardien. Sept tombes des IIIe-IVe siècle apr. J-.C. ont ainsi été découvertes le long de la paroi de la grande cour. Il s’agit de caveaux de différents types pouvant accueillir de un à trois corps. Certains se prolongent sous la maison du gardien. Toutes les sépultures ont été perturbées par des pilleurs mais quelques bijoux, dont certains en or, ont toutefois été retrouvés. Selon les témoignages de saint Jérôme (Lettre 108, 9) et de Rufin d’Aquilée (Hist. eccl. 2, 12.3), les mausolées mentionnés par Flavius Josèphe existaient encore à la fin du IVe siècle. Or, la découverte de caveaux datés de cette époque au nord de la cour semble indiquer qu’il est peu probable que les mausolées aient pu se trouver à cet emplacement. Les vestiges d’un mur de terrasse érigé à la fin du XIXe siècle ont également été reconnus. Ils précisent l’histoire récente du site.

L’anthropologue Anne Gilon fouille en rappel de tombes romaines éventrées par l’effondrement de la paroi rocheuse au nord de la cour.

L’anthropologue Anne Gilon fouille en rappel de tombes romaines éventrées par l’effondrement de la paroi rocheuse au nord de la cour. 

Le sondage réalisé dans le jardin du gardien semble bien confirmer l’absence de mausolée dans ce secteur. Aucun indice de la présence d’édifices antiques n’a en effet été découvert et seules des couches stratigraphiques ont été dégagées. Observées sur plus de 3 m de profondeur, elles recouvrent un substrat géologique rocheux très irrégulier fait d’un mélange de roche en décomposition et de blocs de grandes dimensions (probable comblement de doline). De haut en bas, ont ainsi été reconnus, un niveau de remblais modernes accumulés depuis les années 1930 puis une couche de remblais antiques provenant de la fouille du site en 1879. Cette dernière couvre un niveau de terre arable rougeâtre surmontant un terrassement byzantin. La fondation du mur de clôture nord du site, élevé en 1878, a été reconnue, ainsi qu’une large fosse moderne comblée de pierres dans laquelle deux fragments sculptés provenant du Tombeau ont été retrouvés. Pour le reste, le matériel collecté consiste notamment en des tessons de poterie, des ossements, des pièces de monnaie en nombre important et quelques bijoux en métal précieux.

Sondage au nord de la cours, dans le jardin du gardien. Le substrat géologique apparaît sous 3m de couches archéologiques.

Sondage au nord de la cours, dans le jardin du gardien. Le substrat géologique apparaît sous 3m de couches archéologiques.

La reprise des fouilles, au pied de l’escalier monumental et dans la grande cour, a permis de comprendre que le nivellement du rocher, pour constituer un sol plan et uniforme, n’avait été réalisé que dans la partie ouest de la cour, devant le vestibule, marquant l’entrée du tombeau. Partout ailleurs, le sol, irrégulier à cause des tranchées de havage et des blocs en attente, a été recouvert par un cailloutis (déchets de taille remployés) pour obtenir un niveau de circulation praticable. Par chance, cette couche de cailloutis a tout de même livré une monnaie frappée en 54 apr. J.-C., qui donne un indice particulièrement intéressant pour dater la fin des travaux. Par ailleurs, les traces d’extraction permettent de reconstituer les différentes phases et techniques du creusement. C’est un cas instructif pour la région et pour le Ier siècle apr. J.-C.

La documentation réunie en 2012 complète celle collectée lors de la campagne de 2008-2009 et éclaire les données recueillies au cours des fouilles du XIXe siècle. Elle permettra la publication prochaine de la monographie tant attendue sur ce site majeur, le premier jamais fouillé en Palestine.

Le bas de l’escalier monumental en cours de fouilles. Sébastien Goepfert montre avec son doigt l’emplacement où la monnaie frappée en 54 apr. J.-C. a été découverte in situ.

Le bas de l’escalier monumental en cours de fouilles. Sébastien Goepfert montre avec son doigt l’emplacement où la monnaie frappée en 54 apr. J.-C. a été découverte in situ.

Plan général du Tombeau des Rois

Plan général du Tombeau des Rois 

 

Pour citer ce billet : Jean-Sylvain Caillou & Rosemary Le Bohec, « Nouvelles fouilles au Tombeau des Rois à Jérusalem (mai-juin 2012) », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient (Hypotheses.org), 17 janvier 2014. [En ligne] http://ifpo.hypotheses.org/5597


Jean-Sylvain Caillou est archéologue, chercheur à l’Ifpo (Antenne des Territoires Palestiniens). Ses recherches portent principalement sur l’architecture funéraire de tradition hellénistique ainsi que sur les voyageurs et la naissance de l’archéologie au Proche-Orient. Il dirige la Mission archéologique française au Tombeau des Rois (Jérusalem).

Page personnelle : http://ifporient.org/jean-sylvain-caillou

Portrait Rosemary Le Bohec

Rosemary Le Bohec est doctorante associée à l’Ifpo (Territoires Palestiniens). Chargée de cours à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (ÉBAF), Rosemary Le Bohec collabore depuis 2008 aux fouilles menées par l’École à Jérusalem. Également archéologue de nombreuses années au Centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak (CFEETK, Louqsor-Egypte), elle poursuit des missions d’études documentaires sur le site et termine une thèse de doctorat à Paris IV portant sur la pratique du réemploi dans le temple d’Amon.

Page personnelle : http://ifporient.org/rosemary-le-bohec


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2 Réponses

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