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Appel à contributions n°18

L’école en milieux contraints

Coordination du numéro par :

Clothilde Hugon (Sciences Po Bordeaux, LAM),

Pauline Jarroux (EHESS, Centre Norbert Elias)

Fanny Salane (Université Paris Nanterre / CREF)

Calendrier / délais

En utilisant le formulaire joint à l'appel, les propositions de résumé/abstrtact devront parvenir au plus tard le 1er octobre 2017, simultanément auprès des coordonnatrices du dossier et des corédactrices en chef de la revue :

Clothilde Hugon : clohugon@gmail.com

Pauline Jarroux : pauline.jarroux@gmail.com

Fanny Salane : fsalane@u-paris10.fr.

Catherine Agulhon : catherine.agulhon@orange.fr

Nathalie Bonini : nathalie.bonini@univ-tours.fr

Sous réserve d’acceptation du résumé, une première version des articles sera à envoyer au plus tard le 1er mars 2018.

Les propositions, qui peuvent relever de toute discipline de sciences sociales, peuvent être rédigées en anglais ou en français. Le dossier prendra place dans le n°18 des Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, prévu pour paraître au printemps 2019.

Le comité de rédaction profite de cet appel à contribution pour rappeler que la revue comporte également une rubrique "Hors-thème" pour laquelle vous pouvez soumettre des articles portant sur l’éducation et les savoirs.

Texte de l'appel à contributions

Les 18 et 19 août 2016, la Chaire UNESCO de recherche appliquée pour l’éducation en prison participait au congrès « Éducation, culture et travail dans un contexte de privation de la liberté » organisé à Valparaiso, au Chili, par le programme de développement disciplinaire en éducation chez les jeunes et adultes de l’université de Playa Ancha. L’organisation d’un tel événement s’inscrivait dans l’objectif d’inclusion des personnes vulnérables ou marginalisées dans les politiques internationales de l’Éducation pour tous.

Ces rencontres posaient plus largement la question de l’éducation des personnes enfermées et privées, d’une manière ou d’une autre, de tout ou partie de leur liberté. Elles en soulignaient l’actualité, révélant en outre un souci institutionnel de prise en charge de ces situations éducatives à différentes échelles.

Les dispositifs d’éducation ou de formation, « hors l’École », dans des institutions totales (Goffman, 1968) ou des « espaces d’exception » (Fresia & Von Känel, 2016) comme les prisons, les camps de réfugiés, les hôpitaux, les asiles, les camps de travail..., défient les modes plus classiques d’éducation pour deux raisons principales.

Le lieu d’abord. En prison, dans un camp, dans les hôpitaux, les potentiels élèves sont astreints à résidence pour diverses raisons. C’est donc généralement l’école ou le dispositif éducatif ou formatif qui doit venir à eux, dans des conditions parfois compliquées et selon des modalités spécifiques. Il est toutefois des cas, plus rares, où les personnes enfermées organisent elles-mêmes le dispositif scolaire et/ou éducatif, par exemple avec le cas de diplômés éthiopiens enfermés en raison de leur engagement dans un contexte de forte répression politique (Hiwot, 2012).

Le public ensuite. Dans ces espaces, la conception de l’individu est bien souvent définie collectivement en rapport avec les objectifs de l’institution elle-même : ainsi en est-il du prisonnier en prison, du délinquant en centre éducatif renforcé, de l’interné en asile, du réfugié dans un camp... tandis que l’école a surtout comme vocation première de prendre en charge des écoliers. Ainsi, il est parfois difficile d’y défendre et d’y rendre légitime une pluralité d’identités, qui ne se réduirait pas uniquement à celle de reclus-e (Goffman, 1968).

Alors que la mise en place de dispositifs éducatifs spécifiques ou « de secours » dans ces espaces singuliers pose d’intéressantes questions pour le champ de l’éducation et de la formation, les formes – institutionnelles ou non – qu’ils prennent et le contenu des savoirs qu’ils véhiculent demeurent relativement peu étudiés.

Le séminaire de 2017 organisé par l’ARES (Association pour la recherche sur l’éducation et les savoirs) et le CEPED (Centre populations et développement, Université Paris Descartes) a justement eu pour ambition de questionner le fonctionnement de l’école et de l’éducation « hors l’École » dans ces lieux d’exception dans les pays du « Sud ». Cet appel à communications de la revue Cahiers de la Recherche sur l’Education et les Savoirs souhaite poursuivre la réflexion et l’ouvrir, notamment aux pays du « Nord ». Plusieurs aspects pourront être développés dans les articles.

Un premier axe pourrait revenir sur la genèse historique et sociale de ces dispositifs scolaires ou éducatifs, les objectifs qui leur sont assignés et leur réception. En quoi le contexte spécifique d’enseignement ou la catégorisation des élèves influent-ils sur le contenu des programmes et l’organisation des enseignements ? A quels objectifs l’éducation doit-elle répondre, et que nous disent ces dispositifs éducatifs du contexte – social, politique – de leur production ? A l’inverse, comment l’entreprise éducative peut-elle constituer pour les individus un moyen de rompre avec les dispositifs d’assignation identitaire et statutaire de personnes privées de liberté ? En somme, nous nous demanderons comment opèrent les dynamiques d’exception/normalisation et d’exclusion/inclusion (Fresia & Von Känel, 2016). Les perspectives historiques, permettant notamment de mettre en lumière les évolutions des représentations, des dispositifs mis en place et de leurs effets sociaux, sont particulièrement bienvenues.

Un deuxième axe porterait sur l’analyse des usages et du quotidien scolaire ou éducatif dans ces espaces. Quelles formes y prennent les interactions entre les enseignants et les élèves ? Comment s’y organisent les cours et/ou activités du point de vue des savoirs, des conditions matérielles et de la discipline des corps ? Quelle place pour les familles, les élèves et les enseignants, dans la définition et la mise en œuvre du projet éducatif ? Quelles sont les formes de co-production, de mise en commun et d’échanges des savoirs et des connaissances favorisés par ces contextes « exceptionnels » ? L’utopie éducative s’inventerait-elle dans les espaces de contention? Constitueraient-ils, paradoxalement, des espaces de « liberté pédagogique » (Febrer, 2011) ? La démarche ethnographique s’avère ici particulièrement heuristique, notamment pour saisir les pratiques et les représentations des différents acteurs impliqués, au-delà des discours sur les intentions et les pratiques.

Enfin, le troisième axe de recherche pourrait questionner le fonctionnement bureaucratique et institutionnel de ces dispositifs, et ce que cela révèle des logiques sous-jacentes qui le traversent sans que les acteurs en soient toujours conscients. Qui finance quoi ? Quels sont éventuellement les places et rôles des institutions étatiques et internationales ? Dans quelles mesures le dispositif est-il officiel, et plus encore, comment des institutions accompagnent-elles, dans ces situations d’exception, des dispositifs non officiels, « bricolés » ? Lorsque des diplômes sont délivrés, quel est leur statut ? Comment et par qui sont formés – s’ils le sont – les enseignants ?

Ces axes sont présentés à titre indicatif : les articles pourront explorer d’autres perspectives.

Bibliographie indicative

Alidières (L.), 2013, « Interactions et pratiques d’un processus d’innovation pédagogique en environnement carcéral », thèse de doctorat en sciences du langage, Université Paul Valéry - Montpellier III.

Baujard (J.), 2010, « Les réfugiés au cœur d’une offre éducative multiple. Le cas de Delhi (Inde) », Autrepart, n° 54 (2), pp. 81-96.

Beauvais (D.) & Rambourg, (C.) (dir.), 2012, Des enseignants et des élèves... en prison (dossier), La Nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, n° 59 (3).

Bethoux (E.), 2000, « La prison : recherches actuelles en sociologie », Terrains & travaux, n° 1, pp. 71-89.

Febrer (M.), 2011, Enseigner en prison : le paradoxe de la liberté pédagogique dans un univers clos, Paris, L’Harmattan.

Fresia (M.) & Von Känel (A.), 2016, « Beyond space of exception? Reflections on the camp through the prism of refugee schools », Journal of Refugee Studies, n° 29 (2), pp. 250-272.

Frin (C.), & Josseaume (G.) (dir.), 2012, Apprendre en prison (dossier), Les Cahiers pédagogiques, Hors-Série Numérique n° 29, décembre.

Goffman (E.), 1968, Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Les Editions de Minuit.

Hiwot (T.), 2012, Tower in the Sky, Addis Ababa, Addis Ababa University Press.


Lockard (J.), & Rankins-Robertson (S.), 2011, « The Right to Education, Prison-University Partnerships, and Online Writing Pedagogy in the US », Critical Survey, vol.23 (3), pp. 23-39. DOI: 10.3167/cs.2011.230303.

Milly (B.), 2010, « La prison, école de quoi ? Un regard sociologique », Pouvoirs, 2010/4 (n° 135), pp. 135-147, DOI 10.3917/pouv.135.0135.

Morin (L.) (dir.), 1982, L'éducation en prison, Ottawa, Centre d'édition du gouvernement du Canada.

Salane (F.), 2010, Être étudiant en prison : l'évasion par le haut, Paris, la Documentation française.

Schlemmer (B.) & Jacquemin (M.), 2011, « Introduction : les enfants hors l’école et le paradigme scolaire », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, n° 10, pp. 7-28.

Yvorel (J.J.) & Yvorel (E.), (dir), 2005, Enfermement et éducation (dossier), Revue d’histoire de l’enfance irrégulière.

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