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(fr) France, Alternative Libertaire AL Octobtre - politique, Quelles luttes antiracistes en France? (en, it, pt)
Date
Sun, 9 Oct 2016 15:36:35 +0300
L'antiracisme est plus que jamais d'actualité. Pour s'orienter dans ce moment crucial,
retour sur trois luttes antiracistes de l'année écoulée, et rendez-vous le 8 octobre à
Saint-Denis (93). ---- Cet été, la France fut le théâtre d'un racisme débridé et d'une
riposte antiraciste certes audible, mais trop isolée. L'interdiction du burkini sur les
plages et les scènes terribles de policiers forçant des femmes musulmanes à se dévêtir, la
mort d'Adama Traoré à Beaumont-Sur-Oise et celle, dans un contexte bien différent, de
Zhang Chaolin à Aubervilliers sont autant d'exemples de violences qui rendent la situation
des racisé.es intenable et leur vie même incertaine. Face à cela, des voix se sont élevées
pour exprimer la colère des victimes du racisme, mais bien peu de place fut accordée dans
les médias aux femmes voilées et aux familles des victimes des violences racistes et
policières.
Pourtant, depuis plusieurs années, on voit l'émergence, ou le développement, d'un courant
antiraciste qui s'organise. Retour sur trois exemples de ces luttes auto-organisées:
la Marche de la dignité et contre le racisme d'octobre 2015,
le Camp d'été décolonial d'aout dernier,
les manifestations de Chinois et Chinoises et leurs descendants qui firent suite à la mort
de Zhang Chaolin le 12 aout dernier.
Marche pour la dignité, Paris, 31 octobre 2015
cc La Horde
La Marche de la dignité et contre le racisme
La Marche de la dignité et contre le racisme a eu lieu le 31 octobre 2015 à l'initiative
de la Mafed, collectif de la Marche des femmes pour la dignité, groupe non mixte de femmes
racisées. Elle fut organisée en collaboration avec de nombreuses «personnalités et
organisations de l'immigration et des quartiers populaires et/ou subissant le racisme»,
parrainée par la militante américaine pour les droits civiques Angela Davis et soutenue
par des organisations politiques (NPA, Ensemble, EELV, CGA, AL...) et associations diverses.
Dans l'appel de la marche, rédigé par Amal Bentounsi, soeur d'Amine, tué par la police,
l'accent est particulièrement mis sur les violences policières. Celles qui émaillent le
quotidien des personnes racisées et notamment celles qui furent à l'origine de larges
mouvements: les violences de 1983, auxquelles fit suite la Marche pour l'égalité et contre
le racisme, et le décès de Bouna Traoré et Zyed Benna à Clichy-sous-Bois qui enclencha les
révoltes urbaines que connurent certains quartiers défavorisés en 2005.
Entretien: Alain Bertho: «L'émeute de 2005 ne s'est jamais arrêtée», dans Alternative
libertaire de novembre 2010
Cette insistance sur les violences policières marque une défiance vis-à-vis de l'État dont
la police est le bras armé. Ainsi, cette phrase de l'appel: «Dans ce paysage dévasté, le
crime policier n'est jamais fortuit. Il est l'aboutissement de toute la logique d'un État
qui n'a pour nous que désintérêt et mépris.» Et la conclusion du texte rappelle si besoin
était que l'événement sera résolument collectif: «Notre réaction puissante, organisée,
confiante est la seule façon d'enrayer notre écrasement collectif annoncé.»
La marche en elle-même, se déroulant de Barbès à Bastille, a finalement réuni quelques
milliers de personnes. En ligne de tête, les femmes du Mafed tenant la banderole, venaient
ensuite les personnalités et associations signataires, et enfin les organisations
politiques ou associatives non concernées en premier lieu par le racisme. L'absence de
deux associations puissantes et consensuelles de l'antiracisme, SOS Racisme et la Licra,
fut remarquée.
Le Camp d'été décolonial
Presque un an plus tard, fin aout 2016, le premier Camp d'été décolonial a eu lieu. Fania
Noël et Sihame Assbague, deux militantes antiracistes, en sont à l'origine. Il avait pour
but de réunir les personnes victimes du racisme d'État en non-mixité afin qu'elles se
rencontrent, échangent, se forment et organisent leurs luttes. Le public visé n'était pas
uniquement militant. Les plus jeunes, souvent moins formé.es, ont été incité.es à y
participer.
De nombreuses tables rondes, formations et ateliers permettaient donc d'acquérir des
outils de militantisme, à la fois théoriques, mais aussi extrêmement pratiques. Ainsi,
«Violence et harcèlement policier», «Construire une lutte antinégrophobie en contexte
français» et «Les luttes contre l'islamophobie» côtoyaient «La désobéissance civile»,
«Usage des réseaux à des fins militantes» ou encore «Comment construire une campagne de
mobilisation».
Via les thématiques abordées, on peut se rendre compte également que l'antiracisme, ou les
antiracismes, abordés lors de ce camp, s'entendaient à la croisée de diverses luttes, et
non isolés de celles-ci. Les luttes féministes («Construire une lutte antipatriarcale
décoloniale»), anticapitalistes («Inscrire la lutte antiraciste dans l'anticapitalisme»)
et écologiques («Les enjeux de la justice climatique») ont été réfléchies et débattues.
Mais c'est bien autour du thème du racisme d'État que le programme a été construit. Et
c'est là une spécificité forte de ce camp, qui veut débusquer le racisme dans tous les
aspects de nos vies, et donc bien décoloniser la société. Ont ainsi été abordés le milieu
médical («Identifier et combattre le racisme médical»), la justice («Militer pour
l'abolition de la prison: introduction à la justice transformative»), la famille («Les
enjeux de la parentalité racisée»), la culture («Décoloniser la culture: non à la
diversité») et même l'imagination («Décoloniser l'imagination»).
D'après son site de présentation, «le camp s'inscrit dans la tradition des luttes
d'émancipations décoloniales anticapitalistes et d'éducation populaire». On pourrait même
dire, d'après les témoignages de participants et participantes, que cette émancipation
collective par la rencontre et la formation fut un véritable lieu d'empowerment, de prise
de conscience et de déclenchement de l'envie d'agir via la mise en commun d'expériences.
Manifestation contre le racisme anti-asiatique, le 4 septembre à Paris
(c) Chisai hana
La mobilisation asiatique d'Aubervilliers
Zhang Chaolin est mort à Aubervilliers le 12 aout suite à une agression quelques jours
plus tôt qui l'avait plongé dans le coma. Le but de l'agression semble avoir été de le
voler. La ville d'Aubervilliers est le lieu de vie d'une importante communauté constituée
de personnes de nationalité chinoise ou d'origine chinoise. Dès le 14 aout, un premier
rassemblement a eu lieu devant la mairie d'Aubervilliers. Il est organisé par le comité de
soutien à la famille de Zhang Chaolin.
Ce comité de soutien a été créé par Wang Rui, le président de l'Association des jeunes
Chinois de France. Peu surprenant, dès lors, que les pancartes abordent le slogan
«Sécurité pour tous». En effet, le collectif Sécurité pour tous, dont est membre
l'Association des jeunes Chinois de France, avait déjà organisé des manifestations contre
le racisme anti-asiatiques et pour un renforcement de la sécurité en 2010 et 2011, à
Belleville, dans le nord-est de Paris.
Très vite, les rassemblements successifs prennent de l'ampleur et le mot d'ordre «Sécurité
pour tous» reste. Le 4 septembre, une manifestation à Paris réunit plusieurs milliers de
personnes. Les manifestants et manifestantes dénoncent les préjugés racistes qui poussent
à croire les personnes d'origine asiatique riches et vulnérables, alors que la majeure
partie des personnes issues de l'immigration asiatique en France aujourd'hui est pauvre.
Ce qui frappe ici, c'est à la fois le caractère très organisé de la mobilisation, qui
répond peut-être à la grande organisation que connaît la communauté chinoise
d'Île-de-France, mais aussi son appel pour plus de sécurité via plus de police. Les
politiciens ne s'y sont pas trompés. Ils soutiennent en masse, quelle que soit leur
«sensibilité politique».
Dans le cortège du 4 septembre, une majeure partie de personnes de la communauté chinoise
de région parisienne, mais aussi des personnalités politiques. Alors que la maire PCF
d'Aubervilliers avait soutenu la mobilisation à son début, notamment en demandant des
renforts policiers, viennent cette fois s'inviter d'autres régionaux de l'étape: Bruno
Julliard (PS), premier adjoint à la maire de Paris, ou encore Valérie Pécresse (LR),
présidente du conseil régional d'Île-de-France.
Marche pour la dignité, Paris, 31 octobre 2015
cc La Horde
Des mobilisations auto-organisées
Le point commun entre ces trois «événements», c'est d'abord l'auto-organisation des
opprimé.es dans leurs luttes. Dans tous les cas, les premiers concerné.es prennent en
charge les questions politiques et logistiques, acceptant ou non les participants et
participantes non concerné.es. Elles et ils fixent donc l'agenda (comme dans le cas de la
Marche de la dignité et contre le racisme), le contenu politique (comme dans le choix des
ateliers du Camp décolonial) et mobilisent sans intervention extérieure (manifestations
«Sécurité pour tous»).
Cette auto-organisation tranche avec les méthodes de l'antiracisme gouvernemental, porté
par exemple par SOS Racisme, accusé d'être une officine du PS. L'appel de la Marche de la
dignité fait à ce propos un rappel historique: en 1983, la Marche de l'égalité fit peur à
l'État et «il mit alors tout en oeuvre pour saboter cette auto-organisation en médiatisant
à outrance certaines officines pseudo-antiracistes. Celles-ci s'employèrent, de tous leurs
moyens financiers, à étouffer la Marche pour l'égalité sous les milliers de décibels des
concerts gratuits et de leur antiracisme de pacotille.» Le slogan de SOS Racisme, «Touche
pas à mon pote» est bien le signe qu'il s'agit d'un mouvement de Blancs.
Apparaît alors, presque par transparence, une différence peut-être fondamentale: alors que
la Marche de la dignité et le Camp décolonial s'inscrivent dans une démarche résolument
contre le racisme d'État, et dénoncent donc cet État néocolonial, la mobilisation faisant
suite à la mort de Zhang Chaolin fait quant à elle appel à l'État, pour plus de sécurité
pour la communauté asiatique.
La réception bien différente des ces mouvements en est d'ailleurs la preuve. SOS Racisme
et la Licra étaient bien présentes, quoique discrètes, à la manifestation «Sécurité pour
tous» du 4 septembre, contrairement à la Marche de la dignité. De même pour les
personnalités politiques citées précédemment, qui défilaient aux côtés des Chinois et
Chinoises de France pendant que le Premier ministre Manuel Valls occupait sa fin d'été à
fustiger le Camp décolonial.
Cependant, la récupération politique de la mort de Zhang Chaolin et les mots d'ordres
sécuritaires des manifestations ne doivent pas cacher une diversité qui existe dans les
positionnements des Chinois de France, due à leur mise à l'écart au sein de la société
française, commune à toutes les personnes racisées. Ainsi, la Licra a critiqué le fait
qu'il y ait eu des allocutions en chinois lors du meeting de fin de manifestation le 4
septembre, accusant l'événement de «communautarisme». Ainsi, quand les racisé.es prennent
en main les luttes qui les concernent, ils et elles sont toujours rappelé.es à leur devoir
de mixité avec les Blancs.
Cette description des luttes antiracistes actuelles est bien sur loin d'être exhaustive.
Les mobilisations contre les violences policières, les manifestations et les actions de
soutien au peuple palestinien, les collectifs de solidarité avec les migrants et migrantes
sont des mouvements d'ampleur et ancrés dans le temps qui constituent une part importante
de cet antiracisme. De nombreuses organisations ont été créées ces dix dernières années,
qui témoignent du dynamisme du mouvement: Mwasi (collectif afro-féministe), Stop contrôle
au faciès, Black Lives Matter France, la Voix des Rroms, etc.
Avec les événements terribles de cet été, la lutte antiraciste a tenu le pavé et a été
médiatisée. Cependant, lors de la longue mobilisation du printemps dernier, elle fut peu
audible. Pourtant, un cortège antiraciste a été monté lors de la manifestation du 31 mars.
L'appel, signé par plusieurs associations de lutte contre le racisme, souligne, sous le
slogan «Premier.es impacté.es, Premier.es
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