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Département des Manuscrits

Les secrets du palimpseste d’Archimède

En partenariat avec la Fondation des sciences du patrimoine, se tiendra le 2 mars 2017 à la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, une conférence1 portant sur l’utilisation de méthodes avancées de rayons X pour le décryptage de manuscrits anciens.

La science au service des manuscrits

Uwe Bergmann, physicien de l’université de Stanford (États-Unis, SLAC), travaille depuis le début de sa carrière scientifique sur les synchrotrons, ces accélérateurs de particules qui produisent des microfaisceaux de rayons X très intenses.

Il est aujourd’hui professeur invité de la Fondation des sciences du patrimoine2. Il raconte : « Un jour, ma mère m’a montré une édition du magazine Géo qui comportait un article sur le manuscrit le plus ancien des textes d’Archimède (IIIe siècle après J.-C.). Cette copie, datée du Xe siècle, regroupe des traités du savant grec, dont certains étaient inconnus. Au XIIIe siècle, le manuscrit a été recouvert par d’autres textes copiés par des moines et, au XXe siècle, par des peintures religieuses réalisées par des faussaires sur plusieurs
pages. L’article précisait qu’une équipe de chercheurs travaillait à décrypter le palimpseste. Je les ai contactés et nous avons monté un projet utilisant la spectrométrie de fluorescence X. Cette méthode permet de détecter, derrière les autres inscriptions, les métaux présents dans les encres ferrogalliques employées au Xe siècle. Aujourd’hui, l’ouvrage est entièrement numérisé3 et une édition complète des traités du livre a été publiée par Cambridge University Press. Après ce projet, j’ai continué à étudier les manuscrits anciens. »

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Révélation du texte sous-jacent du palimpseste dit d’Archimède grâce à l’imagerie par fluorescence X © The Exploratorium, www.exploratorium.edu et Will Noel, The Walters Art Museum.

Lettres secrètes et chefs-d’oeuvre cachés

Un autre projet conduit par Uwe Bergmann a consisté à décrypter les
partitions de l’opéra Médée de Luigi Cherubini (1760-1842), mutilées par le compositeur lui-même, qui en avait recouvert une partie. Les experts en spectrométrie ont permis de ressusciter la version intégrale de ce chef d’oeuvre. Depuis une dizaine d’années, les recherches sur les techniques d’imagerie dans le domaine patrimonial, qui avaient jusque-là concerné surtout les oeuvres d’art, se sont étendues aux manuscrits. D’autres projets sont en cours dans le cadre de la Fondation des sciences du patrimoine : le projet REX4 sur les lettres échangées secrètement entre Marie-Antoinette et le comte de Fersen, conservées aux Archives nationales, ou REMAC sur les manuscrits médiévaux de la Bibliothèque municipale de Chartres. Enfin, dans le cadre d’IPANEMA, une nouvelle ligne de lumière dédiée à l’étude des matériaux du patrimoine, implantée au sein du synchrotron SOLEIL, démarrera en 2017. Elle permettra l’imagerie rapide de matériaux anciens aux rayons X : un outil innovant dont les applications à la connaissance et la conservation du patrimoine, culturel comme naturel, sont appelées à se multiplier.

Sylvie Lisiecki
Délégation à la communication

Informations pratiques

Le jeudi 2 mars 2017, 18h30-20h
Bibliothèque nationale de France , site François-Mitterrand, Petit Auditorium

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

  1. Les traités d’Archimède enfin déchiffrés. Les rayons X au service de la connaissance et de la valorisation des manuscrits. []
  2. Plus précisément au synchrotron SOLEIL (Paris-Saclay,
    laboratoire IPANEMA du CNRS) []
  3. Cf. archimedespalimpsest.org []
  4. Projet financé par la Fondation des sciences du patrimoine, en partenariat avec les Archives nationales, le Centre de recherche sur la conservation, l’université de Cergy-Pontoise et avec la participation de l’Institut national du patrimoine et de la Cité de la musique. []

Les collections Rothschild dans les institutions publiques françaises

Développé par l’INHA en partenariat avec le musée du Louvre, la Bibliothèque nationale de France et le Service des musées de France, le programme « Les collections Rothschild dans les institutions publiques françaises » arrive au terme de son activité de recherche et de recensement pour aboutir à la phase de publication de ses résultats qui prend plusieurs formes.

Conduit par Pauline Prevost-Marcilhacy pendant plusieurs années et placé sous la responsabilité de Chantal Georgel, conseillère scientifique à l’INHA, le programme a consisté en une étude globale et approfondie visant à recenser et valoriser l’ensemble des donations faites par les membres de la famille Rothschild aux institutions françaises. Outre le répertoire de toutes les donations de la famille Rothschild entrées dans les institutions publiques françaises de 1873 à nos jours, le programme avait pour but de permettre l’accès à l’ensemble de ces dons grâce à un portail, dont la réalisation a été confiée à l’INHA. Signalons l’engagement et l’action de la famille Rothschild qui, par l’entremise de M. Eric de Rothschild, a contribué financièrement au projet.

S’agissant de la BnF, le corpus des collections issues de la famille Rothschild s’élève à plus de 25 750 documents de toute nature signalés dans les différents catalogues : livres, dessins, gravures, autographes, manuscrits, médailles, auxquels s’ajoutait un quart de collection non signalées, concernant surtout des objets (monnaies provenant de deux legs, ceux d’Adèle de Rothschild (1843-1922), veuve Salomon de Rothschild en 1922 et d’Adélaïde de Rothschild (1853-1935), veuve Edmond de Rothschild en 1934, ainsi que 1722 fers à dorer).

Ainsi, au terme de plusieurs années de recensement, de dépouillements de collections et d’inventaires,  le 24 novembre dernier s’est tenue une rencontre réunissant de nombreux chercheurs impliqués dans le programme.

Dans le même temps paraissait une volumineuse somme en trois importants volumes coédités par le musée du Louvre, la BnF et les éditions d’art Somogy, identifiant environ cent vingt mille oeuvres d’art (oui, 120 000 !) données à plus de deux cents institutions par la famille Rothschild. Cet ouvrage propose ainsi une vision synthétique et inédite des collections rassemblées par les différentes générations de la famille, tout en remettant en perspective chaque don dans un ensemble.

Ces trois volumes consacrés à ce mécénat artistique hors du commun témoignent de la diversité et de la pluralité des goûts et des choix des différents collectionneurs et en offrent un panorama chronologique.

Le sommaire des trois volumes est consultable sur le site internet des éditions Somogy, à l’adresse : http://www.somogy.fr/livre/les-rothschild?ean=9782757202128

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Pour compléter cette publication imprimée et l’ouvrir au numérique,  un portail Rothschild a été lancé à l’adresse : http://collections.rothschild.inha.fr

portail-rothschildLe site permet d’accéder à plusieurs ressources :

Outre les collections des trois principaux partenaires du projet, la base répertorie également environ 6 000 notices d’œuvres de la Villa Ephrussi de Rothschild de Saint-Jean-Cap-Ferrat et quelque 500 notices se référant à la salle des curiosités de la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP, ancienne Fondation Salomon de Rothschild), 11 rue Berryer dans le 8e arrondissement.

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Journée d’étude : Pascal, le cœur et la raison

aff_pascal_10x15Organisée par Jean-Marc Chatelain (BnF) et Laurent Susini un journée d’étude consacrée à Blaise Pascal se tient à la BnF le 9 décembre 2016 à l’occasion de l’exposition éponyme qui s’y tient du 8 novembre 2016 au 29 janvier 2017.

Programme

9h30 : Accueil et introduction par Laurent Susini, Université Paris-Sorbonne et Jean-Marc Chatelain, BnF

Session présidée par L. Plazenet (U. Paris-Sorbonne)
– 9h45 : Qu’est-ce que les oeuvres scientifiques de Pascal nous apprennent sur la manière dont il conçoit le coeur et la raison ?
Dominique Descotes, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
– 10h25 : Une idole de la vérité, une idole de l’obscurité
Laurent Thirouin, Université Lyon 2

Pause

– 11h20 : Du coeur de l’âme à l’union de volonté
Vincent Carraud, Université Paris-Sorbonne
– 12h : Penser le corps : l’avant-garde pascalienne
Pierre Lyraud, École normale supérieure

Session présidée par P. Sellier (U. Paris-Sorbonne)

– 14h30 : Plaisanterie et dérision en théologie : l’influence des Provinciales
Sylvio de Franceschi, École pratique des hautes études
– 15h10 : Pascal, auteur classique : la révision de Port-Royal
Jean-Robert Armogathe, correspondant de l’Institut, directeur d’études émérite, École pratique des hautes études
– 15h50 : La chronologie des Pensées : une utopie critique ?
Alberto Frigo, Centre national de la recherche scientifique
– 16h45 : visite commentée de l’exposition Pascal, le coeur et la raison par Jean-Marc Chatelain, commissaire de l’exposition

Informations pratiques

9 décembre 2016
Bibliothèque nationale de France , site François-Mitterrand, Petit Auditorium

Avec le soutien de la Société d’Étude du XVIIe siècle.

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Comment relaxer des manuscrits ?

A partir de 1943, et notamment lors des combats aériens précédant le Débarquement qui opposent les Alliés aux Allemands, la ville de Chartres subit à plusieurs reprises des bombardements de l’aviation américaine visant garnisons et points stratégiques1. Le 26 mai 1944, plusieurs bombardiers B-26 prennent pour cible le terrain d’aviation de Chartres tandis que d’autres bombardiers ont pour mission de détruire des embranchements de voies ferrées.

Cependant, quelques secondes avant de larguer ses deux bombes de 900 kg, le B-26 du Lieutenant Robert N. Smith est touché par la DCA en passant au-dessus de Chartres2. Avant de s’écraser au sud-ouest de la ville, il largue en urgence ses bombes ce qui est interprété comme étant le signal de largage par ses suiveurs. 12 bombes atteignent le centre-ville de Chartres faisant 49 victimes civiles3. La place des Halles et l’Hôtel de Ville – où est installée la bibliothèque – sont touchés et subissent un incendie qui détruit les manuscrits anciens. Quand l’incendie est maîtrisé, 45 % des manuscrits sont totalement détruits, le restant présentant des états allant du manuscrit rogné aux marges par les flammes jusqu’au bloc de charbon vitrifié par la chaleur. D’autres ont été endommagés par l’eau déversée par les pompiers4. D’inestimables témoignages sur Chartres, haut lieu de la vie intellectuelle dans l’Occident des XIe-XIIe siècles ont disparu.

Restauration / conservation

Dès le 9 juin 1944 la Bibliothèque nationale joue un rôle puisque douze caisses de manuscrits rescapés sont acheminés vers l’atelier de restauration pour des traitements de près de quatre ans : les feuillets de parchemin agglutinés par l’action de la chaleur et de l’eau sont séparés par des moyens chimiques. D’après les archives conservées par la BnF, le traitement appliqué semble avoir pour l’essentiel consisté en un nettoyage des salissures à l’eau, l’emploi d’une solution formolée pour stopper la putréfaction, puis une solution tannante et un séchage des documents sous presse.

bnf_renaissance_manuscrits_medievaux_chartresSur 519 manuscrits recensés en 1890, 165 ont pu être sauvés. Cependant de nombreux fragments restent comme vitrifiés, c’est-à-dire translucides et rigides. Ayant perdu l’élasticité originelle de la feuille de parchemin, les fragments se brisent au moindre choc. La sauvegarde réalisée dans l’urgence laisse apparaître de nombreux plis qui masquent une partie de l’écriture, ce qui nuit à l’identification des textes.

Dès la restitution par la Bibliothèque nationale des manuscrits rescapés, plusieurs acteurs entreprennent le travail d’identification des textes et de reclassement des fragments et feuillets épars de manuscrits. Maurice Jusselin (1882-1964), ancien archiviste départemental, le chanoine  et archiviste diocésain Yves Delaporte (1879-1979) et la bibliothécaire Marie Guittet (1900-1959)5 s’attellent à un tâche encore en cours.

Relaxation

De 2005 à 2012, une nouvelle campagne de traitement et de numérisation des manuscrits médiévaux de Chartres est lancée par la Bibliothèque municipale de Chartres, l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes et la Bibliothèque nationale de France. En mai 2006, le Service restauration de la Bibliothèque nationale de France a prélevé des échantillons et testé deux méthodes successives pour rendre aux manuscrits « vitrifiés » par l’incendie leur souplesse originelle. Ces tests ont permis de valider une méthode de relaxation du parchemin en chambre d’humidification puis mise en tension.

Photographie Jean-Yves Sarazin © BnF
Photographie Jean-Yves Sarazin © BnF

Au centre technique de la BnF, basé à Bussy-Saint-Georges, cette  technique inédite en France est mise en oeuvre pour 29 manuscrits médiévaux : la « relaxation » des parchemins rétractés et gondolés, soit l’humidification feuille par feuille en chambre d’humidification, pour assouplir et ramollir le parchemin de sorte à le remettre en tension et faire disparaître les plis. Les feuillets séchés, la lecture du texte caché par les plis est de nouveau possible. L’opération était assortie d’une campagne de photographie et de numérisation destinée à permettre toutes sortes de manipulations sur les fichiers numériques tout en préservant les originaux. Ainsi les chercheurs de l’IRHT peuvent continuer le travail d’identification et de reconstitution des manuscrits.

La numérisation permet également la mise en ligne gratuite de ce patrimoine lié à l’histoire de la Cathédrale et des écoles de Chartres au Moyen âge.

Depuis, d’autres tentatives ont été menées notamment en 2014 avec l’imagerie multispectrale employée par l’équipe du Lazarus Project (http://www.lazarusprojectimaging.com/), pour tenter de lire des fragments, à l’image de celle employée sur des rouleaux carbonisés d’Herculanum6 qui a permis d’identifier des lettres cachées à l’intérieur d’un codex carbonisé sans avoir à dérouler le rouleau et donc le détruire.

Pour aller plus loin

  1. Plus de quarante bombardements entre les mois de septembre 1943 et d’août 1944. Cf. « Les bombardements en Eure-et-Loir », Association Forced Landing, 2003. Disponible en ligne, url : <http://forcedlanding.pagesperso-orange.fr/1.htm> []
  2. « Le crash de l’équipage du Lt Smith », Association Forced Landing, 2003. Disponible en ligne, url : <http://forcedlanding.pagesperso-orange.fr/smith.htm>. []
  3. « Chartres », Archives départementales d’Eure-et-Loir. Disponible en ligne, url : <http://www.archives28.fr/article.php?laref=169&titre=chartres>. []
  4. « Incendie de la Bibliothèque municipale de Chartres en 1944 », Wikipédia. Disponible en ligne, url : <https://fr.wikipedia.org/wiki/Incendie_de_la_Biblioth%C3%A8que_municipale_de_Chartres_en_1944>. []
  5. Maurice Jusselin, Mademoiselle Marie Guittet : bibliothécaire de la ville de Chartres, 1900-1959, Chartres : Tantet et Catinat, 1959, 5 p. []
  6. Vito Mocella, Emmanuel Brun, Claudio Ferrero & Daniel Delattre, « Revealing letters in rolled Herculaneum papyri by X-ray phase-contrast imaging », Nature Communications, n° 6, 20 janvier 2015. Disponible en ligne, url : <http://www.nature.com/articles/ncomms6895>. []

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Parution de l’édition électronique du « Livre persan » de Francis Richard

Parution de l’édition électronique des conférences sur le livre persan proposées par Francis Richard dans le cadre des conférences Léopold Delisle organisées par la Bibliothèque nationale de France.

9782717720655L’auteur :

Francis Richard, conservateur de 1974 à 2003 à la division orientale du département des Manuscrits de la BnF,  puis directeur du nouveau Département des arts de l’Islam du Louvre et ensuite directeur scientifique de la BULAC jusqu’à son départ à la retraite en décembre 2014, était chargé du fonds persan et de la rédaction de son catalogue. Il a publié, en 1989, un Catalogue des manuscrits persans, I, Ancien fonds (BN) et, en 1997, un catalogue d’exposition : Splendeurs persanes. Manuscrits du XIIe au XVIIe siècle (BnF); il s’intéresse à la codicologie (ayant publié, en 1997, avec F. Déroche, à la BnF, Scribes et manuscrits du Moyen-Orient et participé à la rédaction du Manuel de codicologie des manuscrits en écriture arabe, BnF, 2000), aux manuscrits enluminés (Les Cinq Poèmes de Nezâmi. Chef-d’œuvre persan du XVIIe siècle, Paris, Anthèse, 1995) et à l’histoire de l’orientalisme (Raphaël Du Mans, missionnaire en Perse au XVIIe siècle, L’Harmattan, 1995). Il a également fait paraître de nombreux articles sur ces sujets dans diverses revues.

Le cadre :

Le cycle des conférences Léopold Delisle est organisé par la Bibliothèque nationale de France avec le soutien d’Henri Schiller, collectionneur, bibliophile.
Les conférences Léopold Delisle offrent à un public de curieux et d’amateurs éclairés des synthèses inédites, érudites et à jour sur le thème du livre et des manuscrits.

L’objet :

De 1739 à 2002, la BnF s’est enrichie d’une collection de plus de deux mille volumes manuscrits en persan, dont beaucoup sont enluminés, anciens ou contiennent des copies uniques de textes rares. La longue histoire de la constitution du fonds persan de la BnF met en scène savants, voyageurs, interprètes et collectionneurs les plus divers, militaires ou médecins, qui déposent ou vendent les collections accumulées durant leurs voyages et missions diplomatiques en Inde et en Perse. Dans ce tableau des études françaises sur la civilisation persane classique, émergent les noms prestigieux de L. M. Langlès, S. de Sacy, A. L. de Chézy, Otter, Simon de Vierville, ou encore Anquetil-Duperron. La transmission des textes persans pose le problème de la filiation des manuscrits, discipline érudite de l’histoire des textes où les arguments philologiques et stylistiques corroborent ou infirment les données de l’analyse codicologique.

Francis Richard se livre à une véritable traque des variantes, marques de relecture ou corrections et fait revivre des grands ateliers comme ceux de la ville de Chîrâz entre le XIIIe et le XVIIe siècle ; il apporte des éclairages sur le rôle du mécénat princier. À la frontière entre transmission orale et transmission écrite, l’étude du mode de survie des textes poétiques peut être illustrée, juste avant que la Perse n’adopte le chiisme comme religion officielle au début du XVIe siècle, par la vogue extraordinaire de l’œuvre de Djâmî, figure emblématique du Hérât timouride et poète adulé des Ottomans. Quelques exemples montrent de quelle manière s’est manifesté le succès de son œuvre, recopiée et illustrée à l’envi. Enfin, Francis Richard attire l’attention sur un type de décor à la fois omniprésent dans les manuscrits persans et éclipsé par la miniature qui a beaucoup plus attiré l’attention des amateurs et des spécialistes d’histoire de l’art, les frontispices initiaux ou sarlowh que l’on trouve en tête de nombre de manuscrits. Or il s’agit d’un des décors les plus classiques dans les manuscrits persans. Une certaine évolution des styles s’accompagne d’une extrême fidélité à des modèles et à un répertoire d’éléments auxquels on puise. Leur étude systématique pose de redoutables problèmes du fait de leur abondance et de leur caractère non figuratif. Rassembler systématiquement un corpus d’images est la condition préalable à une histoire véritable de ces chefs-d’œuvre qui, avec la calligraphie, sont presque emblématiques de l’art du livre persan.

Sommaire :

  • Le Supplément persan : l’acquisition de manuscrits par le département des Manuscrits de 1739 à nos jours
  • La transmission des textes dans le monde iranien : quelques pratiques liées à la culture manuscrite
  • Un cas de « succès littéraire » : la diffusion des œuvres poétiques de Djâmî de Hérât à travers tout le Proche-Orient
  • Le sarlowh ou frontispice enluminé : un décor fréquent dans les manuscrits persans

Accès en ligne sur la plateforme OpenEdition Books de la BnF : http://books.openedition.org/editionsbnf/2457

La version imprimée reste disponible à l’achat : http://editions.bnf.fr/le-livre-persan

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Manuscrits : innovation et coopération / Manuscripts : innovation and cooperation

Logo du CERLLe séminaire annuel du Groupement de bibliothèques européennes de recherche (Consortium of european research libraries, CERL) se tiendra à la BnF le 20 octobre sur le site François-Mitterrand. La rencontre est intitulée : « Manuscrits : innovation et coopération / Manuscripts : innovation and cooperation ».

Les interventions se répartiront entre quatre sessions abordant le sujet sous ses différents aspects (réservoirs et mises en commun de données, projets et entreprises au service de la recherche, contenus et innovations, structuration de la coopération).

Les collègues des principales institutions européennes viendront présenter à côté de leurs homologues français les principales avancées de ces dernières années dans ce domaine.

Programme

  • 08.45-09.15 Registration and Coffee
  • 09.15-09.45 Opening & Welcome, Laurence Engel (Présidente de la Bibliothèque nationale de France) and Ulf Göranson (Chairman, CERL)

SESSION 1 – RÉSERVOIRS ET MISE EN COMMUN DE DONNÉES / STORING AND SHARING DATA
Chair: Ivan Boserup (Det Kongelige Bibliotek, Copenhagen)

  • 09.45-10.15 Paper 1: Updating and modernizing the French Manuscripts Union Catalogue: a collaborative project for enriching and improving the Catalogue collectif de France – Camille Poiret (Bibliothèque nationale de France, département de la Coopération)
  • 10.15-10.45 Paper 2: ManusOnLine, the Italian proposal for manuscript cataloguing: new implementations and functionalities – Lucia Negrini (ICCU, Rome)
  • 10.45-11.15 Paper 3: ALVIN, a Swedish platform for preservation and availability of cultural heritage material – Anna Clareborn (Uppsala University Library)
  • 11.15-11.45 COFFEE

SESSION 2 – PROJETS ET ENTREPRISES AU SERVICE DE LA RECHERCHE / RESEARCH PROJECTS AND ACHIEVEMENTS
Chair: Ulf Göranson (CERL Chairman)

  • 11.45-12.15 Paper 4: La Librairie royale sous Charles V et Charles VI (1364-1422): reconstitution et survie d’un patrimoine intellectuel – Marie-Hélène Tesnière (Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits)
  • 12.15-12.45 Paper 5: La numérisation comme ressort de la recherche: le projet Polonsky et son environnement à la British Library – Kristian Jensen (British Library)
  • 12.45-13.15 Paper 6: The Humboldt Project – Jutta Weber (Staatsbibliothek zu Berlin)
  • 13.15-14.15 LUNCH

SESSION 3 – CONTENUS ET INNOVATIONS / CONTENTS AND INNOVATIONS
Chair: Claudia Fabian (Bayerische Staatsbibliothek, Munich, and LIBER)

  • 14.15-14.45 Paper 7: Mettre à l’épreuve l’interopérabilité: Fragmentarium – International Digital Research Lab for Medieval Manuscript Fragments – Christoph Flüeler and Veronika Drescher (Université de Fribourg)
  • 14.45-15.15 Paper 8: Rompre avec la logique des silos: le protocole IIIF – Matthieu Bonicel (Bibliothèque nationale de France, responsable de l’Innovation auprès de la Direction générale)
  • 15.15-15.45 Paper 9: Numérisation, édition, éditorialisation: retour sur la valorisation du fonds Marcel Proust de la BnF – Guillaume Fau (Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits)
  • 15.45-16.15 Paper 10: ADDN: signalement, conservation pérenne et communication des documents numériques natifs – Cécile Geoffroy-Oriente (Bibliothèque nationale de France, département des Arts du spectacle)
  • 16.15-16.45 COFFEE

SESSION 4 – STRUCTURATION DE LA COLLABORATION / GIVING STRUCTURE TO COLLABORATION
Chair: Jutta Weber (Staatsbibliothek zu Berlin)

  • 16.45-17.15 Paper 11: The CERL Thesaurus: identifying persons, institutions and places of our printed and written heritage – Alex Jahnke (Data Conversion Group, Göttingen)
  • 17.15-17.45 Paper 12: Fédérer la recherche sur le patrimoine écrit du Moyen Âge et de la Renaissance: Biblissima – Anne-Marie Turcan-Verkerk (École pratique des Hautes Études, Paris)
  • 17.45-18.30 Exhibition visit
  • 18.30-20.00 Drinks reception

Modalités pratiques

Jeudi 20 octobre 2016, 8h45-17h15
Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterand, Petit Auditorium
Entrée libre mais réservation à effectuer auprès du secrétariat du CERL / Attendance is free, but please register with : secretariat@cerl.org

Programme à télécharger

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Les manuscrits astrologiques latins conservés à la Bibliothèque nationale de France

978-2-271-08264-0En février dernier, David Juste, directeur de recherche du projet Ptolemaeus Arabus et Latinus à la Bayerische Akademie der Wissenschaften de Munich a publié chez CNRS éditions, le catalogue des manuscrits astrologiques latins conservés à la Bibliothèque nationale de France.

Ce second volume du Catalogus Codicum Astrologorum Latinorum (CCAL) décrit 350 manuscrits de la Bibliothèque nationale de France datant du IXe au XVIIIe siècle. Ces manuscrits constituent, tant par la quantité que par la variété, l’un des plus importants fonds en matière d’astrologie latine au monde. Toutes les époques et catégories de textes y sont représentées, ainsi que tous les classiques de l’astrologie latine antérieurs à 1500, aussi bien les originaux que les traductions du grec, de l’arabe et de l’hébreu. Ils témoignent de l’extraordinaire richesse de l’ancienne bibliothèque des rois de France et des grandes bibliothèques parisiennes confisquées pendant la Révolution, notamment celles de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Victor et de la Sorbonne.

Le plus magnifique des manuscrits de luxe richement illustrés est peut-être le lat. 7321A, confectionné pour Louis de Bruges dans la deuxième moitié du XVe siècle. Quatre manuscrits ont conservé le Liber astrologiae de Georgius Zothorus Zaparus Fendulus, chef-d’oeuvre d’illustrations essentiellement constitué d’images des signes du zodiaque, des décans, des constellations et des planètes.

Les notices sont établies selon les normes fixées dans le premier volume (2011), qui décrivait 287 manuscrits de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich. L’ouvrage est complété par trois index : auteurs et oeuvres, incipits, noms de lieux.

Références :

Collection : Documents, études et répertoires
ISBN : 978-2-271-08264-0
Format : 21.0 x 27.0 cm
Pagination : 338 p.-12 p. de pl.
Prix : 65 euros


Image de Une : Georgius Zothorus Zaparus Fendulus, Liber astrologiae. Disponible en ligne, url : <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55009308h>.

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Un manuscrit souvent copié : les « Mémoires » de Voltaire

Les Mémoires de Voltaire, un texte célèbre et souvent lu par les admirateurs du grand philosophe, sont parus pour la première fois en 1784 dans l’édition des Œuvres complètes imprimée à Kehl sous les auspices de Beaumarchais.

Les critiques s’accordent pour attribuer la paternité de ce court texte à Voltaire lui-même, qui l’aurait rédigé entre 1753 (certains critiquent disent 1751) et 17591.

En revanche, la tradition manuscrite de cet ouvrage semble beaucoup plus difficile à démêler : au moins dix copies manuscrites subsistent de nos jours2, dont quatre sont conservées à la BnF.

Sur ces quatre copies, une seule est la copie originale : le NAF-131423, manuscrit en partie autographe, en partie dû à des copistes (au moins deux mains peuvent se reconnaître en plus de celle de Voltaire), qui fut remis à Beaumarchais après la mort de Voltaire en 1778, et qui servit pour l’établissement de l’édition de 17844 .

Une partie du manuscrit original avait semble-t-il été détruit par Voltaire lui-même, qui ne souhaitait pas le voir publié. Plusieurs copies en furent cependant faites de son vivant et avec son accord par son secrétaire Jean-Louis Wagnière5. L’une d’entre elles fut remise à Catherine II de Russie6, et l’autre servit à Beaumarchais. Il semble par ailleurs que Frédéric II de Prusse en eut une autre copie entre ses mains.

Ce texte fut interdit en France dès sa publication, ce qui explique que de nombreuses copies circulèrent sous le manteau. Le département des Manuscrits conserve ainsi plusieurs versions de cette œuvre, dont une copie rédigée pour Denis Diderot7 et deux autres de provenances inconnues (Français-152848 et NAF-68949). L’histoire de ce manuscrit copié à de nombreuses reprises au XVIIIe siècle montre que malgré les foudres de la censure, les écrits des philosophes continuaient à circuler, à la fois à Paris et dans le reste de la France : plusieurs copies sont également conservées dans des bibliothèques municipales10, tandis que d’autres réapparaissent fréquemment en vente publique.

Charles-Éloi Vial

Chargé de collections : manuscrits modernes et contemporains, Service des manuscrits modernes et contemporains,  département des Manuscrits.

  1. Raymonde Morizot, L’autobiographie chez Voltaire, Paris, Publibook, 2006, p. 21 à 48. []
  2. Frédéric Deloffre, « Quelques réflexions sur la critique d’attribution », in Luc Fraisse [dir.], L’Histoire littéraire : ses méthodes et ses résultats : mélanges offerts à Madeleine Bertaud, Genève, Droz, 2001, p. 259. []
  3. BnF, Département des Manuscrits, Nouvelles acquisitions françaises, NAF-13142, «Memoires pour servir à la vie de mr de Voltaire, écrits par lui-même». []
  4. On renvoie à l’introduction critique de François-Marie Arouet dit Voltaire, Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire, édités par Jacqueline Hellegouarc’h, Paris, Le Livre de Poche, 2012 (réed., 1ère éd. 1998). []
  5. Joseph-Marie Quérard, La France littéraire, ou dictionnaire bibliographique des savants, historiens et gens de lettre de la France..., Paris, Firmin Didot frères, 1839, t. X, p. 366, art. « Voltaire ». []
  6. BnF, Département des Manuscrits, Nouvelles acquisitions françaises, NAF-15139, fol. 65, « note des manuscrits trouvés dans la bibliothèque de M. de Voltaire et remis à S. M. I. de Russie par M. Panckoucke ». []
  7. BnF, Département des Manuscrits, Nouvelles acquisitions françaises, NAF-13767 f. 79-157 : Copie rédigée pour Denis Diderot. []
  8. BnF, Département des Manuscrits, Français-15284 : Mémoires secrets pour servir à la vie privée de Voltaire, écrits par lui-même, copie XVIIIe siècle, (ex-
    libris armorié et provenance du dépôt littéraire de Saint-Marc). []
  9. BnF, Département des Manuscrits, Nouvelles acquisitions françaises, NAF-6894 : Mémoires secrets pour servir à la vie de M. de Voltaire, écrits par lui-même, copie XVIIIe siècle. []
  10. BM Arras, Ms. Advielle 898 : Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire, écrits par lui-même. []

Olivier Jacquot

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Le Codex Xolotl et le Mapa Quinatzin : méthodes d’imagerie scientifique appliquées aux manuscrits aztèques de la BnF.

Le CHSOS (Cultural Heritage Science Open Source) a récemment été sollicité pour appliquer des méthodes d’imagerie scientifique pour documenter le Codex Xolotl (Mexicain 1-10) et le Mapa Quinatzin (Mexicain 11-12) conservés au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Ces deux documents sont approximativement datés de l’an 1540. Tous les deux sont rédigés en nahuatl, langue aztèque, mais rédigés en écriture européenne. Ils portent également des corrections en écriture indigène non-alphabétique que les technologies de la photographie permettent de rendre lisible.

Le Dr Jerry Offner, conservateur associé de la Mésoamérique du Nord au Muséum d’histoire naturelle de Houston, dirige un groupe de chercheurs bénévoles répartis entre la France, l’Espagne, la Pologne et l’Allemagne qui étudie depuis près de cinq ans le document. Certains membres du groupe étudient ce type de document depuis plus de quatre décennies.

Il est entré en contact avec le CHSOS pour aller se rendre à la BnF et numériser le document avec avec des méthodes d’imagerie scientifique.

Le Codex Xolotl est le meilleur exemple que nous possédons sur l’historiographie aztèque : leurs diverses règles et méthodes d’écriture de l’histoire aztèque. Il décrit des événements du 13ème au 15ème siècle, s’achevant près d’un siècle avant le contact espagnol. Ses différentes pages ou feuillets ont été considérées comme si importantes par les Aztèques qu’elles ont été copiées au moins à partir du 15ème siècle et au début du 16ème siècle et assemblés vers 1540 dans ce que l’on nomme le Codex Xolotl.

Codex-Xolotl-Technical-Photography-Aztec-manuscripts-CHSOS

Codex-Xolotl-Technical-Photography-Aztec-manuscripts-4

Le Dr Offner estime que les méthodes d’imagerie scientifique appliquées à ce codex encourageront la recherche et multiplieront les publications qui bénéficieront à l’ensemble du champ des études mésoaméricaines sur les cultures indigènes du Mexique, du Guatemala, du Honduras, etc.

Le 14 et le 15 juin 2016, le CHSOS a reproduit l’ensemble du codex Xolotl Codex : onze feuillets peints et trois fragments ont été couverts. J’ai également eu le temps d’examiner le Mapa Quinatzin, généralement considéré comme le plus important et le plus beau des documents de la « deuxième ville » aztèque de Tetzcoco (la Texcoco moderne, Mexique).

Je voudrais remercier la Bibliothèque nationale de France pour avoir permis d’examiner ces documents et surtout Laurent Héricher, Chef du Service des manuscrits orientaux, Département des Manuscrits pour avoir facilité ce projet. Un grand merci aussi à John Hessler, conservateur de la Jay I. Kislak Collection à la Bibliothèque du Congrès portant sur l’archéologie et l’histoire de l’Amérique coloniale et «spécialiste en cartographie moderne et dans les systèmes d’information géographique » et Loïc Vauzelle, étudiant de troisième cycle à la Sorbonne qui nous a gentiment aidé lors de l’examen.

Le but de cette étude était de produire de l’imagerie scientifique des manuscrits en employant l’imagerie en ultraviolet et infrarouge afin de :
– augmenter la lecture des encres et des peintures fanées
– identifier les pigments et les encres
– identifier le papier du support
– différencier les encres
– évaluer et comprendre le transfert et le non-transfert des images entre les deux plus grands fragments du Codex Xolotl sur le verso de la première feuille.

Cette étude avait pour projet d’évaluer les techniques d’imagerie scientifique afin de déterminer s’il existe un moyen d’améliorer la lecture des encres et des peintures fanées sur ces types autochtones très particuliers de manuscrits. Ces documents sont en effet très différents des manuscrits européens dont les supports, le dessin et la matière picturale sont bien connus et étudiés. Ces manuscrits méso-américains ont été fabriqués au moyen des supports et des pigments disponibles localement ; aussi les informations que ces techniques d’imagerie scientifique seraient en mesure de fournir n’étaient pas a priori connues.

Les méthodes spectrales d’examen employées furent les suivantes :
– imagerie en ultraviolet (UV)
– spectroscopie infrarouge (en lumière rasante) (IR)
– spectroscopie ultraviolet-visible
– examen sous ultraviolet en réflexion (UVR)

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Un microscope portable à grossissement 200-400 fois a été utilisé pour documenter les caractéristiques des manuscrits.

Ces images ont été acquises à l’aide de la gamme complète de l’appareil photo Nikon D800 et de plusieurs filtres d’imagerie scientifique.

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Antonino Cosentino


– Toutes les images de cet article sont la propriété d’Antonino Cosentino que nous remercions de nous avoir permis de publier son article.
– Pour aller plus loin sur les méthodes d’imagerie scientifique appliquées au patrimoine, on pourra consulter les pages dédiées du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).

Olivier Jacquot

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Publication d’une concordance de cotes entre la BnF et les Archives nationales

Solène de la Forest d’Armaillé, doctorante1 qui a conduit le programme de recherche « Développement d’outils d’analyse, de documentation et de conservations des chartes scellées du département des Manuscrits » du plan triennal de recherche 2013-2015 de la BnF, publie la concordance des cotes entre les moulages conservés aux Archives nationales et les sceaux originaux desquels ils sont tirés, à la BnF, dans la collection « Lorraine » uniquement.

Le document est librement offert à la consultation des chercheurs dans le carnet de recherche du programme Trésors de cire. Sceaux et actes scellés de la Bibliothèque nationale de France à la page : Concordance des cotes de Lorraine (BnF)/Curzon (Archives nationales). Disponible en ligne : <https://sceau.hypotheses.org/concordance-des-cotes-de-lorraine-bnfcurzon-archives-nationales>.

La page reprend la concordance des cotes entre les moulages conservés aux Archives nationales et les sceaux originaux conservés dans la collection « Lorraine »2, elle même intégrée à l’ensemble « Provinces françaises » du département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Un tiers environ des moulages a été pris sur la collection de Lorraine de la BnF, cotes L1122-1213 .

Le fichier de base ayant servi à l’établissement du document, sans concordance à la pièce, est issu du Catalogue de la collection de moulages de sceaux dite « Collection Lorraine » établi par Henri de Curzon (1861-1942) et repris informatiquement en 2003 par Martine Lepany des Archives nationales. Ce catalogue décrit les moulages de sceaux recueillis dans divers fonds de manuscrits de la Bibliothèque nationale et, en particulier, dans la collection Lorraine (SC/L 1 à 1595).

Pour compléter cette importante ressource de nature à faciliter les recherche dans les collections sigillographiques de la BnF, Solène de la Forest d’Armaillé oeuvre à la transcription des différents tomes de l’Inventaire des sceaux de la collection des pièces originales du Cabinet des titres à la Bibliothèque nationale de Joseph Roman (1840-1924). Pour mémoire seul le premier volume est paru en 1909, (V-943p.), les volumes II (notices Nade à Ruault) et le volume III (Ruault à Zoboly) étant restés inédits et manuscrits.


Image de Une : ACTES DES ROIS DE FRANCE ou relatifs à leurs règnes (1195-1559). I. 51 Lettres des représentants du roi de France, Gilles, archevêque de Narbonne, Pierre, évêque d’Auxerre, Louis, comte d’Évreux, Robert, duc de Bourgogne, Amé, comte de Savoie, Jean, comte de Dreux, agréant les propositions, faites par les représentants des Flamands. 29 février 1304. Avec six sceaux.

  1. Croire dans les actes royaux français. Sémio-technologie et diplomatique des signes de validation modernes (1461-1610). Description disponible en ligne, url : <http://www.theses.fr/s92361> []
  2. Collection de Lorraine. Description []

Olivier Jacquot

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La Librairie des rois Charles V et Charles VI

La Librairie que le roi Charles V avait organisée au Louvre et dans ses différentes résidences parisiennes comptait environ 1100 manuscrits, un chiffre exceptionnel pour une bibliothèque princière, en majeure partie en français. Du fait de son importance numérique et intellectuelle, elle se trouvait être le pendant aristocratique, en langue vernaculaire de ce qu’était, à la même époque la Bibliothèque du collège de Sorbonne, en latin, pour le monde universitaire. Première bibliothèque royale française, son rôle comme fondement de l’autorité monarchique et source d’une culture commune en langue vernaculaire pour l’aristocratie fut essentiel.

Édition scientifique

Dans le cadre du plan quadriennal de la recherche de la BnF, le département des Manuscrits oeuvre à une édition scientifique du contenu de la Libraire de Charles V1, telle qu’elle était en 1380, à la mort du roi, et des échanges qu’elle suscita sous le règne de Charles VI, à partir des données des 13 inventaires, qui, de 1380 à 1424, recensent les livres de la tour de la Fauconnerie au Louvre (917 manuscrits) et ceux des résidences du roi, à Vincennes, Saint-Germain-en-Laye, Beaulté-sur-Marne, Melun… (114 manuscrits). Le manuscrit BnF, Français 27002 sert de base à l’édition ; il s’agit d’une copie de l’inventaire remis à Gilles Malet, garde de la Librairie, et qu’il annota.

Le programme aboutira à la publication de l’édition scientifique des inventaires en deux tomes, de 800 p. chacun, dans la collection Documents Etudes, et Répertoires, dirigée par F. Bougard, directeur de l’IRHT, consacrée à l’histoire des bibliothèques médiévales. La publication proposera l’identification textuelle des 1100 manuscrits (généralement des recueils) conservés au Louvre et dans les résidences royales et la description des 185 manuscrits subsistants.

Outre l’édition imprimée, le projet entend proposer une publication électronique de la transcription des 13 inventaires de la Librairie de Charles V et Charles VI.

Apports

Le projet apportera un éclairage original sur la manière dont s’est constituée la première bibliothèque royale et, à travers la « première » dispersion de ses manuscrits, sur les éléments qui ont présidé à la formation de la culture française dans la seconde moitié du XIVe siècle et au début du XVe siècle, ferment d’une identité aristocratique commune au XVe siècle.

Pour la première fois, le contenu intellectuel et l’organisation matérielle d’une bibliothèque royale médiévale sera ainsi appréhendée. Cette recherche met l’accent sur la constitution de la bibliothèque royale à partir de réseaux familiaux princiers et sur sa dispersion, au gré des pérégrinations de ses manuscrits dans les collections européennes d’Ancien Régime, pour aboutir finalement à la BnF et dans les bibliothèques publiques d’Europe du Nord et des États-Unis.

La publication est appelée à remplacer les Recherches sur la Librairie de Charles V3 que publia en 1907, en 2 volumes, Léopold Delisle, et à compléter les données de l’exposition La Librairie de Charles V, organisé à la BN en 1968, dont le maître d’œuvre était François Avril.

Ce projet bénéficiera des résultats obtenus à la suite de différents programmes de recherche menés sur la Librairie de Charles V et Charles VI comme le programme européen EUROPEANA REGIA  qui comprenait la numérisation des 80 manuscrits de Charles V4.

Partenariat

Piloté par Marie-Hélène Tesnière, conservateur général au département des Manuscrits, ce programme est le résultat d’une collaboration entre la BnF et l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT) : Monique Peyrafort-Huin et Françoise Féry-Hue.


Pour en savoir plus : Marie-Hélène Tesnière, Ann Kelders et Yann Sordet, La reconstitution virtuelle d’une bibliothèque perdue : la librairie de Charles V, in Numérisation du patrimoine écrit. Du projet scientifique à sa mise en oeuvre : l‘exemple d' »Europeana Regia », Colloque des 30 et 31 mars 2010. Disponible en ligne : <http://www.inp.fr/Mediatheque-numerique/Colloques/La-numerisation-du-patrimoine-ecrit.-Du-projet-scientifique-a-sa-mise-en-oeuvre-l-exemple-d-Europeana-Regia/La-reconstitution-virtuelle-d-une-bibliotheque-perdue-la-librairie-de-Charles-V>.

Image de Une : Le Duc de Bourbon rend hommage au Roi Charles V.

  1. La librairie de Charles V (1364-1380) : fiche pédagogique. Disponible en ligne : <http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/fiche_livre3.pdf> []
  2. Inventaire des « livres de tres souverain et tres excellent prince roy Charles le Quint,… l’an de grace.MCCCLXXIII… par… GILET MALET, son varlet de chambre ». Disponible en ligne : <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9009689x> []
  3. Recherches sur la librairie de Charles V, Paris : H. Champion, 1907. Disponible en ligne : <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k131727p> []
  4. « La Librairie de Charles V et sa famille. La reconstitution d’un modèle des bibliothèques princières », europeana Regia. Disponible en ligne : <http://www.europeanaregia.eu/fr/collections-historiques/librairie-charles-v-famille> []

Olivier Jacquot

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Anne Weddigen

DSCN6250Le Carnet de la BnF se propose de publier des portraits de chercheurs pour donner de la chair à des projets et acronymes et donner à voir qui sont les femmes et les hommes qui incarnent l’activité scientifique à la BnF.

Anne Weddigen, chargée de recherches documentaires au service des Manuscrits orientaux, évoque son quotidien.

Pouvez-vous vous présenter ?

Normalienne et agrégée de lettres Classiques, actuellement doctorante à l’Université de Reims sous la direction de Didier Marcotte. J’occupe un poste de CRD à la BnF au département des manuscrits grecs, où je rédige les notices de catalogue pour les manuscrits grecs 2430 à 2549 de l’ancien fonds, et assure une charge d’enseignement à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE).

Quel est l’objet de vos recherches et le sujet de votre thèse ?

Je travaille sur la musique grecque antique, et plus précisément sur les traités scientifiques sur la musique, l’harmonie étant une des quatre disciplines mathématiques. Je prépare1 l’édition des Harmoniques de Manuel Bryenne, un mathématicien-astronome qui a écrit autour de 1300, à partir d’une collection de textes beaucoup plus anciens allant du IVè siècle av. J.-C. (Aristoxène de Tarente) au IIè siècle ap. J.-C. (Ptolémée).

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre expérience de chargé de recherches documentaires ?

Le poste de CRD est une opportunité particulièrement enrichissante à la condition que le fonds documentaire traité soit en lien avec, voire partie intégrante du travail de thèse. Dans mon cas, le travail de catalogage me permet de me familiariser avec les manuscrits médiévaux dans le contact quotidien, ce qu’aucun séminaire de recherche ne pourrait transmettre. Non seulement j’ai accès directement aux manuscrits nécessaires à mon travail d’édition, mais je dois aussi étudier d’autres manuscrits dont les particularités  ouvrent des pistes de recherche ou de réflexion précieuses pour le travail de thèse.

Par ailleurs, la mission de rédaction des notices me forme aux outils bibliographiques spécifiques, et me donne peu à peu une connaissance fine et précise des collections de la BnF.

Comment conciliez-vous vos activités de recherche à la BnF et votre activité d’enseignant ?

Dans mon cas, la séparation est très nette entre ces deux activités. Les heures d’enseignement étant fixées dès le début de l’année, j’organise mon emploi du temps hebdomadaire de sorte à venir deux jours par semaine en moyenne à la BnF. Ce temps est alors entièrement consacré à la mission du CRD, et non à l’enseignement. En revanche, il peut m’arriver d’utiliser en cours des exemples de manuscrits que j’ai eu à cataloguer à la BnF. Mais cela n’est pas très fréquent, car j’enseigne le grec ancien pour débutants, et non la paléographie.

Quels sont vos projets à l’issue du doctorat ?

Affirmer mon orientation de recherche dans la mesure des opportunités professionnelles qui s’offriront alors. Je souhaite pouvoir continuer une carrière dans l’enseignement supérieur et la recherche, malgré la pénurie de postes qui s’intensifie en sciences humaines. Il est impossible de prévoir aujourd’hui quelle forme cela pourra prendre d’ici la fin de mon doctorat.

Quels conseils donneriez-vous aux normaliens qui souhaiteraient bénéficier d’un contrat de chargé de recherches documentaires ?

Je donnerais deux conseils contradictoires et complémentaires. Le premier : ne pas se censurer, ne pas éliminer cette option par principe. Le second : être sûr que ce poste correspond à son profil.

La charge de travail pour un CRD est nettement plus élevée que celle d’un doctorant contractuel avec monitorat. En échange, ce contrat et mieux rémunéré, plus intéressant, et bénéficie d’une année supplémentaire. Je déconseille ce choix à toute personne qui ne construirait qu’un lien factice entre son sujet de thèse et le projet sur fonds documentaire, car le CRD est chronophage, et n’est un formidable outil de travail que si le travail effectué apporte aussi un bénéfice à la recherche de thèse.

Le CRD a l’avantage de n’être pas prédéfini : c’est au candidat de réunir dans un projet commun un organisme documentaire et une institution d’enseignement supérieur. C’est donc un projet que l’on peut façonner pour qu’il nous soit le plus bénéfique possible. Il vaut la peine de le construire plusieurs mois à l’avance en concertation avec les différentes parties, notamment avec l’organisme documentaire. Cela permet d’élaborer et de définir en commun la mission de recherche, afin qu’elle soit véritablement complémentaire de la thèse et, pourquoi pas, de la charge d’enseignement.

  1. Édition, traduction et commentaire du traité des Harmoniques de Manuel Bryenne. Présentation disponible en ligne : <http://www.theses.fr/s153263> []

Olivier Jacquot

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Charles-Éloi Vial

vial_charles-eloiLe Carnet de la BnF se propose de publier des portraits de chercheurs pour donner de la chair à des projets et acronymes et donner à voir qui sont les femmes et les hommes qui incarnent l’activité scientifique à la BnF.

Aujourd’hui Charles-Éloi Vial, chargé de collections « manuscrits modernes et contemporains » au département des Manuscrits,  répond à nos questions.

Quel est votre parcours ?

Après deux années de classe préparatoire, j’ai intégré l’Ecole des chartes de 2007 à 2010 puis l’Enssib en 2011-2012. En parallèle, je me suis inscrit à Paris-Sorbonne où j’ai suivi un parcours Licence-Master-Doctorat. J’ai été recruté à la BnF en 2012 et j’ai soutenu ma thèse en 2013.

Quels sont vos domaines de recherches actuels ?

En continuité de mes travaux de thèse, je continue à étudier l’histoire du Premier Empire, tout particulièrement la figure de Napoléon Ier et son entourage. En parallèle, je m’intéresse à ce que j’appellerais les systèmes curiaux tardifs, et notamment les cours des souverains français de la fin du XVIIIe siècle au début de la IIIe République, et aussi à l’histoire du livre et des bibliothèques, notamment à des figures d’érudits proches du pouvoir comme Antoine-Alexandre Barbier ou Jean Vatout, respectivement bibliothécaires de Napoléon et de Louis-Philippe. Je m’intéresse également à l’histoire du cheval et de l’enseignement de l’équitation, et aussi à l’histoire de la chasse, notamment du point de vue iconographique.

Quels aspects considérez-vous comme les plus marquants de votre carrière ?

Mon arrivée au département des Manuscrits a été un grand moment, car j’ai pu passer de longs mois à découvrir la profondeur et la variété des collections de la BnF, à repérer les fonds non exploités puis à les signaler aux enseignants ou aux doctorants que je connaissais et même à ceux que je ne connaissais pas, mais dont je pensais que les travaux pourraient bénéficier de nouvelles sources. Cela m’a permis de faire venir quelques nouveaux lecteurs et d’attirer l’attention sur des manuscrits qui attendaient parfois depuis plus de deux siècles que des chercheurs s’intéressent à eux.

La soutenance de ma thèse a été un autre moment fort, parce que j’ai eu le plaisir de retrouver parmi l’assistance les chercheurs et les universitaires avec qui j’avais pu nouer des liens depuis plusieurs années, mais aussi mes collègues et supérieurs hiérarchiques du département des Manuscrits, qui m’avaient tous soutenu dans la phase de rédaction et qui tenaient à assister à ce grand moment.

Quelles sont les applications de vos recherches ? Le quotidien d’un bibliothécaire-chercheur, c’est quoi au juste ?

Concrètement, mes recherches ne servent pas à grand-chose, si ce n’est à faire un peu progresser la connaissance historique. Cela passe par la découverte de nouveaux manuscrits ou documents d’archive, par leur critique, souvent par leur édition, et par leur mise en résonnance avec d’autres fonds ou d’autres types de sources, comme des journaux intimes, des mémoires ou des documents graphiques. La publication d’un article, d’un livre ou même d’une notice dans un catalogue d’exposition permet parfois de revenir sur les conclusions formées par d’autres historiens, de les affiner ou de les contredire, voire même de les prendre en flagrant délit de mauvaise foi. L’histoire du Premier Empire, qui me préoccupe particulièrement, est particulièrement intéressante de ce point de vue, car de nombreux auteurs ont privilégiés un seul type de sources, généralement les autobiographies ou les archives militaires, en passant souvent à côté de documents conservés à la BnF ou aux Archives nationales. Souvent, de nombreux historiens se sont aussi contentés d’adapter ou de plagier sans vergogne des ouvrages un peu anciens, en présentant ensuite leur pensée comme novatrice. L’historiographie du Premier Empire a donc patiné pendant de très nombreuses décennies. Même si les travaux de Jean Tulard, puis plus dernièrement ceux menés à la Sorbonne ou à la Fondation Napoléon ont profondément renouvelé la connaissance de l’Empire, il reste encore beaucoup à découvrir. Quand on s’attaque sérieusement aux sources, on se rend ainsi compte qu’un personnage aussi célèbre que Napoléon est encore très peu connu, ce qui est vraiment paradoxal et qui contredit la doxa habituellement dispensée par certains historiens pour qui tout a déjà été dit sur les grands personnages. A ce titre, le premier devoir d’un conservateur-chercheur est de faire connaître ses sources et de les signaler aux chercheurs, que ce soit par des publications, des colloques, des cours, des séminaires, des billets de blog ou même des posts sur twitter, et naturellement en enrichissant le catalogue BnF-Archives et manuscrits. Si un conservateur ne met pas les richesses de la bibliothèque en avant, elles risquent de ne jamais servir à personne.

Pour ce qui est de mon quotidien, il n’est sans doute guère différent de celui de mes autres collègues : j’ai plusieurs dizaines de fonds sous ma responsabilité, je m’occupe d’en faire rentrer de nouveaux, en maintenant des contacts avec des écrivains, des éditeurs ou des universitaires, et je reprends des fonds dont le classement n’avait pas été achevé par mes prédécesseurs. Depuis mon arrivée à la BnF, je me suis par exemple occupé du classement et de la numérisation du fonds René Girard et du catalogage du fonds Masques et Persona, autour des mouvements LGBT des années 1970-1980. Je passe donc beaucoup de temps en magasin noyé dans des cartons, devant mon écran d’ordinateur à enrichir BnF-Archives et manuscrits, ou en salle de lecture à communiquer des documents aux lecteurs. Même s’il m’arrive de prendre un peu de mon temps de travail pour des projets transverses initiés par la BnF comme le projet des Essentiels de Gallica, il m’arrive souvent de revenir le samedi ou de rester au bureau le soir pour dépouiller des manuscrits concernant mes propres centres d’intérêt. Comme il est parfois dur de concilier recherche et vie professionnelle, je préfère prendre sur mes vacances ou mon temps de sommeil et travailler la nuit, en général entre 20 heures et 3 heures du matin. Cela me permet de produire plusieurs articles et au moins un livre par an. Je pense que c’est un des principaux devoirs du conservateur que de beaucoup écrire et d’étudier lui-même ses propres fonds. C’est aussi le seul moyen de parler d’égal à égal avec les universitaires, de comprendre leur démarche et leurs besoins.

Le moment où vous vous êtes dit : je veux faire de la recherche ?

Difficile de me souvenir du moment-clé, même si j’ai très vite voulu travailler sur le XIXe siècle, et plus particulièrement sur l’Empire et la Restauration. Il s’agit peut-être de ma première séance de dépouillement aux Archives nationales, où un conservateur m’avait conseillé de commander des cartons au hasard pour me faire une idée de ce qu’était la recherche en archives. J’étais tombé par chance sur des instructions au grand maître des cérémonies, annotées par Louis XVIII quelques jours avant sa mort, d’une main très tremblante. J’ai trouvé ça très émouvant et très intriguant, et j’ai eu envie d’en savoir plus.

Quel objet patrimonial de la BnF vous a particulièrement marqué ?

Dès mon arrivée à Richelieu, je me suis rendu compte que la BnF renfermait des trésors cachés, qui ne demandaient qu’à être redécouverts. J’ai été particulièrement ému par le fonds d’archives de Louis-Nicolas Planat de La Faye, un aide de camp de Napoléon, qui renfermait plusieurs lettres écrites après Waterloo, et un portrait au crayon absolument magnifique, représentant l’empereur quelques jours avant son départ pour Sainte-Hélène. Un autre beau souvenir est celui de la découverte du journal d’un révolutionnaire de 1830, qui avait collé dans son manuscrit la cocarde qu’il portait sur les barricades de Juillet. Enfin, je me souviens avec émotion de la découverte du journal tenu par le valet de chambre Anthoine sur la mort de Louis XIV, et sur la description des derniers moments du Roi-Soleil. Il y a d’autres souvenirs plus amusants, comme la découverte d’un manuscrit-reliquaire contenant des cheveux de Lucrèce Borgia !

Quelles sont vos plus belles réussites ?

Je suis très fier d’avoir pu faire entrer dans les collections publiques un manuscrit des mémoires de Napoléon Ier, dictées à Sainte-Hélène, entièrement dicté et corrigé de sa main, avec de nombreuses notes, des cartes et des anecdotes sur l’expédition d’Egypte. Je compte bien entendu me pencher dessus, mais j’espère que de nombreux chercheurs viendront le consulter dans les années à venir.

Quelles sont, selon vous, les principales qualités que doit avoir un chercheur ?

La patience, bien sûr, mais surtout l’inventivité et la vivacité d’esprit. La recherche impose de constamment innover, chaque sujet, chaque document demandant de mettre au point une nouvelle méthode de travail.

Quelle est, pour vous, la découverte majeure qui a pu influer sur l’histoire de l’humanité ?

Le papier. Sans papier, par d’archives, par de manuscrits ni de bibliothèques, et partant, pas d’historiens.

Quelle place accordez-vous au hasard (opportunités, rencontres, chance…) dans votre travail de recherche ?

Le coup de chance archivistique est une réalité. Il ne faut pas toujours compter dessus, mais on peut toujours faire de très belles découvertes, en se donnant la peine d’ouvrir un carton, de consulter un inventaire ou même de lire un document jusqu’au bout. Mais comme l’histoire est une science, la chance peut aussi se provoquer, en étudiant les catalogues, en dépouillant les références bibliographiques, jusqu’à localiser au plus près le document qui vous permettra d’avancer, d’étayer des conclusions ou au contraire de tout remettre en question. Parfois, un coup de foudre archivistique vous fera partir dans une toute autre direction, et vous mettra sur la piste d’un personnage ou d’un événement que vous n’auriez jamais pensé étudier.

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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Journée d’étude : Proust numérique, Proust imprimé : l’édition des manuscrits aujourd’hui

Immense réservoir de formes romanesques, de figures poétiques, de savoirs critiques, bref de possibles qui déploient encore plus l’arc d’une œuvre déjà immense, les manuscrits d’À la recherche du temps perdu font aujourd’hui l’objet d’une attention intense. Leur édition, c’est-à-dire leur mise à disposition sous forme de transcriptions annotées, indexées et cartographiées, est devenue un champ important de la recherche sur la Recherche. Parallèlement, les éditeurs de la Correspondance ont à faire face à un corpus en augmentation constante, qui impose la révision de l’édition Kolb et l’invention de formules éditoriales souples et évolutives.

Quel premier bilan tirer de la collection des « Cahiers 1 à 75 » de la BnF (BnF-Brepols) alors que le sixième de la série, le Cahier 67 (Delesalle, Goujon, Rauzier), sortira des presses à l’automne ? Le moment est-il venu de faire évoluer le modèle éditorial choisi ? Si, paradoxalement, c’est le lancement de cette édition imprimée qui a permis, à partir de 2007, de numériser plus d’une centaine de cahiers et manuscrits du fonds Proust de la BnF, l’accessibilité, aujourd’hui, d’un nombre toujours plus important de ces manuscrits sur Gallica offre de nouvelles possibilités de représenter la genèse, comme l’ont montré le prototype d’édition numérique du Cahier 46 (Pierazzo et André, 2012) et la récente édition nativement numérique de L’Agenda 1906 (Mauriac, Leriche, Wise et Fau, 2015).

Faudrait-il renoncer à l’édition imprimée ? Plutôt que d’opposer – pour les brouillons romanesques, en tout cas – une « vieille » édition papier qui serait dépassée et hors-jeu, à une édition numérique seule porteuse de lendemains scientifiques qui chantent, on voudrait essayer de définir ce que peut chaque modalité éditoriale, pour faire évoluer les modèles tout en cherchant les voies de leur complémentarité. Comment optimiser, aujourd’hui, l’édition « papier » des manuscrits ? Et comment parvenir, dans le domaine de l’édition numérique proustienne, à des modèles conjuguant ergonomie, lisibilité, et stabilité ? Des spécialistes de Proust et des Humanités numériques seront invités à dialoguer autour de leur expérience d’édition, et à présenter leurs projets en cours. Au-delà du cas de Proust, toujours exemplaire, c’est à la réflexion sur l’édition savante des manuscrits aujourd’hui que cette Journée voudrait contribuer.

Journée d’étude organisée par Julie André et Nathalie Mauriac Dyer dans le cadre des travaux de l’équipe Proust de l’ITEM-CNRS.

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Olivier Jacquot

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Morgane Cariou

Photo M. CariouLe Carnet de la BnF se propose de publier des portraits de chercheurs pour donner de la chair à des projets et acronymes et donner à voir qui sont les femmes et les hommes qui incarnent l’activité scientifique à la BnF.

Aujourd’hui Morgane Cariou, ancienne élève de l’ENS Ulm, qui a occupé un poste de chargée de recherches documentaires au service des manuscrits médiévaux de la BnF, répond à nos questions.

Pouvez-vous vous présenter ?

Ancienne élève de l’ENS Ulm, agrégée de Lettres classiques, j’ai eu la chance d’occuper, de 2010 à 2014, un poste de chargée de recherches documentaires au service des manuscrits médiévaux de la BnF tout en poursuivant une thèse de littérature et philologie grecques à l’EPHE. Je suis actuellement chercheur post-doctoral au sein du Laboratoire d’Excellence Histoire et anthropologie des savoirs, des techniques et des croyances.

Quel est l’objet de vos recherches et le sujet de votre thèse ?

Ma thèse, soutenue en 2014, s’intitulait « édition critique, traduction et commentaire du chant I des Halieutiques d’Oppien de Cilicie ». Pour ces travaux de philologie, j’ai dû recenser les 80 manuscrits byzantins et renaissants qui transmettent ce poème scientifique. Cinq d’entre eux font partie de l’ancien fonds de la BnF. Les autres sont conservés dans les collections des grandes bibliothèques européennes, notamment la Bibliothèque Vaticane, la Bibliothèque Laurentienne, la Bibliothèque Ambrosienne et la Bibliothèque Nationale d’Autriche. Après quoi j’ai établi, autant que faire se peut, une histoire de la transmission de ce texte, histoire marquée par une forte contamination. Sur la base de ces résultats, j’ai pu sélectionner la dizaine de manuscrits qui figure dans l’apparat critique de mon édition. Elle est accompagnée d’un commentaire qui tente de faire apparaître la richesse poétique et scientifique de ce texte qui a été composé à la fin du deuxième siècle de notre ère et qui est dédié aux empereurs Marc-Aurèle et Commode.

Mes recherches post-doctorales s’inscrivent dans la continuité de ces travaux et visent à la publication de mon édition. Tout en continuant de travailler sur la transmission manuscrite de ce texte et sur la poésie scientifique, je m’intéresse également aux textes zoologiques, aujourd’hui réduits à l’état de fragments, d’époque hellénistique.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre expérience de chargé de recherches documentaires ?

Je considère que cela a été une grande chance de pouvoir côtoyer les conservateurs du service des manuscrits médiévaux et d’avoir accès aux magasins de manuscrits. J’ai beaucoup appris, à la fois sur le plan scientifique et sur le plan professionnel, aux côtés de Marie-Pierre Laffitte, de Charlotte Denoël et de Christian Förstel (qui a encadré mes travaux de catalogage des manuscrits poétiques de l’ancien fonds grec).

Comment conciliez-vous vos activités de recherche à la BnF et votre activité d’enseignant ?

Il est certain qu’un CRD est un poste plus lourd qu’un poste de moniteur dans le sens où il s’agit de trouver le temps, dans la semaine, de préparer les enseignements, de travailler à la BnF, d’avancer dans la rédaction de la thèse et, éventuellement, de suivre un ou deux séminaires. Il faut donc être très organisé. En ce qui me concerne, mes enseignements de grec ancien n’avaient pas de rapport direct avec mes recherches documentaires à la BnF. Cependant, j’avais pris l’habitude de consacrer tous les ans, en fin d’année, une séance de mon cours au livre grec, ce qui me permettait d’utiliser mes travaux de codicologie pour le compte de la BnF tout donnant à mes étudiants un aperçu de cette question trop peu connue.

Quels sont vos projets à l’issue du doctorat ?

Je souhaite, dans la mesure du possible et même si les postes sont de moins en moins nombreux, poursuivre mes recherches en littérature et philologie grecques. C’est ce que j’ai pu faire, depuis 2014, grâce à une bourse de la Fondation Thiers – Centre de Recherches humanistes et à un contrat de recherche du LabEx HASTEC. J’ai en outre la chance d’avoir récemment été élue sur un poste de pensionnaire à la Fondation Thiers, ce qui me permettra d’avancer efficacement, dans les trois années à venir, dans mes travaux.

Quels conseils donneriez-vous aux normaliens qui souhaiteraient bénéficier d’un contrat de chargé de recherches documentaires ?

Pour pouvoir aborder sereinement la charge de travail que représente un CRD, je conseille de rapprocher au maximum le sujet de recherches documentaires du sujet de thèse : cela permet de donner de la cohérence au dossier de candidature et, par la suite, d’éviter de se disperser dans des directions trop nombreuses.

Pour aller plus loin

Page personnelle de Morgane Cariou

Olivier Jacquot

Coordonnateur de la recherche > Délégation à la Stratégie et à la recherche > Bibliothèque nationale de France

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