Le « chat » est mort

copy-Petitjuge.jpgAlain Verleene, ancien président de la cour d’assises de Paris est décède et sa disparition nous attriste nous qui l’avons côtoyé comme magistrats, mais encore comme greffiers, avocats ou encore  journalistes. Pascale  Robert Driard lui a consacre un chapitre de son livre sur la justice où elle le qualifie de chat. L’image tout compte fait lui va bien. M’éloignant du cœur de cible de ces page je crois opportun en publiant le texte qu’Alain Blanc, egalement ancien president des assises,  lui consacre en y ajoutant les témoignages d’autres magistrats  de lui permette d’avoir la lumière qu’il mérite. C’est le moindre des hommages que je pouvais lui  rendre. Alain Verleene aura marque la justice. Pour reprendre le mot de Franck Natali, ex président de la conférence des bâtonniers lors du dernier hommage rendu à notre ami   :  » Il y a une école Verleene de la présidence des assises ».  Alain savait permettre aux justiciables  d’exprimer leur personnalité  pour qu’une justice humaine passe. D’évidence il était un homme aime car il aimait les autres. On  ne peut pas être objectif sur l’ami qui part, mais comme citoyens nous pouvons affirmer que le magistrat  qui nous a quitte était  un grand, qui au lieu d’être la fierté de sa hiérarchie a été  maltraite par elle.  Ces temoignages lui rendent justice.

 

avocat_jeuneAlain Verleene, notre camarade [1].

Par Alain Blanc,

Alain Verleene a d’abord fait partie des magistrats du Nord de la France dont il est originaire, qui ont joué un rôle essentiel dans les années 70, au moment où le Syndicat de la Magistrature qui émergeait dans les juridictions et l’opinion, était mobilisé sur tous les fronts : lutte antihiérarchique, réflexion avec les centrales syndicales, et surtout définition de pratiques professionnelles nouvelles. Les témoignages de Louis Bartolomei[i] , Daniel Ludet[ii] et Jean Pierre Deschamps[iii]diffusés à chaud à l’annonce de son décès sur SMnet y font écho. Mais Alain ne faisait pas partie des « théoriciens » en vue, ni de ceux qui s’exposaient. Il parlait d’ailleurs très peu lors des réunions en public, même si dans les réunions amicales tout le monde se souvient d’un brillant causeur. On ne se lassait pas de l’entendre parler de ses dossiers d’assises, et on regrette déjà qu’il n’ait pas pu en laisser une trace. Mais il réfléchissait et il agissait, discrètement mais avec cette passion du droit comme garantie des libertés des justiciables qui a contribué à faire de lui ensuite un des juges d’instruction à la fois les plus pugnaces et les plus respectés à la fois par la police et par les avocats, puis un président de cour d’assises de référence, estimé de tous ses collègues.

Cette passion du droit n’était pas « sèche ». Elle était irriguée par une autre : celle des gens et en particulier des plus pauvres. Ses origines sociales ne sont sans doute pas pour rien dans ce mélange de discrétion et d’engagement en profondeur tout au long de son combat pour la Justice.

Il est donc arrivé juge d’instruction à Paris en septembre 1981, après avoir exercé cette fonction à Valenciennes pendant 7 ans.
Il a ensuite présidé la cour d’assises à Paris à partir de 1990. Il faut se rappeler ce qu’elle était à l’époque pour mesurer l’évolution qui s’est faite dans ces années là. Alain est devenu le « coordonnateur » unanimement reconnu du groupe des 12 à 14 conseillers et présidents de chambre qui « tournaient » sur la cour d’appel pour présider les assises et il est parvenu à faire en sorte que cette juridiction, longtemps présidée par un bon nombre de magistrats médiocres, méprisants quand ils ne violaient pas le code de procédure pénale, devienne une juridiction respectée et respectable. Tout cela en faisant un travail de fond, avec nous tous – syndiqués ou non – motivés que nous étions par sa passion du droit et de la volonté que cette juridiction soit à la hauteur de ce qui la caractérise: celle ayant à juger les crimes, et associant magistrats professionnels et jurés. Ce n’est pas le lieu ici de décrire toutes les initiatives des uns ou des autres qu’il a su accompagner et diffuser. Mais pour comprendre ce qui s’est passé ensuite à partir de 2000/2001 il faut savoir que deux principes étaient au centre de ses préoccupations et de son action vis à vis des chefs de cour : préserver la qualité des audiences en refusant que soient bradés les moyens et le temps nécessaires, et garantir l’indépendance du siège à toutes les phases du processus débouchant sur les audiences : choix des présidents, élaboration par ceux ci du rôle de leurs audiences, etc… ce qui n’a pas toujours été facile. Un très beau portrait de lui dans l’exercice de ses fonctions de président de cour d’assises a été écrit par Pascale Robert Diard dans son livre « Dans le ventre de la justice ». Lisez-le. C’est lui.

On le sait peu, car il était discret, Alain était « la référence » en matière de procédure criminelle. Non seulement la chancellerie le consultait souvent officieusement, mais aussi la cour de cassation. Sans parler de nous tous, les présidents, qui à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pouvions le consulter en cas d’incident ou de difficulté.

C’est évidemment tout cela qui explique la hargne du premier président de l’époque, J C Magendie, et de son secrétaire général[2]– pour mettre en place dès son arrivée son opération « charrette » et exclure de leurs fonctions plus de la moitié des conseillers ou présidents de chambre en charge de la présidence des assises et en particulier Alain Verleene. Cette opération menée à bien avec l’aval de l’ISJ (dont le rapport sur le sujet n’a jamais été publié), et en recourant à un jeu de « chaises musicales » dont les principales victimes étaient militantes au SM ou l’avaient été. Le point d’orgue ayant été une AG visant à entériner le projet d’organisation et de mouvements des magistrats de la cour au cours de laquelle le dit projet a recueilli plus de 60% de voix contre. Ce qui n’a rien changé à la détermination du Premier Président qui l’a mis en œuvre. Je crois pouvoir dire que cette opération a fait beaucoup de mal à Alain – et pas qu’à lui. Elle l’a miné.

Il a ensuite assumé ses nouvelles fonctions de président de chambre de la 11ème chambre dite de la Presse avec le même courage que celui dont il a toujours fait preuve.
Je veux le dire ici, et je ne suis pas le seul à le penser, lorsqu’il a été « vidé » comme un malpropre de ses fonctions à la cour d’assises de Paris, Alain a en réalité payé le fait que sans être à l’époque adhérent du SM, il était identifié par tous – et en particulier par le premier président de l’époque comme ayant contribué à tout ce que le SM avait apporté à l’institution depuis qu’il était entré dans la magistrature.

Il n’empêche : nous garderons tous le souvenir de l’ami toujours disponible et attentif, qui aimait le bon vin, la bonne chère, et qui savait nous faire tordre de rire avec toutes les anecdotes qu’il racontait si bien sur ses dossiers ou ses audiences. Ne nous y trompons pas : s’il était si drôle et si brillant conteur sans jamais être méchant, c’est grâce aux qualités qu’illustrent son portrait de « chat » évoqué plus haut : son intelligence acérée de l’institution, et ce mélange de calme, et d’opiniâtreté au service d’une conception de sa fonction où le droit et l’éthique étaient au service des plus faibles, sans que pour autant son impartialité ait pu être mis en cause. Un vrai juge, quoi.

[1] Ce texte m’a été demandé par le bureau du Syndicat de la Magistrature. Il a été diffusé à ses adhérents.

[2] « Dont le Monde » indique qu’il vient d’indiquer d’être mis en examen dans le dossier Squarcini pour trafic d’influence.

[i] Je suis attristé par le départ d Alain Verleene; nous avons commencé notre carrière et 1971 à Valenciennes lui comme JI et moi comme Substitut. Nous étions dans une section de choc ; Alain était sûr et solide syndicalement parlant tout en restant toujours courtois sans jamais se départir d un petit sourire ironique qui en disait long sur ce qu’ il pensait du courage des magistrats (c est moi qui interprète son sourire pour rester dans l actualité).La section de Valenciennes est une des premières à avoir créer une boutique de droit pour renseigner le public défavorisé mais aussi pour le rapprocher de la Justice. Le PG, Jonquère de l Oriola nous menait une vie épouvantable ; nous étions le vent mauvais pour reprendre le mot du maréchal Pétain et lui était l air pur.. C est vrai qu’il n était pas engagé dans une idéologie comme nous ; il n était qu’à l’extrême droite de l’AFM (Professionnelle des Magistrats, future USM). Nous avions réussi à nous procurer un courrier adressé au G des S dans lequel il se plaignait des syndiqués qui pullulaient dans sa cour et à cause desquels la moitié des magistrats ne serraient plus la main à l autre moitié. Je garde la nostalgie de ces temps là et Alain Verleene aussi, j en suis sûr.

Louis Bartolomei

 [ii] J’ai le souvenir de l’accueil, par Alain Verleene, des 4 nouveaux magistrats du TGI de Valenciennes issus de la promo ENM 78, en janvier 1980. Chaleureux, l’œil toujours rieur, engagé…C’est lui qui m’a remis ma carte de membre du SM. La section SM a animé quelque temps la vie du TGI. Une assemblée générale nous a fourni l’occasion de voter une déclaration selon laquelle, en réponse à Peyrefitte (ministre de la Justice sous Giscard, c’est pour les plus jeunes) qui avait déclenché des poursuites contre le Monde « » à la demande des magistrats », nous faisions connaître que nous n’avions pour notre part jamais demandé de telles poursuites…. Alain était là, jubilant…. Il est parti. Il a fait partie, dans le Nord Pas de Calais, de la bande syndicale dont les combats des années 70 ont contribué à donner une image moins archaïque de la Justice. C’est notre jeunesse qui s’en va un peu avec lui, jeunesse syndicale, jeunesse personnelle.
Il mériterait un hommage du SM d’aujourd’hui, avec lequel il avait pris un peu de distance, je crois. Il ale mien, en tout cas, et celui de beaucoup d’autres….

Daniel Ludet

iii Hollande François aurait mieux fait de se taire et Alain Verleene de ne pas mourir, mais c est comme ça. Inéluctablement Hollande est devenu logorrhéique, tient donc des propos désordonnés et tape sur tous le monde dans un bouquin dont on ne voit pas très bien l utilité.
Alain était un juge, de ceux qui ont été dès le début de leur carrière membre du syndicat de la magistrature, cette organisation qui a introduit dans un corps un peu endormi l idée que tout était politique y compris l acte de juger. C était un juge qui ne se posait pas la question du courage. Courageux, il l’était bien sûr dans sa fonction de juge d instruction ; pour mémoire (si j’en ai) l’affaire des Irlandais de Vincennes. Il se posait beaucoup je crois la question de la préservation la part d humanité de tous lorsqu’ il présidait des cours d assises. Alain c’était quelqu’un qui passait toujours au moins une tête lors de nos congrès, qui regardait avec un sourire un peu goguenard et amusé, intervenait parfois mais Hollande François ne l’avait sans doute jamais rencontré, ou alors il y a si longtemps …
Alain aurait mieux fait de rester avec nous pour qu’un peu désespéré quand même, on se tape sur les cuisses en lisant le bouquin de François
Mais voila François est devenu con et Alain est parti …Au revoir Alain…

Jean Pierre Deschamps

 

 

 

 

 

Publié dans Alain Verleene, Cour d'assises, Irlandais de Voncenne, Justice, Non classé | 2 commentaires

Suppression (discrète) du Tribunal correctionnel pour mineurs

avocats006_17_1La loi Modernisation de la justice dite loi Justice XXI siècle a enfin été adoptée définitivement par le parlement le 11 octobre dernier. Après le conflit Assemblée nationale–Senat et l’échec de la commission mixte paritaire, le dernier mot sur ce texte majeur est revenu aux députes.

S’agissant de la justice de mineurs on retiendra quelques dispositions a minima qui une nouvelle fois « corrigent »  la célèbre ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante.

On est bien loin du projet de C. Taubira annoncé en 2013 qui, après une deuxième écriture en fin 2015, devait définitivement disparaitre de l’horizon  avec le départ du ministre de la justice.  Ce projet visait, au sens littéral, à refonder l’ordonnance de 1945 c’est-à-dire à relégitimer ses principes fondamentaux – priorité éducative, atténuation de responsabilité, juridictions dédiées – de la justice des mineurs à la française quitte à la moderniser. Ce texte entendait également et surtout lever l’insécurité juridique qui depuis 2011 pèse sur notre dispositif après la décision du Conseil constitutionnel qui interdit au même juge d’instruire et de juger au point de pourvoir prononcer des peines. En faisant  du juge des enfants un magistrat qui se contenterait de juger, le projet Taubira levait l’hypothèque qui résulte de la loi dite Ciotti de décembre 2011 où il suffit que le juge fasse signer son ordonnance de renvoi par un autre magistrat pour retrouver l‘affaire  à l’audience du Tribunal pour enfants.

  1. Urvoas arrivant en ce début 2016 sur une fin de mandature a fait le service minima. L’ordonnance de 1945 ne serait pas réécrite, mais à l’occasion de la loi Justice XXI° il veillerait à introduire quelques dispositions intéressantes sinon importantes. Engagement tenu.

En vrac :

  • la présence d’un avocat devient obligatoire pour le jeune placé en garde à vue sans qu’il ait à faire de démarche comme c’est déjà le cas pour les moins de 13 ans places en retenue ;
  • on rétablit la possibilité pour le juge des enfants de juger dans son cabinet sur convocation délivrée par officier de police judiciaire sur ordre du procureur mesure paradoxalement supprimée en 2007 quand le gouvernement Fillon avançait qu’il fallait juger vite ;
  • le juge des enfants pourra user de moyens coercitifs – l’appel à la force de police – pour exécuter une décision de placement en institution ;
  • la césure (1) du procès pénal sans devenir obligatoire est facilitée
  • On généralise la possibilité de prononcer une mesure éducative en parallèle à une peine. Sous entendu une peine pour utile, même si elle a une dimension éducative ne doit pas être exclusive d’un suivi éducatif

Enfin deux mesures phares sont adoptées.

Déjà il ne sera plus possible de condamner à la réclusion criminelle à perpétuité une personne de moins de 18 ans.  On relèvera que peu de nos concitoyens savent que cette mesure était possible. Situation exceptionnelle bien évidemment mais tout à fait légale. Patrick Diels le fut, avant d’être définitivement acquitté. Le jeune Mathieu M.  qui viola et tua une adolescente au Chambon sur Lignon l’a été par la cour d’appel d’assises de Riom le 30 septembre 2013. Les USA ont su en terminer récemment avec la réclusion criminelle pour les enfants criminels ; la France se devait d’en faire autant. La peine encourue dès lorsqu’un mineur de 16-18 ans au jour des faits criminels qui lui sont reprochés  se voit retirer le bénéfice de l’excuse atténuante de responsabilité sera désormais de 30 ans maximum.

La deuxième mesure symbolique introduite dans la loi Justice du XXI° siècle est la suppression (enfin) du Tribunal correctionnel pour mineurs (TCM) qui comme son nom l’indique entendait rompre  avec les juridictions pour mineurs. En 2011 à défaut de pourvoir abaisser la majorité de 18 à 16 ans, au risque de se heurter au Conseil constitutionnel, on a entendu faire en sorte qu’il soit jugé, comme pourrait l’être un majeur par trois juges, donc un seulement serait un juge des enfants. Deux jurés populaires devaient même se joindre à cette composition de telle sorte que le juge des enfants obligatoirement présent, tenu a prioiri comme laxiste, soit bien « encadre ».  Outre que l’on a débouché sur une composition de TCM variable selon les tribunal avec souvent un,  parfois deux, voire trois juges des enfants ; outre que cette juridiction s’avéra chronophage quand avec 500 postes de magistrats vacants on y affectait trois professionnels à des affaires qui jusqu’à présent n’en exigeraient qu’un ; outre que cette juridiction n’était pas autorisée à gérer les urgences voire qu’elle avait annihilé pour les récidivistes le recours à la reforme précédente qui avait introduit le flagrant délit, force était de constater que cette formation ne punissait pas plus que le classique tribunal pour enfants. Exit le TCM comme cela avait été promis avant  l’élection présidentielle pour être sans cesse renvoyé à un texte global.

On est donc loin d’une réforme fondamentale, mais sur des adaptations techniques.

avocat_jeuneReste l’essentiel : avant de songer à changer la loi  il faut veiller à l’appliquer c’est-à-dire en l’espece faire en sorte que les mesures éducatives soient réellement mises en œuvre et dans des délais  légaux : 5 jours au maximum après le prononce de la décision – art. 12-3 de l’ordonnance de 1945 -. On reste loin du compte si on se rapporte aux éléments fournis par la Protection judiciaire de la Jeunesse au Parlement pour voter son budget 2017. Elle affiche que l’objectif sera tenu en 2017 ! Nul n’ignore aujourd’hui que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Du fait de l’engagement contre la radicalisation des jeunes les moyens affectes à la PJJ publique et au secteur associatif habilité sont certes en hausse  (2) –  et on s’en réjouira, mais tout n’est pas une question de moyens. Les blocages sont culturels et organisationnels : la PJJ doit encore apprendre à gérer l’urgence quand trop longtemps elle a associe urgence et répression.

En cette fin de quinquennat un premier bilan va pouvoir être fait.

Comme cela était prévisible l’objectif de doubler le nombre des CEF n’aura pas été tenu. On était à 42 Centres éducatifs fers en 2012, on est rendu aujourd’hui à 51. En cause notamment les réalités financières. On pouvait même se demander s’il était utile tenir objectif. Somme toute, peu de jeunes ont besoin d’un séjour dans ce type de structure contenante. Il faut des structures plus légères voire des familles d’accueil et surtout  de potentialités de suivi en milieu dit ouvert. Comment imaginer qu’un éducateur puisse réellement suivre 25 jeunes ?

C. Taubira, puis M. Urvoas ont entendu ne pas faire subir à la Protection judiciaire de la jeunesse un nouveau bing bang après celui infligé de 2002 à 2011 où elle a du abandonner l’enfance en danger – sauf les mesures d’investigation – et les jeunes majeurs pour être recentrée sur les 15-17 ans délinquants … tout en se voyant confier la mission de coordonner l’orientation des Mineurs etrangers non accompagnes (MENA) sans pour autant en accueillir.

Ce recentrage au pénal reste le credo. Pourquoi pas ! Il faut maintenant veiller à une prise en charge rapide, et tout simplement une prise en charge, un suivi éducatif réel du jeune. Il ne suffit pas d’affirmer qu’une mesure est prise ; il faut que le même éducateur et la même équipe le  suivent sur la durée, soit présents auprès de lui quand il se cassera encore la figure, lui éclaire le chemin, l’aident et le soutiennent, bref pallient les carences éducatives sans négliger de mobiliser les compétences familiales.

En 2014 on aura supprimé les peines plancher, dispositif contradictoire avec l’objectif d’individualisation de la réponse judicaire, encore plus pour les mineurs, et au final pas  applique souvent à la demande du parquet.

On a su revoir les règles relatives à la suppression du benefice de  l‘excuse atténuante de minorité.  On est revenu à juste titre  sur les deux lois de 2007 pour retrouver le texte de 1992.

CouvLivreDaloz - CopieLes scrutins de 2017 vont être cruciaux : soit ils conforteront la démarche visant à un renforcer et améliorer un dispositif  certes perfectible, mais efficient (3), soit une nouvelle fois on engagera un travail de déconstruction du droit pénal de mineurs. On relèvera ainsi que le candidat Juppé vise à enlever au juge des enfants ses compétences civiles pour le recentrer lui au pénal. On reviendrait à 1945, à avant la reforme fondamentale pour la justice des enfants moderne introduite par le général de Gaulle en 1958 qui partait du constat qu’avant toute chose un enfant délinquant était un enfant en danger et qu’il fallait donc s’y attacher pour qu’il ne soit pas délinquant.(4) Là encore éduquer avant de punir en cohérence avec l’ordonnance de 1945  signée … Charles de Gaulle.

(1) Le juge se prononce sur la culpabilité puis le temps de laisser prospérer les mesures éducatives une nouvelle audience est l’occasion de se prononcer sur la sanction

(2) 842 millions d’euros en crédit de paiement et 834 en crédits de paiement, soit 3,9% d’augmentation par rapport à 2016

(3) Rapport du sénateur Lecerf sur la loi de 2001

(4) On n’attendrait plus un délit pour intervenir

Publié dans "Banlieues", (Ré)éducation, 2012, C. Taubira, C.E.F., Campagne électorale, Chambon sur Lignon, Conseil Constitutionnel, Délinquance juvénile, Educateur spécialisé, Enfants en danger, Enfants étrangers, enfants victimes, Eric Ciotti, excuse atténuante de minorité, F. Hollande, Flagrant délit, juge des enfants, Laxisme, majorité pénale, MENA, ordonnance du 2 février 1945, Parquet, responsabilité parentale, Tribunal correctionnel pour mineurs, Urvoas | 2 commentaires

Jungle de Calais : les enfants d’abord!

avocats006_17_1Nul ne peut désormais ignorer l’existence de ce camp qualifié de Jungle installé à quelques encablures de la mairie de Calais. On parle de le démanteler – mais qu’adviendra-t-il des personnes qui y « vivent » et y ont  « trouvé « refuge » ? – sachant qu’il a explosé cet été.  Elles seraient aujourd’hui au moins 8 000 dont un millier d’enfants quand on dénombrait coté préfecture comme coté Associations entre 300 et 350 mineurs  avant l’été.

Malgré la vigilance des autorités et des associations ces enfants et ces jeunes  sont objectivement exposés  à tous les risques dans cet univers sachant que beaucoup ont déjà subi des préjudices de toutes natures pour en arriver là depuis leur départ.

Beaucoup de ces jeunes personnes qualifiées aujourd’hui de mineurs non accompagnés (MENA) pour reprendre la terminologie européenne tentent chaque jour de passer de l’autre côté du Channel pour rejoindre de membres de leur famille.  Certains sont certainement parvenus ; beaucoup échouent qui vont retenter leur chance. D’autres ont disparu purement et simplement : accidents ? victimes d’agressions ?

En tout état de cause, sans nier les efforts développés, on doit être choqué des conditions de vie offertes par notre pays à ces jeunes. Ne rappelons pas que ces jeunes bloqué à Calais n’ont pas eu de rentrée scolaire.

Pour avoir suivi et traité sur 15 ans environ 10 000 situations de mineurs isolés  étrangers à partir du tribunal de Bobigny  il n’est pas question ici de négliger les difficultés juridiques, économiques, psychologiques politiques de l’exercice. Reste que la France a les moyens, si elle entend le traiter, de répondre au problème qui lui est posé. Faut-il s’étonner ou s’indigner que nombre de Conseils départementaux  lancent régulièrement des cris d’orfraie quand ils ont à accueillir une dizaine de ces jeunes. Sous contrôle, la dernière évaluation permet de dire que le coût des  4500  MENA pris en charge par les ASE départementales ne représente que 250 millions d’euros l’an sur un budget de 7 milliards 300 millions.  A qui fera-t-on croire que la France – budget d’Etat et des collectivités locales  – ne peut pas supporter ce coût sachant que nombre de ces jeunes au demeurant inexpulsables ne repartiront pas de France et feront somme toute demain de bons français ? J’en ai croisé dont j’ai eu à me préoccuper qui sont devenus chefs d’entreprise, médecins et même policiers.

Reste très concrètement à régler sans délai le sort des ces jeunes présents à Calais qui souhaiteraient partir en Angleterre et qui restent bloqués.

Récemment notre Défenseur des droits, Jacques Toubon, pouvait avancer qu’au lendemain du BREXIT la Grande Bretagne était revenue sur son attitude conciliante et pragmatique qui l’amenait à accueillir  quelques dizaine – on en dénombrait 70 environs sur l’année – dès lors qu’ils avaient de la famille en Angleterre. Ce robinet se serait totalement fermé au début de l‘été. Incorrigibles anglais, sans cœur ni état d’âme !

Or lors de la cellule de coordination du dispositif d’accueil des MENA tenue cette semaine on avançait qu’en vérité les autorités anglaises ne seraient pas hostiles à l’idée de recevoir des enfants,  mais allèguent que les français, donneurs de leçon sempiternels !,  ne leur proposeraient aucune situation !

De fait les efforts développés sur plusieurs années sont ruinés. Le flux est arrêté et les MENA concernés en pâtissent.

Devant ce constat nos deux patries autoproclamées des droits de l’homme ont fières allure sur ce sujet ! Comment nos gouvernements respectifs peuvent ils se satisfaire de cette situation qui crève les yeux et se regarder encore dans une glace ?

JP RosenczveigIl est grandement temps vider de l’abcès…
Quelle est la position anglaise ? Sont-ils disposés à accueillir des mineurs demandeurs d’asile dés lors que des parents vivent en Angleterre ?  Jouent-ils le jeu en ne multipliant pas les expertises et contre expertises pour attester de la filiation ? Et les français font-Ils le nécessaire pour instruire les dossiers de demande de droit d’asile en veillant à la désignation urgente d’un administrateur ad hoc afin de s’inscrire dans le processus prévu par le règlement européen dit Dublin III et dans le rspcet de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ratifiee pa rl’un et l’autre des deux Etats qui veut dans son article 9 :

1. Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant.

(…)

3. Les Etats parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.

On peut penser que les deux pays ont une part de responsabilité dans la situaiton actuelle. La Grande Bretagne traine des pieds et la France ne mobilise pas les moyens nécessaires  pour instruire les situations comme le prouve cette condamnation récente de l’Etat par le tribunal administratif dès lors que la préfecture du Nord n’avait pas enregistre et donc pas  instruit une demande d’asile pourtant déposée par un jeune kurde de 16 ans (Libération du 6 septembre 2016).

Faut-il attendre de nouveaux drames après les accidents dont plusieurs jeunes ont été récemment victimes pour se vouloir se rendre illégalement en Angleterre ?

Nos deux pays devraient avoir l’intelligence de se mettre autour d’une table  – et pas seulement de se rejoindre sur une pelouse avec un ballon ovale -, publiquement ou discrètement et, à tout le moins, de gérer le cas des 500 enfants attendus par des parents Outre-Manche. En quelques jours on peut régler par une opération commando administratif leur sort. A qui fera-t-on croire que cela n’est pas possible ?

Le dossier MENA de Calais n’aura pas été vidé, mais déjà le sort de nombre d’enfants aura été  réglé. Les autres doivent être orientés vers des Départements sur la base de la circulaire Taubira de 2013, de la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance et de son décret d’application récemment publié. Sans mégotter !

Si on ne le fait cet effort qu’on arrête au moins des deux côtés de donner des leçons de droits de l’Homme.

avocat_jeunePour ce qui nous concerne, nous français, constatons que les preuves sont sur table du fait que ces jeunes sont en situation de danger. Si un drame survenait dans la Jungle – mort, violence sexuelle, etc. – l’Etat français en ne prenant pas les mesures qui s’imposent engagerait non seulement sa responsabilité civile, mais ses acteurs leurs responsabilité pénale pour, dument informés – ces enfants sont notoirement  en danger au sens  de l’artile 375 et s du code civil disposition d’ordre public qui vise tous les enfants même etrangers- , avoir laissé perdurer la situation. Ne parlons pas  de la responsabilité morale ! Sans brandir la menace du droit sanction à la veille du 20 novembre date anniversaire de l’adoption de la convention des droits de l’enfant un geste significatif s’impose

 

Publié dans Calais, collectivités locales, Comité des experts de l'ONU, convention internatioanle sur les droits de l'enfant, Défenseur des droits, Dublin III, Enfants en danger, Enfants étrangers, juge des enfants, Jungle, Justice, MEI, MENA, Mineurs etrangers, président du conseil général, Réfugiés, rentrée scolaire, Taubira, violences sexuelles sur mineur | 6 commentaires

Avec Jean Blocquaux, un grand du social disparaît (649)

avocats006(1)Avec la disparition de Jean Blocquaux nous avons perdu en cette fin août 2016 un énorme personnage de l’action sociale  moderne, un grand serviteur de la puissance publique, tout simplement un homme de bien toujours prêt à s’engager pour combattre des injustices. Et bien sûr un ami.

Pendant quasiment un demi siècle Jean Blocquaux aura été sur tous les fronts : les droits des enfants délinquants ou non avec le père Jaouen un temps, puis notamment à travers les Services d’accueil d’urgence qu’il conçut à Bois d’Arcy en 1976, le droit des jeunes filles d’interrompre leur grossesse malgré leurs parents, bien évidemment le montage des opération anti-été chaud en 1982, la Marche des Beurs ou encore le combat des enfants franco-algériens enlevés par un parent, le droit des femmes battues de se séparer dignement, le sort fait aux mineurs étrangers isolés, les Restaus du Cœur de Coluche  ou  encore la conception et la mise en place du RMI dont il n’était pas peu fier, le combat pour les gens du voyage, la reconnaissance des lieux de vie avec le procès de Carcassonne, puis la circulaire de 1983, ces institutions anti-institutionnelles tellement utiles  et, bien sûr, la loi du 10 juillet 1989 sur l’enfance maltraitée avec notamment le téléphone vert national. Sans compter le travail à l’étranger, au Vietnam comme en Roumanie. Et j’en oublie certainement.

Quel parcours ! On en trouvera peu de cette veine dans l’histoire. De simple éducateur spécialisé à la tête de l’inspection générale de l’action sociale !

Nous sommes nombreux à lui devoir beaucoup. Bien évidemment déjà tous ceux  en souffrance ou en difficulté qu’il a pu accompagner et aider avec la foi inébranlable qu’aucun obstacle n’était  insurmontable, mais encore tous ceux  qui sans son engagement, sa disponibilité, sa capacité à inventer seraient demeurés les mains nues. Je pense  notamment et déjà aux magistrats de la jeunesse. Je peux témoigner – une nouvelle fois – que Jean Blocquaux m’a permis de venir en aide à nombre d’adolescents et d’adolescentes, et au final d’être le juge des enfants que je suis devenu. Fallait-il  trouver un lieu de vie à offrir à Romeo et Juliette rejetés par leur lieu de vie officiel ? Sous couvert du SAU on leur procurait à l’UNIPRIX situé en bas du tribunal la toile de tente nécessaire et l’accord parental. Fallait-il renouer avec un jeune en fugue retrouvé à Perpignan ? Jean partait le soir même en R5 pour  reprendre le chemin avec lui ! Une jeune fille avait-elle besoin d’interrompre sans grossesse en évitant une souffrance prévisible à ses parents ? Un déplacement était mis en place vers l’Angleterre avec la carte d’identité d’une éducatrice.

Garçons et filles des deux SAU des Yvelines ne s’y trompaient pas qui nouaient enfin ou renouaient, un dialogue avec des adultes, éducateurs et éducatrices, mobilisés pour eux  24 h sur 24 pendant plusieurs jours. Pour Jean Blocquaux pas question de surveillant de nuit car c‘est la nuit que les adolescents se livrent. Les Educateurs et éducatrices s’y collaient quitte à récupérer largement après que le jeune ait trouvé son orientation. On était hors convention collective, mais chacun y trouvait son compte. Pas de lits, mais des matelas roulés pour bien monter qu’on ne séjournera pas éternellement ;  une cuisine chaleureuse  toujours ouverte car c’est autour de la cuisine que le lien se noue. Bref, une réflexion très fine et une réponse de qualité qui parfois posait un  problème : les étapes suivantes comme le suivi éducatif  en milieu ouvert  n’étaient pas toujours à la hauteur. Ces jeunes ne s’y trompaient pas sur la qualité de cette relation et son importance. A voir leur comportement affectueux avec Jean pendant les audiences ; d’où ces jeunes qui revenaient au foyer quelques semaines ou mois plus tard.

Dans la chaine sociale il ne faut pas que les  maillons soient trop différents sinon la chaine casse. En tout cas les SAU de Jean Blocquaux ont essaimé parfois en oubliant la réflexion qui avait guidé leur montage : la disponibilité et l’humanité. Il fallait aussi dans ces équipes un meneur d’hommes et tout le monde n’est pas de la veine de Jean Blocquaux.

Jean Blocquaux privilégiait les hommes sur les institutions. Il ne supportait les machines  institutionnelles – Education nationale, ASE ou PJJ –  avec les meilleures intentions du monde pouvaient broyer même sans le vouloir les plus faibles. Il « bouffait » de l’Education nationale, de l’ASE et de la PJJ tous les jours pour étant finalement, issu du secteur associatif habilité, intégrer l’Administration d’Etat et donc  terminer doyen de l’IGAS ! Il bouffait des énarques tous les jours – sauf Stéphan Clement –  et il termine au top niveau de l’Administration ! Clin d’œil de la vie et capacité de l’institution d e reconnaitre les qualités de ceux qui viennent d’ailleurs. En tous cas, il fallait le faire comme on dit communément.

En 1975, mon premier rapport avec Jean Blocquaux n’avait pas été facile. Dans cette Caserne de la Reine où était installé alors le T.E. de Versailles je me souviens l’avoir reçu une fin d’après midi alors qu’il venait me décliner son  projet de SAU. Il se présentait comme ancien militant CFDT ; je l’ai traité de jaune et de briseur de grève. Et de lui expliquer qu’il avait été  recruté pas la préfecture – nous étions avant décentralisation – pour casser la grève des animateurs de l’infirmerie du foyer Vauban qui demandaient des moyens adaptés pour accueillir les jeunes fugueuses et déjà, ailleurs que dans une infirmerie, comme si fuguer étaient une maladie. L’inspectrice de l’enfance de l’époque avait préféré brader la mission au service associatif. Cet abcès percé j’ai pu mesurer combien la désignation de Jean Blocquaux et de l’AVVEJ avait été une chance pour l’action sociale et  pour … moi.

PetitjugeSi un temps le tribunal de Versailles devint une sorte de plaque d’égout par laquelle remontaient à la surface nombre de jeunes en difficulté jusque là terrés, peu confiants dans la justice et venant de l’ensemble de la région de parisienne, cela ne tenait pas aux juges, mais au SAU animé par Jean Blocquaux. Il n’hésitait pas à « trainer » dans les couloirs du palais et nous recevions ensemble les jeunes qui se présentaient. Il restait taisant pour n’intervenir que quand j’avais pris la décision de le mandater officiellement s’il y avait urgence ou officieusement. Le travail s’engageait. On avait très vite le sentiment d’inverser le cours des choses et d’être utile.

Ayant intégré le cabinet de G. Dufoix, secrétaire d’Etat en charge de la famille,  avec notamment la responsabilité de l’aide sociale à l’enfance, j’avais réussi à convaincre début juin 1982 le cabinet du premier ministre de mettre en place un dispositif social – et non policier comme le proposait Gaston Deferre –  pendant l’été qui évite à des jeunes d’être livrés à eux-mêmes, disponibles à toutes les tentations. Encore fallait-il  gagner ce pari politique et dans un  délai de moins de 6 semaines. Il ne fallait pas que les banlieues explosent pendant l’été 1982 au risque de mettre à mal la politique judiciaire du gouvernement. Une  nouvelle fois j’étais les mains nues.  Immédiatement j’ai pensé à Jean Blocquaux. Je lui ai demandé  de me faire confiance sur ce coup tout aussi tordu que ceux que nous avions menés à Versailles, mais cette fois-ci à l’échelle nationale. La réponse a été  immédiate et je n’ai pas été déçu. Nous avons tellement bien réussi que les Opérations d’été ont été inscrites au IX° plan. L’imagination au pouvoir ! Nous en rigolions. Le dispositif désormais qualifié « VVV » existe toujours.

Grâce à Jean Blocquaux – mais aussi à Stéphane Clément, chef du bureau Enfance famille – et à ses relais – notamment l’AVVEJ – l’infrastructure administrative a été rapidement mise en place, l’argent transféré de l’Etat  aux 11 terrains retenus  en moins de 10 jours – un record – en mobilisant des fonctionnaires de tous bords politiques qui croyaient au projet, les acteurs recrutés, l’Armée mobilisée à travers ses centres de formation – notamment l’école de Haute Montagne de Chamonix que comme alpiniste il connaissait bien. Trois années de suite nous avons animé ce dispositif, Jean Blocquaux veillant à la qualité des réponses et jouant sur le terrain le pompier à l’occasion.

De là il ne quitta plus le ministère de l’avenue de Ségur : conseiller technique dans différents cabinets, directeur de cabinet de Mme H. Dorlhac, etc. ; puis l’iGAS. Entre temps il y avait eu la marche des Beurs qu’il accompagna discrètement et efficacement du début à la fin. Tous ces ministres lui doivent beaucoup. Sans eux ils auraient été aussi impuissants qu’un juge avec ses seuls codes ! L’Etat et la République doivent lui être reconnaissants.

016Chaleureux, affectueux, humain, Jean Blocquaux n’était pas un personnage facile. il n’était pas caractériel  mais avait du caractère. Il avait le verbe dur et s’il le fallait  en bon éduc. de terrain il savait faire le coup de poing. D’où les dents très longtemps disparues dont l’absence renforçait son image de flibustier ! Surtout il savait nouer la relation et ses interlocuteurs en s’y trompaient pas : un langage direct, pas de langue de bois, pas de fausses promesses et le sentiment d’un personnage qui peut escalader toutes les montagnes, au sens littéral comme au figuré. Il rassurait et de fait était crédible : que redouter d’un homme à la poignée de main ferme qui vous regardait droit dans les yeux en souriant et commandait immanquablement des œufs mayonnaise au restaurant ? Partout et toujours il avait un point de vue. Il lâchait difficilement le morceau pour ne pas dire qu’il ne le lâchait quasiment jamais. Plus souvent sur le terrain que dans un bureau, cigarette au bec, du couloir du tribunal à l’aire d’implantation des forains, avec un jeune, un responsable public  ou l’abbé Pierre, à rechercher une réponse concrète au problème de son interlocuteur.

Et par-delà la situation traitée,  il assumait le service après -vente pour éviter qu’elle se renouvèle. Il ne se contentait pas de coups.  A preuve la réaction du contrôleur financier avec lequel nous déjeunions qui s’étonnait de trouver une ligne » IVG en Angleterre » sur le budget du SAU de Bois d’Arcy. Jean lui repondit simplement froidement qu’il fallait que chacun assume ses responsabilités. Affaire close ; budget acquis.

En bon éducateur Jean avait un rapport à la loi tout relatif. Il n’était pas fondamentalement hors la loi, mais il la tangeantait … pour la faire bouger. Un vrai travailleur social. La société lucide a intégré cette fonction qui voit certains des siens aller de l’autre côté de la frontière pour ramener ceux qui sont prisonniers de la fracture sociale. Les éducateurs de la prévention spécialisée en savent quelque chose. Fondamentalement ces travailleurs sociaux ne violent pas la loi. Au final, ils la font progresser. Défendre vraiment les droits des jeunes souvent brisés exigeait souvent qu’on aille au-delà du permis.  Jean Blocquaux et ses équipes savaient faire ce qu’il fallait pour qu’au final justice soit rendu au jeune et chacun y trouvait son compte, y compris la société. Ce fut le cas pour l’IVG avec la loi du 2001  qui vient consacrer les pratiques que nous avions à Versailles de confier les jeunes filles à l‘ASE pour donner l’autorisation d’avorter au lieu et place de parents défaillants. Ce fut encore le cas pour les femmes battues avec la procédure de répit familial que nous avions imaginé avec Monique et finalement consacrée par le législateur dans cette dernière période.

Inépuisable Jean Blocquaux fut de tous les grands combats. Je suis convaincu que si la maladie ne l’avait pas frappé   durement cette dernière année que mobilisé par les pouvoirs publics il se serait engagé une nouvelle fois pour éviter que des jeunes ne basculent dans la radicalité. Une force le tendait.

Il avait un enjeu, un ressort dans sa vie et ne s’en cachait pas :  il voulait être à l’égal de son père qui, un temps, fut député des Ardennes. C’est certainement ce père qui lui a inculqué comme à ses frères et sœur, ses valeurs sur lesquelles il ne cédait pas une once de terrain. Il fallait que la voie suivie par Jean rejoigne un jour celle de son père. Il y parvint de belle manière ! Il rigolerait de tout le bien que j’ai dit sur lui ; il serait en revanche content de constater qu’il a tenu son pari.

enfant-et-juge.1176414591.jpgFinalement, il aura été un acteur politique de première importance. Il a fait bouger les lignes : celles des professionnels qui accueillent les jeunes en fugue ; il  a participé au montage de nouveaux dispositifs, il a aussi contribué à faire bouger la loi. Bref il n’a jamais été député – même si un temps il a été leader d’une liste municipale dans les Yvelines -, mais il a tenu son objectif : s’engager.

Ce serait exagéré d’avancer que le moule est cassé et que demain on ne trouvera pas de travailleurs sociaux capables de mouiller  la chemise  come le fit tant et tant de fois Jean Blocquaux, mais à l’inverse je peux affirmer qu’il y a peu de Jean Blocquaux. Il mériterait un livre ou un film pour montrer aux futures générations que face aux besoins de ceux qui demain seront en souffrance.

L’action sociale a perdu une référence, nous avons perdu un ami, le pays a perdu un  serviteur.

Impossible bien évidemment d’en finir avec ce témoignage sans rappeler le rôle que joua Monique Blocquaux, elle aussi éducatrice spécialisée,  dans cet itinéraire particulièrement dans l’accueil des adolescentes et des femmes maltraitées. Je n’oublie pas que durant quasiment un an le premier SAU était le domicile même des Blocquaux. La boutique sociale de Monique installée à Versailles pour accueillir ces femmes était aussi une innovation. On a souvent la femme que l’on mérite :  Monique Blocquaux  était sur ce plan la première et indispensable partenaire de Jean.

A tout point de vue on sort renforcé dans ses convictions et dans son engagement d’avoir croisé un jour les Blocquaux. Mieux encore de l’avoir eu comme compagnon durent quatre décennies. L’ami est parti, sa trace demeure.

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Châtiments corporels, autorité parentale : tout vient à qui sait attendre !

avocats006_17_1Les compteurs semblent débloqués. Les châtiments corporels vont enfin être condamnés après le vote des députés du 1er juillet dernier et Laurence Rossignol, ministre de la famille, annonce  la relance du texte sur l’autorité parentale qui s’attache spécialement à ce qu’improprement on appelle le statut du tiers.

*

Le combat pour interdire le recours à la fessée et à la gifle n’est pas d’aujourd’hui et il a régulièrement suscité rires, moqueries et quolibets avec  les sempiternelles références des moqueurs à leur « expérience » : «  Une bonne gifle ne fait de mal à personne ! Combien en ai-je reçu sans que cela m’empêche de grandir ? Alors, passons à autre chose!».

Plus sérieusement, interdire le recours aux châtiments corporels apparait pour beaucoup comme illusoire sachant en plus qu’on ne pas quand même pas envoyer en correctionnelle une grande partie des parents de France ! La justice a d’autres choses à faire. D’autres d’ajouter qu’i faut garder la mesure des choses et ne pas tout mélanger : on n’est pas dans de la violence à enfants, mais dans l’éducation. Mieux on y voit une atteinte à l’autorité parentale. Chacun élève ses enfants comme il le veut et comme il le peut. C‘est sa liberté. Priver le parent du droit de sévir y compris physiquement, c’est le dépouiller de tout pouvoir pour exercer sa mission légale  d’éducation. Le droit de correction est la contrepartie de cette mission ! Bref Que l’Etat se préoccupe des choses qui le concernent et laisse les parents élever leurs enfants.

En d’autres termes, le sujet n’apparaissait ni essentiel ni majeur. Peu importe même que le Conseil de l’Europe ait appelé en 2007 les Etats membres à condamner les châtiments corporels. Mme Morano, alors ministre de la famille, présidebt du conseil des ministres européens,  avait bien engagé la France à Stockholm, pour se dédire à son retour à Paris. Mme Rossignol adhérait à l’idée de suppression, mais ne voulait pas, à peine tournée les pages de la polémique sur le mariage homosexuel, rouvrir un front sociétal clivant. Elle voulait faire nourrir le débat, sans se précipiter pour légiférer, convaincue que le sujet murirait et qu’un créneau s’ouvrirait ou ne s’ouvrirait pas.

Les partisans d’une éducation sans violence n’ont pas dételé.  L’idée d’une loi a été reprise notamment par les députés  Marie-Anne Gueugneau et François Michel Lambert. D’autres n’hésitaient pas à avancer que combattre les violences à enfants passait déjà par le fait de ne pas tolérer les châtiments corporels qui peuvent dégénérer facilement. Il fallait donc plaquer aux jambes et délégitimer le recours à la violence sur la personne de l’enfant.

Finalement le créneau espéré vient de s’ouvrir. La loi « Egalité et citoyenneté » adoptée en première lecture le 1er juillet a intégré, avec l’appui du gouvernement, un  amendement rédigé conjointement entre parlementaires et ministre de la famille. On évitera de rallumer les feux en choisissant les mots. Pas question de fessées et de gifles, ni même de châtiments corporels. On parlera de violence. Qui peut être pour les violences à enfants ?

L’article 371-1 du code civil est une nouvelle fois précisé. Les parents doivent s’abstenir «  de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ».

L’attention de l’opinion étant concentrée sur le débat suscité par la reforme du droit de travail et le souhait de voir la France gagner son Euro,  le texte était adopté en catimini. Et la ministre de relever que sa démarche a été somme toute payante. Le fait que le gouvernement ait eu ces derniers temps l’idée de protéger les animaux contre les mauvais traitements rendait difficile de ne rien faire  sur les châtiments infligés aux enfants !  Le législateur a eu le souci de ne pas judiciariser le refus de ces violences.

Bémol : on ne peut pas nier que ce vote discret escamote la nécessaire pédagogie dont a besoin une loi pour s’applique spécialement dans le domaine des mœurs. A défaut on  s’expose à ce que le texte ne soit pas respecté ou qu’il ait à bref délai une affaire qui défraie l’opinion. On ne peut pas être jésuite à l’extrême sans le payer un jour. Il faut appeler un chat un chat. On a franchi un cap positif. Il faut aujourd’hui l‘assumer.

 

*

avocat_jeuneCe résultat semble de nature à débloquer le dossier en jachère depuis juillet 2014 de la loi consacrée à l‘Autorité parentale et à l‘Intérêt de l’enfant (dite Loi API).

Pour avoir largement critiqué le texte adopté le 27 juin …. 2014 par l’assemblée nationale (conf. blog n°), mais appelé sans arrêt depuis deux ans qu’il poursuive son parcours parlementaire pour être adopté,  je ne bouderai pas le plaisir pris ce matin à entendre la ministre de la famille annoncer que les freins politiques étaient enfin levés.

Laurence Rossignol a été claire : après l’entretien entre le président de la République et les mouvements gays et lesbiens, le gouvernement ne craint plus la surenchère sur la PMA et la GPA à l’occasion d’amendements parlementaires, Mieux il estime être capable d’assumer la légalisation d’un accès de convenance à la PMA.

On va donc pouvoir enfin aborder la question essentielle posée par l’évolution des pratiques matrimoniales qui veut que depuis trois décennies entre 1,5 et 2 millions d’enfants vivent avec un seul de leurs parents biologiques et avec une autre personne qui juridiquement n’est rien pour eux.  Ce sont donc au bas mot 6 millions de personnes qui concernées.

Il  faut enfin consacrer l’idée que le beau-père ou la belle-mère sont légitimes et en devoir d’exercer la responsabilité sur les actes de la vie courante  quand les deux parents biologiques, chacun pour sa part ou ensemble doivent exercer les actes juridiques majeurs.

Un enfant ou un adolescent ne doit plus pouvoir dire à celui là  « Qui t’es toi? T’es pas mon père ! T’es pas ma mère ! Passe ton chemin !» . Trop d’enfants et d’adolescents profitent de ce point faible pour faire la loi entre les adultes avec au final les conséquences dramatiques de ces pratiques de la toute puissance.

Souhaitons seulement que le parlement adopte un dispositif plus simple comme nous  l’avancions dans notre rapport remis à Mme Bertinotti (1) et ne revienne sur l’usine à gaz inventée en catastrophe après l’abandon de la loi Famille. Souhaitons aussi qu’on passe de l’autorité parentale à la responsabilité parentale : l’autorité est nécessairement au service des responsabilités, dans la famille comme dans l’entreprise ou la cité. Elle n’est plus une fin en soi.

Si cette loi majeure pour assurer un cadre serein pour tant d’enfants était votée, après mal démarré le quinquennat, le gouvernement retomberait  sur ses pieds et aurait joué un rôle aussi utile que les gouvernent Jospin avec les lois de 2001 et 2002.

On suivra donc de très près.

(1)« De nouveaux droits pour les enfants ? oui, dans l’intérêt de la société et de la démocratie », janvier 2014

 

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L’accès à la pilule du lendemain facilité aux mineures (647)

avocats006_17_1Un décret du 26 mai 2016 (1) vient de préciser les conditions dans lesquelles les jeunes filles mineures scolaires peuvent accéder, via des infirmiers et infirmières scolaires, à la pilule du lendemain.

Ce texte est pris en application de la loi « Modernisation de notre système de santé » adoptée le 26 janvier 2016.

On sait que depuis 1967 la loi permet, en théorie, à tout mineur d’accéder à une contraception librement, gratuitement et anonymement.

La loi permet également à une jeune fille de recourir à l’interruption volontaire de grossesse sans devoir justifier nécessairement d’une autorisation parentale. Outre l‘accord de la jeune fille il faut en effet celui de l’un des parents (1976-1979), mais on peut s’en dispenser (2001).

Il revient déjà à la jeune fille, outre de respect les délais et autres entretiens, de manifester en deux circonstances son accord. Spécialement la seconde fois elle doit s’exprimer hors la présence de ses parents de façon à s’assurer, autant que faire se peut, que sa demande est l‘expression d’une libre volonté et la prémunir de toute pression. Cette précaution est certes formelle, mais importante. On reconnait ainsi le le droit de la femme mineure de disposer de son corps. Elle peut interrompre sa grossesse, mais aussi – on l’oublierait la mener à son terme – malgré le désaccord parental.

Nombre de décisions rendues par des juges des enfants depuis 1975 ont permis de substituer l’accord de l’Aide sociale à l’enfance à l’autorisation parentale demandée par la loi de 1975 revotée en 1979.

Dans ce même esprit, le législateur permet désormais que la jeune fille soucieuse d’interrompre sa grossesse se fasse accompagner d’une tierce personne adulte de son choix, sous-entendu en tenant à l’écart ses parents voire en ne les informant pas de sa situation et de ses choix. Ce peut être un ami ou une relation, ce sera souvent le centre de planning familial ou un professionnel. Sans supprimer l’exigence de l’accord parental – résurgence du pouvoir des parents sur leur enfant ! – on maintient donc une présence adulte auprès de la jeune fille, sous-entendu de quelqu’un susceptible de guider le choix de la jeune femme, d’éclairer ses conséquences, tout simplement de ne pas la laisser seule dans ce moment délicat.

La pilule du lendemain pose un problème intermédiaire. On n’est pas dans le registre classique de la contraception ou de l’IVG.

copy-Petitjuge.jpgLa jeune fille peut y accéder librement. Mais qui est autorisé à la lui prescrire ? Certainement un médecin. La jeune femme mineure est en droit de visiter un médecin et de d’exiger de celui-ci le respect de la confidentialité. La loi sur les droits du malade du 4 mars 2002 confirme l’interdiction faite au médecin de communiquer le dossier médical aux parents sans l’accord de son patient mineur, sauf diagnostic vital. Mais la démarche d’aller vers un médecin, a fortiori le médecin de famille, n’est pas nécessairement aisée. Elle peut même induire un coût que la jeune fille n’est à même de supporter.

D’où l’idée de faire appel aux personnes du survice de santé scolaire plus proches et donc plus accessibles. En application des articles L 5134-1 et D 5134 – 5 et s. du CSP, les infirmiers et infirmières rattachés aux établissements scolaires du secondaire peuvent sous certaines conditions administrer un contraceptif d’urgence non soumis à la prescription obligatoire.

Article L5134-1 CSP
Modifié par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016
(…)I.-Le consentement des titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal n’est pas requis pour la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs aux personnes mineures.
La délivrance de contraceptifs, la réalisation d’examens de biologie médicale en vue d’une prescription contraceptive, la prescription de ces examens ou d’un contraceptif, ainsi que leur prise en charge, sont protégées par le secret pour les personnes mineures.
La délivrance aux mineures des médicaments ayant pour but la contraception d’urgence et qui ne sont pas soumis à prescription médicale obligatoire s’effectue à titre gratuit dans les pharmacies selon des conditions définies par décret. Dans les établissements d’enseignement du second degré, les infirmiers peuvent, en application d’un protocole national déterminé par décret, dans les cas d’urgence, administrer aux élèves mineures et majeures une contraception d’urgence. Ils s’assurent de l’accompagnement psychologique de l’élève et veillent à la mise en œuvre d’un suivi médical, notamment en orientant l’élève vers un centre de planification ou d’éducation familiale. (…) »

 

Un article D 5134-7 modifié par le récent décret précise notamment la démarche.
Les pouvoirs publics ont le souci de réduire en tant que faire se peut la mobilisation des infirmiers. S’ils peuvent se contenter de recevoir la jeune fille, d’échanger avec  elle, de la conseiller, de l’orienter sur les services médicaux classiques, ce sera même une bonne chose. D’une manière générale on a le souci que l’institution scolaire n’interfère pas sur ces sujets au point d’être mis en cause par les familles. Ainsi un(e infirmièr(e) ne pourrait pas accompagner sur son temps de travail une jeune fille chez un médecin.
Une mission d’accompagnement psychologique est donc nettement identifiée.
Ce n’est donc qu’exceptionnellement qu’ils devront aller plus loin en fournissant eux-mêmes le médicament.

C’est ici que le décret de mai 2016 facilite l’aide. Jusqu’ici on exigeait que l’infirmier relève une « situation de détresse ». Aujourd’hui il pourra se contenter de constater l’urgence.

 

Article D5134-7 CSP
Modifié par le décret n°2016-683 du 26 mai 2016 – art. 1
« La décision concernant l’administration d’une contraception d’urgence est précédée d’un entretien avec l’élève, qu’elle soit mineure ou majeure.
Cet entretien a pour but de permettre à l’infirmière ou à l’infirmier d’apprécier si la situation de l’élève correspond aux cas d’urgence mentionnés au troisième alinéa du I de l’article L. 5134-1. L’administration du médicament est conforme aux conditions d’utilisation prévues par l’autorisation de mise sur le marché.
Chaque fois, il est indiqué à l’élève que la contraception d’urgence ne constitue pas une méthode régulière de contraception et qu’elle peut ne pas être efficace dans tous les cas. L’élève est également informée que ce médicament ne peut lui être administré de manière répétée et que son usage ne peut être banalisé.
Lorsque les indications du médicament ne permettent plus l’administration d’une contraception d’urgence, l’élève est orientée vers un centre de planification ou d’éducation familiale, un établissement de santé, un médecin généraliste ou gynécologue en cas de retard de règles. »

 L’infirmier scolaire est tenu de s’assurer de la prise effective du médicament.
De la même manière qu’auparavant il doit proposer à la jeune fille de s’entretenir avec le titulaire de l’autorité parentale ou avec son représentant légal de la démarche d’aide et de conseil mise en oeuvre, sous-entendu afin que les informations contraceptives qui ont pu manquer soient enfin données par les parents. Le recours à la pilule du lendemain n’est pas une pratique contraceptive de base.

Mais il est tout aussi constant que  l’infirmier(e) se doit de respecter la demande de confidentialité faite par la mineure qui en droit de vouloir cacher à ses parents qu’elle est ou a été enceinte, et a fortiori plus vierge. Or on ne peut pas occulter que ces questions peuvent être délicates à aborder au sein de familles où la pression religieuse est forte. Là encore seul un diagnostic vital justifierait que l’infirmier se dispense du respect du secret professionnel.

De même, les personnels de l’établissement scolaire qui auraient d’une manière ou d’une autre des informations sur la situation de la jeune fille, par exemple, à travers des absences pour consulter des médecins,  se devraient de ne pas en informer les parents. A défaut ils engageraient leur responsabilité.

On ne peut que se réjouir de ces dispositions qui, petit à petit, contribuent à permettre aux jeunes de maîtriser leur vie. Ces dispositions sont équilibrées dans leur esprit et dans les modalités retenues.

 

(1) JORF n°0123 du 28  mai 2016

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Plus de perpet pour les enfants … (646)

avocats006_17_1La loi « Justice du XXI° siècle » poursuit son parcours législatif dans une discrétion quasi-absolue. Preuve s’il en fallait que la justice n’intéresse que lorsqu’elle dysfonctionne. Elle est  rarement l’occasion de débats de principe. Dans ces conditions il ne faut pas s’étonner que les politiques ne se battent pas, sauf par à -coups, pour dégager les moyens qui lui sont nécessaires. Au mieux on tente de rattraper une part du retard. En 40 ans on sera ainsi parvenu à doubler la part du PIB qui lui est consacrée, mais pas question d’être offensifs. Alors que le besoin de justice croit la France est l’un des pays du Conseil de l’Europe qui consacrent le moins d’argent à ses juridictions.

Les projets de réforme législatifs ambitieux  achoppent très vite sur l’impossibilité de dégager les moyens adaptés. Ainsi la commission parlementaire constituée apres l’affaire d’Outreau avait rationnellement mis en évidence les limites de l’instruction par un seul magistrat dans les affaires délicates.  Le législateur s’est certes donné bonne conscience en créant  des pools judiciaires, mais il  n’a pas voté les budgets pour recruter les 300 magistrats nécessaires à les animer.

La loi « Justice du XXI° siècle » tire les conséquences de cet état de fait politique : elle revient sur la reforme Outreau. Exit les pools d’instruction. Mais on pourra toujours co-saisir deux juges dans telle affaire estimée délicate par le parquet et la présidence du tribunal. Décision de bon sens à laquelle a fini par se rallier le nouveau Garde des sceaux lui-même qui jusqu’à peu, comme parlementaire,  y était farouchement hostile. Réalité fait loi si l’on peut dire.

De même le realisme l’emporte pour le divorce devant le notaire dans les hypothèses où les deux époux sont d’accord. J’ai développé ici que le parallélisme des formes aurait du conduire à retenir le maire plus que le notaire, quitte à aller vers l’homologation devant notaire quand il y en avait des contributions patrimoniales. Là encore il  s’agit indéniablement de soulager la justice d’une tâche – rompre un contrat privé – quand elle devrait se concentrer sur la gestion des conflits : l’exercice de l’autorité parentale, le partage des biens – ou des animaux domestiques ! -, les pensions alimentaires. Beaucoup soulèvent des objections à cette déjudiciarisation partielle du divorce  au nom du droit des femmes – empêcher la répudiation – ou des enfants qui peuvent être les victimes de ces procédures de séparation. Ceux-là d’affirmer qu’un juge doit vérifier si le bel accord apparent ne se fait pas sur le dos  du plus faible par-delà toute récrimination!

On peut entendre les réserves exprimées par Jacques Toubon, DDD, des associations militant pour les droits des enfants ou des femmes ou encore par  l’UNAF. Par principe, la présence d’un enfant devrait justifier un divorce judiciaire. On peut aussi interrofger ce rôle donné a priori à la justice. En vérité il faut quitter les postures pour revenir au concret et aux réalités.

Rien n’empêchera celle ou celui qui se sentira lésé par les décisions prises dans la foulée de la séparation de saisir ou pas un juge pour se faire rendre justice comme dans en tout domaines. L’important est bien que les unes – les femmes – et les autres – les enfants – soient informés de leurs droits et puissent accéder au modus operendi pour saisir la justice. Pour les enfants en bas âge il reviendra à ceux qui revendiquent de porter leurs intérêts – l’autre parent, un proche, le procureur pourquoi pas – de saisir le JAF sur la nouvelle situation résultant du mauvais accord passé par les parents ou de saisir le juge des enfants. Aujourd’hui déjà un parent peut revenir vers le juge aux affaires familiales si telle disposition décidée a l’audience n’est pas respectée ou s’avére dépassée.

Je maintiens que les JAF doivent se concentrer sur l’essentiel : les conflits ouverts entre parents, mariés ou non, qui se séparent ou encore sur les femmes maltraitées.

A qui fera-t-on croire qu’aujourd’huui en une dizaine de minutes, sur un divorce par consentement mutuel, les magistrats ont la capacité de repérer que la convention de séparation est inique ou dangereuse pour l’enfant ou la femme?  Et là encore peut-on  créer, à bref délai,  en nombre suffisant les postes de magistrats  et de greffiers ainsi que les mètres carrés nécessaires pour mieux gérer, dansle fond et dans la forme, tous ces divorces qui exigent au bas mot 18 mois ?

Oui, la justice du XXI° siècle doit commencer à se recentrer sur son cœur de métier et bien le traiter.

copy-Petitjuge.jpgReste dans ce texte une mesure  symbolique sur la justice de mineurs qui n’a pas déclenché le débat qu’elle méritait. Je ne vise pas la suppression du tribunal correctionnel pour mineurs promise depuis 2012 et fort heureusement finalement décidée  (voir mes posts précédents), mais la suppression de la prison à perpétuité pour les mineurs criminels, mesure  adoptée discrètement sur un amendement déposé par les Verts.

Beaucoup de nos concitoyens n’imaginent même pas que la France puisse avoir cette disposition à son arsenal juridique qualifié généralement de laxiste. Ils se sont indignés pour certains du fait que les USA puissent jusqu’à peu – 2011- condamner  des mineurs à perpétuité – là encore voir mon post supra -, sachant que jusqu’à 2005 ces mêmes USA pouvaient infliger la peine de mort à des mineurs de plus 16 ans.

Pourtant notre droit le permet. Il suffit de retirer le bénéfice de l’excuse atténuante de minorité aux jeunes âgés 16 ans ou plus au moment des faits, au regard de sa personnalité ou des circonstances pour que celui-ci encourre le même peine qu’un majeur : 15 ans pour un crime, 20 ans pour un meurtre et la perpétuité pour  un assassinat. Le jeune accusé entre dans la salle d’audience en risquant 20 ans et peut après une délibération spéciale de la cour se voir infliger la perpétuité.

Décision théorique ? Certes les décisions sont rares comme les occasions d’aller jusque là le sont. Si l’on met  de coté le cas de Patrick Diels deux fois condamné à la perpétuité jusqu’à ce que son troisième procès l’acquitte, on n’a connu dans la période moderne qu’une seule situation. Celle du jeune Mathieu 17 et 11 mois au moment des faits, condamné le 1er septembre 2014 par la cour d’assises d’appel de Riom pour le viol et l’assassinat de la jeune Agnès âgée de 14 ans et demi au Chamnon sur Lignon.   En première instance et en appel les deux cours d’assises lui ont retiré le bénéfice de l’excuse atténuante. La sanction théorique encourue est tombée dans la mesure où aucune circonstance atténuante n’a été retenue, pas même la maladie mentale avérée. Seules l’atrocité des faits, et leur médiatisation,  et surtout la dangerosité de Mathieu, qui plus est affichée  par l’intéressé, ont été retenues.

Désormais la peine maximale encourue en matière criminelle par une jeune personne de moins de 18 ans au moment des faits sera indéfectivement de 20 ans d’emprisonnement.

On approuvera que des mineurs soient jugés comme des enfants. On ne peut pas d’un côté leur refuser la capacité d’agir et de l’autre les tenir pour responsables  à la hauteur de leurs actes (voir notre rapport sur les Nouveaux droits des enfants, janvier 2014).

avocat_jeuneLa loi « Justice du XXI° siècle » va poursuivre son chemin parlementaire. Espérons que sur la déjudiciarisation partielle  et le rôle du magistrat du siège comme garant  – malgré eux – des droits des femmes et des enfants ou encore sur la fin de laperpétuité pour les enfants, il y ait vraimnt un débat avec l’opinion pour légitimer des évolutions qui, pour s’imposer, méritent quand même d’être comprises, sinon portées par le pays. Ne fut-ce que parce que d’autres évolutions sont inéluctablement à venir qui n’ont pas encore été vraiment traitéescomme la déjudiciarisation des réponses à la délinquance des moins de 12 ou 13 ans au bénéfice d’une intervention sociale et d’un soutien à l‘exercice des responsabilités parentales dont on s’étonne qu’elle n’ait pas été traitée dans ce texte

 

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Pour le divorce devant le maire, contre le TCM , en attendant un bonus

avocats006_17_1A l’occasion de l’examen de la loi « Justice du XXI° siècle » qui démarre le 17 mai prochain à l’Assemblée, le ministre de la justice soutient quelques amendements qui vont faire débat, mais qui sont de bon sens. On se doit dès lors d’approuver et d’en demander plus.

Premier amendement Urvoas.  La suppression du Tribunal correctionnel pour mineurs promise pendant la campagne 2012 par le candidat Hollande,  longtemps repoussée, va enfin être soumise au parlement.

On l’attendait dès juin 2012. La garde des sceaux C. Taubira qui l’annonçait y avait renoncé devant la petite salve tirée par l’UMP moribonde après sa déconfiture électorale. On l’accusa même d’avoir fait voter un texte qui ne l’avait pas été !

On l’annonçait dans la loi sur la contrainte pénale d’août 2014. Certes on eut la suppression des peines-plancher et le retour aux termes de 92 sur l’excuse atténuante de minorité, mais le gouvernement s’opposa à l’abrogation du TCM … pour ne pas priver la future refondation de la justice pénale des mineurs d’une mesure phare qui devait contribuer à l’entrainer et à la faire adopter !

C. Taubira partie, cette réforme qu’elle avait réussi à maintenir en perspective – ne proposait-elle pas en janvier 2016 encore une version 2 de sa réécriture de l’ordonnance du 2 février 1945 ? – on a craint que le TCM demeure, et pour de longues années. On se réjouira donc que, quitte à ne plus porter la reforme complète, le garde des sceaux nouveau s’attache – s’attaque – à cette abrogation.

Pourquoi ? Tous les professionnels peuvent attester que cette juridiction créée en 2011 spécialement pour les mineurs de 16 ans et plus, récidivistes – donc déjà condamnés – ayant commis un délit de plus de 3 ans au moins – un vol simple – est chronophage dans un moment où 450 postes de magistrats sont vacants. Trois magistrats professionnels, mais pas nécessairement des juges spécialisés,  doivent faire le travail que jusque là un juge des enfants assisté de deux assesseurs citoyens accomplissait. Pendant ce temps-là ces juges ne sont pas à leur poste dans les juridictions civiles ou correctionnelles.

Accord encore sur le fait que ce dispositif était inefficient au regard de l’objectif répressif affiché par la majorité  de 2011 , être plus sévère à  l’égard de ces jeunes supposés inscrits da la délinquance.  Les données parlent : les peines prononcées en TCM sont équivalentes à celles prises par le tribunal pour enfants classique.

Cette juridiction se voulait un symbole fort : à défaut de pouvoir abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans on faisait juger ces jeunes par un tribunal proche de celui mobilisé pour les adultes – le tribunal correctionnel. Un seul juge devait être spécialisé. On revenait à 1912. On avait même prévu d’y adjoindre deux jurés populaires tirés au sort.

En finir avec le TCM était donc un acte politique et technique pour affirmer que la déconstruction du droit pénal des mineurs était arrêtée. Mieux vaut tard que jamais.

*

CouvLivreDaloz - CopieDeuxième amendement Urvoas.
C’est avec sa proposition de divorce à l’amiable devant notaire que le ministre surprend.

Là encore l’idée n’est pas neuve. Elle avait encore été avancée quelques temps en 2014 avant que la Chancellerie y renonce très rapidement devant une levée de boucliers véhémente, notamment des barreaux.

Elle mérite quand même plus  qu’un feu de paille ; à tout le moins elle un vrai débat dans cette agora qu’est le parlement. On doit s’attendre à un échange passionné, surtout dans la période que nous vivons. Il en vaut la peine au regard du nombre de personnes concernées, adultes comme enfants, et des enjeux.

Dans trop de tribunaux les procédures de divorce sont interminables, onéreuses et surtout traumatiques. Même les plus simples, celles où les deux époux ne se disputent pas, n’ont pas d’enfants ou ne sont pas en conflit sur l’exercice des responsabilités des enfants, s’accordent sur les aspects financiers,  nécessitent un temps fou avec une série de questions pendantes, sources d’autant de difficultés.

Ainsi à Bobigny, deuxième tribunal de France, il ne faut pas moins de 14 mois aujourd’hui  pour obtenir … une première audience (3 à 4 mois pour un divorce à l’amiable). Et le parcours n’est pas terminé. Le président du TGI annonce même 18 mois à la rentrée  si la juridiction renforcée ou soulagée

Et que dire de ces procédures tendues et dès lors délicates où enfants comme adultes vivent difficilement la séparation, mais encore les termes mêmes exogènes aux protagonistes de cette séparation. Faute de moyens et au final de temps, la disponibilité manque aux magistrats pour apaiser les conflits. Des situations intermédiaires aberrantes s’installent.

Alors quitte à avoir introduit, à juste titre, une procédure de divorce à l’amiable – avec au passage un avocat – pourquoi pas aller un peu plus loin en déjudiciarisant, au moins pour partie, cette matière?

Dès 1974, magistrats du Syndicat de la magistrature et avocats du Syndicat des avocats de France réunis à Melun préposaient le divorce devant le maire en partant du principe juridique du parallélisme des formes. Ce que l’un a fait, il doit pouvoir le défaire. Quitte à réserver les juges pour les contentieux : refus de divorce, désaccord sur les mesures à rendre dont bien évident l’exercice de responsabilité sur les enfants, le partage de biens et la pension. Pas de conflit, pas de juge ! Le garde des sceaux propose aujourd’hui le notaire quand nous avancions le maire. On peut débattre. On voit bien ce qui incline à ce choix : les aspects matériels.

Cette solution aurait l’avantage de soulager les juridictions de la famille d’une bonne partie de leur contentieux  – une procédure sur 2 – quand, je le rappelle, 450 postes de magistrats sont vacants et que greffiers et  locaux manquent. Sauf à envisager une augmentation conséquente des moyens affectés au service public de la  justice nous sommes voués à une justice souvent caricaturale et superficielle.

Les Juges aux affaires familiales pourraient ainsi consacrer plus de temps aux procédures qui l’exigent. Et déjà se mobiliser sur des contentieux comme celui des violences conjugales avec l’ordonnance de protection instaurée en 2010 qui doit être prise à très très bref délai, enjeu essentiel pour nombre femmes en danger et leurs enfants.

Plus que jamais la justice du XXI° siècle doit être subsidiaire – ce qui ne veut pas dire négligeable – et recentrée sur les conflits ; pas pour homologuer des accords.

Les lois successives (1987, 1993, 2002 notamment) sur l’exercice de l’autorité parentale adoptées depuis 1997 facilitent l’évolution avancée par le ministre par rapport à 1974 puisque, mariés ou non, séparés ou vivant ensemble, les parents doivent par principe exercer conjointement leur responsabilités à l’égard des enfants. Seule une décision de justice peut porter atteinte à cette regle. La ligne est fixée et de nature à rassurer tout le monde. Il n’y a plus le risque de voir un parent privé de ses droits. Et on le sait on ne peut pas contractuellement renoncer à l’exercice des droits parentaux.

On nous a opposé un temps qu’on introduisait ici la répudiation. Osera-t-on encore avancer cet argument…  Ce serait à nouveau prendre les femmes pour des êtres fragiles qu’il faudrait protéger contre autrui et contre elles-mêmes. Ajoutons qu’un delai de retractation d’un mois est ouvert.

Si, au moment de se séparer, les parents sont en désaccord sur la résidence, l’orientation scolaire, les droits de visite et d’ébergement, a fortiori les contributions alimentaires, le plus diligent saisira un juge.

Si ce qui aura été convenu par écrit dans la procédure nouvelle n’aura pas été tenu le projet de loi prévoit un droit de rétractation dans un délai prévu pour l’époux qui se sentirait « floué ».

On relèvera enfin que s’agissant des enfants  on ne pourra pas recourir à ce dispositif dès lors qu’un enfant demandera à être entendu comme notre droit le prévoit désormais depuis la loi du 5 mars 2007. La question n’est pas celle de la séparation du couplke marié ou pas que celle de l’information de chacun, y compris des enfants , de leurs drtoits et de la manière de les exercer. Dans notre rapport « Des Nouveaux droits pour les  enfants ? » (2013)° nous proposions que l’enfant puisse saisir un juge seul.

Il est évident que, nombre d’avocats qui vivent du contentieux de la séparation vont résister à cette évolution qui s’impose pourtant. Ainsi va la vie : il est des conflits, un temps traités par la justice, qui  peuvent ensuite trouver des réponses plus simples, plus rapides et tout aussi respectueuses des droits des personnes. Ainsi se pose aujourd’hui la question de la déjudiciarisation des petits délits commis par de très jeunes enfants. Ne devraient-ils pas relever d’une réponse sociale plutôt que judiciaire ?

Obsefvons que deux avocats seront mobilisés dans ces procédures de divorce hors le tribunal quand aujourd’hui un seul peut être porteur d’une requete conjointe. Par ailleurs un vrai contentieux familial demeure qui appelle à la présence et l’accompagnement d’avocats. Doit-on rappeler que sur 140 000 divorces la moitié restent contentieux ? Que par delà les divorces il y a aujourd’hui les séparations sur union libre ou PCAS ? Et qu’avec le mariage  homosexuel un nouveau terrain de contentieux s’est ouvert, sans compter ce que l’on imagine venir demain autour de la manipulation de la filiation.

Il va donc être intéressant d’observer si les parlementaires auront dans cette année de mandat le courage de porter  dans un projet – la Justice du XXI° siècle – relativement consensuel, deux postures majeures appelant à débat, mais essentielle pour la vie quotidienne des français.

avocat_jeuneLe gouvernent pourrait même nous offrir un bonus en débloquant le texte « Autorité parentale et intérêt de l’enfant » (voir les posts sur le sujet) voté le 27 juin 2014 et depuis enlisé au Sénat. Il s’agissait à travers cette proposition de loi Chapdelaine de répondre juridiquement à la question des responsabilités sur les 1,5 à 2 millions enfants qui aujourd’hui vivent avec un parent biologique et un beau-parent. Au final entre 6 et 8 millions personnes sont concernées.

Le parlement osera-t-il enfin dire que celui qui vit habituellement avec l’enfant est en droit et en devoir d’exercer les actes de la vie courante à son égard. Peu importe le sexe des adultes concernés, peu importe que les parents biologiques soient unis ou non par le mariage. Il ne s’agit pas de dépouiller le parent biologique que ne vit pas habituellement avec l’enfant mais d’en  finir avec cette béance juridique d’autorité qui amène trop d’enfants à dire au beau-père : « Qui t’es toi ? T’est pas mon, père ! Alors fous moi la paix ! ».

On ne peut pas entonner l’hymne de la deresponsabilisation parentale et se refuser depuis des années à affirmer les compétences des adultes sur les enfants qu’ils ont en charge : aux parents juridiques les actes importants,  aux beaux parents les décisions de la vie quotidien. Qu’on ne vienne pas nous dire que derrière il y a le débat sur l’homoparentalité ou encore sur la GPA ou la PMA qu’on ne veut pas voir ressurgir. Il suffit de cantonner fermement le sujet qui doit être traiter : les responsabilités. Cette attitude serait irresponsable pour le coup. Le texte adopté le 27 juin 2014 par l’Assemblée est perfectible, mais ne mérite pas de rester au cimetière législatif. Le problème est posé massivement depuis 20 ans maintenant du fait des pratiques matrimoniales des adultes ; les enfants … et la société trinquent. Impliquer les adultes exige d’identifier ce qui relève de chacun afin que les enfants ne jouent pas les uns contre les autres pour au final être livrés à tout les sollicitations à force d’être dans la toute puissance.

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Alerte rouge : « la Prev. » à l’article ! (644)

 

avocats006_17_1Plus que jamais la Prévention spécialisée («La Prév») est menacée alors même qu’elle devrait être une priorité pour s’attacher aux adolescents et aux jeunes en « conflit avec la loi »,  sinon en conflit avec la société.

Dans un contexte budgétaire très tendu pour nombre de collectivités locales, les services de prévention spécialisée sont fragilisés sur l’autel des économies jugées indispensables. Mais les difficultés rencontrées par la Prev  ne sont pas liées aux seuls problèmes financiers.

Pour quelques départements qui aujourd’hui comme le Val-de-Marne et, à un moindre degré hier, la Seine-Saint-Denis, ont renforcé leur effort sur ce secteur, et donc fait un choix politiques les autres s’interrogent, sinon passent aux actes. Ils coupent sec ! Et font un autre choix politique.

Comme le relèvent C. Daadouch et P. Verdier «De nombreuses associations ont vu récemment leur financement considérablement diminué. On estime que la baisse sur 2016 serait de 20%. Sont concernés particulièrement les Alpes-Maritimes, de la Côte-d’Or, de la Drôme, du Finistère, du Var, du Gard, de Maine-et-Loire, de la Seine-Maritime, du Bas Rhin ou encore les Yvelines (sur pas moins de 12 villes)»[1].

Pourquoi continuer à investir sur ces interventions dont a priori on est incapable de mesurer l’efficacité : elles interviennent sans mandat, sur des populations très larges et pour quel impact au final ?

Pour beaucoup la Prévention spécialisée ne relève pas de l’Aide sociale à l’enfance, mais de la prévention de la délinquance.

Le gouvernement et le parlement, à travers la loi du 14 mars 2016[2] ont voulu – et l’action n’est certainement pas neutre – remettre les pendules à l’heure. On s’en réjouira. Quand depuis 2002, par un jeu de renvois juridiques, il fallait chercher la prévention spécialisée dans les prérogatives du département, au même titre que la prévention de la délinquance ou les actions d’animation socio-éducatives, la loi du 14 mars 2016 identifie explicitement dans l’article L.221-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) «la Prév» comme l’une des missions de l’ASE espérant ainsi la sanctuariser.

C’est quand même oublier que la loi «NOTRe»[3] votée par la même majorité prévoit que le Conseil départemental peut déléguer par convention cette mission à la métropole, sous entendu au service de la prévention de la délinquance.

Certes en veillant à ce qu’un jeune, voire plusieurs, dans un immeuble ou une rue, ne tombe(nt) pas dans la délinquance, le club ou l’équipe de prévention contribue au maintien de l’ordre public et de la paix sociale, mais fondamentalement, il s’agit d’éviter qu’un jeune, voire plusieurs jeunes en danger dérivent au point de s’inscrire dans l’illégalité avec tous les dangers qu’elle offre ! Tant mieux si l’on atteint deux objectifs pour le prix d’une seule intervention.

prv_2Ces considérations «théoriques» sur l’instrumentalisation à laquelle que certains veulent pratiquer concernant «la Prév» ne sont pas neutres : elles influent sur le statut des informations recueillies par ces travailleurs sociaux qui peuvent ainsi – loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance – être amenés à partager, non seulement entre professionnels de l’action sociale tenus au secret, mais avec le maire ou son représentant… au risque que des informations recueillies dans le cadre de l’action sociale soient utilisées à des fins dites sécuritaires, cassant à bref délai toute possibilité de relation de confiance avec les personnes les plus en difficulté.

En d’autres termes pour un résultat à court terme aléatoire la République prend le risque d’empêcher demain ses fantassins de continuer à passer de l’autre coté de la fracture sociale où, tenus pour des «baveux», ils ne seront plus accueillis.

Des enfants et des familles resteront durablement en souffrance de ce côté-là, sans appui social. Tout cela pour un bénéfice réduit !

Au lieu de faire confiance à ces travailleurs sociaux-citoyens capables de signaler des crimes et délits, comme quiconque, pour y mettre fin ou porter assistance à la personne en péril, on veut en faire les capteurs d’informations que les services de police classiques ne peuvent pas glaner.

Bref, on mesure l’enjeu autour de l’identification de ce service de «Prév» comme relevant de l’action sociale, et non d’une approche policière. Plus que jamais nous avons besoin de services sociaux qui entrent en relation avec les populations les plus isolées financièrement ou culturellement…

Même si tous ne sont pas dans la pauvreté matérielle il faut bien que quelqu’un aille vers les jeunes livrés à eux-mêmes et sans perspectives et dès lors susceptibles de céder aux charmes de ceux qui leur font miroiter de l’argent – le business de la drogue – ou une belle cause – le djihad et la justice. Notre intérêt collectif est bien de tisser des liens avec ces jeunes, parfois très jeunes. Qui le fera, sinon ceux capables de franchir tous les jours – et les nuits- la frontière quand les travailleurs sociaux ne vivent plus de longue date dans les quartiers ?

D’autant que la tâche est devenue singulièrement compliquée : investir les territoires des jeunes et aller là où sont ces jeunes ne consiste plus à investir les rues, les cages d’escalier ou les caves. Il faut aller sur la toile et les réseaux sociaux , inventer une nouvelle manière d’entrée en relation sur de nouveaux territoires … inconnus. Pas évidente qui plus est…

jugeenfants4L’État, à travers Laurence Rossignol[4], a lancé le 27 janvier un groupe de travail pour «reconnaître et valoriser les plus-values qu’apportent les équipes de prévention spécialisée dans l’exercice des missions de protection de l’enfance». Ce travail est engagé. Il passe déjà par un inventaire des structures qui aujourd’hui sont investies sur ce sujet. Combien sont-elles 200, 300 ? Personne ne le sait. Beaucoup meurent – à Paris l’association Jean Coxtet vient d’arrêter ses activité de «Prév». – quand d’autres se créent ou se développent. Cet inventaire est en passe d’être dressé avec le CNLAPS[5]Patrick  Kanner, ministre de la jeunesse, des sports et de la ville vient d’annoncer à Créteil lors des assises nationales de la  PS l’élaboration d’une « convention nationale de partenariat ».

Au plan territorial, l’article L.112.5 nouveau du CASF oblige désormais à élaborer un protocole relatif à la «prévention en direction de l’enfant et de sa famille» qui liera les différents responsables institutionnels et associatifs amenés à mettre en place des actions de prévention en direction de l’enfant et de sa famille, notamment avec les caisses d’allocations familiales, les services de l’État et les communes.

L’objectif affiché est de «définir les modalités de mobilisation et de coordination de ces responsables autour de priorités partagées pour soutenir le développement des enfants et prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives».

Comme le relèvent là encore C. Daadouch été P. Verdier «la prévention spécialisée, les acteurs du programme de réussite éducative, les centres sociaux et culturels, et plus généralement les acteurs des réseaux parentalité (REAAP)[6] auront à l’évidence une place à occuper dans ce protocole.»

En d’autres termes la République n’a pas tellement d’instruments pour pallier l’effritement du ciment social qu’elle puisse se priver des services de la Prévention spécialisée. Saura-t-elle s’en rendre compte ? Un débat majeur s’impose ici qui passe déjà par une clarification aux yeux de chacun sur le rappel du rôle de l’action sociale pour contribuer à la paix sociale.

Plutôt que de réduire sa place il conviendrait de l’accentuer avec, en arrière-fond, des enjeux concrets comme de promouvoir une déjudiciarisation des réponses aux comportements asociaux comme le propose la CNAPE[7].

Bref ce n’est pas un combat contre la disparition de «la Prév» qui devrait nous animer, mais pour installer encore et encore des passerelles sociales entre les territoires et leurs populations. On en est loin. Mais, qui sait si ce sujet ne pourrait pas être traité à l’approche des échéances électorales de 2017, avec le sentiment que personne n’a à gagner au statut quoi qui profite à ceux qui combattent le vivre ensemble ?

prv_1Il faudra alors s’interroger sur les blocages qui empêchent trop d’élus  de croire en ce dispositif. De longue date maintenant la Prev. s’est efforcée de rendre visible son travail; pas assez ! Il lui fait faire face au souci de réponse immédiate des tutelles, encore plus aujourd’hui avec les jeunes près à s’embraser, quand elle s’inscrit dans la durée. Il faut apprendre à parler ensemble l’ordre public à court, à moyen et à long terme. Quelle est sa cible : les enfants  ou les jeunes. Quelle est sa tutelle? Où allez trouver les jeunes aujourd’hui ? Comment rester crédibles à leurs yeux ? Autant, et d’autres questions à traiter sereinement dans l’intérêt des enfants et des jeunes … et du pays.

Il serait dramatique de s’apercevoir de l’utilité de la Prev quand elle aura disparu!

PS : La commission des affaites sociales de l’Assemblée nationale vient de créer une mission d’information sur l’avenir de la Prévention spécialisée. Rapporteure Mme Kheira Bouziane (deputé PS de la Côte d’Or).

[1] Voy. C. DAADOUCH et P. VERDIER, «Protection de l’enfance – Loi du 14 mars 2016 : des avancées en demi-teinte pour le dispositif de protection de l’enfance», JDJ.

[2] Loi n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance.

[3] Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite «loi NOTRe».

[4] L. Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

[5] Comité national des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS); www.cnlaps.fr

[6] Voy. not. Charte des réseaux, d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents; https://www. caf. fr/sites/default/files/caf/031/Partenaires/R%C3%A9seau%20parents%2003/pdf%20dossier/CHARTE%20DES%20REAAP%20Annexe%201. pdf

[7] CNAPE : Convention nationale des associations de protection de l’enfance, regroupe les associations qui développent des actions socio-éducatives, sociales et médico-sociales en faveur des enfants, des adolescents et des adultes; http://www.cnape.fr. La CNAPE suggère notamment d’engager une démarche de déjudiciarisation des réponses à la délinquance des enfants, Des réponses extra-judiciaires aux actes mineurs – Contribution de la CNAPE pour prévenir la délinquance juvénile, CNAPE, 2016; www.cnape.fr/files/news/1640.pdf. Voy. égal. JDJ n° 351, janv.-fév. 2016, p. XXX.

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Pour le divorce sans juge, contre le TCM et dans l’attente du bonus

avocats006_17_1A l’occasion de l’examen de la loi « Justice du XXI° siècle » qui démarre le 17 mai prochain à l’Assemblée, le ministre de la justice soutient quelques amendements qui vont faire débat, mais qui sont de bon sens. On se doit dès lors d’approuver et d’en demander plus.

Premier amendement Urvoas.  La suppression du Tribunal correctionnel pour mineurs promise pendant la campagne 2012 par le candidat Hollande,  longtemps repoussée, va enfin être soumise au parlement.

On l’attendait dès juin 2012. La garde des sceaux C. Taubira qui l’annonçait y avait renoncé devant la petite salve tirée par l’UMP moribonde après sa déconfiture électorale. On l’accusa même d’avoir fait voter un texte qui ne l’avait pas été !

On l’annonçait dans la loi sur la contrainte pénale d’août 2014. Certes on eut la suppression des peines-plancher et le retour aux termes de 92 sur l’excuse atténuante de minorité, mais le gouvernement s’opposa à l’abrogation du TCM … pour ne pas priver la future refondation de la justice pénale des mineurs d’une mesure phare qui devait contribuer à l’entrainer et à la faire adopter !

C. Taubira partie, cette réforme qu’elle avait réussi à maintenir en perspective – ne proposait-elle pas en janvier 2016 encore une version 2 de sa réécriture de l’ordonnance du 2 février 1945 ? – on a craint que le TCM demeure, et pour de longues années. On se réjouira donc que, quitte à ne plus porter la reforme complète, le garde des sceaux nouveau s’attache – s’attaque – à cette abrogation.

Pourquoi ? Tous les professionnels peuvent attester que cette juridiction créée en 2011 spécialement pour les mineurs de 16 ans et plus, récidivistes – donc déjà condamnés – ayant commis un délit de plus de 3 ans au moins – un vol simple – est chronophage dans un moment où 450 postes de magistrats sont vacants. Trois magistrats professionnels, mais pas nécessairement des juges spécialisés,  doivent faire le travail que jusque là un juge des enfants assisté de deux assesseurs citoyens accomplissait. Pendant ce temps-là ces juges ne sont pas à leur poste dans les juridictions civiles ou correctionnelles.

Accord encore sur le fait que ce dispositif était inefficient au regard de l’objectif répressif affiché par la majorité  de 2011 , être plus sévère à  l’égard de ces jeunes supposés inscrits da la délinquance.  Les données parlent : les peines prononcées en TCM sont équivalentes à celles prises par le tribunal pour enfants classique.

Cette juridiction se voulait un symbole fort : à défaut de pouvoir abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans on faisait juger ces jeunes par un tribunal proche de celui mobilisé pour les adultes – le tribunal correctionnel. Un seul juge devait être spécialisé. On revenait à 1912. On avait même prévu d’y adjoindre deux jurés populaires tirés au sort.

En finir avec le TCM était donc un acte politique et technique pour affirmer que la déconstruction du droit pénal des mineurs était arrêtée. Mieux vaut tard que jamais.

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CouvLivreDaloz - CopieDeuxième amendement Urvoas. C’est avec sa proposition de divorce à l’amiable devant notaire que le ministre surprend.

Là encore l’idée n’est pas neuve. Elle avait encore été avancée quelques temps en 2014 avant que la Chancellerie y renonce très rapidement devant une levée de boucliers véhémente, notamment des barreaux.

Elle mérite quand même plus  qu’un feu de paille ; à tout le moins elle un vrai débat dans cette agora qu’est le parlement. On doit s’attendre à un échange passionné, surtout dans la période que nous vivons. Il en vaut la peine au regard du nombre de personnes concernées, adultes comme enfants, et des enjeux.

Dans trop de tribunaux les procédures de divorce sont interminables, onéreuses et surtout traumatiques. Même les plus simples, celles où les deux époux ne se disputent pas, n’ont pas d’enfants ou ne sont pas en conflit sur l’exercice des responsabilités des enfants, s’accordent sur les aspects financiers,  nécessitent un temps fou avec une série de questions pendantes, sources d’autant de difficultés.

Ainsi à Bobigny, deuxième tribunal de France, il ne faut pas moins de 12 mois aujourd’hui  pour obtenir … une première audience. Et le parcours n’est pas terminé. Le président du TGI annonce même 18 mois à la rentrée  si la juridiction renforcée ou soulagée

Et que dire de ces procédures tendues et dès lors délicates où enfants comme adultes vivent difficilement la séparation, mais encore les termes mêmes exogènes aux protagonistes de cette séparation. Faute de moyens et au final de temps, la disponibilité manque aux magistrats pour apaiser les conflits. Des situations intermédiaires aberrantes s’installent.

Alors quitte à avoir introduit, à juste titre, une procédure de divorce à l’amiable – avec au passage un avocat – pourquoi pas aller un peu plus loin en déjudiciarisant, au moins pour partie, cette matière?

Dès 1974, magistrats du Syndicat de la magistrature et avocats du Syndicat des avocats de France réunis à Melun préposaient le divorce devant le maire en partant du principe juridique du parallélisme des formes. Ce que l’un a fait, il doit pouvoir le défaire. Quitte à réserver les juges pour les contentieux : refus de divorce, désaccord sur les mesures à rendre dont bien évident l’exercice de responsabilité sur les enfants, le partage de biens et la pension. Pas de conflit, pas de juge ! Le garde des sceaux propose aujourd’hui le notaire quand nous avancions le maire. On peut débattre. On voit bien ce qui incline à ce choix : les aspects matériels.

Cette solution aurait l’avantage de soulager les juridictions de la famille d’une bonne partie de leur contentieux  – une procédure sur 2 – quand, je le rappelle, 450 postes de magistrats sont vacants et que greffiers et  locaux manquent. Sauf à envisager une augmentation conséquente des moyens affectés au service public de la  justice nous sommes voués à une justice souvent caricaturale et superficielle.

Les Juges aux affaires familiales pourraient ainsi consacrer plus de temps aux procédures qui l’exigent. Et déjà se mobiliser sur des contentieux comme celui des violences conjugales avec l’ordonnance de protection instaurée en 2010 qui doit être prise à très très bref délai, enjeu essentiel pour nombre femmes en danger et leurs enfants.

Plus que jamais la justice du XXI° siècle doit être subsidiaire – ce qui ne veut pas dire négligeable – et recentrée sur les conflits ; pas pour homologuer des accords.

Les lois successives (1987, 1993, 2002 notamment) sur l’exercice de l’autorité parentale adoptées depuis 1997 facilitent l’évolution avancée par le ministre par rapport à 1974 puisque, mariés ou non, séparés ou vivant ensemble, les parents doivent par principe exercer conjointement leur responsabilités à l’égard des enfants. Seule une décision de justice peut porter atteinte à cette regle. La ligne est fixée et de nature à rassurer tout le monde. Il n’y a plus le risque de voir un parent privé de ses droits. Et on le sait on ne peut pas contractuellement renoncer à l’exercice des droits parentaux.

On nous a opposé un temps qu’on introduisait ici la répudiation. Osera-t-on encore avancer cet argument…  Ce serait à nouveau prendre les femmes pour des êtres fragiles qu’il faudrait protéger contre autrui et contre elles-mêmes. Ajoutons qu’un delai de retractation d’un mois est ouvert.

Si, au moment de se séparer, les parents sont en désaccord sur la résidence, l’orientation scolaire, les droits de visite et d’ébergement, a fortiori les contributions alimentaires, le plus diligent saisira un juge.

Si ce qui aura été convenu par écrit dans la procédure nouvelle n’aura pas été tenu le projet de loi prévoit un droit de rétractation dans un délai prévu pour l’époux qui se sentirait « floué ».

On relèvera enfin que s’agissant des enfants  on ne pourra pas recourir à ce dispositif dès lors qu’un enfant demandera à être entendu comme notre droit le prévoit désormais depuis la loi du 5 mars 2007. La question n’est pas celle de la séparation du couplke marié ou pas que celle de l’information de chacun, y compris des enfants , de leurs drtoits et de la manière de les exercer. Dans notre rapport « Des Nouveaux droits pour les  enfants ? » (2013)° nous proposions que l’enfant puisse saisir un juge seul.

Il est évident que, nombre d’avocats qui vivent du contentieux de la séparation vont résister à cette évolution qui s’impose pourtant. Ainsi va la vie : il est des conflits, un temps traités par la justice, qui  peuvent ensuite trouver des réponses plus simples, plus rapides et tout aussi respectueuses des droits des personnes. Ainsi se pose aujourd’hui la question de la déjudiciarisation des petits délits commis par de très jeunes enfants. Ne devraient-ils pas relever d’une réponse sociale plutôt que judiciaire ?

Obsefvons que deux avocats seront mobilisés dans ces procédures de divorce hors le tribunal quand aujourd’hui un seul peut être porteur d’une requete conjointe. Par ailleurs un vrai contentieux familial demeure qui appelle à la présence et l’accompagnement d’avocats. Doit-on rappeler que sur 140 000 divorces la moitié restent contentieux ? Que par delà les divorces il y a aujourd’hui les séparations sur union libre ou PCAS ? Et qu’avec le mariage  homosexuel un nouveau terrain de contentieux s’est ouvert, sans compter ce que l’on imagine venir demain autour de la manipulation de la filiation.

Il va donc être intéressant d’observer si les parlementaires auront dans cette année de mandat le courage de porter  dans un projet – la Justice du XXI° siècle – relativement consensuel, deux postures majeures appelant à débat, mais essentielle pour la vie quotidienne des français.

avocat_jeuneLe gouvernent pourrait même nous offrir un bonus en débloquant le texte « Autorité parentale et intérêt de l’enfant » (voir les posts sur le sujet) voté le 27 juin 2014 et depuis enlisé au Sénat. Il s’agissait à travers cette proposition de loi Chapdelaine de répondre juridiquement à la question des responsabilités sur les 1,5 à 2 millions enfants qui aujourd’hui vivent avec un parent biologique et un beau-parent. Au final entre 6 et 8 millions personnes sont concernées.

Le parlement osera-t-il enfin dire que celui qui vit habituellement avec l’enfant est en droit et en devoir d’exercer les actes de la vie courante à son égard. Peu importe le sexe des adultes concernés, peu importe que les parents biologiques soient unis ou non par le mariage. Il ne s’agit pas de dépouiller le parent biologique que ne vit pas habituellement avec l’enfant mais d’en  finir avec cette béance juridique d’autorité qui amène trop d’enfants à dire au beau-père : « Qui t’es toi ? T’est pas mon, père ! Alors fous moi la paix ! ».

On ne peut pas entonner l’hymne de la deresponsabilisation parentale et se refuser depuis des années à affirmer les compétences des adultes sur les enfants qu’ils ont en charge : aux parents juridiques les actes importants,  aux beaux parents les décisions de la vie quotidien. Qu’on ne vienne pas nous dire que derrière il y a le débat sur l’homoparentalité ou encore sur la GPA ou la PMA qu’on ne veut pas voir ressurgir. Il suffit de cantonner fermement le sujet qui doit être traiter : les responsabilités. Cette attitude serait irresponsable pour le coup. Le texte adopté le 27 juin 2014 par l’Assemblée est perfectible, mais ne mérite pas de rester au cimetière législatif. Le problème est posé massivement depuis 20 ans maintenant du fait des pratiques matrimoniales des adultes ; les enfants … et la société trinquent. Impliquer les adultes exige d’identifier ce qui relève de chacun afin que les enfants ne jouent pas les uns contre les autres pour au final être livrés à tout les sollicitations à force d’être dans la toute puissance.

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«Le Routard de Paris à Rakka» ou comment des enfants peuvent-ils encore rejoindre les théâtres de guerre du Moyen-Orient

avocats006_17_1Les terrains de guerre du Moyen Orient attirent nombre de jeunes – filles comme garçons – d’Occident qui y trouvent la possibilité d’un engagement conforme à leur souhait de combattre les injustices. Ce sont même de très jeunes gens qui veulent prendre la route sinon parviennent à la prendre. Bien sûr toutes les frontières sont finalement poreuses pour ceux qui veulent les franchir, mais de là à ne recontrer aucun obstacle, il y a une marge. Ces adolescent(e)s sont-ils reellement interdits juridiquement de sortir de France sans autorisaiton parentale ? Jean-Luc Rongé, directeur de publication du Journal du droit des Jeunes (JDJ), en doute sérieusement. La proposition de loi adoptée par l’Assemblée dort au Sénat… comme la loi sur « l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant »

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avocat_jeuneSelon les évaluations d’Europol, l’organisme chargé en principe de récolter les données de police de l’Union européenne, on compterait pas moins de 5 000 ressortissants européens ayant rejoint le théâtre de guerre du Moyen-Orient dont un nombre significatif de mineurs d’âge – environ 700 pour la France -, principalement en Syrie, et aussi significativement dans les rangs de l’État islamique (EI, ou Daesch).

Peu avant les attentats de janvier 2015 [1], nous nous étonnions qu’une circulaire de 2012 [2], sensée renforcer les interdictions de sortie du territoire des mineurs ait aboli les autorisations de sortie du territoire individuelles concernant les mineurs français, prévues par la circulaire du 11 mai 1990 [3], qui avaient un caractère général.

Selon la circulaire du 20 novembre 2012 du ministère de l’intérieur, le renforcement du régime des interdictions de sortie du territoire judiciaire rendait inutile le maintien de ces dispositions.

Bien sûr, les mesures adoptées à cette occasion et les modifications introduites dans le Code civil[4] permettaient d’éviter les enlèvements d’enfants et les départ des jeunes «repérés» comme susceptibles de rejoindre les zones dangereuses.

La fin de la généralisation des autorisations de sortie du territoire ne permettait plus de pouvoir bloquer ceux et celles qui quittaient le territoire en catimini sans avoir été encore repérés, notamment les mineurs voyageant seuls, comme l’ont démontré les quelques récits dramatiques de familles qui ne s’attendaient pas à ce que leur enfant rejoigne ces groupes de combattants en passant par la Turquie, dont on sait qu’elle ne fut guère regardante sur le passage vers la Syrie.

Par conséquent, la circulaire de novembre 2012 a permis aux mineurs de voyager munis de leur seul passeport en cours de validité hors de l’espace européen ou encore de leur seule carte nationale d’identité étant bénéficiaires du droit à la libre circulation dans l’ensemble de l’Union Européenne ainsi qu’en Islande, Norvège, Suisse, etc.. Seule l’interdiction conservatoire peut s’opposer à leur départ, notamment par une démarche urgente auprès de la préfecture… pour autant que le soupçon existe.

Le projet de loi actuellement en discussion au Parlement [5] insère un alinéa à l’article 375-7 du Code civil : «En cas d’urgence, dès lors qu’il existe des éléments sérieux laissant supposer que l’enfant s’apprête à quitter le territoire national dans des conditions qui le mettraient en danger et que l’un des détenteurs au moins de l’autorité parentale ne prend pas de mesure pour l’en protéger, le procureur de la République du lieu où demeure le mineur peut, par décision motivée, interdire la sortie du territoire de l’enfant. Il saisit dans les huit jours le juge compétent pour qu’il maintienne la mesure dans les conditions fixées à l’alinéa précédent ou qu’il en prononce la mainlevée. La décision du procureur de la République fixe la durée de cette interdiction, qui ne peut excéder deux mois. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées».

À nouveau, il ne peut s’agir que d’empêcher le départ d’enfants «repérés» susceptibles d’enlèvement par un parent ou de départ solitaire, sans pour autant que soit rétabli le contrôle systématique de tout enfant quittant le territoire.

Comme nous l’écrivions, «la sortie du territoire n’est pas un acte usuel comme un autre». Point n’est besoin de se trouver au centre d’un conflit familial ou de craindre que sa progéniture ne prenne la poudre d’escampette pour que s’exerce l’autorité parentale sur les mouvements de l’enfant et le contrôle aux frontières des mineurs voyageant seuls ou accompagnés.

Nous signalions que les règles de sortie de l’espace Schengen [6] – au sein duquel, sauf exception, les frontières sont franchies sans contrôle – prévoient : «dans le cas de mineurs qui voyagent non accompagnés, les garde-frontières s’assurent, par une vérification approfondie des documents de voyage et des autres documents, que les mineurs ne quittent pas le territoire contre la volonté de la ou des personne(s) investie(s) de l’autorité parentale à leur égard».

Le nouveau règlement «Schengen»[7] renforce les mesures de vigilance à l’égard des mineurs d’âge :

«6.1. Les garde-frontières accordent une attention particulière aux mineurs, que ces derniers voyagent accompagnés ou non. Les mineurs franchissant la frontière extérieure sont soumis aux mêmes contrôles à l’entrée et à la sortie que les adultes, conformément au présent règlement.

6.2. Dans le cas de mineurs accompagnés, le garde-frontière vérifie l’existence de l’autorité parentale des accompagnateurs à l’égard du mineur, notamment au cas où le mineur n’est accompagné que par un seul adulte et qu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il a été illicitement soustrait à la garde de la (des) personne(s) qui détien(nen)t légalement l’autorité parentale à son égard. Dans ce dernier cas, le garde-frontière effectue une recherche plus approfondie afin de déceler d’éventuelles incohérences ou contradictions dans les informations données. FR L 77/46 Journal officiel de l’Union européenne 23.3.2016

6.3. Dans le cas de mineurs qui voyagent non accompagnés, les gardes-frontières s’assurent, par une vérification approfondie des documents de voyage et des autres documents, que les mineurs ne quittent pas le territoire contre la volonté de la (des) personne(s) investie(s) de l’autorité parentale à leur égard.

6.4. Les États membres désignent des points de contact nationaux pour les consultations relatives aux mineurs et en informent la Commission. Une liste de ces points de contact nationaux est mise à disposition des États membres par la Commission.

6.5. Lorsqu’il y a un doute concernant l’une des situations décrites aux points 6.1, 6.2 et 6.3, les gardes-frontières utilisent la liste des points de contact nationaux établie pour les consultations relatives aux mineurs».

Alors, qu’attendent les autorités françaises pour revenir sur l’abolition de l’autorisation de sortie du territoire généralisée prévue dans la circulaire de novembre 2012 et de faire en sorte que les règles internes soient conformes à ce que les pays «Schengen» ont décidé ensemble.

L’absence de volonté de de l’exécutif français est d’autant plus étonnante ue deputés ont voté à l’unanimité, le 8 octobre 2015, une proposition de loi (8) ajoutant un article 371-6 dans le code civil : « L’enfant ne  peut quitter le territoire natuojhal sans une autiorisaiuton de sortie du territoire signée  des titulaires de l’autorité parentale ».(9)

S’y ajoute également un alinéa complémentaire à l’article 375-5 du Code civil en matière d’assistance éducative autorisant le procureur à interdire la sortie du territoire de l’enfant qui « s’apprête à quitter le territoire national dans les conditions qui le mettraient en danger  et que ses parents ne prennent pas de mesure pour l’en protéger. »

On relèvera que sont visés les enfants ,donc les personnes de moins de 18 ans.

La proposition dort au sénat qui ne l’a pas encore soumise à l’examen de sa Commission des lois. Trop de paperasserie pour les communes et les préfectures sans doute …

Un leurre pour l’opinion convaincue que le texte a été adopté

 

 

 

 

 

[1] J.-L. RONGÉ, «Le «Djihad» va me tuer», JDJ n° 338 et 339, oct.-nov. 2014, p. 12.

[2] Circulaire relative à la décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire (IST) et mesure administrative conservatoire d’opposition à la sortie du territoire (OST) des mineurs, 27 novembre 2012, n°INTD1237286C

[3] Circulaire du 11 mai 1990 relative au franchissement des frontières nationales par les mineurs de nationalité française (NOR/INT/D/90/00124/C).

[4] Art. 373-2-6 qui permet au Juge aux affaires familiales d’«ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République» (idem dans l’art. 515-13 en cas de violences familiales); l’art. 375-7 autorise le Juge des enfants, dans le cadre de l’assistance éducative d’ordonner la même interdiction.

[5] Projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/lutte_crime_organise_terrorisme.asp.

[6] Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovénie, Slovaquie, Suède, Suisse.

[7] Annexe VII du Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un Code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (Code frontières Schengen).

(8) A. N., texte n°598 déposé le 8 octobre 2015

(9) « En cas d’urgence, dès qu’il existe des éléments sérieux laissant supposer que l’enfant s’apprête à quitter le territoire national dans des conditions qui le mettraient en danger et que ses parents ne prennent pas  de mesures pour l’en protéger, le procureur de la république du lieu où demeure le mineur, peut, par décision motivée, interdire la sortie du territoire de l’enfant. Il saisit dans les huit jours le juge compétent pour qu’il maintienne la mesure  dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 375-7 ou qu’il en prononce la mainlevée. La décision du procureur de la République fixe la durée de cette interdiction, qui ne peut excéder deux mois. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées. »

 

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Délinquance juvenile ! La non-refondation de l’ordonnance de 1945 (638)

avocats006_17_1Terra Nova vient de publier sur son site la note « Réformer la justice des mineurs » pour contribuer à légitimer les évolutions législatives qui s’imposent. On comparera cette approche à celle de 2011 notamment rédigée par M.Urvoas, actuel garde des sceaux. Existe-t-il à 14 mois des élections une fenêtre de tir pour une réforme? Certains le pensent. Acceptons en l’augure. pour utile une reforme de l’ordonnance de 1945 s’impose-t-elle? Ne faut-il pas enfin aborder la question de la déjudiarisation des réponses à la petite délinquance juvénile ? Comment prendre en compte les besoins d e la protection de l’enfance? la loi du 14 mars 2016 parmi des avancées notables sur la gouvernance contient une petite reforme qui ne paie pas de mine mais est essentielle : demain les Observatoires de la protection de l’enfance devront récolter les informations liées à l’enfance en danger mais aussi à l’enfance délinquante, souvent la même. Autant de questions abordées dans le prochain JDJ. Dans ce numéro triple à paraitre sous 15 jours avec une présentation exhaustive et plusieurs commentaires de la loi du 14 mars 2016 y retrouvera les développements à suivre que l’actualité de Terra Nova m’amène à publier dès aujourd’hui. 

copy-Petitjuge.jpgComme elle s’y était engagée en 2013, recevant en cela l’accord du Président de la République, la Garde des sceaux Christiane Taubira avait mis en chantier une réforme de l’ordonnance du 2 février 1945[1].

Refondation serait plus appropriée que réforme tellement il est vrai que le texte signé Charles de Gaulle qui a subi tant –  des dizaines –  de  réformes plus ou moins substantielles depuis 1945 appelait à mieux.

Force est d’observer que durant la dernière décennie, les responsables politiques étaient plutôt sur le registre d’une abrogation pure et simple, mais achoppaient sur une réalité simple qui les paralysaient : par quoi la remplacer ? Fallait-il en terminer avec un droit spécifique pour mineurs ? Difficile dans le même temps d’assumer l’engagement international pris par la France en ratifiant en 1990 la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ?

Alors on multiplia les réformes –  parfois quatre comme en 2011 :

– en empilant les mesures au point de rendre, avançait-on, l’ordonnance illisible ;  ex. le stage citoyen et stage d’éducation civique

– en adoptant parfois des dispositions qui ôtaient l’intérêt de celles adoptées l’année précédente qui n’avait pas encore eu le temps reproduire les effets recherchés. Par exemple l’institution du Tribunal correctionnel pour mineurs (TCM) pour les multirécidivistes de plus de 16 ans annihilant l’intérêt du « projet personnalisé pour l’enfant » (PPE)[2].

Et justement, avec la création du TCM on en était arrivé à toucher l’os de la cure de déspécialisation de la justice des plus jeunes : on était ramené au tribunal correctionnel pour mineurs de 1912 avec des magistrats pas nécessairement spécialisés[3].

C’était donc bien à une refondation –  « on prend les mêmes et on recommence » – qu’il fallait tendre, c’est-à dire à la relégitimation des principes de la justice des mineurs quitte à nettoyer, simplifier, moderniser le dispositif.

Déjà la Commission Varinard (2008) mise en place par Rachida Dati pour « refonder » le droit pénal des mineurs avait réaffirmé tous les grands principes du droit pénal des mineurs, sauf, point majeur, l’instruction obligatoire. « Il fallait juger vite pour juger fort »… et l’instruction était tenue pour du temps perdu.

Après la période de déconstruction accélérée de 2002 à 2012, sous couvert d’adaptation, il fallait réaffirmer avec vigueur ce qui devait être garanti aux mineurs en conflit avec la loi : des juridictions spécialisées, la priorité éducative, l’atténuation de responsabilité et revenir sur les dérapages  majeurs comme le TCM.

Reste que la donne s’était compliquée depuis le rapport Varinard.

Déjà avec la décision de 2011 taxant de partial le juge des enfants[4] qui est partie prenante du jugement après avoir instruit… Décision au demeurant surprenante  quand elle avance que seul le juge appelé à prononcer une peine –  au Tribunal pour enfants (TPE) ou au TCM –  est concerné. En cabinet où seules des mesures éducatives peuvent être prononcées on peut instruire et juger sans risque d’être taxé d’impartialité. Le Conseil constitutionnel néglige totalement que le juge des enfants se prononce après audience sur la culpabilité, prononce une condamnation officielle inscrite par ailleurs au casier judiciaire et pouvant, qui plus est, comporter des limitations à la liberté d’aller et venir.

Bref pour le Conseil constitutionnel la partialité s’apprécie au regard de la mesure encourue et non pas en fonction de faits objectifs. Singulier raisonnement juridique,  en fait très politique pour s’attaquer à notre dispositif de justice à la française

Certes la loi Ciotti de décembre 2011[5], revenant sur la circulaire de la Chancellerie, a desserré l’étau, mais introduit une dérégulation et surtout une insécurité juridique majeure. Dérégulation car, dans certains tribunaux, un juge des enfants instruit puis devient juge du post-sentenciel ; dans tel autre un juge instruit et fait signer l’ordonnance de renvoi à son collègue afin de pouvoir se retrouver en positon de juger.  Comment les Sages, qui avaient été très clairs en 2011, en visant celui qui instruit ou signe l’ordonnance de renvoi apprécieront-ils ces pratiques ?

Sans compter les critiques souvent injustes faites la loi : permissive, lourde à manier, inefficace oubliant que notamment, depuis 1992, la justice avait su mettre un tigre dans son moteur en trouvant dans les termes mêmes de l’ordonnance de 1945 de quoi faire : le temps réel, le traitement autonome du parquet n’ont pas eu besoin de reforme législative, encore faut-il que les mesures éducatives soient réellement exercées ou que le jugement réellement notifiés et transmis au casier judiciaire de Nantes.

Dernier élément conjoncturel, mais pas le moindre : la redistribution des compétences publiques et l’évolution des regards sur la délinquance. À l’État, les fonctions régaliennes, à la collectivité les fonctions sociales !

Certes ! Mais faut-il tout judiciariser ? Un jeune enfant qui formellement viole la loi pénale n’est-il pas d’abord un jeune en carence éducative plutôt qu’un loubard relevant du droit pénal ? Ne fallait-il donc pas et enfin, conformément à la CIDE (art. 37  et 40)[6] fixer un seuil sous lequel un enfant ne peut pas être tenu pour délinquant, et dès lors relève de la responsabilité sociale ?

Le projet Taubira était donc appelé à répondre à une série de problèmes politiques et pas seulement techniques. Le premier texte présenté en décembre 2014 avait été placardisé dès sa divulgation – soit avant les événements tragiques de janvier 2015 -, preuve que le gouvernement n’y croyait pas , puis repris avec une réécriture pour répondre aux premières critiques avancées après que la ministre eût tapé sur la table au printemps.

Taubira 2 améliore à la marge et dans la forme Taubira 1. Doit-on regretter son « abandon » avec le départ de C. Taubira ?

1°) Pour couper court à la critique d’abrogation de la mythique l’ordonnance de 1945,  –  ne s’attaquait-on pas à un symbole gaullien fort et à un totem de la Libération ouvrant pour l’avenir à toutes les reformes possibles ?

Taubira 2 copie les usages urbanistiques  : on garde la façade, mais on change tout le contenu. L’ordonnance de 1945 n’est pas abrogée, ses articles sont annulés et remplacés. L’ordonnance  vivra encore ! Qui  osera demain la supprimer ?

Pour autant le texte introduit dans la vieille peau est conséquent. Un pavé ! C’est du lourd et du complet. Tout est réécrit quitte, le plus souvent, à reprendre des dispositions existantes. On modernise –  finie l’admonestation ou la remise à parents – , mais dans le même temps on invente des concepts « barbares » issus d’une réflexion technocratique comme la mesure éducative avec de « modules » variables. Bref bonjour la simplification et la modernité !

2°) Pas question d’adopter comme le demande la CIDE un âge sous lequel on ne sera pas délinquant.

Outre qu’on n’était pas d’accord sur l’âge à retenir –  7 ans, comme c’est généralement le cas actuellement avec le discernement, 10 ans comme le posait M. Nallet en 1992[7], 12 ans pour reprendre l’idée la Commission Varinard. Pourquoi ce silence sur l’imputabilité ? On avait négligé d’engager le débat avec les collectivités locales. Excusez du peu !

Pourtant la disposition aurait des avantages. « L’enfant délinquant » redeviendrait « enfant en danger ». Progrès incontestable ! Dans l’esprit de l’ordonnance de 1945 et de la reforme de 1958 sur l’enfance en danger qui en a fini avec « le délit-prétexte » à intervention sociale.

Mais, dans cette hypothèse, l’action sociale départementalisée prendrait-elle directement le relais de la justice pénale  devenue explicitement incompétente ? Transfert de charge répliquerait-on de l’État vers les collectivités.

Laisserait-on le juge des enfants saisi en assistance éducative mandater des services éducatifs habilités, donc financés par le Conseil départemental ? Là encore, « transfert de charges » difficilement admissible dans cette période économique contrainte. On comprend que ce dossier mériterait d’être travaillé avant d’être présenté au Parlement. Exit la dejudicairisation même partielle.

3°) En revanche la question du Tribunal correctionnel pour mineurs (TCM) est traitée conformément aux engagements du candidat Hollande dans un courrier à l’AFMJF[8].

Mesure symbolique pour restaurer une justice des mineurs spécifique détachée de la justice des majeurs mais aussi suppression d’une institution chronophage. Ajoutons qu’à  l’expérience, les objectifs assignés –  une pression plus assurée –  n’avaient pas été tenus : ces TCM ne pouvaient pas plus que les Tribunaux pour enfants (TPE) « classiques »,. Ajoutons que la formule retenue introduisait une inégalité devant l’organisation de la justice sur le territoire : dans certains lieux trois juges de enfants y siègent, dans d’autres deux, dans d’autres enfants un seul juge !

4°) Le ressort de la reforme tient dans le fait de rendre obligatoire la césure du procès pénal.

On sait que déjà cette procédure était dans notre droit procédural, mais fort peu utilisée. On devrait d’ailleurs se demander pourquoi les juges étaient peu friands de ce dispositif. Sous la pression de l’AFMJ on veut le rendre obligatoire.

Avantage indirect : le juge des enfants n’étant plus juge d’instruction, on coupe court à la critique de partialité du Conseil constitutionnel.

Plus que jamais le parquet devra veiller à la rigueur de la procédure policière : non seulement sur au respect des règles formelles pour éviter les nullités, mais encore sur le fond en prenant en compte les dénégations avancées. Une fois prise la décision de poursuivre, il reviendra au parquet de trouver un juge pour se prononcer sur l’affaire : juge des enfants ou TPE, sauf en matière criminelle à saisir un juge d’instruction.

Mine de rien on retrouve le projet Varinard : un juge pour juger,  en négligeant totalement que le temps de l’instruction est un temps où par-delà  l’instruction sur les faits –  très limitée –  ou sur la personne, se met en œuvre la prise en charge éducative de l’enfant délinquant afin que, délinquant un jour, il ne le soit plus au final.

Problème : quid si sa demande  n’est pas prise en compte par les policiers enquêteurs ou se taisant devant le service de police, le mineur exige du juge qui le reçoit pour mise en examen que des actes d’instruction soient engagés  ? Il faudra trouver un juge pour instruire… Le juge des enfants pourra-t-il ordonner ces actes  ? Mais alors il retomberait sous les rets du Conseil constitutionnel pour manque d’impartialité…

avocat_jeune

5°)  Reste l’essentiel : qu’une mesure éducative soit prise en « présententiel » ou en « postsententiel » l’important est bien qu’elle soit réellement mise en oeuvre et dans les meilleurs délais.

La loi de mai 2012 entrée en application au 1er  janvier 2014 veut que désormais à travers un article 12-3 de l’ordonnance de 1945 dans les 5 jours du prononcé de la décision éducative de milieu ouvert la mesure doit être enclenchée[9]. Le greffier non seulement notifie la décision, mais aussi donne un rendez vous en entrant sur le logiciel du service éducatif.

Ce rendez vous débouchera-t-il sur le début réel de la mesure ou sera-t-il l’occasion de dire au jeune et à ses parents qui se sont déplacés que le service submergé ne peut tien faire avant plusieurs semaines quitte à dire : « Rappelez nous en cas de problèmes ! » Bref la PJJ va-t-elle enfin apprendre à gérer les urgences ? Encore faut-il  s’y engager.

Or le projet Taubira fait passer ce délai de 5 à 15  jours trahissant que la PJJ se sent vraiment incapable de gagner ce pari historique.

6°) –  Ceux qui penseraient que le texte Taubira est laxiste en seront pour leur compte. Ainsi les pouvoirs de coercition donnés au juge des enfants durant la phase de probation sont essentiels pouvant même conduire à l’incarcération. On peut affirmer que le juge des enfants d’aujourd’hui ne dispose pas, le temps de l’instruction, d’autant de pouvoirs coercitifs que le juge des enfants versus projet Taubira.

Alors des regrets par ce nouveau stand -by ? Convaincu d’entrée de jeu, dès mai 2012, que le texte projeté par C. Taubira n’irait pas à son échéance faute d’être porté par une démarche de consensus, on regrettera bien évidemment qu’une fois de plus le TCM en réchappe tant qu’à présent. Un rendez vous a été raté en mai 2012 dans la foulée des élections,  puis en 2014 avec la reforme de l’exécution des peines et la contrainte pénale. Rien, bien évidemment, n’empêche une reforme ponctuelle, même si le projet Taubira 2 n’avait pas plus de chances d’aboutir que le précédent. M. Urvoas, nouveau Garde des Sceaux, a pourtant annoncé une modification de l’ordonnance de 1945, notamment la suppression du TCM.

Pour le reste, je maintiens pour l’avoir dit à C. Taubira et à son équipe que l’important n’était pas aujourd’hui de changer la loi, mais de veiller à l’appliquer en garantissant la mise en œuvre réelle et rapide des mesures éducatives ordonnées. Il faut dans la durée que les équipes éducatives développent leurs interventions quand trop souvent elles ont une intervention hiératique.

Il faut encore mobiliser la société civile auprès des professionnels qui seuls ne peuvent faire face à 25 situations chacun. Aucun jeune suivi par la PJJ ne doit être dans son lit à 10 heures du matin en semaine. Bref, autant de mesures qui ne relèvent pas de la reforme de l’ordonnance du 2 février 1945.

Cela suppose qu’enfin on réfléchisse à ce qu’est la justice des mineurs. Non pas une justice de majeurs au petit pied, mais une intervention sociale judiciaire qui ne se détache pas des faits commis et de la nécessité de les « sanctionner », y compris par la répression qui n’est pas une fin en soi … on est loin de tout cela. Réformer la loi était une facilité qui détournait de l’essentiel : l’action éducative.

[1] Un premier texte a circulé en décembre 2014 (voy. M. CRÉMIÈRE, J.-L. RONGÉ, « 1945-2015 : Une nouvelle tentative de réformer la justice «pénale» des mineurs », JDJ n° 343, mars 2015, p. 20 & s.. Après des mois d’hésitations et de renoncements, la ministre a proposé un nouveau texte.

[2] Pour soutenir la continuité du projet éducatif du jeune (voy. Note d’orientation du du 30 septembre 2014 de la protection judiciaire de la jeunesse (NOR : JUSF1423190N).

[3] Selon l’article 24-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, le TCM est composé de trois magistrats. Il est présidé par un juge des enfants. La spécialité n’est pas exigée pour les autres magistrats qui y siègent.

[4] Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 ; JDJ n °307, septembre 2011, p. 59 : « si le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ».

[5] Loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, adoptant « l’amendement Ciotti » qui modifie notamment l’article L. 251-3 du Code de l’organisation judiciaire :««Le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs. Le juge des enfants qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction. Lorsque l’incompatibilité prévue au deuxième alinéa et le nombre de juges des enfants dans le tribunal de grande instance le justifient, la présidence du tribunal pour enfants peut être assurée par un juge des enfants d’un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d’appel et désigné par ordonnance du premier président (…)»

[6] CIDE, art. 37, b) : b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire: l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible ».

art. 40, 1: « 1. Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ».

Art. 40, 3 : « Les États parties s’efforcent de promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale, et en particulier :

  1. a) D’établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale ;
  2. b) De prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés.
  3. Toute une gamme de dispositions, relatives notamment aux soins, à l’orientation et à la supervision, aux conseils, à la probation, au placement familial, aux programmes d’éducation générale et professionnelle et aux solutions autres qu’institutionnelles seront prévues en vue d’assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction».

[7] Henri Nallet, Garde des sceaux (1990-1992).

[8] Lettre du 26 avril 2012 du candidat Hollande à l’Association française des magistrats de la famille et de la jeunesse (AFMJF), http://www.afmjf.fr/IMG/pdf/lettre_Hollande_avril_2012.pdf

[9] Ord. 1945, art. 12-3 : « En cas de prononcé d’une décision exécutoire ordonnant une mesure ou une sanction éducatives prévues aux articles 8, 10-2, 10-3, 12-1, 15, 15-1, 16 bis, 16 ter et 19, à l’exception des décisions de placement, ou prononçant une peine autre qu’une peine ferme privative de liberté, il est remis au mineur et à ses représentants légaux présents, à l’issue de leur audition ou de l’audience, un avis de convocation à comparaître, dans un délai maximal de cinq jours ouvrables, devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse désigné pour la mise en œuvre de la décision. Ce service se trouve ainsi saisi de la mise en œuvre de la mesure.

Si le mineur ne se présente pas à la date fixée, le juge des enfants ou le juge d’instruction le convoque devant lui s’il le juge utile ou, dans un délai maximal de dix jours, devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse».

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Encore mieux rendre justice aux enfants victimes et prévenir les agressions

avocats006_17_1Beaucoup a été fait ces dernières décennies pour mieux protéger les enfants contre les violences qui, non seulement les menacent, mais les frappent. En 1981 le dr Pierre Strauss a su réveiller une France endormie sur sa bonne conscience et convaincue que, sans avoir éradiqué la maltraitance, elle la contenait et savait y répondre. Bref, la France du lendemain des Trente glorieuses ne pouvait pas être maltraitante à l’égard des enfants et … de femmes
C’était négliger la chape de plomb qui recouvrait ces violences. C’était déjà négliger l’ampleur et la diversité du phénomène, dans toutes les strates de la société et en tous lieux.
On a d’abord redécouvert les violences physiques à enfants, le rapport du dr Strauss étant opportunément relayé en 1982 par l’affaire du petit David, l’enfant du placard. La circulaire interministérielle de 1983 et ses quatre circulaires d’application ont marqué le coup d’envoi de la mobilisation publique qui s’est traduite ensuite dans des textes comme la loi du 10 juillet 1989 sur la maltraitance à enfants ou des dispositifs comme la cellule de recueil de signalements des enfants en danger créée en 2007.
En 1985 on a enfin abordé la question des violences sexuelles, spécialement de l’inceste, mais ce n’est qu’en 2016 – loi du 16 mars – qu’explicitement notre droit pénal s’est doté d’une infraction à ce nom.
Après le travail de Stanislas Tomkiewicz et de Pascal Vivet (1) les pouvoirs publics ont admis que la violence, présentée implicitement comme familiale, pouvait exister dans les institutions. Y compris dans celles ayant vocation à protéger les enfants. Une circulaire Aubry de 1997 a alors veillé à mettre en place un dispositif d’inspection des structures accueillant des enfants.
Aujourd’hui on commence à peine à parler des violences psychologiques. Doit-on rappeler les difficultés que nous avons à aborder collectivement les questions des châtiments corporels ? (2)
Ces rappels pour montrer combien notre pays a cheminé, mais doit encore progresser pour combattre en pratique, et pas seulement condamner en théorie, les violences à enfants, maux encore trop répandus.
De fait le sujet est délicat et se heurte à des difficultés de tous ordres qu’il faut régulièrement dépasser. Beaucoup a été fait avec le relais de la Convention internationale des droits des enfants (1989) pour, d’un côté, libérer la parole des enfants, mais aussi de l’autre, déboucher les oreilles et ouvrir les yeux. On est encore loin du compte. C’est bien tous les maillons de la chaine de protection qui doivent être revisités et rénovés. Ce travail est encore en cours

avocat_jeuneTrois exemples d’actualité illustrent le propos

1ere illustration : comment faire en sorte que des professionnels de l’enfance ayant pu commettre des agressions notamment sexuelles sur enfants ne soient pas à nouveau laissés, au risque de dérouter l’opinion, en situation de prendre en charge des enfants à l’école ou dans les dispositifs sociaux, y compris après condamnation judiciaire et interdiction de pratiquer

Après un premier échec technique un projet de loi impulsé par les ministères de la justice – Mme Taubira – et de l’éducation nationale – Mme Vallaud-Belkacem – arrive ces jours-ci à échéance pour répondre aux difficultés relevées depuis quelques mois avec des enseignants condamnés en justice, mais maintenus ou réintégrés en fonction et passés à nouveau à l’acte. L’Education nationale plaide sa bonne foi pour ne pas avoir été informée par la justice et la place Vendôme se retranche derrière des instructions données et le manque de moyens de son administration.
Demain, non seulement le parquet devra informer les administrations et institutions employeuses dès l’ouverture d’une instruction et la mise sous contrôle judiciaire quand des enfants auront été victimes, mais c’est désormais au plus tôt que la justice pourra les informer.
Le procureur appréciera selon les circonstances et les éléments dont il dispose s’il faut entreprendre cette démarche au stade des investigations policières sachant qu’au final il pourra ne pas y avoir de poursuites pénales ou la procédure déboucher sur une relaxe ou un acquittement. Bref, hors toute condamnation !
Atteinte la présomption d’innocence avance-t-on ! (3). L’argument ne vaut pas : on est dans le registre de l’ordre public, dans le champ disciplinaire, mais pas pénal. Une mise en cause sur une affaire de cette nature justifie que l’employeur s’interroge et prenne ses responsabilités … s’il n’est déjà pas informé.
D’ores et déjà l’Eduction nationale a pris l’initiative, à la demande de sa ministre, de vérifier les B2 de tous ses personnels et de consulter systématiquement pour chacun d’eux le fichier judicaire nationale automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) (4). Ce travail est d’une telle ampleur qu’il va s’étaler jusqu’en 2017.

Deuxième piste : amener ceux qui savent à informer plus souvent les autorités des violences à enfants relevées.

Il y a peu certains (5) voulaient obliger les médecins à dénoncer tous les faits de violences à enfants dont ils ont connaissance.
Position a priori de bon sens pour couper court à toutes tergiversations. Mais c’était prendre le risque que les médecins soient finalement coupés de ces enfants qui méritent justement soins et assistance.
La loi du 5 novembre 2015 a donc du se contenter d’une recommandation en affirmant que le médecin qui parle ne risque aucune sanction pénale, civile ou disciplinaire dès lors qu’il est de bonne foi. Objectivement ce texte est redondant avec ceux sur la dénonciation calomnieuse, le code civil ou le droit du travail ! Donc un texte symbolique trahissant une préoccupation politique.
Le parlement a bien vu qu’il ne pouvait pas aller jusqu’à poser une obligation aux médecins sachant que d’ores et déjà la loi veut que tout un chacun ayant connaissance d’une situation de péril doit mettre en œuvre tout ce qui est à disposition pour tenter de le faire cesser sans prendre de risque pour lui et pour autrui (art. 223-6 CP). En d’autres termes on réalise bien aujourd’hui que la réponse n’est pas législative mais culturelle : elle tient dans la formation initiale et permanence et le travail territorial sur les circuits de signalement

Une autre piste est actuellement avancée qui mérite de retenir l’attention.

Un texte d’origine parlementaire – M. Fenech notamment – achève son parcours législatif avec le souci de doubler les délais de prescription en matière pénale. Il s’agit d’adapter les réponses judiciaires aux moyens modernes de preuve et aux attentes de plus en plus fortes de justice de la part de ceux ayant été victimes de faits graves ont besoin de la vérité judiciaire pour se reconstruire.
En effet avec l’ADN on peut plus facilement que par le passé faire la preuve de délits par-delà la disparition d’autres indices ou de témoins.
Dans le cadre de cette loi le député Jean-Louis Dumont, en relais de l’association Enfance et Partage (6), suggère de ne pas se contenter de doubler les délais de prescription, mais de reculer le départ du délai de prescription à la majorité de la victime mineure pour les personnes qui auraient omis de dénoncer les crimes et délits sur des enfants.
Quand en droit commun le delais de la prescription demarre de la révélation des faits, on avait déjà introduit ce type de disposition dérogatoire pour les auteurs de crimes ou de violences sexuelles à enfants ; désormais on en ferait autant pour eux qui savaient et n’ont pas parlé.
En d’autres termes, ceux là devront rendre des comptes plus longtemps qu’ils ne l’auraient cru. Se taire ou ne rien faire quand on est conscient de violences est tout aussi grave que pratiquer ces violences !
Cet amendement de Jean-Louis Dumont doit être approuvé pour être est cohérence avec les dispositions prises à l’encontre des agresseurs.
Par sa sévérité, il a aussi le mérite de renvoyer chacun à son « devoir d’ingérence ».(7)
On sait que tout un chacun est dans l’obligation de porter aide et assistance à celui qui est en péril et de faire en sorte qu’une situation de péril ne se reproduise pas (art. 226-3 CP). La sanction est sévère 5 ans d’emprisonnement. Cette disposition s’applique aussi à ceux qui sont tenus au secret professionnel. (8)
On sait aussi que, sauf à être tenu au secret professionnel, tout un chacun a l’obligation de dénoncer les crimes et les délits (art. 434-1 CP)
Celui qui est tenu au secret professionnel comme le médecin pourra se libérer de son obligation de se taire s’il pense que c’est le seul moyen de faire cesser cette situation ; sinon il devra adopter d’autres dispositions pour tenter de faire cesser les faits oui déclencher une intervention judiciaire.
En revanche, il est essentiel que ceux qui ne sont pas tenus au secret professionnel, et donc qui a priori n’ont pas de compétence en cette matière de protection de l’enfance, n’aient qu’une attitude à tenir : parler quitte à avoir le choix de saisir l’autorité » administrative ou l’autorité judiciaire.
S’ils se taisent en connaissance de cause sans entreprendre le moindre geste, ils doivent rendre des comptes de leur attitude. Bien sûr parce que les faits auront perduré ou se seront reproduits sur d’autres, mais tout aussi essentiel parce qu’ils auront les plus souvent privé l’enfant victime du droit de se faire rendre justice. Ces personnes auront aussi contribué à faire en sorte que l’enfant n’ait pas confiance dans le moindre des adultes. Non seulement il est agressé, mais encore il n’est pas protégé et est nié par la société dans les droits fondamentaux de la personne!
Il est encore essentiel aujourd’hui comme, nous l’avons fait en 1981 de responsabiliser l’opinion. Ce sera le voisin, l’enseignant, le membre de la famille, peu importe.
En tous cas on doit avoir encore et toujours le souci de briser le mur du silence autour des violences faites aux enfants et en général aux personnes vulnérables

CouvLivreDalozTroisième piste : Veiller à ce que les administrations et institutions employeuses aient de bons reflexes.
Trop longtemps et trop souvent informées elles négligeaient les signaux d’alerte, les minoraient voir les étouffaient pour éviter le scandale. On effaçait le symptôme plus qu’on s’attachait à la maladie !
Le diocèse de Lyon est aujourd’hui dans la tourmente pour la légèreté avec laquelle il a traité le sujet, mais n’oublions pas que durant des décennies trop de responsables de l’Education nationale – conf. les archives qui parlent aujourd’hui – se contentaient de muter, dans la plus grande discrétion, les auteurs de faits blâmables. Tout cela doit cesser.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faille se contenter de réponses répressives ou de mises à l’écart administratives ou judiciaires pour protéger les victimes potentielles. Il faut encore développer les thérapies physiques ou psychologiques en direction des auteurs. Conscients de leur déviance beaucoup d’agresseurs le demandent.

Là comme ailleurs un équilibre doit être trouvé entre le respect des libertés individuelles, spécialement la présomption d’innocence, et le souci de ne pas faire prendre de risques à des personnes vulnérables.
Soyons lucides. Pas plus que la lutte contre les paradis fiscaux n’éradiquera la tentation de frauder d’une partie des ceux qui disposent de larges moyens, les dispositions prises contre les violences à enfants et la pédophilie ne parviendront à anéantir ces fléaux. Il nous faut régulièrement rendre la tâche plus difficile aux fraudeurs et aux pédophiles. Il faut surtout veiller à ce que justice soit rendue aux victimes pour leur permettre de se restaurer. Les dispositions avancées au parlement vont dans le bon sens. On se doit de les soutenir sans état d’âme.

1 – « Aimer mal, châtier bien »,Le Seuil 1991
2 – Conf l’échange musclé entre Yann Moiyx et Patrick Sébastien lors de l’émission On n’est pas couché du samedi 2 mars 2016
3 – Libe 5 avril 2016
4 – Arrété du 25 mars 2016 (ASH 8 avril 2016)
5 – Proposition de loi de Mme Guidicelli issu du rapport sénatorial Dini
6 – Et de son avocat M° Rodolphe Costantino
7 – Voir JP Rosenczveig, Les enfants victimes d’infractions pénales et la justice, ASH, 2016
8 – Cet amendement devrait être entendu à la non assistance à persone en péril.

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Une chance pour la politique publique de protection de l’enfance d’être reconnue (636)

avocats006_17_1Après un parcours de quelques 18 mois la proposition de loi relative à la protection de l’enfant sera parvenue à bon port en sauvegardant l’essentiel de son substrat premier malgré les résistances rencontrées, notamment du Sénat, sur ses dispositions les plus politiques. On s’en réjouira malgré ses lacunes dans la mesure où elle offre enfin l’opportunité à cette politique publique essentielle d’être visible et de retrouver une dynamique pour contribuer à ne pas laisser sur la route une partie des enfants de France (loi du 14 mars publiée au JORF le 15 mars 2016).
La mise en œuvre de la loi s’inscrira dans le travail engagé par gouvernement à travers sa « Feuille de route sur la protection de l’enfance ».

Un brin d’histoire
Le soudain abandon en janvier 2014 suite à une n IIème manifestation des opposants au « Mariage pour tous » du projet de loi Famille promis par le président de la République et impulsé par Mme Bertinotti, alors même qu’il n’avait pas encore été rédigé, devait ouvrir la voie, dixit le premier ministre Jean Marc Ayrault à un travail parlementaire. Il n’était pas question de renoncer au travail mené jusque-là en laissant le dernier mot à la rue !
La première initiative parlementaire porterait sur « Autorité parentale et intérêt de l’enfant » Mme Chapdelaine s’y colla avec M. Binet en improvisant un texte adopté rapidement en première lecture le 27 juin 2014 par l’Assemblée pour … rester depuis en cale sèche. Pourtant ces dispositions, certes largement perfectibles, sont attendues puisqu’elles s’attachent notamment à définir qui exerce et en quoi les responsabilités parentales sur l’enfant. Les droits sur les actes de la vie courante à reconnaitre aux beaux-parents concernent 6 millions de personnes : 1 million et demi d’enfants et 4,5 millions d’adultes.
L’autre proposition de loi devait porter sur « La protection de l‘enfance et l’adoption » à l’initiative de la sénatrice Mme Michelle Meunier qui s’appuyerait non seulement sur le travail impulsé par Mme Bertinotti, mais aussi tout logiquement sur le rapport rédigé avec sa collègue Mme Muguette Dini.
C’est donc au Sénat que la loi « Protection de l’enfance » engagea son parcours pour être rapidement détricotée par l’institution de palais du Luxembourg, spécialement sur les dispositions portant sur la gouvernance.
Il fallut l’opiniâtreté de Laurence Rossignol, nouvelle secrétaire d’Etat, succédant à Mme Bertinotti et promue ministre de plein exercice en 2016, pour que le texte trace sa route avec le soutien des députés et finalement parvenir vaincre les résistances sénatoriales.
Ce texte est donc d’origine et d’écriture parlementaire. Le gouvernement a entendu y introduire des novations, mais il a été contraint par les termes même de l’exercice. D’où ses limites.

Quels étaient les principaux enjeux?
Au cœur de ce texte le souci de sécuriser le parcours des enfants accueillis par l’aide sociale à l’enfance en prenant en compte leurs besoins par-delà les droits des parents et donc rééquilibrer un dispositif jugé trop pro-famille. Mais par-delà ces enjeux « techniques » non négligeables, l’intérêt de cette loi est d’abord politique : créer les conditions d’un débat public régulier et efficient sur les politiques suivies en matière de protection de l’enfance. (Conf. le commentaire sur www.rosenczveig). C’est sur ce point que le Sénat c’est systématiquement opposé durant tout le parcours parlementaire.

copy-Petitjuge.jpgPourquoi ?
On sait qu’en 1982-1984 la compétence sur l’aide sociale à l‘enfance – avec la PMI, et l‘action sociale – a été déléguée aux conseils alors généraux. Pour autant l’Etat n’a pas été dépossédé de sa compétence en matière de protection de l’enfance.
Le transfert des compétences n’a pas été total. On est dans un régime de coresponsabilité. Si on a affirmé la primauté de l’administratif sur le judiciaire, donc du conseil départemental et de son président sur l’Etat loi du 5 mars, ce dernier n’est pas dépossédé. Il lui revient ainsi de fixer les règles du jeu générales valables pour tous, y compris pour les autorités décentralisées. Il assume le contrôle de l’égalité et s’il le fallait, on l’oublierait, à travers le préfet, il pourrait inscrire au budget départemental les financements nécessaires aux dépenses obligatoires si le département avait un oubli.
Surtout la protection de l’enfance reste au sens large une compétence conjointe dans laquelle l’Etat a notamment conservé le service social scolaire et la santé scolaire sans compter la psychiatrie infantile, la police et la justice de mineurs. Et puis qui rend des comptes à l’international sur le dispositif de protection de l’enfance, sinon l’Etat ?
Bref, l’Etat n’est pas illégitime à souhaiter qu’il y ait au plan national une démarche d’évaluation, de réflexion et pourquoi pas de définition d’objectifs, démarche valable pour l’ensemble du pays dans le respect des politiques territoriales spécifiques et des efforts particuliers qui peuvent y être faits dans le cadre de la liberté d’agir dont disposent les collectivités locales. Les départements sont libres de s’organiser et de mettre l’accent sur tel plan, mais l’Etat est tout aussi légitime à avoir le souci des actions développées ; il peut suggérer et inciter, il peut évaluer.
C’est au final ce point de vue que l’Assemblée nationale a pu faire prévaloir dans le processus parlementaire, la commission mixte paritaire ayant échoué, en rétablissant régulièrement les dispositions que le Sénat supprimait de la proposition de loi Meunier. On s’en réjouira.
L’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles est donc ainsi enrichi :
« Il est institué auprès du Premier ministre un Conseil national de la protection de l’enfance, chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en œuvre. Ce conseil promeut la convergence des politiques menées au niveau local, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales. Ses missions, sa composition et ses modalités de fonctionnement sont définies par décret. »
D’autres secteurs ont su se doter de cette organisation qui respecte les missions des uns et des autres, mais conduit dans l’intérêt de l’objectif à s’asseoir régulièrement autour d’une même table. C’est déjà le cas pour l’exclusion avec le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) et le secteur du handicap avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNDPH).
Le dispositif adopté par la loi du 14 mar 2016 répond aux attentes du secteur associatif habilité et professionnalisé – le SAH -, mais aussi des associations militant pour les droits de l’enfant – et encore du Comité des droits de l’enfant de Genève. Reste à voir comment ce dispositif se mettra en place et l’influence qu’il jouera sur l’évolution concrète de notre dispositif de protection de l’enfance.

avocat_jeuneDemain ?
On doit attendre de ce dispositif qu’enfin on parle de la protection de l’enfance autrement qu’à travers ses dysfonctionnements qui réels ne la résument pas.
Qui sait que l’ASE suit quelques 300 000 enfants chaque année : 140 000 environ sont accueillis physiquement – dont 110 000 à un instant T – et 150 000 vivant avec leurs parents sont accompagnés par les travailleurs joviaux dit de milieu ouvert. Ajoutons – même s’il peut y avoir des recoupements – les 150 000 enfants qui bénéficient d’aides financières (secours d’urgence ou allocations mensuelle).
Le budget consolidé consacré par les départements – eux-mêmes bénéficiaires de la dotation globale de fonctionnement versée par l‘Etat – est de 7,3 milliards d’euros l’an. Une paille ! Jusqu’à peu ces budgets étaient non seulement sanctuarisés, mais en augmentation. Il faut bien évidemment y ajouter le financement de la PMI, soit un peu moins d’un milliard d’euros
Effort majeur de la collectivité nationale qui n’empêche pas l’image négative que trop souvent ces services sociaux ont. On se représente encore trop souvent l’aide sociale à l’enfance à travers la DDASS d’avant décentralisation, sinon derrière l‘image de l’Assistance publique de Saint Vincent de Paul avec ses foyers-châteaux dissimulés derrière des hauts murs et ses enfants en capotes bleues à boutons dorés.
Pourtant on est loin aujourd’hui de ces représentations. Avec la loi de 2007 on voit même des enfants confiés juridiquement à l’ASE désormais responsable de leur protection et de leur éducation demeurer à plein temps dans leur famille ! D’autres enfants sont pris en charge dans des lieux d’accueil collectifs comme des appartements ou pavillons fondus dans le milieu urbain. La plupart sont accueillis dans des familles d’accueil professionnalisées à 100 000 lieues des Tenardier. Demain, avec la nouvelle loi, ils pourront être confiés par président du CD à des tiers digne de confiance comme le juge des enfants le pratiquent déjà.
On imagine toujours que l’ASE regorge d’enfants abandonnés en attente d’être adoptés. Les pupilles de l’Etat étaient 150 000 en 1900 pour 26 millions d’habitants ; ils sont aujourd’hui 2300 pour une population passée à 68 millions.
Plus que jamais la loi de 2016 entend veiller à ce qu’un projet personnalisé soit formé pour chaque enfant pris en charge par l’ASE avec le souci si l’enfant ne peut pas rejoindre le domicile de ses parents qui légalement est aussi le sien, de voir sa situation clarifiée à travers un projet de vie formé pour lui et avec lui qui passe peut être par une adoption mais peut prendre d’autres formes.
Bref on se réjouira qu’avec le futur Conseil national de protection de l’enfance on puisse 1) avoir des bilans régulièrement dressés de notre dispositif, 2) dégager des objectifs prioritaires dégagés et 3) évaluer les actions menées au regard des objectifs précédents dégagés.
On devra en arriver à définir le standard de base des politiques publiques de protection de l’enfance. Des recherches et des travaux alimenteront cette démarche ; les formations des professionnels seront adaptées par les instituts spécialisés et les universités. Les médias en seront informés et pourront suivre régulièrement ces évolutions et remettre en perspective les défaillances qui pourront survenir.

Une visibilité pour un regard critique, mais ensuite ?

Pour reprendre l’objectif de Laurence Rossignol la protection de l’enfance a enfin une chance de « sortir de l’angle mort des politiques publiques » là où personne ne regarde faute de s’intéresser réellement à ces enfants.
En se réjouissant de ce travail parlementaire de nombreux sujets n’ont été qu’abordés dans ce texte qui doivent demain être traités.
Par exemples,
-la situation des 18-21 ans issue de l’abaissement de la majorité civile de 21 à 18 ans par le président Giscard d’Estaing appelle à abroger les textes de 1975 pour adopter un dispositif vidant 18-…. 25 ans ;
– la remise à plat du dispositif de prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés (MEMA) après la circulaire Taubira de mai 2013 ;
– l’adoption doit être revisitée pour à la fois créer un lien sécure pour l‘enfant qui entre dans une famille sans pour autant gomme son histoire ; l
– la question du partage d’informations après les deux lois de 2007 partiellement contradictoires doit être clarifiée quand les éducateurs de la Prévention spécialisée – par ailleurs menacée dans son existence – appelés à se rendre aller de l’autre côté de la fracture sociale sont interpellés par les maires et les policiers sur ce qu’ils y ont vu. (Arrive bientôt le texte sur la commununication par la justice à l’education nationale des informaitons sur enseignants mis en cause dans des affaires pénales sur enfants.
– la condamnation des châtiments corporels
A peine effleurés par la loi nouvelle les sujets doivent être traités au fond ne manquent pas.
On peut y ajouter la nécessité de sortir de l’ornière le texte adopté le 27 juin 2014 sur « autorité parentale et intérêt de l’enfant » qui tente de clarifie les responsabilités entre parents et beaux-parents – 6 millions de personnes dont concernées –

Reste l’essentiel : ne pas perdre les acteurs professionnels de la société civile
La puissance publique d’Etat et territoriale est démunie sans troupes sociales.
Il lui faut déjà restaurer aux yeux de l’opinion et des politiques l’image des travailleurs sociaux, ces nouveaux fantassins de la République. Leur travail est méconnu. Ils y sont certes pour quelques chose rn ne communiquant pas comme il le faudrait. Il faut déjà mieux les prendre en compte notamment par leur statut pour qu’ils s’inscrivent pleinement et sur la durée dans leurs responsabilités.
Il faut encore s’attacher à créer les conditions de survie du secteur associatif habilité qui gère l’essentiel de la mission de service public sur délégation. Or elles sont souvent étranglées et asphyxiées financièrement ; elles ne trouvent pas toujours les volontaires pour les gérer surtout quand elles deviennent de petites PME avec de dizaines et des centaines de salariées et des millions de budget. Ce secteur civil est essentiel au ciment social auquel nous aspirons et à la paix sociale. Le négliger serait une erreur massive.

On le voit le chantier est important mais aussi vital quand l’enjeu politique – plus encore depuis 2015 – est b ien d’éviter qu’une partie de la jeunesse de France bascule vers les mafieux ou les djihadistes qui le exploiteront. Dans le temps où il faut répondre en terme de sécurité à tous les dangers que présentent ceux qui ne sont embrigadés avec les uns ou les autres ou sont en passe de le faire, il faut – c’est une démarche de prévention primaire – ne pas laisser décrocher les plus jeunes qui demain pourraient nourrir ces réseaux qui se constituent devant nos yeux.
Si une mesure s’imposait ce serait plus que jamais que mettre du social à l’école quand nul n’ignore que le secteur de la santé scolaire et le service social scolaire sont sinistrés et que la situation de la PMI et de la Prévention spécialisée est aujourd’hui menacée. Ouvrons les yeux. Tous les services sociaux de première proximité avec les populations fragilisées ou en doute avec la République sont en difficulté quand on attend plus d’eux. Réveillons-nous. A défaut le risque est majeur d’un immense apartheid qui nous sera fatal.

1 – http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille de route protection enfance 2015-2017-3pdf
2 – Dès l’intitulé étaient affichées les limites politiques du texte incapable de concevoir qu’il faut désormais parler de responsabilités parentales et non plus d’autorité parentale – l’autorité est inhérente à la responsabilité et sa condition.– et en se refusant à parler des droits de l’enfant, thème préempté par la manifestation anti mariage homosexuel pour lui préférer ce concept régressif sur le plan juridique d’intérêt de l’enfant !
3 – L’improvisation était d’autant plus réelle que les parlementaires ne disposaient pas officiellement des quatre rapports remis à Mme Bertinotti. 1) A. Gouttenoire « 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et adoption », 2) I. Théry sur La filiation, 3) C. Brisset sur La médiation, 4) JP Rosenczveig-Diouf sur « Les nouveaux droits des enfants », janvier 2014
4 – Rapport n° 655 du 25 juin 2014

Publié dans abstéisme scolaire, accès aux origines, adoption, ASE, Beaux-parents, Bertinotti, châtiments corporels, Comité des experts de l'ONU, convention internatioanle sur les droits de l'enfant, DDASS, décentralisation, déchéance, droit de correction, Droits des enfants, Enfants en danger, enfants placés, fessée, filiation, François Hollande, gouvernance, Grands-parents, infirmières scolaires, intérêt de l'enfant, intérêt supérieur de l'enfant, internats scolaires, juge des enfants, Justice pour enfants, Loi Famille, Maires, mariage pour tous, médecins, MEI, Mineurs etrangers, président du conseil général, pupilles, responsabilité parentale, secret des origines, service de santé scoalire, service social scolaire | 3 commentaires

La légitime réaction des femmes face aux violences qu’elles supportent

avocats006_17_1Un nouveau procès s’engage à Nancy qui en arrière-fond, à l’occasion de la révolte aussi imprévisible que définitive de la victime à l’égard de son bourreau, pose à nouveau la question de la violence quotidienne faite aux femmes par leur époux ou compagnon. Au sens formel, ne nous racontons pas d’histoire, les termes de la légitime défense ne sont pas toujours réunis. Spécialement les coups portés par la femme ne sont pas toujours à chaud, dans le temps de l’agression, et proportionnés aux actes supportés dans l’instant. Reste qu’ils trahissent une impasse, l’absence de solution raisonnable pour en terminer avec les coups et les violences sexuelles supportées régulièrement dans le silence de la vie conjugale.
Qu’on veuille l’entendre ou pas ces femmes sont isolées. Elles n’ont pas nécessairement de proches parents ou des amis avec lesquels échanger sur ce qu’elles supportent, a fortiori sur la solution qu’elles imaginent pour en terminer. Elles ont peut être une vie sociale, mais pas au point d’évoquer avec leurs proches ce qu’elles vivent et ressentent comme une honte. Déjà les humiliations supportées qui les rabaissent et tentent de les renvoyer à n’être que des objets et cette humiliation suprême d’avouer qu’elles n’ont pas pu empêcher ces violences sinon qu’elles ont créée par leur faiblesse les conditions mêmes de cette maltraitance physique, sexuelle et morale. Que dire de ce que vivent les enfants confrontés à ces scènes même si eux-mêmes ne sont pas toujours violentés physiquement ?
Bien évidemment rarement les services sociaux ou de santé posent un diagnostic juste. Tout est souvent fait pour leur camoufler les traces éventuelles, y compris à travers les dénégations les plus formelles. Là encore il faudrait parvenir à créer une relation de confiance.
Par un sursaut de vie ou d’humanité ces femmes décident un jour de réagir, de faire en sorte que cela s’arrête. Pour elles et pour les enfants ! Elles ne veulent certainement pas se venger ou punir leur agresseur, mais faire cesser l’insupportable.
Souvent, en plusieurs circonstances, elles ont déjà réagi et elles ont cru aux belles promesses qui leur étaient faites. Mais les violences sont revenues, et les vagues se sont succédées les laminant petit à petit et affaiblissant encore et encore leurs défenses.
Certaine parviennent à échapper à ces violences, mais la fenêtre de ire si je puis me permettre est étroite : il leur faut réagir vite aux premiers coups tellement il est connu que l’homme qui bat un jour sa femme recommencera puisqu’il n’a plus aucun respect pout elle.
Il n’est pas inutile de rappeler ici que la société a très longtemps justifié les violences intrafamiliales. « Bats ta femme tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait ! » affirme un dicton populaire.
Plus sérieusement il aura fallu attendre 1995 pour que la Cour de cassation relayant les cours d’appel et les tribunaux de base condamne enfin le viol entre époux. Jusque là on admettait que le mariage, non seulement légitimait les relations sexuelles entre époux, mais autorisait l’un à avoir droit au service sexuel qu’il exigeait de l’autre. Il faudra encore attendre 2005 – soit voici à peine 10 ans – pour que le législateur de la cinquième puissance économique du monde consacre cet interdit et donc affirme que toute relation sexuelle même entre époux suppose un accord formel des deux intéressés.
copy-Petitjuge.jpgDans le même esprit observons les difficultés que rencontrent depuis deux ou trois décennies les pouvoirs publics à aborder la question des châtiments corporels sur les enfants. Et beaucoup de rappeler sur les antennes, goguenards et nostalgiques comme lorsqu’on raconte son service militaire, que les fessées, les gifles et autres coups de martinet reçus ne les ont pas empêché de grandir. Tous ceux là oublient que derrière le folklore de la gifle ou de la fessée occasionnelles il y a d’abord la décharge émotionnelle de celui qui l’inflige plus qu’un moyen pédagogique. On justifie tous ceux qui ne connaissent que la violence pour éduquer. Notre pays, patrie auto-proclamée des droits de l’homme, s’avère dans l’incapacité de suivre les 28 Etats du Conseil de l’Europe qui ont fait en sorte de condamner les recours aux châtiments corporels. Le débat sur ces violences est lui-même tenu pour impossible : il s’analyserait comme un message de faiblesse envoyé par la société à tous ceux qui agressent, et notamment aux délinquants et aux terroristes ! Le législateur en est même à refuser a refusé de passer conceptuellement de l’autorité parentale à la responsabilité parentale pour ne pas donner le sentiment priver les parents de toute conviction éducative !
Bien évidemment il faut demeurer optimiste. Les choses évoluent. La chape de béton a déjà été soulevée. On ose parler les violences faites aux femmes comme on a osé parler en 1981 des violences faites aux enfants.
Des campagnes d’informations ont été développées. Notre droit a été renforcé ; les juridictions hésitent moins à condamner à des peines sévères les auteurs de violences intrafamiliales quand trop souvent on leur trouvait des excuses ou on recherchait une médiation qui ne trompait personne. Des dispositions pénales et civiles ont été adoptées pour ménager une distance entre le bourreau et sa victime, pour garantir à la femme la jouissance de l’appartement conjugal. Sous contrôle judicaire ou dans le cadre d’une mise à l’épreuve l’agresseur peut se voir enjoint de se soigner et de garder ses distances. Surtout des dispositifs d’aide ont été mis en place comme le téléphone grand danger qui permet aux femmes sérieusement menacées de pouvoir alerter immédiatement des forces de police pré-sensibilisées.
avocat_jeuneOn doit pouvoir faire encore mieux.
Certains appelent à changer la loi en élargissant le concept de légitime défense à froid quand il s’agit de faire cesser des agressions majeures. On voit combien le danger serait grand de flirter avec la ligne jaune de la vengeance personnelle et de l’autorisation de tuer quand l’Etat moderne s’est justement créé autour de l’idée de combattre la vengeance privée et de légitimer la justice des hommes pour garantir la paix sociale.
Reste que ces affaires pénales doivent être dénouées sans infliger aux victimes une double peine alors que souvent la société n’a pas su les protéger. Une stratégie fondée sur la grâce présidentielle n’est pas une politique.
D’ores et déjà notre droit n’est pas démuni pour répondre à chaque situation et contribuer à poser globalement le problème et faire bouger les lignes.
On peut très classiquement condamner et admettre de larges circonstances atténuantes.
On peut aussi soutenir la perte ponctuelle de discernement – la folie passagère – comme par analogie ce fut le cas notamment dans des affaires de parricides à Verdun et à Versailles voici quelques années pour des adolescents qui tuèrent leur famille, y compris ave préméditation. Les coups reçus par ces femmes et le sentiment d’impasse pouvant contribuer à la perte de lucidité sur les attitudes à tenir.
On peut encore condamner mais faisant application de la loi dispenser symboliquement de peine dans la mesure où les faits ne sont pas appelés à se renouveler et que l’intéressée apporte des justificatifs sur ce qu’elle a vécu et des éléments attestant de son évolution.
Quelques décisions de justice de cette nature médiatisées peuvent contribuer à faire basculer le dossier dans le bon sens comme la décision de 1979 du tribunal pour enfants de Bobigny de ne pas condamner la jeune fille qui s’était faite avorté à changer le statut des femmes.
On regrettera de devoir en arriver là. On pourra aussi dire que la justice joue son rôle d’agora, de lieu de débat public à défaut d’en trouver d’autres et que ces décisions appellent à un basculement des mentalités. Après tout, par-delà les femmes concernées, l’enjeu n’est–il pas qu’il n’y ait plus d’autres femmes qui se retrouvent un jour prisonnière de la violence au point de donner la mort. On peut rêver !

PS « Grace à Dieu la prescription est acquise ! » aurait dit Mgr Barbarin parlant des agressions sexuelles dont notamment des scouts de son diocèse ont été victimes. J’ai hésité commenter à chaud préférant traiter de la réaction des femmes aux violences supportées. Quelques mots quand même pour dire combien la parole est malheureuse. On sent bien que l’Eglise n’a pas donné d’éléments de langage et que le cardinal lyonnais est bien seul dans la tourmente. Pas question d’accuser ce haut responsable catholique d’avoir cautionné, sinon couvert des faits criminels. Pour autant admettons qu’il na pas permis à ces victimes de se faire rendre justice quand, somme toute, son rôle social est de venir en aide à ceux qui ont souffert ou souffrent sachant que les faits étaient avérés voire reconnus. Les difficultés rencontrées depuis par les églises américaine ou irlandaise qui n’ont pas su gérer des problèmes de la même veine n’ont apparemment pas frappé le Primat des Gaules. Comment peut-il se refugier derrière la prescription, un argument juridique, de droit laïc ou romain, sur un sujet aussi moral ? Comment ne pas avoir songé à prononcer un mot de compassion pour les victimes ? La route est donc encore longue pour que certains hommes de robe comprennent l’ampleur des traumatismes suscités par les agressions sexuelles supportées par des enfants. Les ecclésiastiques ont une libido comme tout un chacun ; elle doit se traiter, mais pas sur le dos des jeunes ouailles. Dans les années 90 on pensait que l’Eglise de France l’avait compris. Nis nous trompions.

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Sans experts la justice est nue (633)

avocats006_17_1Si elle ne disposait que de ses codes pour agir la justice, parquet comme siège, civile comme pénale, serait bien démunie. Il lui faut des experts pour analyser, comprendre mais aussi pour tracer des perspectives. Ces experts ne rendent pas la justice et ne doivent pas la rendre – d’aucune manière les magistrats ne doivent démissionner entre leurs mains -, mais ils la facilitent. On attend beaucoup d’eux, parfois trop quand on entend spécialement en matière pénale qu’ils prévoient l’avenir à coup sûr ! On est a deux doigts d’engager leurs responsabilités civile et pénale s’ils se sont trompés. D’une obligation de moyens on tend à une obligation de résultat. Ceci explique partiellement la difficulté à trouver en nombre et en qualité des experts. Mais si en outre on les mal-traite en leur versant avec des retard faramineux leurs indemnités, au demeurant souvent modestes au regard du travail fourni, la justice – juridictions et Chancellerie – se tire une balle dans le pied. Ces réflexions valent pour l’ensemble de la justice, pas seulement pour la justice de mineurs. Il m’apparait opportun de permette à Daniel Zagury, psychiatre des hôpitaux, expert (reconnu) près de la Cour d’Appel de Paris, responsable du Centre psychiatrique du Bois de Bondy (EPS de Ville-Evrard) de faire le point sur la grève de l’expertise qui se déroule dans un silence assourdissant.
C’est bien l’avenir d’une certaine justice qui se joue. A défaut de l’entendre nous aurons une justice aux mains nues.

L’expertise et les praticiens du service public : le coup de grâce
Daniel ZAGURY

tribunal.gif Les praticiens du service public, qui font des expertises, sont en grève depuis le décret du 30 décembre 2015.
Ce décret leur retire le statut de collaborateur occasionnel du Service Public. En France, on méprise le plus souvent les revendications que l’on dit catégorielles, en les opposant au monde des idées et des débats, seul digne d’intérêt, sans entrevoir les liens qu’ils entretiennent. Sans experts, il n’y aurait plus d’expertise, aurait devisé Monsieur De Lapalice.
À vrai dire, la situation de l’expertise pénale est si rocambolesque, que l’on se heurte à l’incrédulité de ceux à qui l’on tente de la présenter. Par décret du 17 janvier 2000, les médecins et les psychologues hospitaliers experts avaient été considérés comme des « collaborateurs occasionnels du service public », logique définition de leur mission. Ils étaient donc de fait rattachés au régime général de la Sécurité sociale, tels des salariés de la Justice. Les praticiens, pour plupart hospitaliers, effectuent ces expertises en plus de leur travail L’employeur, en l’occurrence le ministère de la justice, aurait donc dû payer les charges sociales de ses experts.
Il ne l’a pas fait depuis quinze ans. La Garde des Sceaux s’était engagée à régler le problème laissé en suspens par ses prédécesseurs. Profondément révulsée d’avoir été accusée d’entretenir le travail dissimulé, elle a tenu sa promesse, mais de la pire des manières, sans concertation, en faisant supporter aux seuls hospitaliers le poids des prestations sociales, en les amputant de la moitié de leurs émoluments déjà notoirement ridicules.
En effet avec ce décret, Ils devraient désormais pour cette mission de service public relever du régime social indépendant comme un professionnel libéral pour ses seules vacations.
Ce qu’Élisabeth Guigou avait entamé, Christiane Taubira l’a aboli. Ce que la gauche a fait, la gauche l’a défait. Qu’une femme politique, qui se revendique comme toujours plus à gauche, ait été celle qui propulse les hospitaliers vers le régime libéral et consacre la rupture des ponts entre Santé et Justice, laisse pantois.
Sans doute gênée et vaguement honteuse d’une décision prise aux seules fins de protéger l’Etat de ses devoirs et de sauver les meubles en catastrophe, la chancellerie s’est justifiée : face à ce que les syndicats hospitaliers unanimes ont qualifié « d’arnaque », elle a invoqué la nécessaire indépendance de l’expert vis-à-vis du juge qui le nomme, en entretenant la confusion entre lien de subordination contractuel et indépendance dans l’exercice de l’art. Or, nous sommes bien juridiquement dans un lien de subordination mais nous sommes indépendants dans nos avis. En prétendant protéger cette indépendance, la chancellerie n’a fait qu’amplifier notre colère.
005.gifAvec nombre de collègues, je sais de quel prix on peut payer l’indépendance d’esprit en restant debout dans la tourmente, amarré à la clinique et à la déontologie médicales, quel que soit le sens du vent. Si l’on voulait des experts indépendants, il faudrait commencer par abolir cette pratique dévoyées qui consiste à transformer l’examen de garde à vue en expertise, à faire examiner dans les commissariats pendant quelques minutes des gardés à vue par des médecins souvent dépourvus d’expérience médico-légale, en leur intimant de conclure sur la responsabilité pénale et l’avenir lointain. Ils sont instrumentalisés, dans un retour à un tri médico-judiciaire que l’on croyait depuis longtemps révolu. Sont-ils « indépendants », ceux qui se plient à ces injonctions contraires aux bonnes pratiques médicales, récusées par la conférence de consensus sur l’expertise ?
Il faudrait également réfléchir à ces listes d’experts qui ne servent plus à rien, puisque la pénurie d’experts et l’inflation des demandes conduisent à chercher ailleurs ceux qui consentent à travailler dans de telles conditions. Dans la plupart des pays de niveau comparable, on sollicite les plus compétents dans leur domaine, reconnus comme tels par leurs pairs, et non des professionnels dont le seul mérite est d’être inscrits sur une liste, sur des critères dénués de transparence.

 À chaque période de l’histoire, la relation Santé Justice a montré le meilleur et le pire. Le pire, c’est toute une série de dérives liées à la complexité de l’exercice, qui risquent de transformer l’expert en Diafoirus des prétoires, que Michel Foucault avait dépeints avec justesse et cruauté. Le meilleur, c’est le concours prêté par des cliniciens de talent, sacrifiant une partie de leur temps au service d’une collaboration médico-judiciaire qui n’a jamais enrichi personne. Expert depuis plus de vingt-cinq ans, j’ai eu l’occasion d’éprouver régulièrement la fierté de faire le même métier que certains de mes collègues, de partager avec eux le goût de la précision clinique, de la pédagogie de la complexité et de l’ouverture à la société.

 Bien sûr, l’expertise pénale en France était déjà bien malade, avec une inflation ridicule des demandes, à la mesure inverse du nombre d’experts ; avec la démission de praticiens écœurés par la médiocrité des conditions d’exercice ; avec un système contre-productif qui encourage l’indigence : si l’on est scrupuleux, ce sera travailler plus pour gagner moins. Ce système est devenu fou, exigeant par obligation procédurale des expertises pour la forme, alors que la justice est incapable d’honorer celles dont l’enjeu est crucial. Mais au moins pouvait-on espérer la prise de conscience des pouvoirs publics, la fin d’un déclin préoccupant, la reconnaissance tardive des services rendus par les médecins et psychologues hospitaliers, dans un pays où la psychiatrie légale fut si prestigieuse.

balanceChristiane Taubira a tranché. Comment a-t-on pu penser autour d’elle que les praticiens courberaient l’échine face à la maltraitance dont ils font l’objet ? Il est consternant de voir des techniciens aboutir à une telle décision, en toute méconnaissance de la sociologie de l’expertise, de ses fonctions, de ses conditions d’exercice et des liens historiques de la Justice et de la Psychiatrie. Ils ont réglé le problème de l’état en se défaussant de sa dette sur ses serviteurs. Il se pourrait qu’ils soient surpris de l’effet qu’ils ont produit. Certes la dimension financière justifierait à elle seule une réaction massive. Mais ce qu’ils n’ont pas compris, c’est qu’ils ont attaqué la sacralité du lien historique entre l’Hôpital et le Tribunal. Ce qu’ils n’ont également pas compris, c’est que ce sont les hospitaliers très largement majoritaires dans l’expertise pénale, qui ont jusqu’à présent évité le naufrage. En guise de remerciement, ils les ont abandonnés à leur sort.

 Mais le plus grave sans doute, c’est le crime de transmission. Le diplôme inter-universitaire de psychiatrie légale, les divers diplômes universitaires et les séminaires cliniques témoignent d’un renouveau d’intérêt chez les jeunes praticiens. Mais que leur dire ? Qu’ils vont travailler pour la moitié d’une indemnité misérable ? Que leurs prestations aux Assises seront gratifiées d’un pourboire ? Que diverses caisses viendront tondre le peu de laine qui restera sur leur dos ? Qu’ils n’auront ni la liberté de la pratique libérale, ni la protection de la reconnaissance de collaborateurs occasionnels, mais le pire de chacun de ces statuts ? Que les experts français ont honte dans les congrès internationaux ? Que tout le monde sait depuis des années que la situation de l’expertise est catastrophique mais que les pouvoirs publics ne sont sortis de leur léthargie que pour accabler un peu plus les experts ?

On serait plutôt tenté de leur conseiller de fuir cette galère, en tout cas en France, pays décidément incapable d’offrir un avenir à ses jeunes talents. Bien sûr, nous ne le ferons pas et c’est pour eux qu’il convient d’œuvrer pour la réforme d’un système archaïque, afin d’éviter une déchirure irréversible.

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Les enfants non accompagnés de la Jungle de Calais

avocats006_17_1Impossible de laisser en l’état cet immense camp que constitue la jungle de Calais. A tous points de vue, malgré les efforts régulièrement développés par les pouvoirs publics pour « contenir » cet espace, il accueille toujours plus de migrants. Comment pourrait-il en être autrement avec les accords d’Amiens qui fixent la frontière anglaise en France et devant le flux des personnes déplacées du sud vers le nord ? La responsabilité européenne est pleine et entière devant la mauvaise réponse apportée au vrai problème qui lui est posé. Reviendrait-on sur les accords franco-anglais du Touquet que le problème se déplacerait avec sûrement un lot conséquent de personnes noyées dans la Manche ou bloquées sur les bateaux face à Douvres ou aux autres ports anglais.
Le gouvernement veut réduire la taille du camps et orienter les migrants présents vers des centres mieux adaptés et offrant le confort minimum du à la personne humaine. Pourquoi pas ! Mais en y mettant les formes et en prenant le temps d’y associer les associations comme elles le demandent quasi unanimement aujourd’hui à travers le collectif animé par la FNARS présidée par M Gallois.
Reste que parmi ces milliers de personnes présentes dans la Jungle il y en a de particulièrement fragiles notamment des mineurs non accompagnés.
A tout le moins, et même si le raisonnement n’est pas entièrement satisfaisant au regard de l’ensemble de ce qui se joue à Calais, nous nous devons de protéger spécialement ces enfants.
Les autorités les estiment à 350; les associations à 400 (1). Au plan national on évalue, avec la prudence qui s’impose au regard de chiffres qui varient régulièrement, à quelques milliers – 6000 – les personnes qui chaque année se prétendent mineurs et non accompagnées, quand 4500 environ le seraient véritablement.
Depuis les années 95 une partie de bras de fer – conf. mes billets précédents – se joue entre l’Etat et les conseils départementaux pour se renvoyer la responsabilité sur ce dossier, l’Etat n’ayant de cesse de rappeler la mission des collectivités départementales sur les enfants en danger (2), celles-ci rappelant le rôle de l’Etat sur le contrôle des frontières, le statut des étrangers, les personnes sans domicile fixe, etc.
Nous sous sommes battus pour obtenir que chacun admette que les responsabilités étaient conjointes. Reprenant notre analyse le rapport Landrieu (2006), du nom préfet de région Ile de France d’alors, allait dans ce sens. La circulaire Taubira de 2013 consacre politiquement et administrativement cette approche. On peut contester la part – notamment financière – que l’Etat accepte d’assumer (3), mais il a enfin admis sa responsabilité sur ce dossier. Une circulaire interministérielle du 26 janvier 2016 a eu le souci e veiller à l’insertion sociale et professionnelle de ces jeunes. D’ailleurs n’est-ce pas lui qui rend des comptes à l’international (conf. les dernières Observations du Comité des droits de l’enfant, janvier 2016)
Fallait-il encore veiller à repartir le poids de la prise en charge sur l’ensemble des départements de France. C’est le deuxième apport de la circulaire Taubira que de mettre en place une péréquation financière. Certes le Conseil d’état a annulé le 1er février 2015 la clé de répartition retenue sans pour autant en remettre en cause le principe. Finalement, l’erreur du gouvernement aura été de ne pas passer par une concertation sur ce sujet épineux de façon à amener chacun ces départements de France à choisir sa modalité d’intervention, financement ou prise en charge physique.
Ce dispositif est fondamentalement convenable même s’il contourne le tribunal pour enfants en donnant tous les pouvoirs au parquet qui oriente sur le territoire national avec le soutien de la cellule mise en place par la Chancellerie. Résultat : aucun magistrat ne reçoit le jeune pour lui expliquer sa situation administrative et juridique, prendre en compte sa parole, l’informer sur ses droits et ses recours. Bref une gestion purement administrative sous label judiciaire ! Le juge du lieu d’accueil reprendra la situation et veillera si nécessaire à sa protection juridique. Ainsi non seulement on est passés en force au risque de susciter des résistances, sinon des blocages, mais les jeunes ont été traités tels de paquets expédiés dans leur lieux d’accueil, « placés » comme des objets dans des institutions qui n’en pouvaient mais et généralement pas préparées à les accueillir avec la gestion des problèmes spécifiques posés.

copy-Petitjuge.jpgReste que contestable et perfectible ce dispositif fonctionne et doit aujourd’hui être mobilisé à Calais sans négliger la difficulté majeure, déjà présente pur les majeurs, mais exacerbée ici pour des jeunes personnes attachées au respect des instructions reçues de la famille : ne pas revenir au pays et passer la frontière vers l’Angleterre. Comment leur faire comprendre que dans un premier temps il leur faut s’extirper du piège de la jungle, retrouver des forces et des alliances, éventuellement demander l’asile.
Il reviendra à l’autorité française, y compris en s’appuyant des juridictions anglaises (conf. les décisions récentes du tribunal de Londres) de faire en sorte que ceux de ces enfants qui ont de la famille en Grande Bretagne puissent la rejoindre conformément au traité dit Dublin III. D’évidence les Anglais violent la loi européenne.
Convaincre ces mineurs de prendre du recul pour mieux sauter le Channel ne sera pas facile quand ils forment l’espoir chaque jour de trouver le trou de souris par lequel pénétrer en Grande Bretagne.
Il faut déjà les identifier, aller vers eux, créer le lien confiance, mais leur tenir le langage de vérité, leur expliquer les étapes du parcours qui les attend, y compris avec l’insuccès possible.
Chose délicate, mais pas impossible.
Bien évidemment on se heurtera pour eux des problèmes de preuve de l’identité et déjà de l’âge (5). Des classiques pour ceux qui sont sur ce sujet.
En tous cas, on ne peut pas en rester là. L’Etat a une responsabilité majeure pour repérer ces jeunes et contribuer au mettre hors de danger ; le dispositif de 2013 doit fonctionner avec un accueil et une orientation pour tous les mineurs de Calais.
avocat_jeuneBref, dans un dossier humainement lourd et politiquement délicat sous tous ses aspects, c’est une véritable opération commando administratif qui faudrait décider d’urgence pour extirper les plus jeunes d’un endroit où ils n‘ont pas à demeurer. Au regard de la loi française et international ils sont en danger. Difficile à mettre en œuvre, mais pas impossible s’il y a la volonté de faire. La Defenseure des enfants, après un déplacement dans le calaisis, y appelle à nouveau le 22 février
A ne rien faire les responsables politiques et administratifs encourent des sanctions pénales sinon civiles, et pas seulement morales et politiques.

(1) France terre d’asile avance 326 dont un quart de moins de 15 ans
(2) La loi du 5 mars 2007 a eu le souci de bien rappeler les compétences des conseils départementaux si certains avaient la velléité d’y échapper. Coup de pied de l’âne !
(3) Les gouvernements précédents portent une part de responsabilité en ayant refusé de traiter le sujet
(4) 5 jours à 250 euros. Une paille !
(5) Conf. la polémique sur les examens dits osseux que certains pays condamnent et que la France s’apprête à légaliser dans la loi Meunier bientôt adoptée.

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Enfants roms, grand banditisme et traite des êtres humains

avocats006_17_1
Un reportage au 13 heures de ce jour sur France 2 éclaire bien la délinquance des groupes de jeunes gens – en l’espèce de jeunes filles – qui, sur Paris notamment, détroussent allégrement les touristes, n’hésitant pas à les bousculer quand d’autres en banlieue notamment visitent les pavillons.
Les butins sont impressionnants, à la hauteur du réseau d’une quinzaine de personnes démantelé concomitamment par les services français et roumains. 22 500 à euros, sans compter les bijoux, trouvés chez les deux commanditaires installés dans un hôtel de la Seine Saint-Denis. On parle de 1 000 vols commis par ces équipes sur quelques 6 mois.
La délinquance des enfants roms dans les grandes métropoles n’est pas d’aujourd’hui.
Trop longtemps on s’est contenté d’interpeller ces jeunes qui, contre toute vraisemblance, alléguaient souvent avoir moins de 13 ans, toujours démunis de papiers et utilisant quelques noms-type pour camoufler leur réelle identité. On les déférer au tribunal pour enfants pour les protéger. Le parquet n’ouvrait pas toujours une procédure pénale. A juste titre il considérait ces enfants comme en danger.
Force était alors de constater les limites de la procédure d’assistance éducative … ne fut-ce qu’en l’absence dans le bureau du juge des enfants de parents mobilisables. A peine arrivés au foyer départemental de l’ASE sur décision du magistrat ces jeunes fuguaient. Cependant, parfois ils attendaient que leurs « parents » viennent les chercher, le temps d’une douche, de se restaurer ou … de jouer, à l’époque, au train électrique. Ils parlaient rarement de la violence qu’ils subissaient et exprimaient un souhait de rompre avec la vie qui leur était faite. Loyaux jusqu’au bout ou sous l’emprise de leurs exploiteurs !
Au point où, de facto, les magistrats intervenaient a minima, simplement soucieux à l‘idée d’engager leur responsabilité si l’un de ces jeunes commettait à court terme un acte encore plus grave. Certains juges prenaient des ordonnances de pure forme sachant qu’elles n’auraient pas à être réellement mises en œuvre, la mainlevée déjà prête à être signée sur un appel téléphonique signalant la fugue ; d’autres magistrats, tout simplement, proposaient au jeune de rentrer chez lui tout seul plutôt que d’exposer les services sociaux ou les services mandatés pour les raccompagner au ridicule et perdre leur temps.
Dans les années 2000 devant l’accroissement du phénomène les parquets n’hésitèrent plus à engager des poursuites et à faire déférer en sortant du commissariat pour a minima obtenir une mise en examen. Exceptionnellement un mandat de dépôt était possible ou requis. Les restrictions apportées à l’incarcération provisoire des mineurs de 13-16 ans en matière délictuelle – 1977-1979 – profita à ces jeunes. Aujourd’hui encore il faudrait passer par le sas d’un Centre éducatif fermé pour permettre le placement en détention provisoire si le jeune en fuguait.
Le déferement garantissait la mise en examen qui lui-même permettait le renvoi devant le tribunal pour enfants. (1) Très rarement les vrais parents étaient présents ; tout aussi rarement les jeunes acceptaient un suivi éducatif d’ailleurs difficile à mettre en oeuvre faute de domicile clairement établi et admis.
Le renvoi devant le tribunal pour enfants se terminait pas un jugement par défaut.
Une peine symbolique d’un ou deux mois de prison était prononcée qui était généralement notifiée le jour d’une nouvelle interpellation. Le jeune faisait alors opposition, s’engageait à se présenter, était relâcher sur ordre du parquet et ne venait pas à l’audience ; le tribunal confirmait alors la peine et le jeune disparaissait généralement ayant souvent atteint sa limite d’âge d’opérationnalité ou se rendait en Italie ou en Belgique.
Régulièrement on avait à connaitre de jeunes personnes avec une quarantaine ou une cinquantaine de mentions d’interpellations sur leurs antécédents policiers pour vol aggravé sur 4 ou 5 ans…
Dans la dernière période à Bobigny nous avions pris l’habitude de faire déférer ces jeunes, de les mettre en examen si l’affaire tenait et de leur notifier dans l’instant un renvoi devant le tribunal pour enfants à une date déterminée. Ils étaient informés que dès lors même en leur absence le jugement serait réputé contradictoire et n’ouvrirait pas à opposition l’exécution provisoire serait ordonné qui permettrait leur incarcération dès la prochaine interpellation.
Quoique informé des risques qu’ils prenaient en ne venant pas à leur jugement le jeunes se présentaient rarement. Le jugement tombait comme annoncé : deux ou trois de prison ferme selon que le jeune n’avait pas ou avait déjà été condamné. Un jugement contradictoire donc immédiatement executoire dès lors tribunal prononçait l’exécution provisoire, ce qu’il ne manquait pas de faire.
Une sorte de fusil judiciaire à deux coups : libèré sur un premier déferement, mais incarcéré lors d’une deuxième interpellation, l’enjeu était bien d’infliger une pression sur le dispositif mafieux en faisant baisser le rendement de la filière et parfois d’obliger le réseau à se déplacer.
Succès imité certes mais après tout il fallait bien faire au mieux pour protéger les victime potentielles. En tous cas il est erroné d’avancer comme l’affirmait le commentaire de France 2 que ces jeunes, d’une manière générale, ne risquaient rien.
CouvLivreDalozReste que chacun doit en convenir ces enfants sont les victimes de réseaux mafieux qui souvent les achètent au Kosovo ou autre pays des Balkans à leurs parents légitimes qui n’ont comme ressources que de vendre leurs enfants, les forment aux techniques du vol et touchent les bénéfices, les jeunes étant à l’amende s’ils ne rapportent pas les sommes exigées.
Ils deviennent les petites mains d’une délinquance économique qui renvoie la justice de mineurs et la société à leurs limites et à leurs contradictions comme pour les enfants utilisés dans les rues ou les transports en commun pour la mendicité des adultes.
Depuis des années nous appelions à ce que les services de police s’organisent pour combattre ces réseaux mafieux. L’expérience démontre enfin qu’en y mettant les moyens comme on a su le faire dans d’autres domaines on obtient des résultats. En France ce travail a notamment été mené par l’Office Central de Lutte contre la Délinquance Itinérante (OCLDI). Les faits auraient diminué de 15 % depuis un an.
On formera le souhait que cette pression policière soit maintenue sur la durée et que la justice inflige à ces trafiquants d’enfants les peines criminelles qui s’imposent. C’est une autre question de s’attaquer aux causes de cette délinquance

(1) A défaut il faut faire établir un procès verbal de vaines recherches par un service de police à la dernière adresse connue ou communiquée

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« Parents à perpétuité  » ce soir (630)

avocats006_17_1A ne pas rater ce week-end le reportage « Parents à perpétuité » diffusé samedi – tard 22 h 10- et dimanche – tôt – sur Public Sénat consacré aux parents du jeune Mathieu condamné par deux fois – première instance confirmée le 1 septembre 2014 par la cour d’assises d’appel de Riom à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir violé, puis tué avec préméditation la petite Agnès au Chambon sur Lignon. (1)
On se souvient que ce garçon de 17 ans et 11 mois au moment des faits, déjà mis en cause pour un viol non contesté avait été remis en liberté et orienté par ses parents avec l’accord du juge d’instruction sur un internat scolaire – Le Cévenol – un peu éloigné du domicile familial et du crime initial. Dans le cadre du contrôle judiciaire un suivi psychiatrique et un suivi éducatif avaient été mis en œuvre et exercés. Le Cévenol avait été informé par les parents de ce que Mathieu avait été mis en cause dans une affaire de violence sexuelle – sans parler de viol – et incarcéré un temps. Il l’avait accepté au nom du droit à tout enfant à être scolarisé.
Quelques temps plus tard le drame survint. Mathieu non seulement viole, mais tue Agnès, puis brule son corps. Une affaire exceptionnelle à tous points de vue. On compte – et fort heureusement – très peu de cas de viols et d’assassinats commis par mineurs.
En tout état de cause la réponse judiciaire fut elle aussi exceptionnelle. Pour la première fois dans l’histoire moderne de la justice pénale française, un criminel, mineur au moment des faits, est condamné à la perpétuité. Mis à part l’affaire Patrick Diels qui donna lieu à deux condamnations à perpétuité avant de déboucher sur un acquittement on n’avait jamais vu cela. Dans la même période les USA en finissaient avec la réclusion criminelle à perpétuité pour les moins de 18 ans (2)
Pour ce faire, par décision spéciale, on lui retira le bénéfice de l’excuse atténuante de minorité eu égard à sa personnalité censée être plus mature que la présomption posée par la loi et de gravité des faits. (3) Mieux on ne lui a accordé aucune circonstance atténuante quoique la justice ait enfin admis qu’il était malade, diagnostic confirmé par les psychiatres qui l’avait examiné. En vérité, Mathieu a été (aussi) condamné sur sa dangerosité comme l’expliqua le président des assises, le jeune lui-même admettant être dangereux.
Il ne saurait être question de l’excuser, ni même de minimiser les actes commis, mais de constater qu’en France on peut juger un mineur d’âge comme un adulte et que ne retenir aucune circonstance atténuante pour une personne perturbée sur le plan psychiatrique. Chacun appréciera l’état de notre droit et de notre justice.
J’ajoute que Mathieu déclare aujourd’hui à son psychiatre qu’il doit demeurer entre quatre murs et qu’il convient de garder la clé de sa cellule. (3) Bref il va mal et il le dit ; il y a deux Mathieu. Il est encore loin d’assumer être celui qui a fait tant de mal.

avocat_jeuneEn tous cas, et c’est le point que je voulais relever, ce remarquable documentaire met l‘éclairage sur ce que vivent et ce que sont ses parents et ses sœurs. D’évidence tous souffrent comme souffrent aussi les parents et les proches d’Agnès. Jusqu’ici ces gens ne s’étaient pas exprimés. Ils ont accepté de le faire avec l’accord de leur fils préalablement consulté.
En voyant ce film on pourra être tenté de revisiter l’histoire familiale et de découvrir telle explication à ce qu’est devenu Mathieu qui n’avait jamais présenté des symptômes préoccupants jusqu’à commettre sa première agression ; le week-end précédent l’agression qu’il avait déjà prémédité il était normalement en famille. On doit ici être prudent comme l’a été la réalisatrice de ce document qui se garde bien, de partir sur ce chemin de l’explication du comportement de Mathieu. Elle a eu raison.
Tout comme elle a eu raison de ne pas faire le procès médiatique de la réaction sociale et judiciaire. Juge d’instruction, psychiatre, éducateur, enseignants ont-ils commis des erreurs, et lesquelles, au point de ne pas parvenir à empêcher un nouveau passage à l’acte ? II est toujours facile de réécrire l’histoire a posteriori. Peut-être, par-delà tel comportement individuel, doit-on se demander sur la justice n’aurait pas pu- en avait-elle les moyens ? – mieux décrypter le premier passage à l’acte très élaboré d’où elle aurait du voir que l’auteur était un personnage plus complexe, donc plus préoccupant qu’un violeur de circonstance ! Là encore hypothèse facile à avancer rétroactivement et sans tenir compte de la pression qui pèse sur la justice de tous les jours.
Reste, et là et l’intérêt majeur de ce document, qu’on y voit des parents responsables (4) dans tous les sens du terme.
Bien évidemment, déjà ils se sont interrogés et s’interrogent encore sur leur responsabilité dans ces drames. Ont-ils défailli ? En quoi ? Dans l’éducation de leur enfant ? Ont-il raté des voyants lumineux ou des appels de phare envoyés par leur fils ?
Responsables encore quand ils n’abandonnent pas leur enfant. Ils portent leur croix comme les parents d’Agnès doivent porter la leur. Ils vivent encore avec leur fils même à distance. Il y a bien sûr les visites à Mathieu, mais aussi toute la relation qu’ils entretiennent avec lui , avec un père qui refuse de reparler de l’affaire pour offrir un autre espace à Mathieu, et une mère qui lui reparle des faits pour contribuer à le faire avancer sur le chemin de la culpabilisation. Tant de parents auraient renié leur enfant ou simplement auraient pris leur distance. Ceux-là condamnent fermement leur fils, mais assument leur enfant. Je laisserai là encore chacun apprécier.

016Alors pourquoi s’y arrêter ? Tout simplement pour illustrer ce que j’avance de longue date : il et bien temps de passer de l’autorité parentale à la responsabilité parentale. Le rapport des parents à l’enfant ne s’identifie plus et de longue date dans l’autorité morale ou physique que les uns exercent à l’égard de l’autre.
1) l’autorité est au service de la responsabilité. Le drame du stade Furiani avec cette tribune préfabriquée qui en s’effondrant occasionne des dizaines de morts, l’a rappelé : est responsable celui qui a l’exercice réel de l’autorité à savoir le pouvoir formel et les moyens allant de pair. Les parents responsables d’un enfant ont l’autorité au service cette responsabilité et ils engageront leurs responsabilité notamment civile justement parce qu’ils disposaient cette autorité.
2) La vie familiale est faite désormais de responsabilité successives, diverses et congruentes (les parents et les beaux-parents). Les parents ont très tôt l’obligation de veiller sur leurs enfants, mais au final ce sont les enfants qui les protégeront dans tous les sens du terme.
Tout cela pour dire que je suis choqué que la classe politique n’ait pas encore compris cela et qu’elle se refuse à la nouvelle écriture juridique que nous lui avançons de longue date pour définir dans d’autres termes les rapports parents- enfants. On a su passer de la puissance paternelle à l’autorité parentale en 1970 ; s’aura-t-on en arriver enfin à la responsabilité parentale. L’Assemblée nationale a refusé en 2014 de faire ce bout de route (4) de peur d’envoyer un message de faiblesse aux tenants de l’ordre. Où vont se nicher les complexes de la Gauche à l’égard de la Droite!
Les parents de Mathieu illustrent à merveille mon propos. Ils sont condamnés à perpétuité à être les parents de leurs enfants et à exercer les responsabilités qui en découlent dont celle de ne pas abandonner leur fils criminel.

(1) Film d’Anne Gintzburger 7/2 à 9 h 10 ; 13/2 à 23h 20, 134 :2 à 10 h 20 et 19/é à 17 h 30
(2) Voir le film « Perpétuité pour les enfants d’Amérique », 2014
(3) Je ne viole aucun secret. Tout ce que j’avance est dans le document
(4) Volontairement je ne m’attacherai pas à ses deux sœurs qui sont extraordinaires de lucidité et ne détonnent pas dans le faire famille avec leur frère
(5) La loi Chapdelaine-Binet adoptée en mai 2014 est engluée sur la route du Sénat

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La France épinglée (trop) sévèrement par l’ONU (629)

avocats006_17_1Après l’audition de la France en janvier deux jours durant sur son application de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, le Comité des experts de l’ONU vient de rendre son verdict. La France se fait (une nouvelle fois) tancer. Sévèrement commente-t-on immédiatement (Le Monde de ce jour). Sous réserve d’inventaire, je dirai, trop sévèrement semble-t-il. Il faudrait reprendre dans le détail les points retenus par le Comité, je ne m’arrêterai qu’à quelques uns.
Ainsi, bien évidemment, et ce n’est pas moi qui le nierai, nous sommes souvent critiquables dans les réponses que nous apportons aux mineurs étrangers isolés. Nous avons trop longtemps nié le problème dans le cadre du rapport de forces qui se jouait entre les différents acteurs publics. La circulaire Taubira de 2013 constitue certes une avancée avec la reconnaissance de la complémentarité des compétences publiques et la tentative de mutualisation entre départements, mais, objectivement, les enfants y sont traités comme des colis dont on repartit la charge plus que comme des jeunes personnes. La circulaire interministérielle du 25 janvier ne semble pas apporter les avancées attendues. La loi Meunier actuellement en débat nous fait même régresser sur ce sujet prècis puisqu’elle légalise la pratique des tests osseux notoirement peu fiables et sérieusement contestés, spécialement par le Comité de l’ONU.
Oui encore le sort fait aux enfants à Calais et ailleurs – on vise les enfants roms mal-traités au quotidien comme le relève aussi le Comité – est hautement contestable comme le sont les conditions de vie qu’on a laissées petit à petit se mettre en place dans la « jungle » pour les migrants qui y attendent un hypothétique viatique pour la Grande-Bretagne. C’est bien une attitude proactive et offensive qui aurait du être développée et de longue date pour prendre à bras le corps une situation innommable qui s’aggrave de jour en jour
Oui aussi la France aborde du bout de lèvres le débat sur les châtiments corporels avec toujours l’inquiétude – c’était déjà le cas sous N. Sarkozy – de paraitre désinvestir les parents de toute autorité, confondant autorité et violence. La ministre de la famille Laurence Rossignol, adepte de l’éducation sans violence, appelle à un débat public plutôt qu’à une modification de la loi. En effet, elle consciente que les conditions ne sont pas réunies pour légiférer sereinement. Notre pays a la tête ailleurs et fait de la fessée une « tradition « française qui ne fait de mal à personne …
Oui des efforts doivent plus que jamais être développés pour garantir le droit à l’éducation pour tous, renforcés ces dernières années, notamment pour les enfants porteurs de handicaps.
On multiplierait les sujets sur lesquels le Comité pointe à juste titre le doigt des manques.

copy-Petitjuge.jpgPour autant, c’est l’exercice qui le veut, quand une instance internationale « examine » un pays comme la France elle n’hésite pas à hausser la barre pour justifier les interpellations qu’elle fera à d’autres Etats où vraiment les droits sont foulés aux pieds. Le Comité avait prévenu la délégation française. Je ne dis pas cela pour excuser, mais pour remettre en perspectives les critiques développées.
Reste qu’il est excessif de dire que le Comité estime que rien n’a évolué en France depuis son dernier rapport du Comité de 2009. Au contraire il donne souvent acte des progrès enregistrés, mais il est vrai qu’il ne s’en contente pas.
Ainsi, à juste titre, il nous était reproché de longue date dans les précédentes Observations l’absence de lisibilité dans la gouvernance en protection de l’enfance. La loi Meunier précitée qui doit être adoptée et publiée d’ici la fin mars répond à cette critique avec l’aval du gouvernement contre la résistance du Sénat.
On a raison de s’inquiéter des réponses de la justice aux « enfants en conflit avec la loi », mais il faudrait aussi dire qu’un coup d’arrêt à la déconstruction du droit pénal des mineurs engagée depuis 2002 est intervenue en 2012. Certes l’abrogation du Tribunal correctionnel pour mineurs n’est toujours pas acquise et la réforme Taubira qui devait intervenir avant l’été a du plomb dans l’aile, mais les peines-plancher ont été abrogées en 2014 et cette même année les termes de 1992 du retrait de l’excuse atténuante de minorité rétablis. Il oublie surtout de relever que, paradoxalement, l’accumulation de textes répressifs intervenue depuis 10 ans n’a pas eu l’effet escompté de durcir les réponses judiciaires : au contraire toutes les peines ont diminué (prison ferme, prison avec sursis simple ou sursis avec mise à l’épreuve). Les magistrats ont su trouver d’autres réponses avec l’aide des services sociaux.
En revanche, le rapport onusien est totalement fondé quand il relève l’absence de données scientifiques pour évaluer les politiques publiques et tout simplement en chiffrer le coût consolidé pour voir l’effort consenti par le pays pour ses enfants. Anormal pour un pays à l’histoire sociale aussi riche.
Le Comité a raison quand il appelle les pouvoirs publics à rendre compte des réalités de terrain par-delà les textes adoptés et les politiques affirmées. Droits formels et droits réels : un classique.
Bref, le Comité des droits de l’enfant, nous renvoie une certaine image de la France, déformée, mais quand même réelle et de son attitude à l’égard des enfants. Il interpelle et sûrement appellera à des réactions. Il est plus nuancé que les premiers commentateurs l’affirment.
Quelles suites à ce jugement. Des Recommandations sont jointes aux Observations. On peut avoir bon espoir que les choses iront autrement que dans le passé où le gouvernement français n’avait jamais répondu au Comité des experts sur les suites données.
Désormais une dynamique est enclenchée qui veut que, non seulement les institutions indépendantes (Défenseur des Droits et Contrôleur des lieux de détention) soient intervenues auprès du Comité en produisant des rapports alternatifs au Rapport du gouvernement et en étaient présentes à Genève, mais aussi le réseau associatif soit mobilisé comme jamais avec notamment le rapport de 56 organisations regroupées sous la banderole d’AEDE. Le Défenseur des Droits envisage sous peu de décoder avec la société civile les Observations et Recommandations du Comité. Le ministère de la famille leur propose aussi un rendez vous pour prolonger la démarche. On traite mieux l’ONU que par le passé.
016En d’autres termes sur ce sujet comme sur d’autres quittons les postures radicales et caricaturales. La France n’est pas un pays qui maltraite les droits des enfants. Pour autant il demeure une marge de progression évidente pour incarner réellement les droits des enfants sur le terrain. Oui l’Etat et les collectivités ont des responsabilités et peuvent être frileux, peu sensibles à certaines situations (1), mais la société civile doit aussi balayer devant sa porte.
Je préfère dire qu’une dynamique est en cours. Elle est légitimement insatisfaisante tellement nous sommes sensibles – avec des nuances majeures – au sort fait aux enfants de France. Notre posture sur les droits des enfants reflète bien la société avec toutes ses contradictions. Nous ne méritons pas l’opprobre que l’on voudrait nous infliger, mais nous devons accepter la critique quand certains pourraient être portés à l’autosatisfaction. Bref, il nous faut lire à tête reposée le rapport de l’ONU pour s’accorder sur les efforts à entreprendre.

(1) Conf. le sort auquel a été voué le rapport « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui dans l’intérêt de la démocratie », Youf/Rosenczveig, 2014

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