La Basse-Cour!

Lectrices, lecteurs : cette archive de la semaine est spéciale puisque c’est avec elle que Camille Frouin termine son stage au CMTRA ! Elle est la plume principale qui se cache derrière les billets consacrés aux fonds sonores du réseau régional des archives sonores depuis le mois d’avril. Nous la remercions pour son enthousiasme, pour sa finesse, et lui souhaitons bonne route vers de nouvelles aventures patrimoniales !

En 1975, l’ethnologue Charles Joisten collecte en Isère des contes, des récits légendaires et des musiques traditionnelles du Dauphiné. Un jour de mai, à Vignieu (Isère), il enregistre sa rencontre avec trois habitants : Joseph Clarard, Marcel Montagne et « Zin-Zin ». L’occasion pour les trois amis d’échanger autour du micro du chercheur quelques chansons  modernes (datant de 1900 à 1940), de trinquer autour de conversations diverses pendant près d’une heure et demi. A mesure que l’enquête progresse, l’ambiance semble de plus en plus conviviale et animée par les vapeurs d’alcool. Alors que Joseph et Marcel enchaînent les chansons et tentent de réfréner Zin-Zin dans ses élans d’expression, lui insiste pour interpréter un conte d’animaux : la Basse-Cour. L’assemblée commence par se moquer de lui avec une bienveillance amicale, s’amuse  finalement et  finit par se prendre au jeu. Un concert de mimologismes-saynètes, sous forme de dialogues facétieux entre animaux, s’offre alors au micro de Charles Joisten.

capture-decran-2016-09-13-a-10-16-21

le père Pigeon dit : « Ô, Ô, T’as de belles coulles, t’as de de belles coulles! »…

capture-decran-2016-09-13-a-10-17-30

Le Loriot dit : « fô cou-pa lé cou du cou-yo, fô cou-pa lé cou du cou-yo! » (Faut couper les couilles du curé)

Consultez ici la transcription partielle du conte, par Charles Joisten

Les contes mimologiques d’animaux ne sont pas à confondre avec les fables ou les contes mettant en scène des animaux. Les mimologismes sont des imitations de cris d’animaux sur la base de phrases amusantes, parfois grivoises. Le conte mimologique, au même titre que de nombreux récits collectés par les folkloristes et ethnologues du XXe siècle, n’est pas uniquement destiné à un public d’enfants. Ce genre appartient aux traditions orales que des acteurs culturels et patrimoniaux contribuent aujourd’hui à revitaliser : c’est le cas de nos collègues de l’UPCP-Métive, le centre de musiques et danses traditionnelles en Poitou-Charentes et Vendée, qui a rassemblé un grand nombre d’enregistrements de mimologismes dans le cadre de sa saison culturelle dédiée aux Métamorphoses.

Charles Joisten a pris soin de retranscrire des extraits du conte de la Basse-Cour. Cela témoigne d’un impératif scientifique et méthodologique : Charles Joisten joignait à ses collectes sonores  des documents accompagnant leur bonne compréhension et leur analyse. Parmi ces documents, l’exercice de retranscription, c’est à dire la traduction des paroles, des mélodies et des rythmes d’une performance musicale sous une forme écrite, a ici un statut particulier. De façon générale, la transcription musicale d’enregistrements de terrain est un outil formidable de compréhension d’un « moment de musique » dès lors qu’on l’assume comme une transformation – c’est à dire dès lors qu’on prend acte du fait qu’il s’agit d’une traduction nécessairement incomplète et non d’un miroir graphique des sons, des mélodies, des ambiances et des émotions éprouvées. Dans notre cas précis, la retranscription réalisée par Charles Joisten une fois revenu de son immersion joyeuse auprès des trois amis de Vignieu, nous rappelle qu’une chanson ne saurait être réduite à l’addition de musique et de paroles. La première détermine les secondes, et inversement.

Mais, alors que Zin-Zin ne semble pas en totale possession de ses moyens, l’acte de transcription revient-il à conférer une valeur de modèle à sa version de la Basse-Cour? Non car tout l’intérêt de la collecte de chants et d’airs instrumentaux traditionnels est justement d’en écouter et analyser les variations en fonction des époques, des interprètes, des contextes de performance…ou des degrés d’alcoolémie.

En faisant le choix de considérer la seule transcription des paroles comme insuffisante, de rendre visibles l’aspect mélodique, et l’expressivité d’une parole a priori externe à la performance chansonnière, Charles Joisten réaffirme la prédominance du caractère oral de cette pratique. A travers le conte de la Basse-Cour, le constat  est fait de l’insuffisance de la ponctuation et des indications en marge, même si Charles Joisten les utilisent (« ! », « Chuchoté »…), à rendre compte de la richesse de l’expressivité. Ce travail entrepris par le chercheur nous invite à penser des formes nouvelles d’écriture permettant au mieux de dégager les spécificités de l’oralité…les exemples ne manquent pas, mais ne nous plongeons pas ici dans les affaires des linguistes !

Pour aller plus loin…
> Consultez une partie du mémoire de Pentagon : De l’oral à l’écrit. Caractéristiques, transcription & interprétation du discours oral.
>
Les enquêtes de Charles Joisten auprès de Joseph Clarard, Marcel Montagne et Zin-Zin : la première / la deuxième / la seconde 

Visuel : « plumage dindon sauvage », photo libre de droit sur Pixabay.

Ando et le Gospel Colors

Andomalala Ratovelomanana, dit « Ando », née en France, partage ses racines malgaches à travers le chant. Chef de chœur de Gospel Colors, une chorale gospel qui se réunit au Centre Culturel Oecuménique (CCO) de Villeurbanne, Ando chante également dans différents groupes de musique malgache et dans des chorales, notamment Tiharea (polyphonies du Sud de Madagascar, basées sur le style beko ou békou : chant de griot). Elle est la fondatrice de l’association Ankathileis dédiée à la promotion de la culture malgache dans la région. En 2009, le CMTRA la rencontre à plusieurs reprises, seule ou accompagnée de la chorale Gospel Colors, l’occasion pour Ando de nous raconter le récit d’une vie musicale étroitement liée à la foi protestante.

Berceuse malgache : « Mamisolofo »
Les paroles et la traduction

« Mangina ‘nao zaza, mangina ka tomane
Avia ‘nao babeko, fafao ny rano maso »

« Calme toi mon bébé, arrête de pleurer
Viens là que je te berce, essuies donc tes larmes »

Les parents d’Ando  sont arrivés en France en 1981. Ils sont alors les premiers étudiants immigrés malgaches à Lyon. 0 Vaulx-en-Velin, ils créent leur propre église protestante et la chorale lui étant liée. Ce n’est qu’en 2007 que Ando s’initie au Gospel, alors peu chanté dans les églises protestantes en France. Autodidacte, elle apprend à chanter dans la langue du sud de Madagascar et est influencée par d’autres styles, notamment la variété nord-américaine. Ces diverses influences s’entendent de plus en plus dans les chorales Gospel protestantes qui tendent à apporter une « touche de modernisation » à l’interprétation de leurs répertoires traditionnels.

Le répertoire chansonnier malgache compte environ 900 chants religieux traduits des cantiques anglicans. Que ce soit en France ou à Madagascar, Ando a souvent éprouvé et a toujours dû s’accommoder des réticences des personnels ecclésiastiques à l’égard du Gospel. Pourtant souligne-t-elle, le rapport à la spiritualité est le terreau de ce genre musical, ce que son étymologie rappelle : « God Spell », annoncer la bonne nouvelle.

Gospel Colors : chant polyphonique sud-africain

Ce chant de résistance issu du répertoire de Gospel Colors leur a été présenté par l’une des chanteuses membres, originaire du Gabon. Les chanteurs du groupe sont tous de confessions et d’origines différentes. Ce qui compte pour Ando au sein de sa formation chorale, c’est davantage la spiritualité que la pratique d’une religion en particulier. Leur répertoire est le reflet de la diversité des cultures d’origine des choristes : chants en malgache, en français, en anglais, taki taki (Guyane), chants en zoulou, du Gabon (Swali), créoles (Martinique). Le groupe se produit lors de concerts, de mariages, de fêtes de quartiers…

Chant polyphonique malgache : « Espoir »
« On a faillit se laisser abattre par les choses de ce monde, mais de par ta venue, tu nous a donné un espoir nouveau … »

La musique malgache est riche d’influences diverses. Issue d’un patrimoine très ancien austronésien (de l’archipel indonésienne), elle emprunte aussi à de nombreuses cultures d’Afrique. Cette musique n’est pas homogène sur l’Île rouge: 18 ethnies aux cultures singulières y cohabitent. La Grande Île est victime d’un racisme latent, parfois de conflits ouverts, entre ethnies : celles des hauts-plateaux (parmi eux : les Mérinas, descendants des peuples asiatiques) et celles des plaines. La culture des côtes (essentiellement d’origines bantoues) représentée dans le groupe Tiharea, l’un des groupes d’Ando, n’est d’ailleurs pas celle d’origine de sa famille. Toutes les ethnies, si elles n’ont pas les mêmes traditions, partagent cependant certaines constantes dans la pratique musicale, et notamment celle du chant polyphonique. La chorale, dont la tradition remonte aux fêtes rituelles des sociétés traditionnelles, est la première, si ce n’est l’unique, mode d’expression musical vocal à Madagascar.

Au niveau international, le genre le plus connu reste certainement le répertoire “ba-gasy” (chants malgaches théatralisés, souvent accompagnés au gorodo). C’est dans les années 1990 que certains groupes s’exportent et redonnent à ce genre une écoute alors qu’il est en voie de disparaître (le groupe Feo-Gasy, avec Erick Manana).

Pour aller plus loin…
> Les enquêtes réalisées par le CMTRA auprès d’Ando : la première / la seconde
> Les répétitions, enregistrées par le CMTRA en 2011, d’une autre chorale Gospel de Villeurbanne : « Gospel Joy » ; la première / la senconde 

Visuel : Photo de profil Facebook du groupe Gospel Colors, 2009

Présentation du projet

AFFICHE Comment sonne la villeLe projet « Comment sonne la Ville ? Musiques migrantes de Saint-Étienne » rassemble deux équipes complémentaires, le CIEREC (Centre de Recherche de l’Université Jean Monnet à Saint-Etienne) et le CMTRA qui réalisent ensemble un travail de recherche autour des pratiques musicales liées aux parcours migratoires des habitants de la ville de Saint-Étienne. Ce projet s’étend sur trois années, de 2014 à 2017.

Cette rencontre originale d’un laboratoire universitaire et d’une structure culturelle de terrain a pour triple ambition de :
– produire des connaissances sur les pratiques musicales migrantes de la ville de Saint-Étienne ;
– contribuer à la cohésion sociale par la valorisation de la diversité des parcours et des cultures musicales des habitants ;
– former à la recherche des étudiants du Département de Musicologie de l’université de Saint-Étienne, par une approche pratique et humaine de la réalité musicale de leur ville.

L’histoire industrielle de la ville de Saint-Étienne explique la pluralité culturelle de sa population. Le développement industriel des XIXe et XXe siècles a entraîné la recherche d’une forte main d’œuvre ouvrière et par conséquent le recours à une population immigrée, venant tout d’abord des campagnes environnantes, d’Alsace, puis de Pologne, d’Espagne, du Portugal, d’Italie, enfin du Maghreb, de Turquie et d’Afrique. L’immigration ouvrière a amené avec elle des langues, des chants, des musiques. Ces pratiques musicales et langagières ont parfois disparu ou se sont conservées dans des formes spécifiques à la diaspora ; elles en ont croisé d’autres, s’en sont nourri, les ont enrichies. Elles constituent une mémoire sensible des gens de la ville, de leur mobilité, de leur histoire, que le projet « Comment sonne la ville » se propose de recueillir et valoriser.

Centrée sur le recueil de témoignages auprès des habitants, la démarche mise en œuvre permet de réaliser cet état des lieux des pratiques culturelles populaires qui s’expriment dans l’espace privé de la vie familiale, des réseaux de solidarité (associations, amicales), dans les lieux de culte et dans différents espaces de proximité (bars, cafés, restaurants,  commerces). L’articulation des méthodes de terrain ethnographiques (enquêtes) et du collectage musical (enregistrement de témoignages musicaux dans leur contexte d’expression, le cas échéant) rend possible une approche sensible et humaine de la réalité multiculturelle des territoires.

Ci-dessous, une émission radiophonique dédiée au projet Comment Sonne la Ville, réalisée par l’impertinente, libre et sauvage équipe de Radio Dio !

Pour plus d’informations sur le projet, contacter Mélaine Lefront, chargée de l’action culturelle au CMTRA : melaine.lefront@cmtra.org // 04 78 70 56 56

DES MOTS DES SONS SANS CIBLE aux Archives Municipales de Saint-Etienne 20/09/2015 by Programmation Dio on Mixcloud

Le rigodon d’Emile Escalle

Un jour de juin 1973, Charles Joisten rencontre Emile Escalle, célèbre violoneux routinier de la vallée de Champsaur dans les massifs du département des Hautes-Alpes. Celui que l’on surnommait « Milou » a vécu de 1900 à 1987  à Molines-en-Champsaur et, comme la plupart des musiciens routiniers, ne vivait pas de sa pratique musicale. Emile était berger et vivait avec sa famille, également présente lors de l’enregistrement. Plusieurs musiciens et ethnologues le rencontrent dans les années 1970. Parmi eux, Charles Joisten tire de cette rencontre conviviale plusieurs enquêtes auxquelles il faut ajouter celles, réalisées dans le même cadre, de Jean-Michel et Hélène Guilcheren. L’objectif est alors de compléter la documentation du musée Dauphinois de Grenoble dans le champ des danses traditionnelles du Dauphiné, et plus spécifiquement autour du rigodon. Le résultat donne à entendre plus de 5h d’un riche répertoire musical ainsi que quelques commentaires sur sa pratique. Plus tard, l’ethnologue et musicien Patrick Mazellier, animé par d’autres problématiques, ira lui aussi à plusieurs reprises à la rencontre de Milou.

Rigodon de Charance (le « coucou ») et sa partition

Capture d’écran 2016-09-01 à 09.40.56 Capture d’écran 2016-09-01 à 09.41.00

Essentiellement joué au violon, le rigodon du Dauphiné est une danse traditionnelle à deux temps issue de la société paysanne étendue de Grenoble à Gap. Traditionnellement transmise oralement, il en existe autant de versions que de vallées, villages, musiciens… Certains rigodons sont identifiables à un lieu : ainsi, Milou interprète celui de Charance, du Solon, de Valgaudemar… Sa pratique reste encore vivace, notamment à Charance où de grands rassemblements villageois continuent à donner le pas. Le rigodon se danse à deux, à quatre ou en rond, ses figures sont relativement peu complexes et structurées, laissant une grande liberté d’ornementation aux danseurs. Alors que cette danse était presque oubliée, plus guerre dansée dans le Dauphiné du milieu du 20ième siècle, les décennies 70 et 80 ravivent son souvenir. Le mouvement en faveur des musiques et danses traditionnelles, les collectes revivalistes engagées en ce sens, celles des ethnologues, la réinterprétation des répertoires, ont permis de redonner une place à cette danse dans le vaste champ de celles traditionnelles : aux côtés des valses, polkas, scottishs, mazurkas,  bourrées auvergnates, danses bretonnes, et autres rondos, qui n’ont pas été autant menacés de disparition.

Rigodon du Solon et sa partition

Capture d’écran 2016-09-01 à 09.40.32

Emile Escalle est musicien routinier : celui appelé à animer les fêtes communales, les cérémonies, les rassemblements. Dans la première moitié du 20ième siècle les musiciens routiniers ont un rôle social important au sein des sociétés villageoises. Ils apprennent la pratique instrumentale des « anciens », des joueurs des villages voisins, selon leur propre oreille, leurs réinterprétations, parfois compositions. S’ils ne vivent pas de leur art, s’ils sont agriculteurs ou artisans au même titre que de nombreux habitants, ils bénéficient d’une « place à part » au sein de la communauté, jouissant d’une notoriété locale certaine dépassant les frontières communales. La vague de collectes des années 70 engagée par les jeunes musiciens revivalistes se base essentiellement sur les répertoires routiniers, dans une optique artistique, plus que de conservation, de réappropriation de ces airs variés. Les récits de vie narrés au cours de ces différentes enquêtes donnent à entendre les parcours singuliers, une diversité de profils de musiciens routiniers qui ont alors entre 70 et 80 ans et dont la pratique a fortement perdu de sa portée sociale.
Sylvestre Ducaroy, un grand nom de l’histoire des musiciens routiniers, se souvient : « Ces musiciens routiniers croisés au fil des bandes étaient-ils marginalisés au sein de leur communauté villageoise ou se sont-ils taillés une place particulière ? En fait, il ne faut pas trop s’attarder sur le cliché du musicien routinier, témoin esseulé et anachronique. Certes, beaucoup sont porteurs de quelque chose d’anachronique, de survivances, puisqu’on s’y intéresse comme tels. Mais qui ne devient pas quelque part, à 70 ou 80 ans, un témoin de son temps ? On rencontre toutes les histoires possibles. […] Mais dans leur histoire revient toujours l’idée du privilège d’être musicien, ou chanteur. C’est une fierté, et un statut reconnu comme tel, dans un contexte cependant parfois disparu ou presque.« 1
Reconnu, Emile Escalle l’est très certainement, il demeure une figure de la mémoire locale, en laissant derrière lui un répertoire sans lequel la revitalisation des musiques traditionnelles du Dauphiné, en particulier celle du rigodon, n’aurait pas eu la même couleur.

Rigodon de Valgaudemar et sa partition

Capture d’écran 2016-09-01 à 09.41.29
1 _ Archive du CMTRA : « Histoire d’un fonds … » entretien avec Sylvestre Ducaroy, lettre d’information n°59, 2005

Pour aller plus loin…
> Une partie des enquêtes réalisées par Charles Joisten auprès d’Emile Escalle en 1973 ont été mises en ligne sur le portail régional du patrimoine oral dans le cadre d’une collaboration entre le Musée Dauphinois et le CMTRA au sein du réseau documentaire. Ces notices contiennent de nombreuses partitions transcrites par Charles Joisten, dont celles des rigodons présentés ci-dessus :
« Airs instrumentaux (violon) : enquête auprès d’Emile Escalle, dit « Milou, violoneux en Champsaur »  01  /  02 03 04  /  05  /  06
> Notre billet sur le Fonds Charles Joisten

Visuel : Emile Escale et ses proches photographiés lors de l’enquête réalisée par Charles Joisten en 1973. Documentation du Musée Dauphinois de Grenoble.

N’Goni et Balafon burkinabés

Né d’une famille de griots originaire de Bobo Dioulasso au Burkina Faso,  Adama Dembele s’est plongé dans les rythmes d’Afrique de l’Ouest dès l’âge de huit ans, en s’essayant au djembé, au balafon, au n’goni… Adama, « griot » au Burkina, est devenu « musicien professionnel » en Rhône-Alpes où il s’est installé en 2003, et poursuit aujourd’hui ses recherches musicales autour des métissages ouest-africains et européens au sein de différentes formations. L’équipe du CMTRA l’a rencontré en 2011 (consulter ici l’enquête complète).

N’goni et voix : « Anganason »
composition personnelle en langue dioula

Les musiques ouest-africaines sont d’une grande richesse et recouvrent des rythmes, des danses et des contextes d’expression très différents d’un pays à l’autre, mais aussi au sein d’un même pays ou d’une même région. Instruments, styles de jeu et répertoires, varient en fonction des différentes lignées de griots. Cependant, la tradition et la transmission restent des valeurs partagées entre  griots, quelque soit leur appartenance ethnique ou communautaire.

Dans les familles griots, nous explique Adama, le père assure très tôt la transmission orale de la pratique instrumentale. Il se souvient que lorsqu’il était enfant, il se rendait à l’école en semaine et jouait les weekends au côté de son père durant les cérémonies et festivals programmés à Bobo Dioulassou ou dans sa région. Le rôle de la famille d’Adama était alors d’animer les baptêmes, les funérailles, les mariages. Aujourd’hui, l’apprentissage et la pratique de la musique n’est plus une injonction pour les familles de griots, en tout cas comme cela pouvait être le cas dans les années 60-70, et ne doit pas nécessairement devenir une vocation. Adama lui-même est attentif à ne pas précipiter ses enfants vers le même parcours que lui, au nom du maintien d’une tradition culturelle.

Balafon 

Depuis que ses premiers enseignements auprès de son père, Adama cherche à explorer le répertoire traditionnel qui lui a été transmis au prisme de son propre univers, entre la France et le Burkina Faso. Cette quête s’est concrétisée au début des années 2000 au sein d’un groupe de musiques d’Afrique de l’Ouest basé en Belgique, qui l’invite pour une tournée d’un mois et demi en Europe. Au moment où nous rencontrons Adama, en 2011, il fait partie de trois groupes de musique et enregistre son premier album solo. Ces différents projets explorent des mondes musicaux divers (Adama a notamment travaillé aux côtés de musiciens français, finlandais, new-yorkais…), et invitent dans ses formations, aux côtés des instruments traditionnels burkinabés, des saxophones, basses, guitares, pianos… En 2012, Adama s’est vu décerner le prix de reconnaissance d’ambassadeur de la musique burkinabée en dehors du pays.

N’goni et voix : chanson très populaire au Burkina Faso

Pour aller plus loin…
> Les projets de recherche et de valorisation patrimoniale menés par le CMTRA à Villeurbanne nous ont permis la rencontre d’autres musiciens griots du Burkina, ou du Sénégal tels qu’Ibrahima Cissokho ou Moussa Fayé. N’hésitez pas à les écouter!
> Nous avons consacré un billet à Florent Marciau, djembefola, « joueur de djembé », originaire de la région Rhône-Alpes ayant appris la pratique de son instrument en immersion auprès de familles griots au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire.
> Nous vous invitons également à consulter le billet sur la danse du Sabar du Sénégal, issu de la rencontre entre Sokhna Thiam et le CMTRA
La rencontre du CMTRA avec Moussa Faye, professeur de Sabar sénégalais et frère de Sokhna Thiam

Visuel : Adama Dembélé en concert, depuis le site de l’Institut Français – Burkina Faso 

Le carnet du CMTRA