samedi 20 août 2016

Great Pop Supplement: la fin

Cet été pas de canicules spectaculaires mais les dernières semaines n'en furent pas moins meurtrières pour une catégorie qui nous particulièrement à cœur sur ce blog: les labels de pop. Il y a quelques jours nous vous annoncions la fin de Fortuna Pop! label britannique emblématique indie-pop, désormais nous pouvons aussi compter parmi les disparus The Great Pop Supplement.


GPS (pour les intimes) était une structure à bien des égards uniques: petits pressages, artworks très soignés (avec généralement des découpes très complexes dans les pochettes, des effets d'optique...), pas de distributeur... Le catalogue était d'une classe folle et regroupait tout ce que nous aimons ici, du shoegaze de Lucid Dream en passant par la pop byrdsienne des See See (et Hanging Stars ), les volutes psychédéliques (Violet Woods) ou l'indie-pop romantique et élégante (le très bel album de By The Sea). Un véritable label of love (pour pasticher l'expression Labour of Love) conçu et géré par le seul Dom Martin, l'intéressé se chargeait ainsi de distribuer en direct avec les disquaires ses sorties, les rendant parfois difficile à débusquer, heureusement pour nous autres parisiens disponibles chez Pop Culture, toujours à un prix relativement raisonnable.


Great Pop Supplement était donc à bien y regarder unique: aucune envie de vendre des palettes de disques, juste sortir de la très bonne musique magnifiée par de très beaux objets le tout à des prix assez démocratiques. L'attitude était rafraichissante en 2016, dans un contexte d'inflation des prix et de créations d'éditions limités particulièrement chères y compris par des labels indépendants. GPS était un label de passionné de pop pour les passionnés de pop, conçu comme un fantasme de fan, une structure humble mais ambitieuse et classe, le genre de labels que l'on a envie de chérir et placer pas très loin dans notre panthéon personnel de Sarah Records ou Creation, ce mélange de super musique, d'attitudes DIY sans en faire des caisses, de volonté de défendre une certaine idée de la pop...


Dom gère également deux autres labels (Deep Distance et Polytechnic Youth), ces derniers sont maintenus et continueront de sortir des disques. Consacrés à la musique électronique (kraut/cosmic/berlin school pour le premier, plus synth-pop/expé/punk pour le second), l'arrêt de GPS la branche pop interpelle d'autant plus. J'imagine ainsi que ce n'est pas une question d'argent mais plus de lassitude. Par rapport à quoi ? la pop en générale ? la pop en ce moment ? J'ignore la réponse, peut-être aussi tout simplement l'impression d'avoir tout dit sur le sujet... Cette interrogation résonne étrangement en moi néanmoins.


Je suis triste qu'un label aussi élégant et qualitatif que Great Pop Supplement s'arrête, j'espère que sa disparition sera remplacé par d'autres labels de pop à guitares tenus par des passionnés, j'en doute un peu mais j'espère sincèrement me tromper. En tout cas merci Dom pour ces super disques ! On se quitte d'ailleurs sur un de mes groupes favoris du catalogue: By The Sea.


lundi 15 août 2016

Les Dogs (en français)

Les Dogs, au cours de leur longue et tumultueuse histoire, illustrent peut-être mieux qu'aucune autre formation la singularité d'être un groupe de rock français. Ainsi, sont-ils peut-être l'une des figures emblématiques d'une scène underground nationale dans les années 80.

Dans les années 80 la vague punk originelle (celle de76/77) appartient déjà au passé. Certes les crêtes et les perfectos sont toujours de sortie dans les puces de Camden mais ils font désormais plus parti d'un folklore que des forces vives de la musique. Le mainstream, après avoir été bousculé par ces morveux accoutrés bien étrangement, a absorbé la révolte et l'a recrachée dans une musique bien plus tolérable pour le grand public. Il en est de même pour le revival mod: les jeunes personnes élégantes et arrogantes ont grandi, les groupes se séparent presque tous, le dernier album des Jam paru en 1982 semble ainsi marqué la fin d'une époque soldée par la victoire de MTV. Les années 80 sont une décennie où le synthétiseur et les clips (les images) sont hégémoniques. Bien sûr ces outils peuvent produire des choses fantastiques mais ils n'en démodent pas moins instantanément le rock, bien souvent pour le pire. Celui-ci pour la première fois de sa courte existence n'est plus sous la lumière des projecteurs. Il s'en accommode et 1983 marque ainsi au niveau mondial, l'émergence d'un  underground qui prend diverses formes pendant la décennie: Paisley Underground (Rain Parade, Bangles, 3 O'Clock, Dream Syndicate), indie-pop (Pastels, Television Personalities...), garage revival (The Crawdaddys, The Miracle Workers...), College Rock (Replacements), Hardcore (Black Flag) etc. Deux figures tutélaires s'imposent aux États Unis et en Angleterre: REM et The Smiths. Ces deux groupes ont de nombreux points communs, enfants du punk ils n'en sont pas moins plus traditionalistes et revendiquent un héritage, notamment des années 60 (Byrds, Velvet...).


La France n'est pas à l'écart et bien que plus âgés, les Dogs sont peut-être l'équivalent français de ces formations. Les normands n'ont pas le même background ni le même son mais pourtant ils viennent aussi de cette culture sixties et s'imposent comme l'un des groupes de référence de l'époque. L'histoire des Dogs croisent ainsi de nombreuses autres: Olivensteins, Snipers, Calamités... Leur parcours raconte également en creux une décennie d'évolution du rock français de la fin des années 70 à la fin des années 80, du mirage du succès à leur retour à l'activisme. Une France rock underground qui vénère les Flamin' Groovies, les Cramps, les Real Kids, les groupes Pub Rock anglais ou de rock australien et les voient jouer dans de petites salles. La scène locale se développe fortement, elle est soutenue par des fanzines (Nineteen en tête) et quelques labels (New Rose, Closer). Tous sont amoureux des Nuggets, beaucoup admirent Alex Chilton, Stiv Bators ou Johnny Thunders.... 

Jusqu'au décès de leur leader, Dominique Laboubée, en 2002, les Dogs n'ont eu de cesse de jouer, soit presque trois décennies (le groupe s'était formé en 1973) ! L'essentiel de leur discographie se fait cependant sur une dizaine d'années s’étalant entre la fin des années 70 les années 80 durant lesquelles ils suivent de près l'évolution du rock. Les Dogs, après des débuts sur le label de Rouen Mélodies Massacre (du nom du magasin situé... dans la rue Massacre), sont repérés par Philips. Le label, comme tous les gros de la place, cherche son "groupe punk", ils signent les normands et leur font enregistrer deux albums Different (1978) et Walking Shadows (1980). Les ventes étant insuffisantes selon les pontes, le groupe est relâché dans la nature avant d'être signé chez Epic. Chez ces derniers les Dogs enregistrent Too Much Class (1982), Legendary Lovers (1983), Shout (1985) et More More More (1986) avant d'être à nouveau débarqués pour les mêmes raisons...Une histoire terriblement banale que beaucoup de groupes français connaissent encore aujourd'hui (Mustang en tête).


Les Dogs ont gagné leur statut de groupe culte français à la dure, ils n'ont jamais renoncé et ont toujours défendu une idée du rock pur et proche de ses racines. Si les disques ou les concerts ne sont pas toujours égaux et géniaux (les 4 premiers albums sont cependant des classiques), la pugnacité du groupe et sa volonté d'exister en font une sorte de figure ultime du rock, un rock humain et humble, porté par la foi et la passion dans l'électricité. Cette authenticité les Dogs la cultivaient aussi en chantant en anglais (assez approximatif), un choix délibéré de coller le plus possible à l'essence de cette musique y compris son idiome. Ainsi ce fut systématiquement les maisons de disque qui poussèrent les Dogs à s'essayer au français, le besoin d'avoir des singles diffusables en radio. À la fin des années 2000, le choix de l'anglais ne fut plus un frein pour obtenir un succès conséquent souvent pour le pire (par exemple les tièdes Pony Pony Run Run ou Cats on Trees), inversant même le rapport de force (le français devenant la position des outsiders), jusque là l'anglais était proscrit pour les petits français...

Les Dogs n'enregistrèrent, à ma connaissance, que 4 morceaux dans notre langue, deux pour chaque gros labels: Philips (1980) et Epic (1984). Pour pousser Walking Shadows la maison de disque incite les normands à enregistrer un simple promotionnel avec les morceaux Cette Ville est un Enfer et Trouble Fête. Epic en fait de même à l'époque de Legendary Lovers avec une version en français de Secrets et l'inédit Mon Coeur Bat Encore. Si le groupe rechignait à utiliser le français (la peur de perdre une partie de leur essence?) ces quatre chansons constituent pourtant parmi mes préférées du groupe et démontre le savoir faire de la formation y compris en français (pour le faire sonner naturellement et fluide).

Cette Ville Est Un Enfer (1980) est un de mes morceaux de rock français favoris, autour d'une ligne de basse menaçante, sinueuse et d'une mélodie économe de guitare, les Dogs se rapprochent de l'esprit et du son du post-punk, la chanson est ainsi sombre, la tonalité cafardeuse mais non sans quelques giclées de lumière. La face B Trouble Fête s'approche du punk, elle est  rentre-dedans et agressive, elle est aussi plus classique mais portée par un texte d'Eric Tandy. La diction se rapproche d'ailleurs de celle des Olivensteins ou des Rythmeurs. C'est un bon morceau mais probablement celui que j'aime le moins des 4.

 
Secrets (1984) est une version en français du morceau du même nom, extrait de l'album Legendary Lovers produit par Vic Maile, un ingénieur anglais expérimenté qui a notamment travaillé avec de nombreux groupes pub rock (Dr Feelgood, Eddie and the Hot Rods, Pirates, Inmates) mais aussi de punk (Vibrators, 999, Lurkers) et quelques autres formations cohérentes avec les genres susnommés (Motorhead et les Godfathers). Si le CV de l'intéressé laisse à présager du muscle et de la sueur, Secrets (version française) est pourtant une chanson délicate, son rythme nonchalant et légèrement sautillant évoque le galop d'un cheval et les grands espaces américains, le chant légèrement maniéré de Laboubée rend justice à l'excellent (et juste) texte français (écrit ou co-écrit par Tony Truand?). Secrets serait-il le trésor caché de l'indie-pop française? Certes le groupe n'est pas habituellement relié au genre mais quand on voit la parenté entre Vélomoteur (1987) des Calamités et Crash (1988) des Primitives, est-ce si idiot de voir en Secrets un autre exemple français ?

Mon Cœur Bat Encore est l'ultime tentative des Dogs de se frotter à notre langue et quelle réussite ! Un super morceau rythmé et enjoué que l'on a envie de reprendre à tue-tête en dansant frénétiquement. Il évoque  A Millions Miles Away des Plimsouls, Natasha des Roxette ou encore What I Like About You des Romantics, soit une certaine idée de la fête, de l'optimisme, de l'envie d'aller de l'avant... Peut-être le texte est-il en lien avec l'état d'esprit du groupe à l'époque? L'envie d'encore y croire.

Par la suite le groupe ne fit plus d'autres tentatives en français, il continua à creuser le même sillon inlassablement et ce, jusqu'à la fin, tels des missionnaires ne sachant rien faire d'autre. Le parcours des Dogs, en plus d'être exemplaire, n'est que trop symptomatique du rock en France, celui qui préfère Téléphone à Bijou, Trust à Edith Nylon etc. Ainsi le rock français en plus d'être tiraillé entre le besoin de se rapprocher de l'idiome et celui de s'en émanciper est-il confronté à l'absence totale de compréhension de la part des grandes maisons de disques et de la plupart des très grands médias (trop agressif, pas assez sérieux, trop adolescent, pas assez intelligent...). Quelle meilleure conclusion par conséquent que Mon Cœur Bat Encore ? Un message d'une folle actualité en 2016 en France quant au rock et à sa perception.


lundi 8 août 2016

L'infortune de Fortuna Pop!

Il y a une dizaine de jours Sean Price annonçait la fin de Fortuna Pop! lors du festival Indietracks (qui est un peu à l'indie-pop ce qu'est le Psych Fest d'Austin à la scène psychédélique actuelle). Cette nouvelle met fin à plus de 20 années d'activisme pop (le label avait été créé en 1995). Au delà de la tristesse d'apprendre la disparition d'un label, c'est aussi un pan de l'indie-pop - et pas le plus obtus - qui disparaît. Le catalogue du label en est une excellente illustration, des figures cultes comme Comet Gain (toujours impeccable), Tender Trap (avec l'unique Amelia Fletcher) ou Peter Astor (Weather Prophets, The Loft)  y fréquentent la jeune garde Let's Wrestle, The Proper Ornaments, September Girls ou Joanna Gruesome.

La structure fonctionnait souvent en binôme avec un autre de nos labels fétiches: Slumberland. Ainsi en plus de certains des groupes susmentionnés, les deux figures unirent leur force pour nombre d'excellents disques: The Pains Of Being Pure at Heart, Crystal Stilts, Allo Darlin'... Cette association était loin d'être anodine, l'axe ainsi constitué proposait en effet une indie-pop ouverte, vivante et mouvante et surtout un catalogue régulièrement exceptionnel. Fortuna Pop! était ainsi un de nos labels indie-pop britanniques fétiches au coté d'Odd Box, Fire Records ou Soft Power.

Histoire de rendre un modeste hommage à Fortuna Pop! voici une sélection hautement subjective de quatre disques que j'ai adorés et m'ont particulièrement marqué sur le label anglais.

Let's Wrestle - Let's Wrestle (2014)
Let's Wrestle fut un jour un espoir de la pop britannique, leur premier album paru en 2009 leur permit de signer chez Merge en 2011 un excellent Nursing Home. Six ans plus tard, ce disque de pop slacker conserve toute sa fraîcheur mais ne prépare en rien à son successeur sorti en 2014: Let's Wrestle
Le groupe, après avoir connu des fastes, semblait quelque peu déclinant. Le disque est ainsi imprégné d'une mélancolie diffuse et de nostalgie. Wesley Patrick Gonzalez s'y révèlent être un fabuleux songwriter, saisissant avec justesse et délicatesse les tourments de son époque. Par la force des choses, le dernier album de Let's Wreste fut aussi mon favori en 2014.


The Pains Of Being Pure At Heart - The Pains of Being Pure At Heart (2008)
Huit ans plus tard, le premier album des Pains Of Being Pure at Heart est certainement déjà culte. À la fois classique (dans ses influences et sa forme) et très frais (l'innocence et l'enthousiasme qui émanent du groupe), l'album est un enchaînement de tubes qui n'ont pas pris une ride. Le succès du disque fut bien au delà des cercles indie-pop, il donna certainement un gros coup de fouet à Fortuna Pop! et Slumberland. Le groupe n'a, selon moi, jamais réussi à dépasser ce premier jet sur la longueur mais peu importe: ce disque est fantastique. 


The Proper Ornaments  - Wooden Head (2014)
Je crois que c'est un secret pour personne que nous adorons Proper Ornaments sur ce blog et ce, depuis bien longtemps. Ainsi leur seconde sortie figurait dans notre top singles de 2011. Honnêtement au moment de la parution de Waiting For the Summer (2013), j'eus l'impression que cette compilation était plus un bilan définitif qu'un inventaire en court. 
La suite m'a heureusement donné tord, l'année suivante Fortuna Pop! publiait en effet le premier (réel) album du groupe, l'excellent Wooden Head. Pas d'effet de surprise mais une confirmation du talent immense du duo formé par James Hoare (au départ bien sûr dans les géniaux et malheureusement séparés Veronica Falls) et Max Claps. Si aujourd'hui le projet semble moins populaire que l'autre formation de James (Ultimate Painting) malgré de nombreux points communs (le Velvet en filigrane) et quelques différences (moins garage, plus pop) elle n'en demeure pas moins tout aussi réjouissante et excitante. J'espère ainsi que le groupe donnera une suite (en LP, puisqu'en 45T c'est déjà le cas) à ce disque.



Joanna Gruesome - Weird Sister (2013)
Les deux disques de Joanna Gruesome sont excellents et je pense les aimer tout autant l'un que l'autre. Par certains aspects (réducteurs) les gallois pourraient être une version survitaminé et sous stéroïde de Veronica Falls. Là ou les anglais sont délicats et toujours de bon goût, Joanna Gruesome donne l'impression de volontairement essayer de briser certains codes de l'indie-pop et de redonner au genre un peu de son abrasion qui fait le charme de nombreuses formations des origines (par exemple les Pastels). Il y a donc dans la musique de Joanna Gruesome, une combinaison unique de mélodies indie-pop et de puissance sonique (impossible de nier une certaine influence presque hardcore ou post-hardcore chez eux!). Bref Joanna Gruesome est un groupe à bien des égards jouissifs par son manque de respect aux règles d'un genre qui a bien besoin qu'on le bouscule.


jeudi 14 juillet 2016

Les Ready-Mades ne sortent pas Duchamp

Il m'est difficile d'écrire sur les Ready-Mades vu que je connais les intéressé-e-s ! Néanmoins ils viennent de sortir leur premier 45 Tours chez Soundflat (qui a aussi récupéré à peu près au même moment les Kumaris dont nous sortions un single sur Croque Macadam, il y a un an et quatre jours), un 4 titres également répartis entre français et anglais.  Au delà de l'excellent catalogue de nos amis de Q-Sounds, le faible nombre de formations soul françaises les rapprochera forcément des Spadassins avec lesquels ils partageaient un membre commun. Cependant, les deux groupes ne se ressemblent pas tellement malgré l'usage alternatif du français et de l'anglais. Là où les Spadassins étaient une dream team  de musiciens bretons de haute volée associant l'élégance mod, l'accomplissement instrumental à l'humour de Nino Ferrer, les Ready-Mades ont un coté plus punk, spontané et brut de décoffrage. Cela leur va très bien d'ailleurs, le groupe excelle sur scène et propose un rhythm & blues bagarreur et mordant, légèrement canaille et malpropre. Soundflat les rapproche de Nick Waterhouse, la comparaison n'est pas totalement aberrante en terme d'influences mais pourtant je trouve la musique des parisiens plus vive et pugnace... Les 4 titres sont d'excellente facture, je ne sais pas si l'enregistrement rend exactement compte de la puissance du groupe en live, cependant il s'agit d'une excellente carte de visite avec une petite préférence en ce qui me concerne pour le morceau Baleine ou Cigogne dont la thématique sérieuse (le harcèlement sexuel) est traité avec beaucoup de justesse. 

mardi 12 juillet 2016

Une partie de Mikado

Mikado était un duo français formé de Pascale Borele et Grégori Czerkinsky. Ils ont sorti un unique album (Mikado) en 1985, celui-ci a la particularité d'avoir été produit par un label japonnais (Non-Standard, créé par un des membres de Yellow Magic Orchestra) avant d'être pris en licence en France par Vogue alors proche du dépôt de bilan. Le duo sort un premier single en 1982, un an après leur rencontre, sur le label underground Les Disques du Crépuscules. Ce disque leur permet de participer à une tournée au Japon et d'aboutir donc quelques années plus tard à l'enregistrement de Mikado.

Naufrage en Hiver (single extrait de l'album) est un des morceaux les plus connus du duo, il est aussi très représentatif de l'univers du groupe: l'esthétique vive, camp et pop de Pierre et Gilles, des arrangements délicats et synthétiques, au service de textes légèrement précieux, mais sans manquer d'un petit peu d'autodérision et de douceur. Mikado a beaucoup été comparé à d'autres duos (Elli & Jacno ou les Rita Mitsouko), pourtant ils sont uniques, leur musique est moins immédiate et frontale, plus subtile aussi. Elle a un je ne sais quoi de charmant, étrange et un peu désuet, naufrage en hiver et ses colliers de varech en sont une excellente illustration.

dimanche 10 juillet 2016

(Sans) Rancune

Juvenile Deliquent (bandcamp) est un label nantais au catalogue plutôt orienté punk en général. On leur doit notamment deux 45T et l'album d'Asphalt ainsi qu'un split 45T de l'excellent groupe powerpop Protokids. Leur dernière sortie, un 45 Tours (mon format préféré et malheureusement de moins en moins fréquent...) du groupe Rancune (installé à Berlin?) se place dans un tout autre registre: celui d'une synth-pop tirant volontairement sur les années 80, aux boites à rythmes analogiques, lignes mélodiques synthétiques et mécaniques... Le truc pourrait virer méchamment à l'exercice de style mais le groupe s'en sort plutôt bien en particulier sur la très réussie face B en français Putain de Problèmes. Les paroles contribuent pleinement à ce succès: elles sont drôles, justes et évoqueront ainsi à tous des situations vécues. L'humour du morceau, l'excellent travail sur les voix apportent ainsi une fraîcheur et une originalité bienvenues à un genre parfois un peu trop sérieux. Bref un excellent morceau qui justifie pleinement l'achat de ce 45 tours !

mardi 5 juillet 2016

(Pas encore un) Requiem Pour un Twister

Il y a neuf ans nous lancions Requiem Pour Un Twister, l’enthousiasme des débuts se traduisit par une première année au rythme très soutenu (plus de 200 sujets postés en 2007 à trois). La seconde année fut plus molle, le bouillonnement des débuts laissa place à une légère usure, celle que l'on ressent quand on a le sentiment de faire des choses cool mais parfois dans le vide peut-être... 

Dès 2009 et jusqu'à 2013, le blog Requiem Pour Un Twister fut à son apogée: nous nous reconnectâmes avec l'actualité et la défendîmes ardemment ici. Le rythme de publication était bon et régulier. La nouvelle vague garage (Ty Segall, Jay Reatard, Oh Sees, Black Lips, Fresh & Onlys, Woods...) nous porta ainsi bien plus que l'indie-rock des années 2000: ces groupes partageaient cette même obsession pour les sixties sans vouloir les pasticher. La présence massive de disques publiés entre 2010 et 2013 dans les mots clefs sur le coté (This Year's Model) en est certainement la plus belle illustration, tout comme nos tops albums 2011 et 2012

2014 et 2015 furent des années plus calmes mais heureusement pas tout à fait blanches: la seconde s'en rapprochant dangereusement, je n'écrivis alors que sur nos propres sorties. Les priorités n'étaient plus les mêmes, notre activité se porta (et se porte toujours bien !) sur les labels (Croque Macadam et Requiem Pour Un Twister), par ailleurs je fus aussi pigiste pour Magic entre février 2014 et avril 2016, jusqu'au dernier numéro avec...Woods en couverture. Les piges me permirent ainsi de défendre la musique qui est au cœur de ma passion (et de l'esthétique de ce blog) depuis des années et je suis ravi d'avoir pu donner un peu d'espace pour défendre des groupes français comme Volcan, Pointe du Lac, Cathédrale, Ben Kerber, Requin Chagrin, Neue Grafik... 

La fin du mensuel fut ainsi une opportunité pour reprendre ici et parler notamment de oldies ce qui me manquait énormément. J'aime l'idée de faire communiquer le passé avec le présent, d'écouter les productions anciennes au regard de la vision de 2016. Le monde des oldies anglosaxon est très bien défini, c'est nettement moins le cas ailleurs, y compris dans le domaine francophone. J'ai ainsi ressenti cette absence en faisant des recherches pour compléter ma collection: l'offre éditorial en matière de musique ancienne non anglo-saxonne sur internet n'est pas pléthorique. J'ajouterai même que le patrimoine français est souvent méconnu voir ignoré ici. Certes, nous n'avons jamais été aussi productifs que les américains ou les anglais mais en creusant un peu on les trouve ces groupes qui redorent nos couleurs. Le plus drôle c'est que c'est aussi le cas de nos voisins européens: il y a de super groupes espagnols, italiens, allemands, polonais, tchèques, yougoslaves, belges, suédois, islandais, hongrois, grecques, néerlandais...

(Pas encore un) Requiem Pour Un Twister est ainsi la millième publication du blog (!), honnêtement nous n'aurions probablement pas imaginé en arriver là neuf ans plus tôt. Tout comme nous n'aurions pas envisagé créer deux labels et sortir plus de 30 disques différents en tout (33 exactement avec les trois à sortir le 8 juillet), ni organiser plein de dj sets au Motel ou à la Mécanique Ondulatoire et les nombreux concerts auxquels nous avons parfois contribué.  Cependant, avons nous encore assez de jus pour aller jusqu'à 2000 sujets postés ? Je ne sais pas, je ne pense pas, écrire est une activité chronophage et aujourd'hui tout seul à encore y consacré du temps ici, je n'imagine guère y parvenir, qui sait ce que me réserve les prochaines années ? Il s'est déjà passé tant de choses depuis 2007 ! Au fond l'une des rares choses constantes dans le temps fut notre amour et notre passion pour la musique et le besoin irrépressible de partager cette envie, de faire connaître et découvrir ces groupes qui nous émeuvent et transcendent pendant quelques courts instants notre existence...

(Pas encore un) Requiem Pour Un Twister car s'il était tentant de faire un bilan de cette presque décennie d'activisme musical, ce n'est certainement pas terminé: l'actualité des labels est excellente et comprend des sorties jusqu'à la fin de l'année au minimum (nous avons 4 albums en projet). Quant au blog, j'ai encore énormément de groupes, morceaux à vous faire découvrir, ma collection de disques se porte très bien et je continue de découvrir toutes les semaines des morceaux fascinants dont certains seront évoqués ici à n'en pas douter. Grande nouveauté je tiens aussi cet été une émission sur Radio Campus Paris et hasard des calendriers le premier numéro est à écouter ce soir de 20h à 21h ! En attendant fêtons comme il se doit ces milles articles avec la chanson qui a donné naissance d'une certaine façon à ce blog puis au label: Requiem Pour Un Twisteur du grand Serge Gainsbourg. Donnons nous rendez vous pour les dix ans en avril prochain, et peut-être un jour pour les 1500 articles ?

dimanche 3 juillet 2016

Plus vraiment Soft mais plus Machine que jamais

Les algorithmes sont aussi fascinants qu'agaçants: ils peuvent vous glisser d'affreuses peaux de bananes sur la route sinueuse de la découverte mais sont aussi capables de vous surprendre ponctuellement. Je consulte ainsi de temps en temps les playlists de Spotify, à ce jour je n'y ai fait aucune réelle découverte mais j'ai pu apprécier que ce satané ordinateur était capable d'identifier une partie de mes goûts avec une précision étonnante. Citons en vrac dans celle de cette semaine: The dBs (blog), Todd Rundgren, Make Up, Ultimate Painting, Miracle Religion (avec mon morceau préféré all the best) etc. Pointu et cool !

Les algorithmes se plantent aussi parfois sévèrement, ainsi Spotify est-il convaincu que j'aime les tubes de variété parce que j'écoute certains titres (précis) de chanteurs français, ils me proposent ainsi un hit disco de Dalida, supposant qu'ayant écouté Monty, Johnny ou Nino cela devrait être ma came. Les algorithmes n'arrivent donc pas ici à identifier mon comportement d'écoute car il est probablement noyé dans une masse d'informations ne faisant pas la subtile distinction que j'opère. Pour prendre un exemple un peu analogue, il suffit de regarder la liste des recommandations pour les Beatles sur last fm , les choix se portent naturellement sur des groupes très écoutés comme les Beatles plutôt que sur des groupes ressemblant aux liverpuldiens comme pourraient l'être les Searchers, Gerry and the Pacemakers etc. Ainsi les Hollies apparaissent-ils après Led Zeppelin.

Soyons honnête, je ne pense pas les algorithmes d'aujourd'hui pas capable de précéder le travail humain d'analyse et de rapprochement, c'est à dire le conseil du disquaire, le partage entre passionnés, les chroniques de disques, les compilations, les playlists etc. cependant la qualité des recommandations bénéficient aujourd'hui d'une acuité surprenante voir troublante. Le développement de l'intelligence artificielle n'en est ainsi qu'à ses débuts et le deep learning laisse entrevoir un futur peut-être dirigé par Bêta Gamma l'Ordinateur... Il risque en tout cas d'améliorer la qualité des recommandations, peut-être en analysant directement la musique (accords, instruments, tempo...).

Revenons-en à nos moutons... Cette longue digression m'amène à une excellente découverte effectuée grâce à un algorithme et aux écoutes d'autres internautes sur youtube: Soft Space de Soft Machine. Le morceau s'en effet naturellement enchainé à une de mes écoutes récentes: Chaos de Quartz. Je ne sais pas si les deux titres sont dans la même veine, il est évident en tout cas que Soft Space des britanniques est exactement dans ce que j'ai envie d'écouter (électronique, planant, abstrait, voir cosmique...) et une très belle découverte ! Le morceau est une rencontre fantasmée entre Moroder (l'influence d'I Feel Love sur la basse me semble évidente) et des séquences songeuses et mouvantes de Tangerine Dream période Phaedra avec un soupçon de Terry Riley peut-être... Autant dire que la chose a de quoi m'émoustiller mais en revanche elle énerve profondément les amateurs de Soft Machine. En effet à l'époque d'Alive and Well (l'album sur lequel figure ce morceau également publié en single - coupé en deux parties assez harmonieusement), le groupe britannique ne ressemble guère à la formation majeure de l'école de Canterbury qu'elle était une décennie plus tôt. Il ne reste aucun membre de la formation originale, Karl Jenkins en est le leader mais il n'est évidemment pas aussi apprécié que Wyatt, Ayers, Allen, Hopper ou Ratledge... Pour ne rien arranger à son cas, le Karl a commis une bien vilaine chose dans les années 90. Mais voilà, que ce ne soit pas le Soft Machine original ou que Karl se soit perdu en chemin importent au fond peu. Soft Space est un super morceau électronique, hallucinant pour 1978 et d'une modernité que n'a pas forcément tout le répertoire plus jazz rock du groupe ! Concluons sur une boutade: pensez vous qu'un algorithme va désormais associer Monty et Soft Machine ?

vendredi 1 juillet 2016

Ultimate Painting ne fait pas de la figuration

Ultimate Painting et Woods ont réalisé une tournée commune et afin de célébrer l'affaire, leurs labels respectifs (le génial Trouble In Mind et Woodsist) ont édité ensemble un 45 tours. Ainsi chaque groupe occupe une face avec un titre inédit. 

Know Your Minute des américains de Woods est un honnête titre, une face B qui fait le job mais ça sent un peu le morceau écarté de With Light and With Love. La production évoque en tout cas d'avantage le précédent effort de cette fabuleuse formation que leur récent ouvrage au son ambitieux... City Sun Eater In the River Of Light a en effet tout d'une rupture avec une certaine idée du groupe, celle que nous défendions ardemment dans ces pages depuis cinq ans et l'excellent Sun & Shade (blog). Peut-être pas un adieu définitif mais beaucoup d'interrogation, puisse le prochain album nous refaire tomber amoureux de ces outsiders magnifiques.

Into the Darkness d'Ultimate Painting est la merveille du disque, peut-être même une des meilleurs compositions du groupe. N'ayant jamais évoqué ici cette passion revenons un peu sur le duo anglais. Formé par Jack (de Mazes) et James (ex-Veronica Falls et actuel Proper Ornaments), le groupe aligne les compositions délicates dans lequel les guitares s'entrelacent et les voix se marient avec précision. Leurs deux albums sont excellents, avec peut-être une légère préférence pour le premier et sa fraîcheur. Depuis leurs débuts, les anglais ont cette faculté d'arriver à faire quelque chose de personnel avec des références qui pourraient être pesantes pour beaucoup d'autres formations (le Velvet Underground en tête). Si leur musique est sobre voir raide à première vue, une écoute attentive en révèle l'absolue beauté, Ultimate Painting écrit de super chansons et Into the Darkness en est une magnifique illustration. Less Is More avait coutume de dire Ludwig Mies van der Rohe, la maxime semble aussi parfaitement rejoindre les aspirations du duo anglais.


mercredi 29 juin 2016

Les One Hit Wonders qui n'en furent pas

Dimanche dernier j'étais aux puces, un de mes endroits favoris pour chercher des disques d'occasions à Paris (avec Plus de Bruit bien sûr). J'y ai dégoté une petite dizaine de 45 Tours, pas des choses forcément très rares mais amusantes, étonnantes et pas hors de prix. Ainsi ai-je pu continué d'alimenter ma récente obsession pour Henri Salvador, en effet après avoir découvert Carnaby Street ou Beta Gamma L'Ordinateur (blog), j'ai l'agréable surprise de constater que Salvador mérite bien plus que d'être réduit à l'éternel amuseur public ou dans le meilleur des cas à un chanteur revenu du purgatoire pour son come back incroyable. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir un jour, je vous donne néanmoins des indices: écouter ses disques de la première moitié des années soixante dix. Autre axe - bien involontaire cette fois-ci - d'achats: le glam ! En effet deux de mes prises sont dans cette veine que j'apprécie beaucoup mais ne collectionne pas prioritairement: j'adore tomber dessus mais je n'irai pas forcément enchérir sur une rareté sur eBay.

The One Hit Wonders n'en sont pas vraiment: leur unique single, sous ce nom, n'a guère obtenu le succès escompté. Ce groupe ou plus probablement projet studio est aussi connu sous le nom de Rusty Harness, il comprend dans ses rangs un nom pas inconnu des obsessionnels sixties: Mike Berry. Ce dernier fut en effet l’interprète d'un des plus gros hit de Joe Meek A Tribute to Buddy Holly en 1960. Le glam, fut ainsi une occasion inespérée pour d'anciennes gloires ou aspirants à la célébrité de se refaire une santé. En effet, si certains groupes s'éloignèrent des canons Rock & Roll (Roxy Music), le glam fut en partie un retour au source et aux années cinquante, avant les déferlantes psychédéliques.... Pensons au chanteur de Mud fan d' Elvis ou Alvin Stardust chanteur rock & roll britanique du début des 60s requinqué par cette vague de paillettes. L'unique simple de nos One Hit Wonders évoque quant à lui moins Buddy Holly que le garage et la musique beat des années 60. La face A de leur simple ressemble en effet à un croisement (voir un pastiche) entre Little Girl des Syndicate of Sound et Everybody needs somebody to love de Solomon Burke (ou la reprise des Stones). Petite différence de taille: un son énorme gonflé aux stéréoïdes avec un pied très présent, cela ne s'entendra pas forcément sur la vidéo yoututbe mais je vous assure qu'en 45T ça tranche nettement avec le son sixties. La face B, la très recommandable Goodbye conclue l'affaire dans le même registre, l'orgue est délicieusement garage mais la production bien plus musclée: ce sera aussi le mot de la fin pour le groupe !

lundi 27 juin 2016

Une petite introduction aux synthétiseurs - les précurseurs

Il y a neuf ans de cela j'écrivais un petit article d'introduction sur la synthèse dans ce même blog (lien). Il était peut-être temps de revenir sur le sujet, préciser certains points et en réaffirmer d'autres par la même occasion. 

Tout d'abord qu'est-ce qu'un synthétiseur ? La question peut sembler a priori stupide, elle ne l'est pourtant pas: le langage courant en donne une bien imprécise définition ! Comme son nom l'indique, dans un synthétiseur il est question de synthèse, le synthétiseur doit donc être capable de ... synthétiser des sons, c'est à dire être capable d'en créer, modifier etc. Pour se faire le synthétiseur fait appel à des technologies différentes. Il existe ainsi de nombreuses synthèses, y compris parfois spécifiques à un modèle particulier. Cependant il est possible de dégager quelques tendances fortes, en fonction des époques, l'occasion de rappeler aussi quelques évolutions, intéressons nous aujourd'hui aux précurseurs.

Les inventions des pionniers
À partir de la fin du 19ème siècle, les ingénieurs, physiciens s'intéressent à l'électricité et à la conduction du son. Cet intérêt aboutit à des inventions majeures au début du siècle suivant: le Théremine (de Lev Termen) en 1917 ou encore les Ondes Martenot (de Maurice Martenot) en 1928. Ces instruments ont des principes de génération du son proches (de mémoire des oscillateurs à haute fréquence) et il est possible de confondre l'un et l'autre sur des enregistrements cependant ils se distinguent très nettement au niveau du jeu. Le son est éminemment fantomatique et pur, il se rapproche de la texture des violons tout en étant plus doux, il évoque aussi les ondes sinusoïdales. 

Le Thérémine est conçu autour de deux axes (antennes): l'un contrôle la hauteur de la note, l'autre son volume. En apparence très simple, il s'agit d'un instrument très exigent à maîtriser (si l'on veut faire autre chose que du bruit avec) mais capable d'une expressivité étonnante. Un exemple. Plus d'informations.

Les ondes Martenot adoptent une interface plus proches des lutheries d'instruments déjà existants à l'époque autour d'un clavier, le musicien bénéficie ensuite d'une pédale pour gérer le volume et d'un ruban pour effectuer des glissando.  Cet instrument est très vite adopté par le compositeur de musique contemporaine Olivier Messiaen.  Un exemple et plus d'informations.

On retrouve aussi dans les années 40 des technologies proches (dérivées des Ondes Martenot) dans l'Ondioline ou le Clavionile, des instruments particulièrement apprécié dans la musique pop et que l'on confond souvent les uns avec les autres... Ains Runnaway de Del Shannon utilise un clavioline (youtube) tout comme Telstar des Tornados (youtube). Good Vibrations des Beach Boys utilise quant à lui une variante du theremin appelé electro-theremin (youtube).

Les orgues
Les orgues électroniques sont une autre étape essentielle, en deux temps, du développement de la synthèse sonore.
À partir des années 30 se développent les orgues électromécaniques, les célèbres orgues Hammond (créés par Laurens Hammond), il s'agit ici d'une génération physique du son (puis généralement amplifié/modifié électriquement) et non électronique. Par exemple, on classe également les pianos électriques (Rhodes, Wurlitzer, Clavinet...) dans cette même catégorie. L'orgue Hammond repose sur les roues phoniques, un principe électromécanique de 91 pignons tournant dans un champ magnétique. Ces roues phoniques évoque la synthèse additive puisqu'elles permettent d'enrichir en harmonique le signal grâce aux fameuses tirettes blanches et noires... L'orgue Hammond est mis en production en 1935 avec comme ambition de remplacer les encombrants orgues des églises à tuyaux. En 1955 sort le modèle le plus mythique de la marque, le fameux B-3 utilisé par un nombre incalculable d'artistes pop, jazz, funk, soul... Ainsi dans années soixante le son chaud des orgues Hammond (B-3 et les autres) figure dans un nombre incalculables de hits depuis The Cat de Jimmy Smith, en passant par Green Onions de Booker T and the MGs, Requiem Pour Un Twister de Gainsbourg ou Gimme Some Lovin' de Spencer Davis Group...

Dans les années 60 apparaissent les combo organs, que l'on peut raisonnablement considérer comme les instruments électroniques parmi les premiers à avoir été massivement diffusés. En effet grâce aux technologies transistor et division de fréquence (en général 12 oscillateurs, 1 par note, qui permettent de couvrir plusieurs octaves, pour en savoir plus), le son est généré électroniquement (l'oscillateur génère une forme d'onde riche) avant d'être filtré globalement (une différence notable avec les polyphoniques où chaque oscillateur dispose de son propre filtre). Comme il y a un oscillateur par note, la polyphonie de l'instrument est totale, cependant ses caractéristiques sonores sont assez limités (une seule forme d'onde, modulation d'amplitude et de filtrage fixe et limitée). Ces orgues furent très populaires dans les années 60 et sont une des caractéristiques sonores les plus saillantes du garage-rock, on les retrouve sur presque tous les classiques du genre (Liar Liar, Incense & Peppermints,...) . Les modèles les plus célèbres (l'anglais Vox Continental, l'italien Farfisa Compact, le néerlandais Philicorda) sont aujourd'hui très recherchés.

À la fin des années 70 la technologie transistor/division de fréquence trouve un second souffle dans les fameuses string machines que l'on trouve également dans un nombre incalculable de disques (Equinoxe de Jean Michel Jarre ou I Feel Love de Donna Summer avec Moroder...). L'astuce pour réactualiser le son a surtout consisté à intégrer de généreux chorus donnant une ampleur et un soyeux inimitables aux criards orgues 60s (que j'adore évidemment). Parmi les modèles les plus connus: Arp Solina, Crumar Multiman, et bien d'autres (Roland RS-202 par exemple)...

(dans lequel on peut entendre une "string machine")

jeudi 23 juin 2016

Le Duke est-il marquis ?

Récemment nous évoquions ensemble les groupes tentant, vainement, de capitaliser sur le succès de Procol Harum en pastichant le nom du groupe (Prock Harson). L'Italien Mario Battaini eut un peu plus de succès en montant The Duke Of Burlington et en reprenant "Flash" du groupe anglais... Marquis Of Kensington ! La face b du simple "Sister Marie" fut ainsi un tube pour le transalpin en France et en Italie et le départ d'une carrière (trois albums) sous l'étrange sobriquet de meneur de Piccadilly (wikipedia).

Quelle version de "Flash" est la définitive ? à vous de voir, l'instrumental fuzzy gainsbourien a dans tous les cas son charme. Il est évident qu'en France vous croiserez néanmoins bien plus souvent le Duke latin que notre Marquis anglo-saxon. Il se cache ainsi tous les week-ends, dans toutes les bonnes brocantes de France ! Doit on ainsi considérer la version la plus connue ou l'originale comme référence ? Si l'italien rendit une copie plus soignée et mieux branlée, ne négligeons pas la nature plus rock et ébouriffé de l'anglais. Contrairement à l'usage dans le tournoi des six nations (où l'Angleterre surpasse toujours l'Italie), déclarons match nul pour les deux européens !   

mardi 21 juin 2016

Dans les griffes de Freddie Meyer

Freddie Meyer est un chanteur d'origine américaine. Originaire de l'Ohio, là bas il joua dans un combo garage qui ouvrait pour les stars américaines ou anglaises comme les Byrds. En 1968, il s'installa en France, à St Tropez, où il monta le groupe The Soul Company, futur Dynastie Crisis, à ce sujet son site internet est assez old school mais fascinant. Je ne sais pas si le groupe auteur du fantastique "Faust 72" (youtube) accompagna Freddie sur ce 45 tours néanmoins les deux chansons sont co-signées par Philippe Lhommet ex-Rotomagus (voir le blog) et donc futur Dynastie Crisis (blog). 

"Isn't it wonderful" est un slow de mémoire, je n'en garde en effet pas un souvenir impérissable, en revance... la face B "Love Me" est terrible ! Le tempo est relevé, l'orgue déchaîné, Freddie se donne à fond, ça balance sévère avant ce pont psychédélique et mystérieux pour mieux renvoyer la sauce derrière ! "Love Me" est une pastille temporelle de 1969, elle évoque d'autres faces B dont l'excellente "Magic Mirror" des Aphrodite's Child pour l'absence de guitare et l'usage de l'orgue au premier plan, elle tire cependant moins sur le hard rock et plus sur le groove mais sans néanmoins abandonné l'idée d'être sauvage et indomptable !

dimanche 19 juin 2016

The Honeycombs: plus que du miel pour les oreilles

Le 3 février 1967, Joe Meek tua sa propriétaire avant de se donner la mort. Ce suicide faisait écho à une autre mort, celle de Buddy Holly huit ans plus tôt dans un accident d'avion connu comme The Day The Music Died (wikipedia). Joe Meek était alors confronté à de sérieux problèmes financiers et ce, malgré de nombreux hits: les droits du plus important d'entre eux ("Telstar" des Tornados) étaient bloquées par une procédure judiciaire. Son homosexualité assumée fut aussi source de problèmes dans une époque beaucoup moins tolérante que la nôtre et dans laquelle, l'orientation pour le même sexe était vue comme criminelle.Ainsi Meek pensa être le principal suspect de policiers qui enquêtaient sur un meurtre sordide...Une impression qui précipita peut-être son pétage de plomb.

Joe Meek au delà d'être paranoïaque, légèrement fou (il pensait pouvoir enregistrer les morts en plaçant des enregistreurs dans les cimetières) fut surtout un véritable pionnier de la production. Il fut ainsi l'un des premiers producteurs indépendants britanniques (à ne pas être salarié d'une maison de disque) et obtint trois numéro 1 pendant sa carrière. Au delà de ces succès, le son Meek reste reconnaissable entre tous en 2016, il est unique à bien des égards: compression très importante, sons électroniques délirants, batterie se rapprochant de percussions primitives, extraits sonores, guitares agressives... Cette marque de fabrique se retrouve ainsi autant sur les classiques freakbeat (The Buzz "You're holding me down" ou "Crawdaddy Simone" des Syndicats) que les tubes pop produits par Meek comme "Telstar" (youtube) des Tornados, second numéro 1 britannique aux USA de l'histoire!  

Son dernier numéro un, il l'obtint en 1964 avec les Honeycombs et "Have I The Right?" écrite par  Ken Howard et Alan Blaikley qui démarrèrent là une prolifique carrière de songwritters... Le groupe originaire du nord de Londres, s'appelait à l'origine The Sheratons. Après avoir auditionné pour Meek, ils enregistrèrent donc cette composition d'Howard et Blaikley, un duo qui les avaient approchés à un de leurs concerts très peu de temps avant leur rencontre avec Meek. Le groupe devint ensuite Honeycombs grâce au patron de PYE (chez qui le disque fut publié) inspiré par la présence (rare pour l'époque) d'une batteuse dans la formation: Honey Lantree. Le morceau est un classique beat marqué par une rythmique martelé impressionnante (youtube), peut-être inspira-t-elle les Strangeloves et leur "I want candy" quelque temps plus tard ? 

"That's the way" , leur cinquième single est aussi leur dernière entrée dans le top anglais à une plus qu'honorable douzième place. Signée par Howard & Blaikley, la chanson est une honête composition mais constitue pourtant pas la surprise de ce 45 tours. En effet, Joe Meek prit soin de glisser en face B une de ses compositions, la redoutable "Can't get through to you". Si la chanson des Honeycombs ne boxe pas dans la même catégorie que "Crawdaddy Simone" elle n'en reste pas moins impressionnante et étonnante. Sur une rythmique frénétique et survoltée, une guitare vicieuse vous vrille le cerveau, le tout donne l'impression d'un rush intense de caféine à vous donner une crise cardiaque. Brillant !

vendredi 17 juin 2016

Tritons: insatisfaction

Si vous regardez régulièrement les 45 tours d'occasion vous êtes nécessairement tombé un jour sur "I can't get no satisfaction" de Tritons. Une curiosité très peu onéreuse et que vous devriez prendre malgré les doutes évidents que vous pourriez avoir en apercevant une telle pochette. En toute franchise, j'ai du mal avec la reprise des Rolling Stones (youtube), elle est assez casse-bonbons mais elle leur permit d'obtenir un énorme hit en Italie et en France en 1973. Je ne doute pas un instant que le facteur novelty a joué dans le succès de ce morceau. En effet, enregistré par le groupe italien Ibis (une des nombreuses ramifications des New Trolls), ces dernières ne s’attendirent certainement pas que cette modeste récréation devienne un tube 

Tritons devint donc aussi à son tour une branche de la famille New Trolls dont l'histoire est quelque peu complexe ! Dans les grandes lignes, après le succès de "satisfaction" les Tritons (Ibis) quittèrent leur label pour un autre. L'ancien label (Fonit) édita alors sous le nom de Tritons un groupe anglais de reprises pendant que les Tritons (Ibis) firent un album pour Polydor. Pour ne rien arranger, l'ancien batteur des Ibis/New Trolls qui avait participé à l'aventure Tritons sur leur premier simple continua également d'employer le nom sous une forme proche: Johnny ex-chanteur des Tritons ! Bref il existe ainsi trois formations (ou deux selon la manière de compter la dernière) différentes à se revendiquer Tritons ! Bonjour la confusion pour les amateurs !

Comme je le mentionnais précédemment, je ne suis pas particulière amateur de la face A, vous commencez à me connaître, j'ai retourné le 45T et écouté l'autre proposition...Et là grosse claque ! "Drifter" ne brille certes pas par son chant quelque peu approximatif mais quel cool morceau heavy psychédélique ! L'orgue est fiévreux, la batterie frénétique, la guitare chauffée à blanc ! Bref, le genre de trouvaille qui fait très plaisir la première fois que l'on tombe dessus pour 50 centimes...avant d'arrêter de la prendre quand on l'a en 3 ou 4 exemplaires !