Année passée en revue : 2003

L’année 2003 a représenté un tournant dans l’histoire du monde. L’impérialisme américain, avec la complicité de toutes les principales puissances, a lancé une guerre brutale et illégale contre l’Irak. Défiant la volonté de la majorité de la population mondiale – qui est descendue par millions dans la rue pour protester – les puissances impérialistes, poussées par des contradictions économiques insolubles, ont intensifié une campagne militaire de la prédation et de la conquête mondiale.


La course à la guerre

L’année a débuté avec pour toile de fond une guerre imminente et une crise économique grandissante. En près de 700 articles, le World Socialist Web Site a analysé les causes fondamentales de la catastrophe en cours, élaborant l’unique perspective viable pour la défaite du militarisme américain. Dans « À la veille de la guerre américaine contre l'Irak: le défi politique de 2003 » publié le 6 janvier, le comité de rédaction du WSWS mettait en garde que le gouvernement de George W. Bush avait déjà pris la décision de faire la guerre.

Il n'y a rien que Bagdad puisse faire, y compris éliminer Saddam Hussein, qui empêchera une invasion par les États-Unis. Bush ne trompe personne lorsqu'il dénonce l'Irak pour violer des résolutions de l'ONU. Washington ne cherche pas à ‘désarmer’ l'Irak, pas plus qu'il ne cherche le départ de Hussein. Il cherche plutôt à occuper le pays et se saisir de son pétrole. 

L’occupation de l’Irak ne sera pas la dernière guerre menée par la classe dirigeante américaine dans le but de sauvegarder sa position hégémonique mondiale :

La même logique qui sous-tend la guerre contre l'Irak va inévitablement mener à la guerre contre l'Iran, la Syrie ainsi que d'autres pays de la région. La campagne américaine pour dominer les ressources pétrolières du monde va conduire à des luttes acharnées entre les nations plus puissantes, y compris la Russie, la Chine ainsi que les grandes puissances rivales des États-Unis en Europe et le Japon. La conquête de l'Irak par les États-Unis va débuter un processus dont le terme est la Troisième Guerre mondiale.

Pour justifier son acte d’agression, le gouvernement Bush a employé des mensonges de plus en plus impudents et tournant autour de l’affirmation que Saddam Hussein entretenait des liens avec al Qaïda et qu’il possédait des « armes de destruction massive » (ADM).

Le 5 février, le secrétaire d’Etat américain Colin Powell avait prononcé son tristement célèbre discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Dans une déclaration publiée le lendemain et intitulée « Le discours de Powell à l’ONU déclenche le compte à rebours de la guerre contre l’Irak » (Powell's UN speech triggers countdown to war against Iraq), le comité de rédaction du WSWS soumettait sa présentation en faveur de la guerre à une analyse poussée en remarquant que « la décision était fondée sur un mensonge colossal : à savoir que l’invasion à venir porte sur les armes irakiennes de destruction de masse et sur la prétendue menace représentée par Bagdad pour la sécurité de l’ONU et la paix mondiale. »

Aux Etats-Unis, Bush a compté sur les médias et le Parti démocrate pour vendre ces mensonges au peuple américain. Les mass médias se sont servis du discours de Powell pour proclamer unanimement (unanimously proclaim) qu’il était une condamnation « irréfutable » du régime irakien. Le WSWS a souligné qu’un nombre de commentateurs libéraux avaient été contraints de rédiger leurs déclarations de soutien inconditionnel aux affirmations de Powell avant que le secrétaire d’Etat n’eût même fini de parler.

Le New York Times a mentionné les remarques de Powell comme étant « à ce jour les arguments les plus solides. » Les journalistes du Times ont joué un rôle crucial dans la promotion des mensonges utilisés par Powell et le gouvernement Bush. La correspondante du Times, Judith Miller, faisant office de porte-parole du Pentagone, a publié une série de reportages sensationnels pour étayer la thèse de l’existence d’armes chimiques et biologiques. Le chroniqueur en chef et spécialiste des affaires étrangères au Times, Thomas Friedman, incarnait le cynisme et la réaction de l’establishment libéral dans ses efforts pour masquer l’agression du gouvernement en lui donnant une tournure « démocratique ».

Aucune section significative du Parti démocrate (No significant section of the Democratic Party) ne s’est opposée à ce complot criminel, et le sénateur Joseph Biden et la sénatrice Dianne Feinstein ont immédiatement déclaré que le discours de Powell était « irréfutable ». John Kerry qui sera le candidat démocrate à la présidence en 2004, a déclaré qu’il était nécessaire d’« affronter la menace des armes de destruction massive » tout en exhortant le gouvernement Bush de solliciter un soutien international pour toute intervention militaire.

Le gouvernement Bush a aussi bénéficié d’une aide essentielle de la part d’autres grandes puissances, notamment de la Grande-Bretagne dirigée par le premier ministre travailliste, Tony Blair. Dans une série de dossiers du service de renseignement, Blair avait fait des affirmations de plus en plus sinistres, dont celle que Hussein avait cherché à obtenir de l’uranium du Niger pour de possible armes nucléaires et qu’il pourrait déployer des ADM en l’espace de 45 minutes (incitant le Sun à titrer à la Une en septembre 2002 : « Les Britanniques à 45 minutes de l’apocalypse »- « Brits 45 Mins from Doom »).

Le lent déroulement du cauchemar des préparatifs de guerre a provoqué une opposition de masse partout dans le monde. Les 15-16 février, les plus vastes protestations anti-guerre de toute l’histoire eurent lieu. Plus de dix millions de gens ont défilé (More than ten million people marched) dans plus de 60 pays et 600 villes, des manifestations ayant lieu sur chaque continent, y compris l’Antarctique. Les manifestations ont rassemblé 3 millions de personnes à Rome, le plus important rassemblement anti-guerre individuel de toute l’histoire. Un million et demi de gens ont participé au rassemblement de Madrid, et un million de personnes sont descendues dans les rues de Londres. Aux Etats-Unis, au moins 225 manifestations différentes ont eu lieu, 400.000 personnes défilant à New York.

Un New York Times nerveux a fait ce commentaire que les manifestations avaient montré « qu’il y avait peut-être deux superpuissances sur la planète : les Etats-Unis et l’opinion publique mondiale. Dans « Un événement d'une signification historique mondialeDéclaration du bureau éditorial du World Socialist Web Site », le WSWS a souligné qu’après la mobilisation internationale coordonnée « Ces puissantes manifestations ont fait voler en éclat toute prétention de légitimité politique démocratique que pouvaient avoir les politiques guerrières de l'administration Bush aux États-Unis et le régime Blair en Angleterre. »

L’éruption des protestations de masse n’a fait que souligner le fait que ce sentiment n’avait pas trouvé d’expression politique organisée. Les sections du Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) et leurs partisans ont diffusé le tract « Les tâches que le mouvement contre la guerre doit confronter Déclaration du comité de rédaction du World Socialist Web Site » qui a réclamé une orientation vers la classe ouvrière sur la base d’une lutte pour un programme socialiste.

Aux Etats-Unis, non seulement les Républicains mais aussi les dirigeants Démocrates soutiennent comme un seul homme la guerre. En Europe, même les gouvernements et partis qui, à ce stade, rejettent une attaque militaire, admettent que les plans de guerre de l'Amérique peuvent être plausibles et légitimes…

Le mouvement contre la guerre doit se transformer en un mouvement politique puissant de la classe ouvrière. Cela exige un programme basé sur la compréhension des causes et des forces motrices de cette guerre. Il ne s'agit pas de créer l'unité à tout prix; c'est la clarté qui est l'exigence du jour.

La déclaration a spécifié que pour aboutir, l’opposition contre la guerre ne pouvait pas être subordonnée « à des partis ayant un pied, voire les deux dans le camp de l’ordre bourgeois, c’est-à-dire non seulement les Démocrates aux Etats-Unis, mais aussi les Sociaux-Démocrates, les Verts, le PDS allemand, le Parti communiste français et la Gauche démocrate en Italie. »

Les préparatifs de guerre contre l’Irak ont exposé des conflits grandissants entre les principales puissances. Les tensions étaient vives lorsque le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, avait bloqué les tentatives entreprises par les Etats-Unis pour obtenir l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU pour une invasion de l’Irak. La France et l’Allemagne (Paris, Berlin et la guerre contre l'Irak) n’ont toutefois émis aucune objection de principe à l’encontre de cette guerre. Le WSWS avait écrit (Un entretien avec Jacques Nikonoff, président d'Attac) en opposition au groupe Attac français de « gauche », « Si la France est 'pacifiste' dans la crise actuelle c'est parce qu'elle se trouve militairement dépassée et n'a d'autre choix pour le moment que de poursuivre des efforts diplomatiques pour réduire les ambitions américaines. Que les circonstances changent et rien n'empêcherait Paris ou Berlin de déclencher leurs propres guerres prédatrices et de conquête. »

 


L’invasion de l’Irak

La population mondiale a vu avec horreur l’impérialisme américain et ses complices criminels commencer l’anéantissement de la société irakienne. « Le 21 mars 2003, (March 21, 2003 is a shameful day in US history) est un jour honteux de l’histoire américaine » écrivait le WSWS, alors que « Les États-Unis préparent un blitzkrieg «Choc et Intimidation» pour l'Irak » et transforment Bagdad en brasier. Il n’est pas surprenant que la population irakienne n’ait pas salué les troupes de l’envahisseur comme des libérateurs et qu’une guérilla acharnée fut menée dans de nombreuses villes.

Le 21 mars, le jour de l’invasion, le WSWS publiait une déclaration du président du comité de rédaction, David North, « La crise du capitalisme américain et la guerre contre l'Irak, » qui débutait ainsi :

L'invasion non provoquée et illégale de l'Irak par les États-Unis est un événement des plus infâmes. Les criminels politiques à Washington qui ont lancé cette guerre, et les scélérats dans les mass médias qui se complaisent dans le bain de sang, ont couvert ce pays de honte. Des centaines de millions de gens dans tous les coins du monde sont horrifiés par le spectacle d'une puissance militaire brutale et débridée en train de pulvériser un petit pays sans défense. L'invasion de l'Irak est une guerre impérialiste dans le sens classique du terme: un vil acte d'agression perpétré dans l'intérêt des sections les plus réactionnaires et rapaces de l'oligarchie financière et industrielle américaine. Son but ouvert et immédiat est l'établissement d'un contrôle sur les grandes ressources pétrolières de l'Irak et la réduction de ce pays longtemps opprimé à un protectorat colonial des États-Unis.

L’invasion de l’Irak est une guerre d’agression, illégale au regard du droit international qui a été développé après les Première et Seconde Guerres mondiales. North a écrit, « La ‘guerre par choix’ qui a été lancée par l'administration Bush n'est pas fondamentalement différente dans un sens légal des décisions et actions pour lesquelles les chefs nazis ont été jugés et pendus en octobre 1946. »

La classe dirigeante américaine a organisé l’invasion de l’Irak afin de prendre le contrôle du pétrole irakien, ce qui faisait partie d’une stratégie plus générale consistant à utiliser la force militaire pour contrer le déclin économique du capitalisme américain. La guerre sans fin a aussi servi de mécanisme pour réorienter vers l’extérieur des tensions de plus en plus explosives aux Etats-Unis mêmes. La tentative de résoudre la crise du capitalisme américain au moyen de l’agression impérialiste était toutefois vouée à l’échec.

Quel que soit le résultat du stade initial du conflit qui a commencé, l'impérialisme américain a pris un rendez-vous avec le désastre. Il ne peut conquérir le monde. Il ne peut réimposer des chaînes coloniales aux masses du Moyen-Orient. Il ne trouvera pas dans la guerre une solution viable à ses maladies internes. Au contraire, les difficultés imprévues et la résistance montante engendrées par la guerre vont intensifier toutes les contradictions internes de la société américaine. 

Les responsables du gouvernement et les promoteurs de la guerre avaient prédit une « sinécure » avec les troupes américaines accueillies en libérateurs. Quelques jours à peine après l’invasion, la résistance à l’invasion a toutefois brisé la propagande au sujet d’une guerre de « libération. » Peu de temps après que la poussière était retombée au sujet de la mise en scène du renversement de la statue du président irakien Saddam Hussein (Les événements arrangés du Square Firdos à Bagdad: fabrication d'images, mensonges et la «libération» de l'Irak) et que la « Bataille de Bagdad » avait été déclarée terminée, l’opposition initiale des masses irakiennes se développa en une insurrection à part entière et qui durera des années. La réalité de la mainmise de plus en plus précaire exercée par les impérialistes sur le pays a été prouvée en août lorsqu’un camion piégé a explosé en tuant (a truck bomb killed) le représentant spécial de l’ONU en Irak, Sergio de Mello.

Pour la population irakienne, l’invasion a marqué une nouvelle période de catastrophes au cours de laquelle une société entière a été mise en lambeaux. Dans « Le viol de l'Irak, » publié un mois et demi après l’invasion, le WSWS a comparé la guerre aux conquêtes brutales réalisées par les nazis au 20ème siècle à travers toute l’Europe.

L'Irak est aujourd'hui en ruines. Une campagne que l'on peut mieux décrire comme un massacre que comme une guerre a résulté en des pertes civiles et militaires qui se comptent en dizaines si ce n'est en centaines de milliers de personnes. Les hôpitaux, les écoles, la production de l'électricité, l'approvisionnement en eau, le système des égouts, la collecte des ordures et toute autre infrastructure nécessaire pour la vie d'une société très urbanisée ont été détruits. Le choléra et d'autres maladies ont atteint le niveau de l'épidémie.

L’éditorial examinait en détail les intérêts qui étaient en jeu et les projets de privatisation et de pillage des ressources irakiennes. Cette « guerre pour la démocratie » transformera finalement plusieurs millions d’Irakiens en réfugiés, en orphelins, en invalides et en cadavres. L’hypocrisie qui se cache derrière le faux prétexte des ADM a été brutalement mis en lumière avec le recours des impérialistes aux bombes à fragmentation (cluster bombs) et aux armes à l’uranium appauvri (depleted uranium weapons) et utilisés contre la population irakienne.

En mai, Bush avait proclamé la victoire et la fin des grandes opérations de combat en Irak dans son fameux discours de la ‘mission accomplie’ (“Mission Accomplished” speech). Après avoir été mis devant un fait accompli, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est aligné en votant l’approbation de l’occupation militaire continue de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sanction the continued military occupation of Iraq by the US and Britain en fournissant une absolution pour crimes « passés, présents et futurs. »

Alors que la guerre s’éternisait, le WSWS a continué à exposer la fausse attitude « anti-guerre » de la France et de l’Allemagne qui ne cherchaient à utiliser l’ONU que pour accroître leur propre influence, ouvrant pour les sociétés européennes l’accès au pétrole de l’Irak et garantissant aux grands groupes européens un rôle à jouer dans les projets de reconstruction. (Une poignée de main et un discours marqué par la lâcheté. Le chancelier Schröder vole au secours du président Bush) Alors que le chancelier allemand Gerhard Schröder adaptait sa rhétorique politique aux solides sentiments anti-guerre qui régnaient au sein de la population allemande, lui et ses partenaires Verts, ont rapidement appuyé l’occupation et permis à la machine de guerre d’opérer à partir de la base aérienne de Ramstein qui a servi de plaque tournante la plus importante pour l’acheminement du personnel et de l’approvisionnement militaires à la zone de combat.

Lorsqu’il était devenu évident que l’Irak n’avait jamais possédé d’ADM (WMDs), l’opération  de supercherie des impérialistes s’est désagrégée. Des demandes d’ouverture d’enquête sur le rôle joué par le premier ministre Tony Blair pour élaborer les prétextes absurdes pour la guerre s’étaient initialement heurtés à des dissimulations (cover-ups) et des blanchissements (whitewashes). Après la mort suspecte du lanceur d’alerte et inspecteur en armement pour l’ONU, David Kelly, des demandes en faveur d’une enquête aboutirent à l’Enquête Hutton qui a fourni la preuve irréfutable (Grande-Bretagne: Les leçons politiques de l'enquête Hutton) des mensonges de Blair et des hauts responsables britanniques.

A la mort de Hussein en décembre, des membres du gouvernement Bush et les médias ont réclamé le procès et l’exécution rapide de l’ancien dirigeant du pays. « Il y a plusieurs bonnes raisons pour Washington d'éviter toute poursuite publique de Hussein, » soulignait le WSWS dans un commentaire (La capture de Saddam Hussein n'est pas la fin du bourbier irakien). « En fait, les plus grands crimes de son régime contre le peuple irakien, que ce soit la guerre Iran-Irak, la répression des Kurdes et des Chiites ou le reste, ont été commis avec l'appui actif de Washington. »

Le rôle essentiel de préparation du terrain pour la guerre joué par les médias a trouvé, quand le conflit fut finalement engagé, sa conclusion logique à la fois dans sa censure obéissante (censorship) et sans précédent de la souffrance humaine imposée à l’Irak et dans la participation volontaire à l’invasion de centaines de « journalistes embarqués » (embedded journalists)

 


Un monde en crise

Alors que l’invasion américaine de l’Irak est son expression la plus abjecte, la crise du capitalisme américain et mondial a généré des convulsions politiques et des catastrophes sociales aux quatre coins du monde. La description de la société par Rosa Luxemburg au tout début de la Première Guerre mondiale – « souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse » - a trouvé un écho terrible dans de nombreux pays.
En Israël, la brutalité du premier ministre Ariel Sharon a augmenté de pair avec les préparatifs de l’invasion de Bush en Irak. Après avoir été réélu (winning re-election) en janvier, le gouvernement Sharon a intensifié sa politique de la « punition collective » en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, perturbant délibérément la distribution alimentaire au point que la majorité des Palestiniens ont été contraints de vivre d’un seul repas par jour. Sharon a étendu la construction de colonies illégales et d’un « mur de sécurité » de 2 milliards de dollars visant à boucler les communautés palestiniennes et à contrôler la population par des tireurs d’élite de l’armée.

Le 16 mars 2003, une étudiante américaine, Rachel Corrie, qui manifestait contre la destruction des maisons, a été délibérément écrasée (deliberately crushed to death) par un bulldozer de l’armée israélienne dans le Sud de Gaza. Sa mort brutale a provoqué un tollé international (an international outcry). Au début du mois d’octobre, Sharon a aussi lancé un raid aérien à l’intérieur de la Syrie (a bombing raid deep inside Syria,) ouvrant la voie à une guerre plus large au Moyen-Orient.

En juin 2003, l’Union européenne (UE) en transmettant son propre signal politique outre-Atlantique, a lancé sa première opération militaire indépendante, en déployant 1.400 troupes en République démocratique du Congo, (deploying 1,400 troops to the Democratic Republic of Congo). Après un sommet franco-africain à Paris (Le sommet franco-africain: la ruée sur l'Afrique continue) au début de l’année et intitulé « L’Afrique et la France, ensemble pour un nouveau partenariat », les Européens ont clairement fait comprendre que les Etats-Unis n’étaient pas l’unique puissance mondiale capable de monter des opérations militaires internationales. La France a aussi renforcé ses effectifs militaires dans la guerre civile se déroulant dans son ancienne colonie stratégiquement située, la Côte d’Ivoire.

En juillet, le gouvernement indonésien du président Megawati Sukarnoputri a pris l’initiative d’écraser les séparatistes du Mouvement pour un Aceh libre (GAM) (crush the separatist Free Aceh Movement) dans cette province située à l’extrémité Nord de Sumatra. Il souligna que l’opération brutale menée par plus de 30.000 soldats soutenus par 13.000 policiers, des véhicules blindés, des avions de combat et de l’artillerie, jouissait de l’approbation tacite des Etats-Unis, de l’Australie et d’autres grandes puissances.

Durant le même mois en Australie, le gouvernement de droite de Howard envoyait des soldats pour prendre le contrôle des îles Solomon (Solomon Islands), un ancien territoire riche en ressources minérales à l’Est de la Papouasie-Nouvelle Guinée. Une déclaration ultérieure du comité de rédaction a expliqué que l’impérialisme australien était en train de suivre l’exemple militariste du gouvernement Bush, quoique limité à sa propre sphère d’influence dans le Pacifique Sud.

Le 18 octobre, après avoir ordonné le massacre de manifestants non armés (massacre of unarmed protesters), le président bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada soutenu par les Etats-Unis, a été contraint de démissionner et de s’exiler aux Etats-Unis. Sa démission a été l’aboutissement d’un mois de protestations et de grèves contre la privatisation des ressources énergétiques. Quelques jours auparavant, des attaques perpétrées par l’armée à la campagne contre des paysans et en ville contre des travailleurs avaient causé la mort de 86 manifestants. Le WSWS avait lié ces événements à l’agression de l’armée américaine en Irak en soulignant que la répression visait à défendre l’hégémonie économique américaine dans la région et à réprimer la révolte sociale dont Washington craignait une propagation à toute l’Amérique latine.

En novembre, au cours de la première des « révolutions de couleur », les Etats-Unis ont orchestré le renversement du président Edouard Chevardnadze dans l’ancienne république soviétique de Géorgie. L’article du WSWS (Georgia’s ‘rose revolution’: a made-in-America coup) a démasqué les affirmations au sujet de la « démocratie », notant que :

Pour Washington, le maintien d’une relative stabilité au sein d’une Géorgie dirigée par un régime clairement pro-américain constitue une question de la plus grande urgence. Les intérêts des géants énergétiques et les objectifs militaires à l’échelle mondiale de l’impérialisme américain en général convergent sur ce point.

Le même mois au Sri Lanka, la présidente Chandrika Kumaratunga a organisé un coup constitutionnel (Le Parti de l'égalité socialiste condamne le coup d'État présidentiel au Sri Lanka) renvoyant ses ministres de la Défense, de l’Intérieur et de l’Information, tous membres du parti conservateur United National Party détenteur d’une majorité au parlement, dans le but de prendre elle-même la direction des forces de sécurité en dépit de la situation minoritaire de son propre parti.

L’année 2003 a aussi été caractérisée par des coupes sociales profondes appliquées partout en Europe et par de massives protestations s’y opposant. En Allemagne, le gouvernement de coalition social-démocrate/Verts dirigé par le chancelier Gerhard Schröder a réalisé les attaques les plus considérables depuis la Deuxième Guerre mondiale contre les conditions sociales de la classe ouvrière. En novembre, des centaines de milliers de travailleurs et de chômeurs ont manifesté à Berlin bien que les syndicats aient effectivement boycotté l’événement. Une déclaration du WSWS intitulée « Une réponse politique aux coupes sociales et à la guerre » (A political answer to social cuts and war) et diffusée lors de la manifestation expliquait le lien existant entre la politique antisociale du gouvernement Schröder et son soutien de fait à la guerre en Irak.

Des luttes identiques ont secoué le reste du continent européen. Le 13 mai, plus d’un million de travailleurs ont manifesté en France contre la « réforme » des retraites (Les retraites menacées en France). La dégradation des conditions de vie s’est reflétée partout en Europe dans la vague de décès liés à la chaleur et particulièrement en France où plus de 10.000 personnes, principalement des personnes âgées sont décédées faute de système de climatisation et de ventilation dans un des pays économiquement les plus avancés (Le désastre dû à la canicule révèle la crise de la santé en France).

En décembre, un million de travailleurs italiens (Italian workers) a manifesté contre la « réforme » des retraites du gouvernement droitier de Berlusconi. En Autriche (Austria), 500.000 travailleurs ont participé à la plus vaste grève politique de ces 50 dernières années à contre des réductions massives opérées par le gouvernement conservateur dans le système de retraite.

Au Canada, de vastes protestations et des débrayages (Face aux plans de démolition sociale du gouvernement Charest: Construisons un parti politique indépendant des travailleurs) ont eu lieu début décembre contre l’assaut mené par le gouvernement libéral du Québec nouvellement élu contre les services publics et les droits des travailleurs. Les syndicats ont torpillé ce mouvement d’opposition en déclarant une « trêve de Noël » tout en publiant de fausses menaces de grève générale pour l’année à venir.
En septembre, les électeurs suédois ont dit « non » (Swedish voters said “no”) à l’adoption de l’euro. Dix-huit mois seulement après son introduction dans 12 des 15 Etats membres de l’UE, la nouvelle monnaie était déjà considérée comme un instrument pour réduire le niveau de vie de la masse de la population.

Deux développements survenus aux Etats-Unis ont souligné la dégradation de la position du capitalisme américain. Le premier fut La tragédie de Columbia: la NASA, le Congrès et Bush ont ignoré les avertissements, la seconde fois qu’une navette spatiale subissait un accident catastrophique en tuant toute son équipe. Une série d’articles (series of articles) publiés sur le WSWS a placé la crise du programme spatial américain jadis tant loué dans con contexte historique et social.

En août eut lieu la panne de courant (blackout) qui a frappé la région des Grands Lacs aux Etats-Unis et au Canada, privant d’électricité des dizaines de millions de personnes pendant plus d’une journée. Tout comme la catastrophe du vaisseau spatial, la panne de courant montrait l’échec du capitalisme et exprimait son incapacité à maintenir des systèmes techniques complexes là où les considérations de profit entrent en conflit avec la nécessité sociale d’une planification à long terme.

Rachel Corrie, tuée par un bulldozer israélien alors qu’elle protestait contre la destruction de maisons palestiniennes.

Matériel mis en ligne


Le Comité International de la Quatrième Internationale

Le CIQI a placé en 2003 la lutte contre l’impérialisme et la guerre au centre de son travail. Il organisa une série de conférences publiques pour expliquer la signification historique et mondiale de la guerre en Irak et pour développer une voie afin que la classe ouvrière puisse aller de l’avant et s’opposer à l’éruption du militarisme. « Le socialisme et la lutte contre l’impérialisme et la guerre : stratégie et programme du nouveau mouvement international de la classe ouvrière », telle fut la bannière des conférences tenues du 29 au 30 mars à Ann Arbor, Michigan, à peine une semaine après le lancement officiel de la guerre, et du 5 au 6 juin à Sydney, Australia. Les deux conférences furent suivies par des jeunes et des travailleurs venus du monde entier.

Le président du comité de rédaction du WSWS, David North, a prononcé le discours d’ouverture à la conférence à Ann Arbor intitulé « L’entrée dans la tourmente : la crise de l’impérialisme américain et la guerre contre l’Irak. » (Dans le maelström : la crise de l'impérialisme américain et la guerre en Irak.)

Deux cas ont mis en lumière la complicité des gouvernements du monde entier avec la « guerre contre le terrorisme » du gouvernement Bush – celui de Maher Arar, qui a été torturé par la Jordanie et la Syrie au nom des Etats-Unis et avec la complicité du gouvernement canadien (Canadian government) et celui de David Hicks. Le SEP en Australie a mené une campagne pour la défense de David Hicks, l’Australien qui s’était converti à l’islam et qui fut arrêté en Afghanistan et transporté à Guantanamo pour y être détenu pendant des années sans la moindre preuve d’avoir commis un crime quelconque. Le WSWS a interviewé Terry Hicks, le père de David qui a été à l’initiative des efforts entrepris pour faire libérer son fils, et a couvert les luttes menées par la famille de Hicks et de l’autre prisonnier australien incarcéré à Guantanamo, Mamdouh Habib, afin de rompre le mur d’opposition du gouvernement Howard et des médias et l’opposition du parti travailliste (Labor Party).

Egalement en Australie, le SEP a mené une campagne (campaign) contre la falsification de l’histoire sous la forme d’un livre réactionnaire écrit par Keith Windshuttle sur l’histoire des Aborigènes. Le SEP a aussi dénoncé (denounced) la condamnation et l’emprisonnement de deux dirigeants populistes droitiers, Pauline Hanson et David Ettridge du parti One Nation.

Tout en rejetant les positions politiques réactionnaires de One Nation, le WSWS a expliqué les implications antidémocratiques de poursuites qui ont été appuyées par des groupes pseudo-gauches (supported by pseudo-left groups) tels que l’International Socialist Organisation.

En octobre, le gouverneur démocrate de la Californie, Gray Davis (California’s Democratic Governor Gray Davis) a été révoqué lors d’une débâcle électorale du Parti démocrate suite à une pétition financée par des multimilliardaires d’extrême droite (Republican multi-millionaires). Il fut remplacé par le républicain Arnold Schwarzenegger. Davis avait remporté sa réélection en 2002, mais sa popularité avait chuté après qu’il ait imposé des augmentations massives des tarifs de l’électricité, des réductions massives dans l’éducation et les soins de santé, et qu’il ait triplé les frais liés au permis de conduire.

Le Socialist Equality Party des Etats-Unis est intervenu dans l’élection de rappel présentant comme candidat indépendant au poste de gouverneur, John Christopher Burton, un avocat spécialisé en droit civil. Le SEP a adopté une position de principe lors des élections (SEP took a principled position in the election) et appela à voter « non » au rappel. Il signala aux travailleurs la manipulation dangereuse et réactionnaire du processus électoral tout en avançant un candidat s’opposant aux attaques contre les conditions sociales menées tant par les Démocrates que les Républicains.
Durant la campagne de rappel, le parti a distribué des milliers de déclarations politiques en langue anglaise et espagnole, analysant les racines de la crise fiscale en Californie et ses liens avec la guerre et la décrépitude de la démocratie bourgeoise. Le SEP a démasqué le candidat du parti des Verts et ex-membre du parti Socialist Workers Party, Peter Camejo, qui était un fervent partisan du rappel et affichait son mépris opportuniste pour les droits démocratiques.

La campagne du SEP faisait partie d’un vaste tournant vers la classe ouvrière comprenant des déclarations et des visites du candidat et de supporters pour manifester leur solidarité avec les travailleurs en grève des transports et des supermarchés (solidarity with striking transit and supermarket workers) de Californie du Sud. Burton est arrivé en 14ème position sur 135 candidats obtenant plus de 6.200 voix. La campagne a culminé dans une réunion publique tenue à Los Angeles sous le titre « La crise en Californie : une politique socialiste pour les travailleurs » (The Crisis in California: A Socialist Policy for Working People).

En novembre et décembre, le CIQI a organisé des réunions à Francfort en Allemagne, à Londres, à Colombo, au Sri Lanka et en Australie (Sydney, Australia) pour marquer le 50ème anniversaire de la fondation du Comité International de la Quatrième Internationale, l’organisation issue de la lutte contre le révisionnisme pabliste au sein de la Quatrième Internationale, le parti international de la révolution socialiste fondé par Léon Trotsky. Le 16 novembre 1953, le parti américain Socialist Workers Party publiait sa célèbre « Lettre ouverte » lançant un appel aux trotskystes orthodoxes du monde entier pour s’unir dans une lutte contre la tendance révisionniste dirigée par Michel Pablo, qui était à l’époque le secrétaire de la Quatrième Internationale.

David North, en réexaminant cette histoire a mis l’accent lors de la réunion à Colombo (emphasized at the Colombo meeting) sur :

La quasi-totalité de ceux qui étaient actifs dans cette lutte ont maintenant quitté la scène. Mais les principes politiques pour lesquels ils ont lutté restent et revêtent une signification politique énorme dans la présente période. Et nous démontrerons qu’il est en effet possible de construire le plus puissant parti politique du monde sur la base du marxisme… Voilà la signification de cet anniversaire.


La culture et la guerre en Irak

La guerre en Irak a jeté une ombre considérable sur la vie artistique et intellectuelle en 2003, et cela fut peut-être au mieux symbolisé par le fait qu’on a recouvert « Guernica », le fameux tableau anti-guerre de Picasso avant le discours de promotion de la guerre tenu par Colin Powell au Conseil de sécurité des Nations-Unies. L’impérialisme américain a porté un coup plus littéral encore à la culture humaine en permettant le pillage du Musée national irakien (Iraqi National Museum) et l’incendie de la Bibliothèque nationale irakienne après l’invasion. 

Malgré des efforts bruyants de la part des médias et des grands trusts du divertissement pour censurer tout sentiment anti-guerre parmi les artistes, un certain nombre d’entre eux ont eu le courage d’exprimer leur opposition. Bien que cette opposition soit inévitablement teintée d’une bonne dose d’illusions pacifistes et de désorientation politique, des personnalités en vue du cinéma et d’autres formes d’art ont tenté de nager contre le courant de la réaction – comme les acteurs Sean Penn et Martin Sheen, le groupe de musique folklorique américaine Dixie Chicks et un certain nombre d’autres artistes (number of artists) lors de la cérémonie de remise des Oscars de cette année.

Le WSWS a continué d’élargir et d’approfondir sa couverture des arts. Des articles furent écrits sur un très grand nombre de sujets, parmi lesquels le travail artistique (artwork) de Francis Bacon, la grève (strike) des choristes de l’English National Opera, une exposition de dessins de Leonard de Vinci et la sculpture d’Edgard Degas (sculpture).

En matière de films, les nominations aux oscars du cinéma (the Academy Awards nominees) reflétaient, de façon limitée, les tendances contradictoires de la vie artistique américaine : d’une part il existait des efforts pour traiter des événements les plus tragiques du 20e siècle avec objectivité et compassion (Roman Polanski’ “The Pianist”) ; d’autre part il existait aussi une tendance croissante à l’étroitesse artistique et au solipsisme (“The Hours”); et finalement, il y avait une tendance de plus en plus nette parmi une couche rétrograde d’artistes de considérer la population en général avec une misanthropie sans fard (“Gangs of New York”).

Un certain nombre de films intéressants furent montrés lors de festivals internationaux du film et le WSWS fut capable de fournir des articles nombreux depuis Vancouver, Toronto, Buenos Aires, Berlin et Sydney. De plus, il y eut des articles nécrologiques sur Katherine Hepburn, Gregory Peck (Katherine Hepburn and Gregory Peck) et la cinéaste au service des Nazis Leni Riefenstahl. Des films importants mis en scène par le cinéaste japonais Akira Kurosawa et le metteur en scène allemand Rainer Werner Fassbinder dans les années 1950 et 1970 respectivement, furent également analysés.

Finalement, le WSWS publia des commentaires sur d’autres domaines de la culture humaine, en particulier une analyse des implications des nouveaux progrès de la science et de la technologie, tels que l’achèvement du Projet génome humain (Human Genome Project) et la découverte (discovery) du plus ancien fossile d’homme moderne en Ethiopie, tout comme une appréciation de l’importance de l’épidémie de SRAS, une des épidémies les plus étendues des temps modernes.