Le propos des commissaires, Zahia Rahmani & Jean-Yves Sarazin

Un jour, dans ce passage de la rue Vivienne, à Paris, où se croisent quotidiennement quelques centaines de personnes qui se rendent au département des Cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France ou à l’Institut national d’histoire de l’art pour regarder et étudier des images, notamment des cartes, nous avons parlé de l’actualité de la cartographie, et de son lien avec l’art contemporain. Nous nous disions que si la carte était présente dans les productions artistiques contemporaines avec des œuvres remarquables, comme celles d’Öyvind Fahlström, de Marcel Broodthaers ou, plus près de nous encore, celles de Mark Lombardi, il nous semblait que les œuvres plus récentes, souvent créées par des artistes non européens, pointaient, discutaient l’idée même de tracé cartographique. Les artistes distinguent les frontières, souvent pour les renverser et nous faire penser à un avant de leur existence, à une autre surface oubliée ou à de nouvelles modalités de l’espace géographique. Il se joue là une relecture politique et l’on ne peut envisager la cartographie d’aujourd’hui, des pays dont on a hérité, sans revenir en amont à ce moment qu’a été, au XIXe siècle, le partage du monde par les grandes puissances occidentales devenues ensuite des empires coloniaux. C’est alors qu’est née l’idée de l’exposition « Made in Algeria, généalogie d’un territoire ».

À l’intérieur d’immenses territoires habités, on a tracé des zones d’influence et de gouvernance distinctes qui ont mis à mal la vie et la mobilité de millions de femmes et d’hommes. Et cela, à différentes fins. L’exploitation agricole, économique paraît toujours la plus évidente, mais les territoires coloniaux ont été plus que cela. L’Occident a fabriqué ses propres projections à l’intérieur de ces pays. Nous avons toujours su que le colonialisme était lié à l’appropriation de la terre, à son occupation. Les représentations nées de cette histoire ne servaient qu’à justifier la captation. La pertinence des travaux d’Hélène Blais sur la cartographie nous rappelle combien l’Algérie est l’espace fondamental qui nous permet de comprendre la manière dont on a « dessiné » les espaces coloniaux. Il nous a semblé qu’il fallait montrer cela, une origine cartographique, les premiers traits d’une histoire coloniale française. Née dans les colonies, cette pratique topographique a servi la saisie moderne des espaces du monde. Montrer un début, celui qui inaugurera le « langage commun des territoires », cette construction qui est le propre de notre mondialisation. On a tracé des pays, des territoires en nombre sur le modèle de l’État-nation européen dans des régions qui étaient totalement dépourvues de ce concept, et cela a été fait pour et par une poignée d’États européens. Mais cela s’est toujours effectué sous tension. Nous sommes là à un carrefour étonnant de refondation territoriale qui met à mal le modèle cartographique existant.

Voir la première carte tracée par l’armée française à Sidi-Ferruch le premier jour du débarquement, le 14 juin 1830, c’est lire tout un processus. On pose pied à terre. On fait un plan de l’environnement visuel proche. On tire un trait pour marquer les quelques mètres franchis. On s’installe. On trace à nouveau, on avance et, une fois cela fait, le territoire est à vous. Le procédé, si l’on peut dire, était assez darwinien. Et, de fait, notre regard sur la question l’a été aussi. Il nous fallait présenter des faits cartographiques. De ce point de vue, l’exposition a tenté de maintenir pour cette question une sorte d’exemplarité visuelle. Montrer un processus imparable. Sans cette cartographie (coloniale), il n’y a pas de conquête.

Étonnamment, hier comme aujourd’hui, l’Algérie est un pays «réservé». L’époque moderne, celle qui inaugurait la conquête de nouveaux continents, allait recouvrir dans son élan l’héritage savant de l’Afrique du Nord. Le XVIIIe siècle européen, celui qui s’emparait des terres et en recensait la faune, la flore et les hommes, ne parvenait pas à saisir ce territoire de l’autre rive, comme il le faisait ailleurs. Seules les officines diplomatiques et l’espionnage nourrissaient la science et la surveillance. Consulter une carte européenne des territoires de l’Algérie au XVIIIe siècle, c’est avant tout lire des informations de seconde main. Ce sont des projections, des hypothèses cartographiques qui contrastent avec l’exactitude des cartes marines. Le dessin prime sur l’objectivité scientifique, la courbe de niveau n’existe pas encore. Ce que l’on comprend, c’est que, bien avant la conquête, et cela est lisible sur toutes les cartes d’avant 1830, le rapport entre la France et l’Algérie est belliqueux. Les cartes le disent. Longtemps, ce territoire a été ébauché sur le papier. Cartographié selon des vœux, des attentes, avant même d’être connu, parcouru et vécu. Cette construction de représentations, nous la retrouvons à quelques variantes près dans de nombreux recueils cartographiques européens. La carte, surface plane, se fait espace téléologique, paradis à saisir. Paysage immense que tout un chacun peut dominer d’un regard. Le territoire y est étendu et l’illimité du lieu donne envie.

Dès que l’on aborde l’histoire de la colonisation française, on découvre à quel point, pour la France, le territoire de l’Algérie a été un laboratoire majeur. Que l’on se penche sur l’agriculture, la botanique, l’urbanisme, l’architecture, la législation, le tourisme, les arts, la littérature, le cinéma, la photographie, l’archéologie romaine ou chrétienne, la cartographie, le folklore, l’imagerie, l’administration, la fiscalité, les lois d’exception, les lois de peuplement, les codes indigènes, la déforestation, l’écologie, la géologie, l’hydraulique, les réseaux routiers, le système cadastral, la nationalité française, la citoyenneté, les expériences médicales, l’orientalisme, on observe que l’Algérie n’a eu de cesse d’être le lieu expérimental qui permettra d’innover dans tous ces domaines et dans bien d’autres, comme ceux de la surveillance des populations, des expériences culturelles, sociales, juridiques, politiques et économiques qui façonneront la France.

Laboratoire de la modernité française, l’Algérie aura aussi été son miroir intemporel. Rarement un territoire colonial aura été si matriciel. Jusqu’à son paysage qui en de nombreux endroits, comme dans l’Oranais et le Constantinois, a été modelé à l’image de ce que deviendra le paysage rural français remembré. « Made in Algeria, généalogie d’un territoire », c’est une manière de dire la France d’aujourd’hui. Comment cette dernière a tenté, en un siècle qui y était disposé, de fossiliser ailleurs son empreinte. Cette histoire, il nous faut la déployer, la comprendre et ne plus occulter son importance pour l’identité contemporaine de la France. Il serait bon de s’interroger sur ce ressort qu’est la perte des colonies dans l’inconscient français. Durant des décennies, d’immenses étendues ont été des espaces de projection idéalisés pour toutes les enfances françaises. Puis cela a brutalement cessé. L’empire colonial français a disparu au profit de l’Hexagone. Rapidement tout s’est réduit. On ne peut pas dire que cette perte ait été compensée par un travail à la hauteur de ce que cette altération a causé comme effet à long terme et comme ressentiment. Il ne faut donc pas s’étonner que ne nous parvienne pas non plus la recherche qui tente d’évaluer positivement ce que l’Algérie a produit depuis 1962.

« Made in Algeria, généalogie d’un territoire », c’est l’idée de la marque de fabrique. Du pays d’origine. À un moment de l’histoire coloniale, les fruits, le tabac, les boissons, l’alcool, le vin présents sur les tables d’Europe provenaient d’Algérie. Ce territoire a constitué l’usine alimentaire de l’Europe et les Algériens ont été ses employés agricoles. De Bastos à Orangina en passant par l’anisette, ces produits, ces marques et leurs dérivés provenaient d’Algérie. Il en est de même pour le développement intra-muros des villes et de leurs banlieues en France. Les territoires coloniaux ont été les laboratoires de l’architecture urbaine qui, plus tard, s’est déployée dans les zones périphériques françaises. De nombreux architectes ont exercé leur talent en Algérie – certains allant jusqu’à projeter l’éradication généralisée de l’habitat existant. L’architecture de la ville d’Alger était organique. Pour schématiser, l’on peut dire que, si l’on défait un mur ou si l’on ferme une ouverture, la ville s’effondre. Alger a été détruite très rapidement. Il faut lire les travaux sur le sujet de François Dumasy. Après 1830, en une décennie il ne reste plus grand-chose de la ville telle que les militaires français l’ont découverte puis transformée. Après cela, on réinvente Alger. On rase, on détruit, on recouvre, tout en laissant quelques traces du passé et l’on tente une aventure architecturale incroyablement trompeuse, mais d’une efficacité et d’une séduction redoutables. Cette innovation, l’architecture coloniale, capte toutes les attentions aujourd’hui. On peut penser qu’elle occulte évidemment ce qui a été effacé. Et si un mauvais esprit fait le pari de croire que le temps reléguera à jamais la possibilité de penser ce qui a été effacé, il se trompe. De ce point de vue, l’aventure cartographique nous rappelle que l’espace blanc n’est pas un espace vierge.

« Made in Algeria, généalogie d’un territoire » est une exposition d’art qui s’appuie sur la qualité esthétique d’objets visuels pour rendre compte d’une histoire des mentalités. Faire entrer un objet matériel comme la carte dans un régime de distinction qui est celui de l’art, c’est créer les conditions de lecture de l’objet, c’est dire qu’à l’intérieur de la carte « ça pense » ; donner à voir cette autonomie, c’est inscrire la carte dans une pratique moderne de la visualité. Et si l’on est soucieux de pédagogie, de transmission et si l’on a le goût de la chose publique, il est certain que l’on trouvera toujours dans le patrimoine de nos bibliothèques les objets supports qui ont précédé l’aventure moderne. Il faut au moins partir de là et regarder ce qu’ils ont fait advenir. C’est ce continuum, ce formalisme qui nous ont guidés dans notre volonté de traiter de l’histoire coloniale par l’étude de la carte sous ses aspects militaire, cadastral, routier, commercial et touristique. Les œuvres picturales présentes dans l’exposition s’inscrivent elles aussi dans ce schéma. Elles participent d’un même régime esthétique. La peinture exposée montre des espaces vides. Des étendues immenses et bien souvent inhabitées. Espaces de projection encore. Il est évident que nous ne pouvions pas ignorer pour autant que, si nous convoquions la subjectivité cartographique produite par le monde européen, et plus précisément par les différents régimes politiques français qui ont participé à la conquête, il manquerait à notre démarche le regard d’en face. Les archives sont françaises. La place donnée à l’art contemporain dans cette exposition est celle qui permet aujourd’hui de tenter de produire un contrechamp. Une voix autre. Une narration qui perturbe le récit de l’Empire. Les artistes dont les œuvres sont présentées dans l’exposition avaient déjà, il est vrai, pour la plupart, un rapport avec l’Algérie par leurs travaux. Mais l’on peut dire qu’un certain nombre avait chez eux des documents, des archives et des idées d’œuvres « en attente d’expression ». L’exposition est venue à eux comme contenant. Une promesse de vie en commun.

Zahia Rahmani & Jean-Yves Sarazin,  « Le propos des commissaires », extrait du catalogue de l’exposition Made in Algeria. Généalogie d’un territoire, sous la direction de Zahia Rahmani et Jean-Yves Sarazin, Hazan/MuCEM, 2016
avec des textes de Nacéra Benseddik, Hélène Blais, Daho Djerbal, François Dumasy, Nadira Laggoune, Zahia Rahmani, Jean-Yves Sarazin, Nicolas Schaub, Todd Shepard, Fouad Soufi et Sylvie Thénault.

Vous pouvez feuilleter les premières pages du catalogue sous ce lien.

Illustration : Carte des Confréries d’après la Carte de l’Algérie indiquant la situation, l’importance numérique et la marche des ordres religieux musulmans dressée au service central des Affaires indigènes, par les capitaine Henri Bissuel et commandant Louis Rinn en 1884, Anonyme, Alger, vers 1930, carte manuscrite colorée, Les Glycines, centre d’études diocésain, Alger

Autour de Made in Algeria. Enjeux et pratiques de la cartographie aux frontières des disciplines, 28 janvier 2016, I2MP – MuCEM

Journée d’études INHA / TELEMME / MuCEM

« Autour de Made in Algeria »
Enjeux et pratiques de la cartographie aux frontières des disciplines
Géographie, Histoire, Histoire de l’art et pratiques artistiques
Organisée par Pierre Pinchon & Zahia Rahmani

L’exposition Made in Algeria. Généalogie d’un territoire est l’occasion d’une journée d’étude transdisciplinaire, pensée comme un lieu de rencontres entre universitaires, les artistes et les publics. Elle s’organise en deux temps : une matinée propose, dans une perspective historique et généraliste, des interventions sur les enjeux de la cartographie et des représentations du territoire dans le bassin méditerranéen au 19e siècle ; l’après-midi est pensé comme un workshop, un espace de discussion où penseurs et praticiens questionneront les rapports de l’art contemporain à la cartographie.

Jeudi 28 janvier 2016
I2MP – MuCEM
201, quai du port 13002 Marseille

Entrée libre sur inscription, avant le 27 janvier, à l’adresse : i2mp@mucem.org


Matinée : Les enjeux de la cartographie dans le bassin méditerranéen au XIXe siècle
Modération : Pierre Pinchon

9h
Accueil des participants

9h15
Ouverture de la journée d’étude
Denis Chevallier, Responsable du Département de la Recherche et de l’enseignement et Maryline Crivello, directrice de l’UMR Telemme-CNRS

9h30
Présentation de la journée et introduction
Pierre Pinchon, MCF Histoire, Aix-Marseille Université, UMR Telemme-CNRS

10h
« Cartographier les villes et les pays de Méditerranée, XIXe-XXe siècle »
Jean-Luc Arnaud, HDR Géographie, chercheur CNRS, fondateur du site CartoMundi, UMR Telemme-CNRS

10h30
Présentation de l’exposition par les commissaires de l’exposition Made in Algeria : enjeux et méthodes
Jean-Yves Sarazin (sous réserve), directeur des Cartes et plans, BNF et Zahia Rahmani, responsable du domaine « Art et mondialisation », INHA

11h
« Artistes militaires, cartographie et paysages en Algérie vers 1830 »
Nicolas Schaub, docteur en histoire de l’art, Université de Strasbourg

11h30
« Approches de la cartographie coloniale du Maghreb (XIXe-XXe) »
Aurélia Dusserre, MCF Histoire, Aix-Marseille Université, IREMAM-CNRS

12h
Déjeuner

Après-midi : Art contemporain et cartographie
Modération : Zahia Rahmani

14h
Introduction
Zahia Rahmani, commissaire de l’exposition « Made in Algeria » et responsable du domaine « Art et mondialisation », INHA

14h30
« Le ciel nous regarde et vice versa »
Anna Guilló, artiste, MCF arts plastiques, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, co-fondatrice du programme de recherches La Fin des cartes ? Territoires rêvés, territoires normalisés

15h
« Quand le globe chasse le planisphère »
Guillaume Monsaingeon, commissaire d’exposition, co-fondateur de l’Oucarpo (Ouvroir de cartographie potentielle)

15h30
« L’antiAtlas, une démarche transdisciplinaire »
Jean Cristofol, philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence (ESAAix), membre du collectif antiAtlas des frontières

16h
Discussions et conclusions

 

Image : Zineb Sedira, Série 1- Les terres de mon père, 2015, série de 9 photographies, collection de l’artiste. Courtesy Zineb Sedira & Kamel Mennour, Paris © Adagp, Paris, 2015

Salle 1 – Made in Algeria

L’Algérie a connu de nombreuses civilisations. Dans l’antiquité, l’Afrique du Nord relève en grande partie du royaume de Numidie. Le territoire joue un rôle important sous l’Empire romain, puis chrétien et musulman où les populations locales connaissent l’apport de nombreuses migrations. Pendant longtemps, les cartes ne désignent pas le littoral de l’Algérie comme une zone étrangère au monde européen. Avec la chute de Grenade en 1492 et l’expulsion des maures d’Espagne vers l’Afrique du nord, une relation belliqueuse s’instaure entre les états d’Occident et le royaume de Tlemcen puis celui de la Régence ottomane d’Alger de 1515 à 1830. Le nom de Barbarie ou de Berberie/Berberia remplace alors les termes de Mauritanie et de Numidie qui désignent le nord du continent africain sur les cartes. L’Algérie est bordée par un littoral de plus de 1600 km que dominent d’est en ouest les pentes de l’Atlas tellien avec ses hauts plateaux et plaines creuses, jusqu’à sa frontière naturelle, l’Atlas saharien. C’est le plus grand pays d’Afrique. L’exposition montre comment s’est effectuée sur plusieurs décennies la délimitation cartographique de ce territoire.

Nicolas Berlinguero, Plano y Perfil de la Ciudad, y Bahia de Argel, 1775, carte manuscrite, 49,8 X 71 cm. Bibliothèque nationale de France © BnF

Dans le courant du XVIIIe siècle, les nations européennes, Espagne, Provinces Unies des Pays-Bas, Royaume-Uni et France, s’intéressent sous un prétexte économique aux Régences ottomanes de l’Afrique du Nord. Ce beau document manuscrit complexe, associant au plan de la baie d’Alger son profil depuis un point de vue situé au large, aurait dû être diffusé par la gravure afin que les marins s’approprient davantage le littoral et naviguent sans risque.

Salle 2 – Vue de loin; Vue du large

Vue de loin
Vue du large

En Europe, de nombreux récits comprenant des descriptions approximatives ou plus précises de l’Afrique du Nord circulent d’autant plus facilement que le développement de l’imprimerie (inventée en 1454) favorise leur reproduction et leur diffusion. Au XVIe siècle, marchands et voyageurs fréquentent librement ces territoires même si l’état de captifs contre rançon perdure dans la Régence d’Alger. Cependant, compte tenu du rapport conflictuel entretenu de part et d’autre, les Européens considèrent la Barbarie/Algérie et ses villes portuaires comme des zones où la circulation est risquée. La Régence menace pourtant moins la France que d’autres royaumes chrétiens. Alger et ses fortifications subissant sièges et bombardements de 1541 à 1830, il n’est pas surprenant qu’une partie des cartes géographiques et des plans topographiques représentent le territoire et ses environs sous un angle guerrier.

Argel, XVIIe siècle, carte manuscrite, 37,8 X 50,9 cm. Bibliothèque nationale de France © BnF

Cette vue perspective de la baie d’Alger, ni signée, ni datée, évoque le débarquement d’un corps expéditionnaire armé au niveau de l’embouchure de l’Oued El Harrach ou de la future grande mosquée d’Alger, zone de nos jours complètement urbanisée. Argel est la forme espagnole d’Alger et les vaisseaux à trois mâts datent de la seconde moitié du XVIe siècle. Est-ce le souvenir du coup de force téméraire de Charles Quint, en 1541, qui débarqua sur la plage du Hamma (actuel Jardin d’Essai) le 23 octobre ?

Salle 3 – Vue de loin; L’intérieur se précise

Vue de loin
L’intérieur se précise

À partir du XVIIIe siècle, les cartes traduisent une vue maîtrisée du territoire. Si les imprécisions perdurent pour décrire les terres intérieures, la frange maritime avec son trait de côte et son littoral est, en revanche, particulièrement bien appréhendée à la fin du siècle. L’innovation cartographique dans la représentation maritime constitue un préalable à l’amélioration de la navigation civile et militaire. Les bateaux chargés de marchandises partent d’Alger, d’Oran, de La Calle en direction de tous les ports de la Méditerranée. Naviguant ou marin sans expérience utilisent ces nouveaux outils de navigation. Pour l’intérieur des terres, le traité de géographie du savant et aumônier anglais Thomas Shaw, paru à Oxford en 1738 marquera tous les travaux jusqu’en 1830. De même, les notes précieuses prises par l’espion Vincent-Yves Boutin en 1808, secrètement conservées par les militaires au Dépôt de la Guerre, sont déterminantes au moment du débarquement de l’armée française en Algérie en 1830.

Reinier et losua Ottens, Nouvelle carte du royaume d’Alger divisée en toutes ses provinces, Amsterdam, vers 1750, carte gravée, 56,2 X 67 cm.  Bibliothèque nationale de France © Société de géographie

Au milieu du XVIIIe siècle paraît à Amsterdam une nouvelle carte de l’Afrique du Nord montrant le royaume d’Alger et ses cinq provinces : Tremicen (Tlemcen), Tenez (Ténès), Alger, Bougie (Béjaïa) et Constantine. Si la géographie des territoires est aussi fautive que celle de la carte du Français Sanson d’Abbeville un siècle plus tôt, les auteurs innovent en la truffant de commentaires féconds pris dans les récits de voyageurs ou les traités de géographes.

Vincent Yves Boutin, Reconnaissance générale d’Alger faite en 1808, 1808, carte manuscrite, 67 X 99 cm.  Vincennes, Service historique de la Défense, GR 6 M, T.20.6.B.189 (1). © Service historique de la Défense

Dix ans après son expédition d’Egypte, le général Bonaparte devenu empereur songe à prendre pied en Algérie. Il commande à son ministre de la Marine une note sur la ville d’Alger et ses alentours. Ce rapport secret est fourni par Vincent Yves Boutin, ingénieur des mines, et remarquable observateur de la géographie des lieux visités. Il parcourt la ville de mai à juillet 1808, le livre de Shaw en main, et identifie Sidi-Ferruch comme l’unique lieu possible de débarquement pour un corps expéditionnaire.

Salle 4 – Tracer le territoire; La prise d’Alger

Tracer le territoire
La prise d’Alger

Les Français se mettent à tracer, explorer, cartographier, représenter le territoire envahi dès qu’ils débarquent sur les plages de la presqu’île de Sidi-Ferruch le 14 juin 1830. Cela donne lieu à de nombreuses productions: vues et plans d’Alger, cartes des environs de la ville, croquis des surfaces par les colonnes de l’Armée d’Afrique. Ce que les soldats ignorent n’est pas relevé et ce qui est détruit disparaît du relevé. Les contours blancs des cartes suggèrent des espaces vierges, des étendues illimitées. Par sa puissance subjective, la pratique cartographique en Algérie participe dès son inauguration sur le sol algérien de l’idéologie de la conquête. L’armée compte dans ses rangs des ingénieurs topographes et de précieux dessinateurs, artistes-militaires. Le modèle de l’expédition militaire et scientifique d’Égypte (1798-1800) est encore vif. Les motivations s’entrecroisent dès les premières semaines de l’occupation d’Alger et de ses faubourgs: conquête militaire limitée à une «zone utile» et connaissances scientifiques tous azimuts iront de pair durant les premières décennies de la conquête.

Théodore Gudin, Attaque d’Alger par terre et par mer, 29 juin 1830, 1831, huile sur toile, 129 X 193 cm.  Musée national des château de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Gudin résume en une image les deux faits majeurs de la capitulation d’Alger, peints d’après les souvenirs des assaillants : le bombardement de la ville par les vaisseaux français positionnés dans la baie dès le 1er juillet ; l’assaut terrestre des fantassins et artilleurs pour la prise du fort l’Empereur le 3 juillet. Au réalisme des costumes, des armes et des tentes françaises, le peintre associe un décor composé de végétaux et de « villas mauresques », suivant déjà les codes de la peinture orientaliste.

Salle 5 – Tracer le territoire; Avancer dans le territoire

Tracer le territoire
Avancer dans le territoire

En France, les artistes et les éditeurs prennent le relais des militaires et popularisent les nouvelles images de l’Algérie. Sur place, en Algérie, les ingénieurs topographes effectuent sous la protection de la cavalerie des levés du relief qui servent à établir les feuilles de la carte de l’Algérie au 1/200000e et au 1/400000e. La représentation millimétrée du territoire est née instantanément alors qu’aucun schéma de domination n’était arrêté ou ne faisait consensus. Cartographier, conquérir, dominer, telles ont été les motivations des officiers du corps expéditionnaire français mué en Armée d’Afrique. Les blancs de la carte disparaissent au gré des reconnaissances et des relevés d’informations nécessaires à la fois au développement de la carte et à la poursuite de la conquête. Trois zones littorales seront d’abord exploitées. Au Centre, Alger et ses environs. À l’Ouest, Oran et Mostaganem et à l’Est, Bougie et Constantine.

Salle 6 – Tracer le territoire; Occuper le territoire

Tracer le territoire
Occuper le territoire

Dès la conquête, les partisans d’une colonisation de peuplement européen travaillent au développement de centres de colonisation. Les premiers Européens sont installés dans des camps précaires. Il faut attendre 1842 pour voir s’instaurer une colonisation planifiée des terres « pacifiées » sous le gouvernement de Louis-Philippe : un peuplement à grande échelle d’Européens, des citoyens français en majorité. Après les révoltes ouvrières de la Révolution de 1848 et l’avènement de la Seconde République, le déplacement de populations s’accélère. La colonisation suppose un transfert de propriété des biens fonciers, ce que le gouverneur général militaire entreprend selon trois modalités: la vente des terres incorporées au domaine public ; la mise sous séquestre des biens des individus et des familles qui se sont soulevés contre l’occupation; l’achat par expropriation des autochtones détenteurs des biens.

Adrien Dauzats, Le passage des Portes de fer, 1841, série de six aquarelles et gouaches sur papier, 64,5 x 88 cm. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Attaché à l’expédition conduite par le duc d’Orléans, qui établit en octobre 1839 la liaison terrestre entre Alger et Constantine avec l’aide d’informateurs locaux, Dauzats a réalisé six aquarelles du défilé dit « des Portes de Fer ». Il rend compte par l’entassement de murailles et de pentes abruptes, de la prouesse des soldats du 17e régiment d’infanterie représentés tels des fourmis. L’expédition mets fin au traité de la Tafna de 1837 avec Abd el-Kader et ravive la guerre jusqu’à sa reddition en 1847.

Carte des environs de Philippeville, terrain proposé pour réserve aux indigènes, vers 1840-1842, carte manuscrite sur calque, 42 x 58 cm, Bibliothèque nationale de France © BnF

Après une décennie de présence, la France organise la colonisation des territoires et décide du déplacement de populations locales dans des réserves. Sur cette carte, les terres fertiles sont proposées aux Européens. Ce processus de « mise en réserve » des Algériens, qui plus est sur des terres ingrates, déstructure profondément les sociétés et appauvrit leurs pratiques agricoles.

Jean Antoine Siméon Fort, Vue générale de l’itinéraire suivi par la colonne expéditionnaire depuis Constantine jusqu’à Alger, octobre, 1839, 1841, huile sur toile, 206 x 251 cm. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles

Ce « tableau-plan » de Siméon Fort est magistral par l’étendue qu’il représente, la liaison d’Alger à Constantine par le défilé dit « des Portes de Fer ». Le génie pictural de Fort réside dans son traitement surréaliste de l’espace, proposant des vues illimitées d’étendues désertiques et profondes, dénuées de présence humaine. Son art est à l’opposé des représentations plus martiales d’Horace Vernet, autre grand peintre de l’Algérie.

Raphaëlle Paupert-Borne, Peintures de voyage : Constantine 2010, Constantine, 2010, Série de 20 tableaux, acrylique sur toile, Collection de l’artiste

Cinéaste, dessinatrice et peintre, Raphaëlle Paupert-Borne, pratique sans relâche la peinture et le carnet de voyage. C’est une empreinte de l’artiste. En 2010, à l’invitation de l’Institut Français, elle se rend à Alger et Constantine. Dans la rue et les cafés elle peint sur le motif et vite. Les édifices, les lieux et les passants qui se prêtent au jeu du portrait, sont traités au pinceau large, par un geste rapide et sans repentir. Installée au centre de l’espace urbain, l’artiste réalise une série d’images vivantes et instantanées qui par cette séquence de proximité artistique témoigne de sa capacité à rendre visible le vivant proche d’une communauté.

Salle 7 – Capter l’Algérie; Effacer pour contrôler

Capter l’Algérie
Effacer pour contrôler

Pour construire une société nouvelle dont l’Européen deviendra le pilier, il faut détruire et transformer : supprimer les structures existantes, détruire les lieux d’implantation originels, remodeler l’Alger ottomane et établir une nouvelle ville portuaire. Sitôt la capitale conquise, les Français transforment le tissu urbain sur le modèle des villes du Nouveau Monde. L’urbanisme s’inspire du damier: angles droits, rues larges, places, édifices publics, culturels et cultuels. L’arrivée massive des colons à partir de 1842 bouleverse le mode de vie et l’économie agricole des autochtones et transforme leurs paysages. L’Algérie conquise, le gouvernement général crée en 1844 une administration destinée à encadrer les populations locales par ce qui a été improprement baptisé les « bureaux arabes ». En 1848, l’Algérie est annexée à la France et divisée en trois départements: Oran, Alger et Constantine.

Vigouroux et Ph. Caillat, Alger. Projet d’une nouvelle ville dressé et présenté le 20 janvier 1858 à Son Excellence monsieur le maréchal Randon, Alger, 1858, carte lithographiée, 51,7 x 70,8 cm. Bibliothèque nationale de France © BnF

Le projet d’extension d’Alger perçu comme une « nouvelle ville » européenne juxtaposée à la vieille cité blanche originelle s’appuie sur la mise en service de la ligne de chemin de fer créée par décret le 8 mars 1857. Artères larges en damier, édifices publics et cultuels, seconde extension du port, lien entre les axes de transport et les activités économiques, espaces verts sont autant d’éléments qui illustrent ce que doit être une ville moderne desservie par le plus important port d’Afrique du Nord.

Horace Vernet, Prise de Bône, 27 mars 1832, 1835, huile sur toile, 260 x 227 cm. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Peintre de la conquête française, Horace Vernet a suivi l’armée et peint ici le décor de la prise de Bône, en mars 1832. Au premier plan il peint une figure « orientale » impassible a ce qui survient à l’arrière-plan, la pose du drapeau tricolore. Cette scène distingue deux temporalités très usitées par les peintres orientalistes, l’action vive des soldats de l’Armée d’Afrique, l’inaction fataliste des « musulmans ». Le tableau exposé au salon de mars 1835 a été acheté par Louis-Philippe pour Versailles.

Colonisation de l’Algérie. Avis aux ouvriers, 1848, affiche imprimée, 73 x 52,5 cm. Archives nationales d’outre-mer, © FR ANOM Aix-en-Provence Tous droits réservés, n° 9 Fi 593

La révolution de 1848 met fin à la Monarchie de Juillet et proclame la Seconde République. A Paris les conditions de vies du prolétariat sont si misérables qu’elles font craindre une insurrection. Dès septembre, on promeut l’installation d’une main d’œuvre ouvrière dans les centres de colonisation agricole en Algérie. Des « convois de 1848 » assimilés à une déportation massive de miséreux acheminent plusieurs centaines de millier de futurs colons dont une grande partie restera indigente en terre africaine.

Salle 8 – Capter l’Algérie; La science au service de la colonisation

Capter l’Algérie
La science au service de la colonisation

L’analyse scientifique du territoire commence avec le rapport de la Commission d’Afrique instaurée en 1833, qui avait pour mission de remédier aux erreurs de la conquête. La Commission d’exploration scientifique héritée des Lumières et copiée sur le modèle de l’expédition d’Égypte par Bonaparte est fondée en 1839. Elle a pour mission de traiter de manière dite encyclopédique de tout ce qui compose le territoire algérien: connaissance des reliefs, géographie, sols, sous-sols, faune, flore et peuples seront illustrés. Langues, « confréries religieuses », étendue ancienne de la christianisation et présence romaine seront soulignées. Certaines études seront occultées comme l’architecture musulmane et d’autres plus soutenues, voir détournées, comme l’étude de l’antiquité romaine qui permet de distinguer la filiation chrétienne de l’Algérie. S’opèrent alors une écriture et une appropriation de l’histoire. Une connaissance dite savante et millimétrée du territoire, qui va de pair avec la dévalorisation de fait des savoirs autochtones.

Jacques-Louis Randon, Carnet militaire. Voyage de Guelma à Tebessa, 1846, manuscrit, 39 pages illustrées. Institut national d’histoire de l’art – Département de la bibliothèque et de la documentation
© INHA

Le carnet autographe du général Randon rédigé à Batna en septembre 1850 retrace le voyage qu’il effectua en mai 1846 de Guelma, qu’il quittait après trois années de résidence, à Tebessa. Il est truffé de croquis des ruines archéologiques ou des inscriptions épigraphiques observées de sites en sites ainsi que de beaux portraits d’habitants des lieux. Il écrit notamment que les sites romains sont pour certains en excellent état et qu’ils pourront servir à la construction de garnisons et du port.

Salle 9 – Capter l’Algérie; Traverser le Sahara

Capter l’Algérie
Traverser le Sahara

La délimitation plus ou moins précise du territoire conquis, colonisé puis administré n’a jamais été une démarche rationnelle et continue dans le cas de l’Algérie. La frontière avec la Régence de Fez (Maroc) donne lieu dès 1845 à un traité sous la forme d’une carte contenant les résultats de la commission de délimitation. Ce n’est pas le cas à l’est avec la Régence de Tunis, même lorsque le protectorat français est instauré sur ce territoire en 1881. De même, le grand territoire saharien est perçu comme une étendue sans limite sur le principe de la «Frontier strip» américaine de l’avancée vers l’Ouest, un territoire difficile à délimiter. Les populations du Sud repoussent sans cesse les militaires français. En 1899, une mission scientifique facilite la prise militaire d’In Salah. Située dans le Sahara central, à plus de 1000km d’Alger, cette annexion ouvre la possibilité de capter les zones désertiques et pour l’administration française d’explorer des territoires sahariens du Sud jusqu’au territoire du Congo. La motorisation des circulations dans le dernier tiers du XIXe siècle sera accélérée (chemin de fer, camion, avion…).

Salle 10 – Capter l’Algérie; La fabrique de l’Algérie

Capter l’Algérie
La fabrique de l’Algérie

La prise de possession de l’Algérie s’est faite notamment par la cartographie de son espace. Certains géographes sont favorables à une intégration respectueuse des conditions de vie des populations originaires du territoire; d’autres défendent le maintien de deux statuts. Les populations dites «musulmanes » d’Algérie, majoritairement constituées d’ouvriers agricoles, ne bénéficient pas des mêmes droits civiques que les Européens. Très tôt, la géographie sert la propagande des gouvernements français. En 1842, le territoire algérien fait son entrée dans un atlas national qui accompagne l’imagerie coloniale porteuse d’un message univoque: un pays agricole, rayonnant et intemporel, chargé de stéréotypes orientaux propices au tourisme. Dans l’entre-deux-guerres les produits issus de l’Algérie française ainsi que le tourisme contribuent à la richesse nationale française. Alors que la misère des populations locales s’accentue, 75 % de la production agricole et manufacturière est exportée vers l’Europe.

Salle 11 – Capter l’Algérie; La fin de l’Algérie française

Capter l’Algérie
La fin de l’Algérie française

Les supports de diffusion véhiculent une vision schématique des Algériens qui sert le commerce et le tourisme. Mais ces représentations masquent la réalité de la vie des populations autochtones qui ont toujours été écartées de la gouvernance du territoire alors qu’elles représentent 90% de la population. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la volonté des Algériens de s’extraire du colonialisme va les mener à conduire un combat pour leur autonomie. En 1954 commence la guerre de libération des Algériens. Ils engagent un long conflit pour leur libération, qui mettra à mal la vie de milliers de femmes et d’hommes. Cette guerre prend fin avec le référendum qui donne l’indépendance à l’Algérie le 5 juillet 1962. Durant toute cette période, la France tente de nouvelles politiques sociales et économiques qui ne pourront mettre un terme au mouvement de l’histoire donnant accès à l’indépendance de nombreux pays notamment en Afrique. Le colonialisme prend fin en Algérie. Commence alors le long exode des populations dites européennes d’Algérie.

Salle 12 – Au plus près

Au plus près

En 1962, le territoire algérien est maintenu dans son intégrité tel qu’il avait été délimité par les autorités françaises. La lutte pour l’indépendance de l’Algérie a fait naître un immense mouvement de solidarité à travers le monde. Le pays connaît dans les années 1960 une effervescence politique rare faisant d’Alger la capitale culturelle des mouvements « tiers-mondistes » et marxistes issus des combats révolutionnaires postcoloniaux. Les grandes figures combatives du socialisme de l’époque convergent vers ce territoire. Artistes, cinéastes, architectes et écrivains affluent de tous les continents. Dès 1962, l’Algérie s’engage dans la voie de la réforme. De grands projets autour de l’éducation, l’habitat, la santé, l’agriculture et le développement d’infrastructures sont réalisés. Le socialisme sera durant tout ce temps le vecteur politique majeur du pays. Après différentes crises, l’économie du pays tend à se libéraliser. Selon la constitution, seuls les Algériens peuvent accéder à la propriété terrienne en Algérie.

Jason Oddy, « Concrete Spring », 2013, série de 14 photographies couleur, tirages numériques, 30 x 40 et 70 x 90 cm., Collection de l’artiste

Cette série participe d’un corpus plus vaste de photographies dédiées à l’importante œuvre architecturale d’Oscar Niemeyer en Algérie, de 1969 à 1975 et au-delà. Sont montrés ici l’Université Bab Ezzouar et le Complexe Olympique d’Alger, ainsi que l’Université de la Mantouri à Constantine. Ces remarquables bâtiments, dénués ici de présences humaines, sont comme doucement rongés et figés par le temps, alors que les éléments vernaculaires gagnent les surfaces et dénaturent petit à petit l’architecture d’origine.

Zineb Sedira, Zineb Sedira, Série 1- Les terres de mon père, 2015, série de 9 photographies, collection de l’artiste. Courtesy Zineb Sedira & Kamel Mennour, Paris © Adagp, Paris, 2015

A partir d’une enquête archivistique et d’un travail de relevés photographiques et de quadrillages de terrains dans les Aurès, l’artiste reconstitue l’histoire mouvementée des terres dites de la tribu des Hachem, très impliquée dans le conflit contre le régime civil de 1871 et qui connut une longue série de séquestres, spoliations, procès et restitutions. Par ce travail d’enquête et d’indexation, Zineb Sedira propose une généalogie familiale et territoriale.