Voilà un mois et demi qu’indymedia Grenoble ne fonctionnait plus. Le site est de nouveau opérationnel depuis quelques jours. Bonne nouvelle, puisqu’il est de nouveau possible d’accéder aux archives précieuses de 10 ans de luttes à Grenoble.
Cette coupure technique est apparu à un moment où nous, collectif de modération envisagions d’arrêter l’aventure depuis plusieurs mois. Cette pause a été l’occasion de faire le point. Nous avons écrit ce petit texte pour expliquer pourquoi selon nous Indymedia Grenoble ne répond plus aux exigences d’un site local d’information.
Pour que tout soit clair : nous ne sommes pas à l’origine des articles et affiches publiés ces derniers jours sur le site et faisant croire à la relance d’indymedia Grenoble. Nous quittons le navire. Ceci étant dit, ce site a toujours été considéré comme un outil collectif. Si certains veulent s’en emparer pour le faire revivre, ils savent où nous trouver ou peuvent nous contacter par mail pour en discuter.
Indy, c’est fini…
Grenoble, 2 juin 2016
Et dire que c’était le site de mes premières manifs...
Indymedia Grenoble a été un outil important pour nous. Nous l’avons lu, beaucoup. Nous y avons contribué de manière anonyme, publiant compte-rendus de manifs ou actions, appels à la grève, annonces de concerts, choses plus théoriques... Puis il y a plusieurs années, nous avons intégré le collectif – certains depuis 7 ans. On ne vous refait pas l’histoire : la grande époque, puis les plaintes et les perquisitions, puis un nouveau collectif qui s’est effiloché au fil des années.
Le collectif aujourd’hui
Aujourd’hui, malgré des sollicitations répétées auprès de camarades, nous sommes trop peu, et tous fortement impliqués au sein de luttes ou collectifs. Si nous sommes en vacances, malades ou trop occupés ailleurs, les articles s’empilent en attente de modération. Le site a perdu petit à petit de son sens, et nous ne sommes restés tout ce temps que par un certain sens du « devoir », parce que l’agenda continuait tant bien que mal à remplir son rôle.
Le faible nombre de personnes dans le collectif limite non seulement la profondeur des débats nécessaires à la modération, mais l’existence même de ces débats. De fait, il y a longtemps que nous n’avons plus de débats, ni en direct, ni par mail, sur la modération. D’où des ratés, des délais de modération à rallonge, des décisions pas toujours cohérentes ni compréhensibles vues de l’exterieur.
Nous passons parfois plus de temps à refuser les articles de Patrice Faubert, à « gérer » la polémique du moment, ou à nous demander si tel article rentre ou non dans la charte qu’à nous faire les passeurs d’expérimentations ou de questionnements politiques.
Cette faiblesse nous empêche de transformer cet outil pour en faire quelque chose de plus dynamique et qui réponde mieux aux exigences d’un véritable site d’infos. Elle ne nous incite pas à nous projeter vers l’extérieur pour y trouver de la force : il n’y a pas l’énergie pour organiser des soirées publiques pour parler des médias libres, pour retapisser la ville d’affiches et faire de la propagande pour inciter à la contre-information.
Le site ne répond plus aux attentes d’un site local d’information
Les articles s’empilent dans des « locaux » ou « non locaux », catégories tellement larges qu’elles ont plutôt tendance à noyer les informations qu’à les mettre en valeur. Les éditos ressemblent davantage à une compilation d’articles qu’à un ensemble structuré.
L’immense majorité des articles publiés sur indymedia Grenoble est constitué d’articles non locaux, copiés collés d’autres sites internet. Depuis longtemps avant que le site ne tombe en panne, la plupart des événements politiques importants à Grenoble ne donnaient même plus lieu à un compte rendu sur indymedia. Les articles locaux n’ont pas la pertinence, la qualité, le sens que nous attendrions d’un site d’information.
Le site ne permet pas d’intégrer des vidéos, fichiers sons. L’intégration des images n’est ni pratique, ni esthétique.
La publication ouverte a montré ses limites :
A mesure de son essouflement en terme d’informations, Indymedia Grenoble est devenu pour certaines personnes le lieu privilégié pour régler ses comptes au sein du milieu anti-autoritaire. Au point que parfois, les embrouilles virtuelles ont pris plus de place que les discussions dans la vraie vie. Nous ne souhaitons plus encourager ces fonctionnements
Autre effet pervers de la publication ouverte, la validation ou la censure d’un article par le collectif de modération est devenu un enjeu central des conflits entre tendances. La pression (par mail, par articles ou commentaires sur le site, plus rarement par des discussions dans la vraie vie) sur les modérateurs d’indymedia pour faire valider ou refuser un article est devenu une pratique courante. Comme si notre rôle était de définir la doxa du parti radical grenoblois, ce que les gens ont le droit de penser ou pas. Curieuse conception du débat politique.
Nous ne nous dédouanons pas de notre responsabilité. Par manque de temps, par habitude, par absence d’autres perspectives en terme d’informations locales, nous avons parfois contribué à ce jeu stérile.
Ecrire ne s’improvise pas. Cela s’apprend. « Dont hate the media, become the media » était le slogan du réseau Indymedia. Cela n’était possible que si l’équipe était prête à accompagner les contributeurs et contributrices, au travers d’ateliers réguliers par exemple. Nous n’avons jamais eu l’énergie pour le mettre en place.
Indymedia Grenoble repose sur une illusion : celle d’une unité du milieu anti-autoritaire grenoblois, l’idée qu’il y aurait un socle commun d’idées, définis par la charte, qui permettrait aux différentes tendances du mouvement de s’exprimer voire de dialoguer entre elles. Or, si nous nous retrouvons sur des pratiques ou sur des luttes, de profonds désaccords politiques existent ou sont apparus au sein de ce milieu. Ils ne permettent pas / plus de se mettre d’accord sur les textes à publier. Nous n’employons même plus les mêmes mots pour désigner les choses. Ces désaccords ne sont pas graves en soi. Mais ils rendent impossible de continuer à faire fonctionner ensemble un outil dont la vocation première est de produire des idées et du discours politique à des fins révolutionnaires.
Et maitenant ?
Voilà au moins 5 ans que le site végète. Le milieu anti-autoritaire grenoblois – nous y compris – s’est accommodé tout ce temps d’un outil de communication au ralenti. Par commodité, par habitude, par manque de temps et de motivation pour proposer autre chose. D’une certaine manière, la persistance d’indymedia a empêché la naissance d’autres initiatives plus dynamiques autour de l’information locale.
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut mettre un terme à l’aventure d’Indymedia Grenoble.
Nous saluons tous celles et ceux qui ont contribué à faire vivre ce site et les luttes à Grenoble depuis tant d’années.
Le mouvement de ces derniers mois a montré qu’il était capable de s’organiser sans Indymedia Grenoble. Aussi, nous arrêtons aujourd’hui de modérer le site et laissons la place à d’autres initiatives :
http://www.lepostillon.org/ Amour, glaire et beauté
http://www.le-tamis.info/ Ce qu’il y a d’autre à Grenoble
http://www.ici-grenoble.org/ Un média pratique pour Grenoble et ses environs
http://nuitdeboutgrenoble.fr/ Automédia de Nuit Debout Grenoble
http://haro-grenoble.info Manifestation publique de réprobation
(liste non exhaustive)