Vocatif

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Le vocatif est en quelque sorte l'apostrophe. En linguistique, on appelle vocatif le cas grammatical exprimant l'interpellation directe d'une personne (ou d'une chose) au moyen d'un appellatif (nom propre ou terme d'adresse). Dans les langues à déclinaison, cet appellatif prend la marque du vocatif.

Dans les langues indo-européennes flexionnelles, le vocatif se caractérise par une absence de désinence propre : soit c'est la voyelle thématique (un suffixe se plaçant avant les désinences dans ce que l'on nomme généralement la seconde déclinaison en latin et en grec) qui prend le timbre [e] au lieu du [o] habituel et qui n'est suivie d'aucune désinence, soit c'est celle du nominatif qui est reprise telle quelle, souvent sans allongement (comme dans toutes les déclinaisons latines, sauf la seconde citée précédemment).

Ainsi, le nom du loup en indo-européen est un nom thématique. Son nominatif est le suivant :

Cela correspond, dans les langues-filles, à

  • latin : lupus, qui s'analyse bien lup-u-s ;
  • grec : λύκ-ο-ς (lúk-o-s) ;
  • sanskrit : vr̥k-a-s.

Au vocatif, la voyelle thématique prend le timbre [e] et n'est suivie d'aucune désinence :

Soit :

Dans les langues indo-européennes le vocatif n'a donc pas de désinence, ce que l'on pourrait aussi démontrer avec des déclinaisons non thématiques, dans lesquelles, cependant, l'allongement de la désinence du nominatif peut être annulé au vocatif (ce qui, en soi, ne constitue toujours pas une désinence mais une absence de désinence). D'autres phénomènes sont notables, tels des déplacements accentuels. Un exemple montre bien ces deux phénomènes, c'est le nom pour « père » en grec :

  • nominatif : πατήρ (indo-européen : *ph2tḗr-Ø, sans désinence, l'allongement de la dernière voyelle suffisant) ;
  • vocatif : πάτερ (indo-européen : *ph́2tĕr-Ø, sans désinence, sans allongement et avec remontée de l'accent).

Le vocatif dans les langues slaves[modifier | modifier le code]

Le vocatif est conservé dans la plupart des langues slaves : en bulgare, en tchèque, en ukrainien, en polonais, en serbe :

  • bulgare[1] : другар → другарю « camarade », госпожица → госпожице « demoiselle »
  • tchèque[2] : pan → pane « monsieur », žena → ženo « femme »

Une exception notable est l'absence de vocatif en russe, même si l'ancien russe possédait des formes spécifiques du vocatif au singulier [3] :

  • жена (femme) → жено !
  • вълкъ (loup) → вълче !
  • конь (cheval) → коню !
  • гость (hôte) → гости !
  • сынъ (fils) → сыну !
  • мати (mère) → мати !

Le russe moderne conserve des traces du vocatif dans l'invocation religieuse (Отче наш « Notre Père »), dans quelques rares expressions figées (Боже мой « Mon Dieu », батько « petit père ») et (très rarement) dans la littérature (chez Alexandre Pouchkine, par exemple : « старче » pour « старец » ― « vieillard »). La forme courte populaire des prénoms (« Тань » Tan’ pour « Таня » Tania) et des mots « мам » et « пап » (m’man, p’pa) peut être considérée comme un vocatif.

Autres langues[modifier | modifier le code]

On retrouve un exemple de vocatif utilisé dans les prénoms en langue corse. Pour apostropher une personne par son prénom, ce dernier est tronqué immédiatement après l'accent tonique. On obtient les exemples suivants :

  • Dumenicu → o Dumè
  • Pasquale → o Pasquà
  • Michele → o Michè
  • Catalina → o Catalì
  • Ghjacumu → o Ghjà

Souvent, le vocatif corse du prénom est utilisé couramment (y compris en français) dans des cas fautifs pour désigner les personnes.

Sources et références[modifier | modifier le code]

  1. Jack Feuillet, Petite Grammaire du bulgare, Colibri, Sofia, 2006 (ISBN 978-954-529-436-5)
  2. Dagmar Hobzova, Le Tchèque tout de suite ! Pocket Langues pour tous, (ISBN 978-2-266-07591-6)
  3. Ch. J. Veyrenc, Histoire de la langue russe, Presses Universitaires de France (Que sais-je ?)