Morlaàs - Le Portail de Sainte-Foy
LE CHEMIN DE RONDE. La ville de
Morlaàs fut pendant plus de deux siècles (fin XIe - XIIIe) la capitale des vicomtes de
Béarn et connut une prospérité dont témoigne encore l'église Sainte-Foy. Fondé vers
1080, le prieuré Sainte-Foy fut immédiatement rattaché à l'abbaye de
Cluny, alors en pleine expansion. L'église connut de nombreuses vicissitudes au XVIe siècle : elle subit un incendie en 1520, un autre pendant les guerres de religion en 1569 et ne fut rendue au culte catholique qu'en 1620.
Elle était alors "en pauvre état" et le clocher s'était effondré quelques années plus tôt.
Au XIXe siècle, plusieurs campagnes de travaux furent menées, et grâce à
Eugène Viollet-le-Duc, le portail fut classé monument historique dès 1841. On put alors en commencer la restauration, qui de contretemps divers en manque de crédits, ne sera achevée
... qu'en 1902. Les sculptures, devenues presque illisibles, furent déposées et remplacées par le sculpteur Bouey de
Bayonne qui fit généralement preuve d'une grande fidélité à l'original. La plupart des sculptures furent exécutées à partir de moulages réalisés par
Alfred Geofroy, mais les apôtres des piédroits, les chapiteaux de l'ébrasement, le tympanon représentant la fuite en
Égypte et la base du trumeau furent interprétés librement.
À droite et à gauche de la porte d'entrée principale qui offre au centre un meneau, se dressent les statues nimbées des douze Apôtres, dont huit sont accolées deux à deux. Des colonnes à chapiteaux historiés, disposées dans les angles rentrants, reçoivent les retombées de six grandes arcades plein-cintre superposées et merveilleusement décorées. Au-dessus des tailloirs, la première voussure encadre un large tympan dans lequel en sont inscrits deux autres, correspondant aux divisions de la baie géminée. L'ensemble du portail est inspiré par la vision que Saint-Jean eut du ciel et qu'il raconte dans l'
Apocalypse.
Dans le grand tympan, au centre de la composition du portail, trône un Christ en majesté encadré de l'ange et de l'aigle (symboles des apôtres
Jean et
Mathieu) ; de part et d'autre ont été représentés en bas-reliefs le massacre des
Innocents et la fuite en Égypte. Ces deux tympanons sont ourlés d'un tore et d'une moulure à billettes. Au-dessus, les trois grandes voussures en plein cintre sont ornées respectivement de canards (symboles de la foi), des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse et de trente-cinq personnages représentant les âmes des justes.
Les vingt-quatre vieillards sont assis et tiennent à la main un vase de parfum et un instrument de musique (vièle et rebec). Sur le claveau du centre apparaît dans un nimbe Jésus-Christ, sous la figure de l'agneau, portant la croix résurrectionnelle.
Plus en arrière, sur le dernier voussoir, trente-cinq âmes de justes ou d'anciens martyrs élargissent, en le complétant, le cercle de la cour céleste. De misérables tuniques leur ceignent les reins, laissant voir, nus, de pauvres membres flagellés par toutes les souffrances ; l'une de leurs mains est placée sur leur poitrine, l'autre est levée vers le ciel, dans une attitude suppliante.
Au centre du portail, entre les deux portes, on remarque deux esclaves enchaînés dos à dos, inspirés au sculpteur par ceux d'Oloron. Au pied du meneau sont enchaînés deux misérables, condamnés à en supporter le poids. Sur le fût, un jeune homme et une biche aux formes élancées s'élèvent au milieu des lianes... des oiseaux s'abattent dans le feuillage, ...et il éclot au sommet une magnifique frondaison de fleurs et de fruits. À l'époque, tous ces personnages étaient peints de couleurs vives et le portail était comme un livre ou une bande dessinée pour des gens dont la plupart ne savaient pas lire !
La plupart de ces sculptures ont été refaites lors de la restauration du portail, mais l'artiste (un disciple de Viollet-le-Duc) a su conserver au porche son antique cachet. Ce portail constitue l'un des plus beaux types de style roman.