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Varia

La crise de la représentation démocratique

Le cas espagnol : des indignés à Podemos1
The crisis in democratic representation. The Spanish case: From the indignados to Podemos
Alfonso Pérez-Agote
p. 171-200

Résumés

La société démocratique s’est construite historiquement autour d’une séparation des sphères civile et politique et d’une relation de communication entre ces deux sphères. En Espagne une forte crise économique commence autour de 2007 ; et cette crise unie à la crise de la communication démocratique entre les deux sphères, a produit une réponse très puissante de la société civile : les indignés. Trois autres facteurs ont contribué à cette naissance : la hausse du niveau d‘études des nouvelles générations, la diffusion des nouvelles technologies de communication et une certaine épidémie de mobilisation sociale. Après l’analyse des premiers moments de la réponse civile, cet article en vient à celle des rapports du mouvement avec la politique conventionnelle, et tente enfin de découvrir les conséquences de l’irruption dans la sphère politique du nouveau parti émergé de la mobilisation sociale : Podemos.

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Texte intégral

  • 1 Ce travail a été présenté à Paris le 15 avril 2015 au laboratoire CADIS-EHESS, dans le cadre du sé (...)

1La sphère politique des sociétés européennes occidentales s’est vue très altérée par un ensemble de phénomènes sociaux et politiques. La crise économique que traverse chaque pays avec plus ou moins d’intensité et l’affaiblissement, variable selon les États, de leur capacité de résistance dû aux pressions politiques et économiques supranationales compliquent pour chaque gouvernement la résolution des problèmes sociaux de la population causés par cette même crise. Face à cette situation et dans un contexte historique où, de manière générale, la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques est entamée, surgissent des réactions de la sphère politique comme de la société civile. L’Espagne est probablement le pays européen où la réponse de la société civile à cette crise de la politique conventionnelle a été la plus importante.

La construction historique d’une relation démocratique de communication politique

2Les principaux instruments analytiques que je vais utiliser pour étudier ces processus proviennent, d’une part, de la théorie de la différenciation sociale, aujourd’hui dépourvue de son caractère évolutionniste et donc de toute prétention prédictive, et, d’autre part, de travaux de sociologie historique.

3La théorie de la différentiation a été présentée dès ses débuts comme une des dimensions de la théorie de la modernisation (Alexander et Colomy, 1990). La différenciation de sphères, d’institutions et de systèmes symboliques (Voegelin, 1987 ; Bellah, 1964) a été pensée comme un des moteurs de la modernisation. Des sociologues ont considéré que cette théorie offrait une description historique de l’évolution de certaines institutions sociales (Luhmann, 1990 : 413). Dans un autre travail (Pérez-Agote, sous presse), j’ai montré comment deux institutions qui ont réussi à être pleinement différenciées à un moment de l’histoire ont cessé de l’être par la suite. Le processus peut être réversible, au moins de manière relative. Comme toujours avec toute la théorie de la modernisation, véritable colonne vertébrale de la sociologie depuis sa fondation, il faut, selon moi, la dépouiller de son prétendu caractère universel et évolutif, sans pour autant lui ôter sa valeur analytique. Cette théorie présente un second problème : elle s’est arrêtée à la différenciation sans prêter beaucoup d’attention à la relation entre les sphères différenciées. Cette relation est le problème théorique central qui définit le phénomène complexe que je me propose d’analyser : la relation entre deux sphères différenciées que sont la société civile et la sphère politique. En raison de cette faiblesse théorique, j’ai recherché de l’aide auprès de la sociologie historique.

4Les travaux d’Elias (1983), d’Habermas (1989) et de Tilly (1990) nous permettent de déterminer comment, dans l’histoire de nos sociétés européennes et occidentales, s’est produite la séparation entre la sphère politique (celle du roi et de sa cour) et une nouvelle sphère publique née du domaine privé que nous en sommes venus à appeler « société civile ». Le processus de nationalisation et de démocratisation des États a été un processus de création de certaines institutions mettant en relation ces deux sphères différenciées. Habermas résume très bien les phases à travers lesquelles cette société civile se forme et donne lieu à une structure de communication entre ces deux sphères. En premier sont apparus les salons où des segments de l’aristocratie s’associaient à des segments de la bourgeoisie ascendante pour se livrer à des critiques au début littéraires puis, plus tard, politiques.

5Ensuite sont apparus les cafés de nos villes, plus tard les journaux et finalement, les partis politiques. C’est ainsi que la société a été pensée comme l’objet de la politique (Habermas, 1989 : chapitre 3).

6La société démocratique a été pensée et s’est construite autour d’une séparation des sphères civile et politique, mais aussi autour d’une relation de communication entre ces deux sphères : les citoyens exprimaient leurs intérêts et leurs problèmes que les partis transmettaient aux représentants politiques qui répondaient à leur tour par leur action politique.

7Dans ce travail, je vais me concentrer sur le cas espagnol en en brossant les grands traits.

  • 2 Cette période historique correspond à la tentative d’établir l’actuelle structure de communication (...)
  • 3 Cette analyse s’effectue dans le champ de la légitimation politique, c’est-à-dire des sentiments e (...)

8La structure de communication que je viens d’évoquer est entrée en crise depuis un certain temps. Malgré une histoire courte qui a débuté avec la transition démocratique2 à la mort du dictateur en 1975, la sphère politique démocratique s’est éloignée des citoyens. Ces derniers pensent très majoritairement que dans un pays démocratique, le flux qui part des citoyens et se dirige vers ceux qui votent les lois et vers ceux qui les exécutent n’existe pas3.

9En raison de ce que j’appellerai la conjonction astrale, une tentative de construction d’une nouvelle structure de communication va surgir de la sphère privée à un moment donné de l’histoire. Ce processus est celui des indignés qui tentent de promouvoir leurs intérêts auprès de ceux qui forment la sphère de la politique conventionnelle. Ils tentent de construire une nouvelle culture politique et de la propager à la population avec l’intention de contrôler la politique conventionnelle. Il s’agit du mouvement communément appelé « 15M », car c’est le 15 mai 2011 qu’a commencé ce qui a été considéré depuis, par ses participants, comme l’événement fondateur de ce mouvement social.

10Podemos serait l’expression la plus fortement institutionnalisée et la plus fortement politique du mouvement 15M. Il s’agit d’un parti politique qui tente de mener à bien un grand nombre des objectifs définis par ce mouvement en entrant dans le jeu politique conventionnel. Mais le fait d’entrer dans la sphère politique engendre des difficultés pour atteindre certains de ces objectifs, comme celui d’instaurer une relation fondamentalement horizontale au sein du parti.

  • 4 Les remarques d’Hervé Le Bras au cours du séminaire cité en note 1 m’ont beaucoup fait réfléchir e (...)

11Dans le tableau no 1, nous pouvons observer un important déficit de confiance vis-à-vis des institutions politiques au sein des pays membres de l’Union européenne. De fortes différences apparaissent clairement entre ces pays. Nous pouvons dire de manière approximative que dans les pays du Nord la confiance est plus élevée que dans ceux du Sud. Et nous voyons clairement dans chaque pays que les partis politiques affichent un déficit de confiance bien plus élevé que les institutions étatiques. Toujours de manière très générale, nous pouvons dire qu’il existe une crise de confiance vis-à-vis des différentes institutions démocratiques nationales bien que l’ampleur de cette crise varie entre chacun de ces pays. L’Espagne est le pays qui présente le plus faible taux de confiance dans chaque colonne de ce tableau. Cette crise de confiance est très forte tout comme la réaction de la société civile à l’encontre de la sphère politique. Le présent travail est une tentative d’analyse de cette réaction. Toutefois, il convient de signaler dès à présent que l’ampleur de cette défiance ne semble pas avoir totalement déterminé le degré d’intensité de la réponse des citoyens4. La question est plus complexe.

Tableau no 1 : taux de confiance dans les institutions politiques nationales de certains pays européens, 2014

  % de la population qui a plutôt confiance dans des institutions de son pays
Pays Confiance dans le gouvernement Confiance dans le Parlement Confiance dans les partis politiques
Allemagne 48 49 21
Belgique 33 36 18
Danemark 50 61 34
Espagne 11 10 5
France 17 23 6
Grèce 11 14 8
Hollande 52 55 33
Italie 18 18 9
Portugal 17 20 11
Royaume-Uni 31 34 14
Source : Eurobaromètre Standard 82, automne 2014.

12Le mouvement des indignés est communément appelé 15M en Espagne, on l’a vu, car il a commencé le 15 mai 2011. Si le phénomène de la crise de la démocratie espagnole est un phénomène antérieur à cette date, comme je le démontrerai plus loin, alors pourquoi ce mouvement tarde-t-il à apparaître ?

La « conjonction astrale » qui a favorisé la naissance des indignés, du mouvement 15M

13Un début de réponse à la question posée, qui devra être complété par des recherches postérieures, est qu’il s’est produit en Espagne ce que j’appelle une conjonction astrale de cinq facteurs différents. Cette conjonction a favorisé la naissance du 15M et son développement postérieur multipolaire.

Le facteur politique : une crise de la structure de représentation/communication démocratique

14Bien que les données ne soient que partielles, il apparaît dans le tableau no 2 que le discrédit des institutions politiques précède la crise économique contemporaine née entre 2007 et 2008, comme nous le verrons lorsque nous parlerons du facteur économique, et précède également la naissance du 15M en 2011. Nous pouvons remarquer que le niveau de confiance vis-à-vis des partis politiques est nettement plus faible et baisse plus dans le laps de temps étudié que le niveau de confiance envers le Parlement. Il faut également souligner qu’après la naissance du 15M, la défiance à l’égard des partis politiques a continué de croître de manière importante.

Tableau no 2 : valeur moyenne du niveau de confiance de la population dans les partis politiques et dans le parlement

Année/Institution 1994 1995 1996 1998 2002 2003 2005 2007 2010 2011 2013 2014
Partis politiques 3,75 3,94 3,91 2,88 2,76 1,83 1,89
Parlement 4,48 5,31 5,34 5,5 5,35 4,01 4,49
Valeurs entre 0 (aucune confiance) et 10 (confiance importante). Source : <www.cis.es>.

15Nous pouvons observer dans le tableau no 3 le niveau de confiance dans les différentes institutions qui composent ce que j’ai appelé la structure de communication démocratique durant les débuts du 15M. Il est clair qu’en réalité la plus grande méfiance des Espagnols se manifeste à l’encontre des partis politiques et des professionnels de la politique.

Tableau no 3 : pourcentage des Espagnols et jeunes Espagnols qui approuvent le fonctionnement de la structure de communication

Population espagnole Population âgée de 18 à 34 ans
Mouvements sociaux tels que PAH 71 % 80,5 %
Presse (journaux) 56 % 55 %
Télévision 46 % 53 %
Syndicats 26 % 30,5 %
Parlement 18 % 21 %
Gouvernement 19 % 13,5 %
Partis politiques 7 % 4,5 %
Hommes politiques 6 % 5,5 %
Source : sondages Metroscopia, décembre 2012 et mars 2013, El País, 7 avril 2013.

Le facteur éducatif : une hausse du niveau d’études des nouvelles générations

Avec un niveau d’éducation de sa population peu élevé, l’Espagne figure parmi les pays ayant la meilleure mobilité ascendante. En effet, 45 % de sa population âgée de 25 à 34 ans a atteint un niveau d’études plus élevé que celui de ses parents, un chiffre supérieur à ceux de l’OCDE (37 %), de l’Union européenne (39 %), de la Finlande (27 %), de la Norvège (25 %) ou de l’Allemagne (20 %). […] La faible mobilité descendante peut aussi être considérée comme un phénomène positif. L’Espagne n’affiche que 6 % de mobilité descendante contre 13 % pour l’OCDE et 12 % pour l’Union européenne (Ministerio de Educación, Cultura y Deporte, 2012 : 9).

Tableau no 4 : le niveau d’éducation de la population adulte (de 25 à 64 ans)

2000 2010
Primaire Secondaire Tertiaire Primaire Secondaire Tertiaire
Espagne 62 % 16 % 22 % 47 % 22 % 31 %
Union européenne 36 % 45 % 19 % 24 % 48 % 28 %
OCDE 36 % 42 % 22 % 26 % 44 % 30 %
Source : Ministerio de Educación, Cultura y Deporte, 2012.

16Il faut se rendre compte que cette forte hausse du niveau d’éducation de la population adulte en Espagne résulte du grand saut réalisé par les nouvelles générations en 2010. En effet, ce sont ces générations qui ont élevé ce niveau tandis que le reste de la population a très majoritairement conservé le niveau qu’elle avait en 2000. Cela implique un effort économique considérable – en heures de travail – pour de nombreux parents et, en toute logique, un effort également important de la part des enfants qui achèvent leurs études. Dans une étude menée sur des jeunes précaires, nous avons constaté chez eux un fort sentiment de double frustration dû à l’injustice que la société leur avait infligée et qu’elle avait été aussi infligée à leurs parents (Pérez-Agote et Santamaría, 2008).

Le facteur économique : une crise économique forte, rapide et traumatique

Indignados and occupy movements surged in the wave of an economic crisis that has had a devastating effect on youth precarity and unemployment. However, the claims of this movement focus even more on a crisis in democracy, pointing to the actual and structural limitations of representative democracy (Pleyers, 2012).

17Du point de vue de l’emploi, la crise actuelle de l’économie espagnole est peut-être la plus forte et la plus rapide d’Europe occidentale, seulement comparable à celle de la Grèce. Au début de ce siècle, l’économie espagnole a joui d’une période de croissance rapide jusqu’en 2007, année où l’on observe le plus faible taux de chômage de l’histoire récente du pays : 8,2 % de la population. Mais, à partir de 2008, ce taux commence à augmenter de manière fulgurante, jusqu’à dépasser 26% en 2013. Durant ces années, le taux de chômage des jeunes (voir le tableau no 5) a été à peu près le double du taux général. Plus précisément, il s’élevait à 57 % en 2013.5

Tableau no 5 : taux de chômage par tranche d’âge, Espagne, 1997-2014

Année / Âge 1997 2001 2007 2008 2011 2012 2014
16 à 19 ans 49,8 29,4 31,1 63,7 69,1 73,9 67,3
20 à 24 ans 34,5 19,1 15,2 38,3 44 51,4 48,9
25 à 54 ans 17,8 9,3 7,6 18,6 21,1 24,3 22,1
55 ans et plus 10,5 6,3 5,8 13,9 15,6 18,1 19,1
Total 20,1 10,6 8,6 20,1 22,6 25,8 23,7
Source : Idescat, <http://www.idescat.cat/​treball/​epa?tc=4&id=ie4002&dt=20144&lang=es&x=11&y=3>.

Un facteur endémique mondial

18Les deux derniers facteurs que je veux analyser ont une portée mondiale. Le quatrième est un facteur progressivement endémique à l’échelle mondiale : l’utilisation massive des nouvelles technologies de la communication (Internet, téléphonie mobile, etc.) est en train de produire d’importants changements dans la vie quotidienne, dans les habitudes culturelles, mais également, et de manière très importante, dans les formes de mobilisation sociale (Castells, 2012). Ces derniers changements peuvent non seulement toucher une population spécifique mais aussi atteindre l’échelle planétaire. Dès le premier appel du mouvement des indignés, ces technologies ont été essentielles comme nous allons le voir. Cela provoque, comme nous le verrons également, des problèmes concrets sur le plan pratique de la mobilisation mais aussi sur le plan théorique.

Un facteur épidémique mondial

19Le cinquième facteur est également de nature mondiale : il s’agit de l’épidémie de mobilisation sociale qui commence par ce que la mémoire collective appelle le « printemps arabe » et qui se propage à plusieurs continents. Ce facteur peut être qualifié d’épidémique car les différentes mobilisations qui ont eu lieu dans plusieurs pays présentent une forme commune bien qu’elles aient eu lieu dans des réalités sociopolitiques bien différentes (Glasius et Pleyers, 2013). De cet ensemble de traits communs (mouvement fondamentalement jeune et pacifique, occupation d’espaces publics importants, demande d’une réforme politique démocratique tendant à résoudre les problèmes concrets des citoyens), il semble ressortir que l’idée de démocratie est une valeur de plus en plus mondiale. Il s’agirait de l’expression de quelque chose qu’Alain Touraine a parfaitement décrite de manière plus générale :

L’unité du monde existe. Elle ne repose pas seulement sur la globalisation croissante de l’économie ; elle est fondée aussi sur la croyance de plus en plus répandue de la nécessité de la démocratie comme condition indispensable de la reconnaissance et du respect des droits humains (Touraine, 2013 : 473).

20Les caractéristiques communes qui permettent de parler d’une épidémie de mobilisation sociale et d’un mécanisme de contagion sont les suivantes. La première réside dans le fait que le secteur social qui constitue le moteur de chaque mouvement social est composé de jeunes instruits rencontrant des difficultés à s’insérer dans le marché national du travail. Dans tous ces cas, le premier objectif s’appuie sur la critique du système politique en vigueur dans le pays pour mettre en place une démocratie réellement représentative qui s’occupe de résoudre les problèmes fondamentaux des citoyens, c’est-à-dire qui les représente réellement. Les deux autres caractéristiques communes concernent les moyens employés pour réaliser leurs objectifs, moyens qui concernent la communication entre les participants du mouvement. Une caractéristique commune est l’utilisation des technologies modernes de communication, un élément technique dont l’utilisation soulève des questions intéressantes comme nous le verrons lorsque nous parlerons du mouvement 15M. La dernière caractéristique, qui présente à la fois une dimension technique et symbolique, est que le mouvement a débuté par l’occupation d’une place considérée comme centrale dans la vie de la cité, autrement dit d’un lieu de la vie sociale. Enfin, il faut ajouter que, lors des occupations d’une place, la préoccupation de l’horizontalité des relations qui ne doivent pas émaner d’un centre de pouvoir apparaît toujours (Benski et al., 2013 : 550-554 ; Della Porta, 2005).

L’analyse du premier appel

  • 6 Plus tard, j’ai mené un entretien avec la personne qui, à l’aide d’un haut-parleur, avait diffusé (...)

21Ce mouvement a été initié depuis une plateforme sociale en ligne appelée Democracia Real Ya (Démocratie réelle maintenant) par un appel à manifester le 15 mai 2011. Cette plateforme était composée de quelques centaines de réseaux en ligne. La manifestation a obtenu un succès inattendu et a touché une quarantaine de villes espagnoles. À Madrid, à la fin de la manifestation, les manifestants ont décidé de manière improvisée d’installer un campement sur la fameuse place de la Puerta del Sol (porte du Soleil) pour y passer la nuit6. Ce campement a constitué par la suite l’image emblématique du mouvement.

22L’appel émis sur la toile par Democracia Real Ya dévoile certaines des caractéristiques du mouvement alors émergeant :

  • un appel sur Internet,
  • un caractère pacifique expressément déclaré,
  • la tentative d’une certaine neutralité politique : suppression des termes droite/gauche de son vocabulaire ; non-admission dans la manifestation des partis politiques, les membres des partis sont admis s’ils viennent à titre personnel. Tout cela a placé clairement le mouvement en dehors de la politique conventionnelle,
  • une critique radicale de la démocratie espagnole présente dans les trois types d’objectifs proposés (voir tableau no 6).

Encadré no 1 : Types d’objectifs proposés dans l’appel lancé par Democracia Real Ya

Types d’objectifs proposés dans l’appel Critique de la démocratie espagnole Exemples de slogan utilisé
Abolition des privilèges de la classe politique Éloignement des hommes politiques : privilège et corruption « Il n’y a pas de pain pour autant de chorizo  » (Il s’agit d’un jeu de mot : le chorizo est une charcuterie, une saucisse très populaire en Espagne, qu’on mange très fréquemment avec du pain ; mais en argot il désigne également un voleur. Ce slogan veut ainsi dire qu’il n’y a pas assez de pain pour autant d’hommes politiques corrompus.)
Mesures en faveur d’une démocratie espagnole plus représentative La sphère politique ne représente pas les citoyens « Non, non, non, ils ne nous représentent pas »« Ils appellent ça de la démocratie et ce n’en est pas »
Mesures pour résoudre les problèmes concrets des citoyens (à savoir l’emploi et le logement) La politique conventionnelle ne s’occupe pas des problèmes concrets « Sans maison, sans boulot, sans retraite, sans peur »

23Le campement emblématique du 15M a duré près d’un mois. Durant ce temps, il n’y a pas eu, à ma connaissance, de propositions de suppression des partis politiques existants, pas plus que de propositions de création de partis ou de formations politiques. En revanche, les discussions ont porté sur les manières de mettre en place des mécanismes de contrôle des décisions politiques par les citoyens. Dans le fond, ce campement était l’expression du désir de construire une nouvelle structure de communication entre les citoyens, entre la société civile et la sphère politique.

24Pendant la durée du campement, une grande attention a été portée à ce que ne surgisse pas un noyau central qui se serait emparé du pouvoir de décider ou d’influencer les participants. Il était toujours question d’horizontalité. Les décisions ont toujours été prises dans le cadre d’assemblées. Une vigilance constante a été exercée pour ne pas laisser apparaître une différenciation centre-périphérie. Et la discussion sur les problèmes réels de la population a fait également l’objet d’une grande attention.

  • 7 Ces conclusions proviennent de l’observation directe. Pendant la durée du campement, je suis allé (...)

25Le campement s’est peu à peu organisé : garderie d’enfant, nourriture, propreté... Le degré de propreté était impressionnant. Les messages des affiches étaient réfléchis, cultivés et truffés de citations littéraires et philosophiques. Tout cela indique que le moteur de la vie du campement était constitué d’une jeunesse instruite qui a instauré des règles basiques de comportement. Au cours de cette période, de nouveaux groupes sont apparus : collectifs d’immigrants, de quartiers, de femmes et de nombreux autres secteurs porteurs de revendications à l’égard de la politique conventionnelle7. Presque un mois après ses débuts, l’assemblée des participants a décidé de démanteler le campement.

  • 8 Manuel Castells a publié, principalement dans La Vanguardia, de nombreux articles de journaux très (...)
  • 9 La PAH a bloqué 1 663 expulsions. L’œuvre sociale de la PAH a relogé 2 500 personnes : voir <http: (...)
  • 10 Corrala est un ancien mot castillan qui désigne « dans les vieux quartiers résidentiels une maison (...)

26Le cri a été unanime : « Nous ne partons pas, nous allons nous propager » ; « Nous allons nous démultiplier » ; « Dans chaque quartier, dans chaque ville, peu importe où se trouve le problème, nous y serons. » Et effectivement, l’expansion a été très large et a atteint de nombreuses parties de l’Espagne8. Grâce à cette nouvelle référence commune du 15M, d’anciens mouvements sociaux, tel Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH)9, ont bénéficié d’une vigueur inhabituelle. Ainsi la grande leader de la PAH, Ada Colau, a-t-elle gagné un très grand prestige et telle notoriété qu’elle est aujourd’hui maire de Barcelone. D’autres mouvements sont nés, comme celui des corralas10 en Andalousie. Ce mouvement a principalement été mené par des femmes gitanes qui ont occupé des logements vides dont les banques étaient propriétaires, en exigeant la légalisation de leur occupation contre un « loyer social ».

27Dès le début, cette propagation et cette déconcentration du mouvement ont soulevé plusieurs problèmes fondamentaux. En premier lieu, depuis la dispersion et l’autonomisation de chaque mouvement, à chaque nouvelle mobilisation les participants obtiennent, par la simple référence à un symbole commun, la sécurité que leur confère le fait d’appartenir à un mouvement plus vaste et plus général. Ainsi se crée un référent symbolique commun. La question se pose alors : peut-on maintenir dans le temps cette référence commune sans qu’il y ait des moments territorialisés où les corps se rencontrent et célèbrent rituellement l’être ensemble ? Peut-on maintenir cette référence commune grâce au simple usage des nouvelles technologies de la communication sans aucune ritualisation territoriale ? Si la réponse est non, alors des ritualisations régulières sont nécessaires. Mais dans ce cas, comment les organiser sans faire émerger un centre du mouvement qui s’occuperait à chaque fois de l’appel et de l’organisation ? Si la réponse est oui, nous pensons alors qu’une nouvelle forme de différenciation sociale, clairement distincte de la forme centre-périphérie, est possible grâce à l’utilisation des nouvelles technologies de communication (Castells, 2012). Ainsi formulées, ces questions sont plutôt rhétoriques. Or, un mouvement large se développe de différentes manières, non pour répondre à des questionnements abstraits, mais pour tenter de prévenir les dilemmes concrets.

28En second lieu, un autre problème apparaît dans ce mouvement, chaque fois avec plus de force, celui posé par la relation de ce mouvement à la politique conventionnelle. Les acteurs et les réseaux du mouvement ont proposé deux types opposés de solutions : rester un mouvement en dehors de la politique conventionnelle et faire pression sur cette dernière pour qu’elle s’occupe des problèmes concrets des citoyens et de la société civile ; ou au contraire s’institutionnaliser comme parti politique et entrer directement dans la politique conventionnelle afin de parvenir à ce que la sphère politique s’occupe de résoudre lesdits problèmes. Cependant si cette institutionnalisation politique se réalise, comment faire pour que subsiste la possibilité de résoudre de manière autonome les problèmes concrets de chaque localité ? Qu’advient-il de tout le réseau de mouvements locaux autonomes qui se sont formés dans les quartiers et dans les villes ?

29Il s’agit là des problèmes pratiques qui se posent au mouvement. À l’intérieur de celui-ci diverses initiatives voient le jour et se rapprochent d’une tendance ou de l’autre. Mais nous verrons comment à l’intérieur de Podemos – qui est la forme la plus forte d’institutionnalisation politique atteinte par le 15M – ces problèmes sont consciemment posés par les textes mêmes de l’organisation et comment ils sont aussi au cœur de la première crise interne du « parti », fin mars 2015.

Les rapports du mouvement 15M à la politique conventionnelle : les difficultés à se construire comme mouvement et la tendance à s’institutionnaliser comme parti

  • 11 Malheureusement, je ne peux développer ici cet intéressant sujet de recherche.
  • 12 Partido Socialista Obrero Español (Parti socialiste ouvrier espagnol). (N.D.T.)
  • 13 Partido Popular (Parti populaire). (N.D.T.)

30La structure de communication politique s’est inversée. Le flux fondamental de cette communication – qui élevait les intérêts et les problèmes des citoyens de la sphère privée à la sphère des hommes politiques – s’est estompé. C’est plutôt la sphère politique, composée des hommes et des partis, qui dicte aux citoyens ce qu’ils doivent penser et exiger d’elle. Ils le font à travers un système de moyens de communication éloignés des citoyens11 les convertissant ainsi en consommateurs de la politique. Les cris et les slogans répétés dans le mouvement du 15M nous montrent clairement une vision critique absolue, non de la démocratie en général, mais de la démocratie espagnole telle qu’elle est actuellement : « Non, non, ils ne nous représentent pas », « PSOE12 et PP13, c’est la même merde », « Ils appellent ça de la démocratie et ce n’en est pas. »

  • 14 La plateforme « ¡En Pie ! » a appelé à assiéger le Congrès le 25 avril 2013, voir <http://www.lava (...)

31Comme nous avons pu le voir, le 15M a commencé sa route en tant que mouvement en se situant à l’extérieur de la sphère politique conventionnelle et avec l’objectif de changer la culture politique espagnole, c’est-à-dire de ne pas perdre le contrôle sur les décisions prises dans la sphère politique conventionnelle14. Cela s’inscrit dans la conviction générale que les nouvelles technologies constituent des mécanismes qui facilitent l’exercice quotidien de ce contrôle.

  • 15 Marches de la dignité. (N.D.T.)
  • 16 Les 22 mars 2014 et 2015 plusieurs colonnes provenant des différentes régions de l’Espagne et se r (...)

32Le dilemme entre l’efficacité politique – institutionnalisation d’un centre puissant – et la proximité du mouvement par rapport aux citoyens et leur autonomie à poser des problèmes concrets auxquels ils sont confrontés et à les résoudre n’est pas tant une question théorique qu’un problème pratique. Autour de ce dilemme se produisent, d’une part, des initiatives continues d’institutionnalisation et, d’autre part, des initiatives de remémoration rituelle du moment fondateur, pour tenter de promouvoir d’en bas, sans création d’un centre, la permanence d’une référence symbolique commune, d’une identité collective en tant que mouvement et d’une référence à une démocratie absolue (Romanos, 2011). Les dites Marchas de la Dignidad15, aussi appelé mouvement du 22M16, sont un exemple clair de cette tendance à la remémoration sans constitution d’un centre.

33Dans la direction opposée, celle qui va vers l’institutionnalisation politique, vers l’intervention dans la sphère politique conventionnelle, nous pouvons souligner, sans volonté d’être exhaustif, un ensemble d’événements marquants.

34En premier lieu, nous constatons que près d’un an après l’appel de ce qui se transformera en un campement à la Puerta del Sol, la plateforme à l’origine de cet appel, Democracia Real Ya, a tenu une assemblée générale dont le résultat principal a été l’émergence de deux courants opposés : celui des participants qui ont décidé de rester une plateforme sociale17 – sans plus grande représentation institutionnelle – et celui des participants qui ont décidé de se réunir dans une association dûment enregistrée et déclarée18, autrement dit avec une personnalité juridique – cette association devant nécessairement impliquer un rapprochement avec la politique conventionnelle, comme l’a montré la participation à une campagne électorale de Beppe Grillo et de son Movimento 5 Stelle en Italie.

35Plus tard viendra la création d’un parti nouveau et peu conventionnel : le Partido X, comme l’inconnue d’une équation, qui décide de poser un pied dans la politique conventionnelle tout en conservant l’autre à l’extérieur de celle-ci : « Le Partido X est le Réseau citoyen que demande la Démocratie et c’est tout. » Son programme, intitulé « Democracia y punto19 » comprend « 4 mécanismes : la transparence dans la gestion publique ; un Gouvernement contrôlé par les citoyens – wikigobierno ; un droit de vote réel et permanent ; un référendum à caractère décisionnel ». Sur la page « Qui sommes-nous ? » de son site Internet, ils répondent ainsi : « Les noms qui apparaissent sur cette page sont chargés de manière aléatoire, c’est pourquoi ils n’apparaissent jamais dans le même ordre. […] NON nous ne parlons pas de candidats à quoi que ce soit, mais de personnes qui forment un réseau citoyen pour mettre en place les voies et créer les outils qui permettront d’établir une véritable démocratie. »20 Tout cela met en évidence qu’il s’agit plus d’un protoparti que d’un parti : nous sommes face à un réseau citoyen de professionnels tentant de promouvoir et de rétablir une véritable démocratie, avec l’utilisation citoyenne des nouvelles technologies de la communication afin que les citoyens récupèrent le contrôle des décisions politiques. Pourtant rien dans la documentation qui émane du parti ne permet de déduire que la recherche du pouvoir politique soit l’objectif politique du Partido X.

36Le dernier point que je vais souligner est la naissance de Podemos, enregistré comme parti politique le 11 mars 2014 afin de pouvoir présenter des listes aux élections européennes du mois de mai suivant. Ce parti a obtenu près de 8 % des votes à ces élections.

Podemos et ses répercussions politiques

  • 21 L’organisation est composée de trois niveaux, les trois grands niveaux de l’administration d’État (...)
  • 22 Il est nécessaire de tenir compte du haut degré de décentralisation politique qui existe dans la c (...)

37Podemos a hérité des problèmes fondamentaux caractérisant le mouvement des indignés, à savoir d’une part la tension entre l’efficacité et l’organisation politiques et d’autre part, la communication et la proximité avec les citoyens et leurs difficultés concrètes. Sa qualité de parti l’a conduit à qualifier péjorativement de « caste » les deux partis politiques qui se sont alternativement succédé au pouvoir. Podemos propose quant à lui une nouvelle forme de parti fondée sur une démocratie assembléiste interne, directe, exercée à travers Internet, et, pour conférer une importance particulière à la dimension locale de l’organisation, sur des cercles locaux21. Le parti tente ainsi d’avoir un pied dans les problèmes concrets exprimés localement et vécus par les citoyens et de poser l’autre dans les sphères de l’État où se prennent les décisions politiques. Maintenir à un même degré d’importance le niveau local, niveau le plus proche de la mobilisation populaire, et le niveau régional22 représente un équilibre difficile à trouver.

38Le cercle local est, évidemment, la structure la plus ouverte et la plus autonome à l’intérieur du parti. Il est aussi ouvert aux personnes qui ne sont pas affiliées à Podemos, ce qui représente clairement un effort institutionnel pour se rapprocher de l’initiative populaire et des mouvements sociaux. Podemos n’impose qu’une restriction : qu’il n’y ait qu’un seul cercle sur un même territoire. Dans un texte du parti nous pouvons lire comment Podemos définit son identité, son « ADN » (sic) : a) être un instrument politique pour la démocratisation de la société espagnole et b) être un instrument politique pour la récupération de la souveraineté populaire. Toujours d’après le même texte, le cercle local a pour mission d’élaborer une carte des besoins sociaux de cette entité territoriale23.

39L’irruption de Podemos dans le panorama politique espagnol a eu et a encore de très fortes répercussions politiques : internes, puisqu’à l’intérieur même de l’organisation et de la vie politique de ce nouveau parti apparaissent des tensions ; et externes, sur la structure fortement bipartite de la politique espagnole.

40Sur le plan interne, sa principale répercussion est la naissance d’un courant fortement centralisateur. En premier lieu, ce courant contraste avec l’ambition largement proclamée de trouver un équilibre entre le pied appuyé sur les problèmes concrets des citoyens et le pied posé dans la sphère où se prennent les décisions politiques. En second lieu, ce courant produit une réaction en sens inverse. Ces fortes tensions entre centralisation et autonomie locale se sont produites au niveau central du parti comme au niveau local.

41Déjà au moment des élections européennes de 2014, premières élections auxquels le parti s’est présenté, le leadership de l’actuel secrétaire général, Pablo Iglesias, ferme partisan de la centralisation, s’est imposé à celui de Pablo Echenique, plus favorable à l’autonomie locale. Il est advenu la même chose lors du processus de constitution des organes centraux qui a pris fin le 15 novembre 2014. Mais c’est sur le plan local que ces tensions restent les plus visibles au sein du parti. Au cours de la formation des organes locaux, de très fortes tensions ont pu être observées entre les différents courants existants au sein du territoire concerné mais aussi entre les courants du niveau local et les pressions venues des organes centraux du parti.

42Le processus des élections régionales en Andalousie a constitué un exemple clair et pertinent. Ces élections, organisées le 22 mars 2015, ont été les deuxièmes auxquelles Podemos s’est présenté. Les désaccords entre les organes centraux et régionaux ont été tels qu’ils ont accentué encore davantage la tension entre les deux pieds de Podemos. Les candidats du parti qui ont remporté les élections en Andalousie étaient soit issus du courant le plus puissant à l’intérieur de la section andalouse du parti, soit soutenus par la direction centrale. De manière générale, ceux qui sont restés en marge de ces élections provenaient des courants les plus faibles de la section andalouse. Nous voyons ainsi que la centralisation du parti sur son axe centre-région a causé l’expulsion des différents courants andalous impliquant un manque de représentation pour des collectifs, des réseaux et des associations24. Cette tension entre le centre et, maintenant nous pouvons l’appeler ainsi, la périphérie est réapparue au cours des discussions mouvementées entre la direction centrale du parti et la direction andalouse au moment de définir les exigences de Podemos vis-à-vis du Parti socialiste andalou pour voter l’investiture à la présidence régionale25.

43Alors que ce problème d’investiture n’était toujours pas résolu, nous avons assisté à un autre moment de tension, à l’intérieur de Podemos, entre la centralité et la participation démocratique. Cet épisode a débouché sur la première grande crise de l’organisation avec la démission de la personne considérée comme l’idéologue de Podemos, Juan Carlos Monedero, alors membre du conseil citoyen central du parti et secrétaire au « processus constituant » et au programme du parti. Laissant de côté les conflits de personnes au sommet du parti, la crise semble avoir pris de l’ampleur au début de l’élaboration du programme électoral que Monedero – un des fondateurs du parti – a considéré comme trop centriste et trop éloigné des origines politiques du 15M. Cette démission a eu lieu le 30 avril 2015. Monedero a déclaré de manière on ne peut plus claire qu’« il [Podemos] a cessé de trouver le temps de se réunir avec un petit Cercle, car une minute de télévision a plus d’importance » que « tout ce qui unit à la stratégie collective26...». Le langage utilisé pour parler de cette crise est très révélateur (voir tableau no 7). Cette démission a déclenché toute une vague de protestations internes dans lesquelles on peut observer l’utilisation de ce langage qui implique, pour ceux qui l’utilisent, un retour à proximité des citoyens, aux origines, au mouvement et à l’esprit du 15M, ce que demandait Monedero lui-même en démissionnant27.

Encadré no 2 : terminologie utilisée pendant la crise du parti pour parler des deux pôles

Pôle de la centralisation Pôle de la participation démocratique
Centre Cercles
Parti Mouvement
Politique Protestation
Gagner (les élections) 15M
Faire partie de la caste Lutter contre la caste
Modération dans le programme Retourner aux origines
  Indignés

44L’objectif des deux exemples que je viens de mentionner n’est pas d’analyser le devenir de ce parti ni de prédire la forme vers laquelle il tend, mais de montrer les superpositions de deux types de relation centre-périphérie : d’un côté, la relation entre un centre et une périphérie définis en termes territoriaux, de l’autre, la relation définie en termes de direction du parti face à la base. Ces deux types de relation peuvent coïncider totalement ou partiellement selon l’exemple concret choisi, c’est pourquoi il est intéressant de conserver ce distinguo analytique. Cette double dimension a pu être observée avec beaucoup de clarté dans la communauté autonome d’Aragón. De cette région, Pablo Echenique, grand rival de Pablo Iglesias, dirige le processus de constitution de Podemos depuis sa fondation. Le leader aragonais avait pour objectif de préserver l’autonomie des cercles dans chaque territoire et également d’éviter l’apparition d’un centre politique au sein de l’organisation. Lorsque le jeune parti a défini la politique à suivre pour affronter ses premières élections municipales, face au modèle centralisateur qui recommandait de ne pas présenter de candidats de Podemos en tant que tels, le leader aragonais a proposé un autre modèle où chaque cercle déciderait librement de sa politique28. Le modèle centralisateur a gagné lors du vote interne général du 19 mars 201429. Deux mois plus tard, la clôture de la campagne électorale des élections régionales et municipales de mai 2015 s’est conclue en Aragón en présence des personnalités les plus importantes du pôle central du parti30Ainsi le noyau central et centralisateur a tenté de maintenir l’équilibre entre le centre et la périphérie – dans le double sens formulé –, entre la dimension de mouvement et la dimension de parti. Cela montre, d’une part, le caractère constitutif de la tension exposée précédemment et, d’autre part, la tentative de concilier démocratie interne avec efficacité politique, tentative qui constitue un effort pour rénover la manière de faire de la politique.

  • 31 Ce qui a été en partie compensé par l’apparition d’un nouveau parti crée en 2007, Unión de Progres (...)

45Sur le plan extérieur, l’irruption de Podemos dans le paysage politique espagnol a eu et continue d’avoir d’importantes répercussions. Dans les tableaux no 6 et no 7 nous pouvons vérifier comment l’irruption historique de Podemos et plus tard celle de Ciudadanos semblent avoir provoqué la crise de la structure bipartite de ce paysage. Dans le tableau no 6 nous voyons comment à partir de 1989, année où les deux grands partis sont déjà consolidés, la somme de leurs votes dépasse les 65 %, pourcentage qui continue de croître jusqu’à atteindre près de 84 % en 2008. Ce pourcentage baisse en 2011, quand l’Espagne est déjà entrée dans la grande crise économique. Cette baisse est la conséquence de la chute du PSOE31. Mais, comme nous allons le voir, la situation électorale prévisible du PP, elle aussi, va commencer à se dégrader (tableau no 7). Nous pouvons distinguer schématiquement trois phases pour rendre compte de la situation électorale durant la crise économique :

2008-2011

46Les grandes conséquences des premières années de la crise – de 2008 à 2011 – ont été, d’une part, la perte de confiance envers le PSOE, alors au pouvoir, et, d’autre part, la forte croissante de la mobilisation populaire qui a abouti au 15M.

2011-2014

47Déjà en 2011, le PP gagne les élections générales anticipées, obtenant la majorité absolue des sièges au Parlement. La participation électorale a baissé de 5 %. Le PSOE a perdu 38 % des voix par rapport à 2008, une partie ayant préféré l’abstention, une autre, d’autres partis, en particulier le PP. À compter des élections de 2011, le PP est au pouvoir et bénéficie d’une majorité parlementaire absolue. La crise continue de croître, les coupes sociales augmentent et, de manière générale, les conditions de vie des Espagnols se dégradent encore. Le 15M suit son cours et, comme nous pouvons le voir dans le tableau no 7, la confiance de la population envers le PP baisse profondément. La confiance envers le PSOE, elle aussi, s’affaiblit quoique plus légèrement après la chute électorale de 2011.

Depuis 2014

  • 32 En 2005, un manifeste est signé, principalement par des intellectuels catalans. En 2006, le congrè (...)
  • 33 Gauche unie.

48En 2014, le parti politique Podemos naît du 15M et semble, au moins partiellement, profiter sur le plan électoral de la force de ce mouvement. Étant donné la culture de gauche latente au 15M, Podemos ira récupérer de préférence une partie des intentions de vote du PSOE, mais également d’autres partis. Cependant, peut-être serait-il plus juste de dire que Podemos a conquis une grande partie des intentions de vote qu’avait perdues le PSOE. Par ailleurs, en 2014, Ciudadanos, un parti d’origine catalane, se présente aux élections européennes obtenant un succès remarquable sur le plan national32. Nous voyons dans les dernières colonnes du tableau no 7 comment il arrive à obtenir des intentions de vote très proches de celles du PP, du PSOE et de Podemos. Avec un discours rationnel, technocratique et de lutte contre la corruption, Ciudadanos se situe idéologiquement à droite. Ce qui laisse à penser que la brèche ouverte à gauche par Podemos et son succès apparent ont ouvert une brèche à droite. Ainsi, Ciudadanos a absorbé des votes du PP tandis que Podemos a fait de même à gauche affaiblissant de manière absolue le parti de vieille tradition communiste, Izquierda Unida (IU)33, et provoquant un fort déclin du PSOE.

49Tout cela pourrait expliquer la situation politique décrite dans la dernière colonne et les trois dernières lignes – pendant l’année 2015 – du tableau no 7. Cette situation présente deux caractéristiques fondamentales. La première est la forte chute de la somme des votes obtenus par les deux grands partis, ce qui indique une crise récente de la structure bipartite de la démocratie espagnole. Cette tendance se vérifie dans la dernière ligne du tableau no 8 qui se rapporte aux dernières élections municipales. Même si pour les élections législatives – tableau no 7 – il semble qu’il y ait eu une certaine stabilisation, quoique relative.

50Ce nouvel équilibre – relatif – présente, deuxième caractéristique, une structure électorale s’appuyant sur quatre partis, les deux anciens grands partis et les deux nouveaux. Mais la relation entre le nouveau parti et l’ancien de chaque côté du spectre politique – droite et gauche – n’est pas la même, bien que cette relation ne soit pas encore bien définie ni d’un côté ni de l’autre.

51Tout cela nous amène à conclure que – troisième caractéristique, probablement la plus importante – la sphère politique espagnole est très instable et très dynamique dans cette période historique.

Tableau no 6 : résultats obtenus par les deux grands partis de niveau national aux élections législatives depuis 1989

Années /Parti 1989 1993 1996 2000 2004 2008 2011
PP 25,79 % 34,76 % 38,79 % 44,52 % 37,71 % 39,94 % 44,63 %
PSOE 39,60 % 38,78 % 37,63 % 34,16 % 42,59 % 43,87 % 28,76 %
PP + PSOE 65,39 % 73,54 % 76,42 % 78,68 % 80,30 % 83,81 % 73,39 %

Tableau no 7 : estimation des résultats si des élections législatives étaient organisées

Dates /Partis 2011(1) Août 2014 Oct. 2014 Nov. 2014 Déc. 2014 Jan.2015 Fév. 2015 Mars 2015 Avr. 2015 Sept. 2015 Oct. 2015
PP 44,6 % 32,3 % 30,2 % 20,7 % 20 % 19,2 % 20,9 % 18,6 % 20,8 % 23,4 % 23,4 %
PSOE 28,7 % 31,7 % 30,9 % 26,2 % 27,7 % 23,5 % 18,3 % 20,2 % 21,9 % 24,6 % 23,5 %
IU 6,9 % 4,9 % 5,2 % 3,8% 5,6 % 5,3 % 6,5 % 5,6 % 5 % 5 % 5,6 %
UpyD (Unión, Progreso y Democracia, Union, progrès et démocratie) 4,7 % 3,3 % 3,4 % 3,4 % 4,8 % 5 % 4,5 % 3,6 % 2 % 0,9 %  
Autres + votes blancs 15,1 % 17,1 % 16,5 % 18,2 % 16,9 % 10,7 % 9,9 % 11,1 % 8,8 % 11,4 %  
Podemos   10,7 % 13,8 % 27,7 % 25 % 28,2 % 27,7 % 22,5 % 22,1 % 18,6 % 14,1 %
Ciudadanos           8,1 % 12,2 % 18,4 % 19,4 % 16,1 % 21,5 %
PP + PSOE 73,3 % 64 % 61,1 % 46,9 % 47,7 % 42,7 % 39,2 % 38,8 % 42,7 % 48 % 46,9 %
Podemos + Ciudadanos           36,3 % 39,9 % 40,9 % 41,5 % 34,7 % 35,6 %

Tableau n° 8 : pourcentage de votes obtenus par le PP et le PSOE aux élections municipales

Année /Partis 2007 2011 2015
PP 36,01 % 37,53 % 27,03 %
PSOE 35,31 % 27,79 % 25,03 %
IU     4,73 %
UPyD     1,04 %
Podemos     (1)
Ciudadanos     6,55 %
PP + PSOE 71,32 % 65,32 % 52,06 %

52Le fait que le processus actuel de changement du paysage électoral et du paysage politique en général, soit très rapide et très intense impose à l’analyste la nécessité d’utiliser des données de différents types d’élections (européennes, législatives organisées au niveau national, élections régionales organisées à des moments divers pour certaines régions et élections municipales organisées au niveau national) ainsi que des estimations de vote de ces derniers mois. La comparaison de ces données et, par conséquent, l’analyse électorale minutieuse et exhaustive sont de fait difficiles. Cependant, l’utilisation de ces données nous a permis de révéler les processus rapides de changement politique que l’Espagne est en train de vivre et les tensions qu’elle traverse.

53L’apparition de deux nouveaux partis politiques de dimension nationale a d’importantes répercussions. Ces deux partis présentent des similarités mais aussi des disparités. Tous deux luttent contre la corruption politique et le manque de transparence interne des deux grands partis historiques. Bien que l’un, Ciudadanos, tente de corriger les dérives du grand parti de droite et l’autre, Podemos, celles du grand parti de gauche. Dans l’ensemble des données du Centro de Investigaciones Sociológicas34 nous pouvons constater un changement profond des réponses des Espagnols à la question : « Quels sont les principaux problèmes que l’Espagne traverse ? » Depuis 2007, avant le début de la crise économique actuelle, ces problèmes étaient « le chômage », « la corruption et la fraude », « les problèmes de nature économique » et « les hommes politiques en général, les partis et la politique », etc. Soulignons que le degré d’importance des deux problèmes politiques – la corruption et la politique elle-même – a augmenté actuellement de 300 % par rapport à 2007. Une différence très importante entre les deux nouveaux partis vient du fait que Podemos naît de la mobilisation sociale nommée 15M et intègre, dans le parti, la dimension de rapprochement entre les différents secteurs sociaux touchés par les problèmes concrets. Ce parti garde à l’esprit la nécessité de rétablir la communication politique démocratique en développant une forte critique de l’autonomisation de la sphère politique conventionnelle par rapport aux citoyens et à leurs problèmes concrets. Mais cette critique entre en tension avec la centralisation nécessaire à l’efficacité politique, comme nous l’avons déjà vu.

  • 1

54En 2015, trois vagues d’élections législatives et régionales ont eu lieu35.

55Le 22 mars, d’abord, en Andalousie où le PSOE a gagné, suivi du PP qui a essuyé une forte baisse par rapport aux précédentes élections. Podemos est arrivé en troisième position avec près de 15 % des votes, ce qui a largement dépassé toutes les attentes. Ciudadanos a réussi à obtenir 9,28 % des voix.

  • 36 La Galice, le Pays basque, la Catalogne et l’Andalousie étaient absentes.
  • 37 Toutefois, l’entrée de Podemos dans la politique conventionnelle n’a pas fait l’objet d’une critiq (...)

56Les élections régionales de mai 2015 ensuite ont eu une large portée territoriale. Cependant, elles n’ont pas eu lieu dans toutes les régions36 ce qui rend difficile leur analyse. Ciudadanos comme Podemos s’y sont présentés. Durant la campagne électorale, les leaders des grands partis historiques ont tenté de susciter, dans leurs discours politiques, la peur face aux conséquences, notamment économiques, si ces nouveaux partis entraient dans les institutions politiques37. Cette campagne de la peur a certainement porté ses fruits en abaissant, par rapport aux estimations, le pourcentage réel de votes en faveur de ces nouveaux partis. Dans la totalité des régions concernées, Ciudadanos a remporté 10 % des suffrages et Podemos 15 % : autrement dit, ces formations ont continué de grandir, quoique plus lentement. Pour les élections législatives précédentes, en 2011, le PSOE avait déjà largement reculé (voir la colonne 1 du tableau no 7), tandis que le PP remportait, avec près de 46 % des voix, la majorité absolue des députés. Durant les élections régionales et municipales de mai 2015, nous avons pu voir comment ce grand parti de droite s’est vu privé de la majorité absolue dans de nombreuses communautés autonomes. Dans plusieurs d’entre elles, il a pu former un gouvernement en s’alliant à Ciudadanos et dans d’autres il a été vaincu par une alliance du PSOE et de Podemos. Par ailleurs, des coalitions se sont formées dans certaines grandes villes entre plusieurs plateformes et Podemos ; elles ont porté à la mairie d’importantes personnalités de la mobilisation populaire : à Barcelone, Ada Colau, la grande activiste de la PAH ; à Madrid, Manuela Carmena, une juriste engagée dans l’action sociale et la politique de gauche. Le grand parti de gauche avait pour sa part déjà eu sa grande crise comme en témoignent les résultats des élections législatives de 2011. Les bases de la droite ont à leur tour été très touchées durant ces élections législatives et municipales de 2015. Les résultats obtenus alors par les candidatures étroitement liées aux besoins fondamentaux et urgents de la population ont été un peu moins élevés que ce qu’avaient prévus les sondages, mais suffisants pour mettre en évidence la fragilité de l’édifice de la politique conventionnelle espagnole. Et cela, encore une fois de manière historique, car des initiatives pour remettre la société au centre de la politique ont surgi de la sphère privée, de la société civile, et ont créé, dans ce but une nouvelle structure de communication démocratique avec la sphère politique.

57Enfin, lors des dernières élections régionales de Catalogne en septembre 2015, Podemos s’est présenté au sein d’une coalition regroupant Izquierda Unida et d’autres organisations catalanes, dont les résultats ont été beaucoup plus faibles qu’escompté (moins de 9 %). Ciudadanos, parti maintenant de niveau national – même s’il ne faut pas oublier son origine catalane –, a obtenu à lui tout seul le double. Après ces élections, la leader de Podemos en Catalogne a démissionné, se plaignant de la visibilité excessive des leaders nationaux, notamment du plus important d’entre eux, Pablo Iglesias. La dimension nationaliste-indépendantiste catalane d’un côté et la dimension nationaliste espagnole de l’autre ont été absolument centrales dans ces élections, ce qui complique la compréhension de ces résultats pour l’analyse sur le plan national. Mais dans les données de l’enquête d’octobre 2015 utilisées dans le tableau no 7 nous constatons de manière générale en Espagne une détérioration fulgurante de l’image de Pablo Iglesias, le leader le plus important de Podemos38. On peut très certainement attribuer cette chute de popularité à l’impression de centralisme fort et personnalisé qui a émané du parti en son sein même, mais aussi et surtout dans ses relations avec les autres formations politiques. Ainsi, le comportement d’Iglesias face à l’offre d’Izquierda Unida de créer une union des gauches pour les élections législatives de décembre 2015 a été très dur : il a en effet exigé que cette union continue de s’appeler Podemos, empêchant ainsi toute coalition.

58La dernière colonne du tableau no 7 semble indiquer que ce dernier fléchissement de Podemos se confirme. Et si notre explication de ses causes est correcte, ce déclin serait imputable à la mise à distance manifeste du parti face à l’ouverture que représentait le 15M. Mais il s’agit seulement d’une hypothèse et, de plus, le rythme des changements dans la sphère politique espagnole est trépidant.

59À notre époque, dans nos sociétés occidentales, la culture démocratique s’est étendue à l’ensemble de la population, de sorte que de nouveaux secteurs sociaux peuvent se mobiliser lorsqu’ils considèrent que la sphère politique s’est éloignée d’eux et de leurs problèmes réels, lorsqu’ils pensent qu’entre eux et la sphère politique la relation de communication propre à la démocratie a disparu. Ce déficit de communication démocratique favorise l’émergence de leaders populistes qui promettent de restaurer la communication directe, sans intermédiaires, avec les citoyens (Wieviorka, 1993). Cependant la réponse populiste n’est pas nécessairement la seule, surtout si l’on tient compte des possibilités de communication et de mobilisation ouvertes par les nouvelles technologies de la communication qui peuvent fournir, comme nous l’avons vu, des solutions démocratiques plus participatives et plus délibératives.

60Traduit de l’espagnol par Nathalie Roques.

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Bibliographie

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Pleyers, Geoffrey, 2012, « Beyond Occupy: Progressive activist s in Europe », Open Democracy, 8 octobre. Consultable en ligne : <http://www.opendemocracy.net/geoffrey-pleyers/beyond-occupy-progressive-activists-in-europe>.

Romanos, Eduardo, 2011, « Les indignés et la démocratie des mouvements sociaux », La vie des idées. Consultable en ligne : <http://www.laviedesidees.fr/Les-Indignes-et-la-democratie-des.html>.

Tilly, Charles, 1990, Coercion, Capital, and European States: AD 990-1990, Cambridge et Oxford, Basil Blackwell.

Touraine, Alain, 2013, La fin des sociétés, Paris, Seuil.

Voegelin, Eric, 1987, The New Science of Politics. An Introduction, Chicago, The University of Chicago Press.

Wieviorka, Michel, 1993, La démocratie à l’épreuve. Nationalisme, populisme, ethnicité, Paris, La Découverte.

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Notes

1 Ce travail a été présenté à Paris le 15 avril 2015 au laboratoire CADIS-EHESS, dans le cadre du séminaire de Michel Wieviorka et Hervé Le Bras intitulé « Sociologie du conflit ». Une première version a été formulée lors d’une conférence à l’Annual Meeting of the Sociological Association (New York, août 2013).

2 Cette période historique correspond à la tentative d’établir l’actuelle structure de communication démocratique.

3 Cette analyse s’effectue dans le champ de la légitimation politique, c’est-à-dire des sentiments et croyances de la population. Lorsqu’il s’agit d’une relation de communication et non d’une simple transmission d’information, chaque partie doit se sentir comprise par l’autre. C’est pourquoi, dans la mesure où l’une des parties pense qu’il n’y a pas de communication, alors, dans cette mesure, il n’y en a pas.

4 Les remarques d’Hervé Le Bras au cours du séminaire cité en note 1 m’ont beaucoup fait réfléchir en ce sens. Si nous observons le niveau de confiance dans les partis politiques qui est quasiment le même en France et en Espagne, il est surprenant que la mobilisation sociale contre la sphère politique soit plus faible en France.

5 Pour les taux de chômage, voir le site suivant : <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unemployment_statistics>. L’une des raisons de la baisse du chômage ces dernières années est la croissance de l’émigration, aussi bien due au retour dans leur pays d’origine d’immigrants résidents en Espagne qu’au départ d’Espagnols, souvent jeunes et instruits, en recherche d’un travail à l’étranger. À partir de 2012, il semble que les estimations s’élèvent à environ 50 000 Espagnols émigrent chaque année pour travailler à l’étranger. Voir le site suivant : <http://www.1mayo.ccoo.es/nova/files/1018/Estudio91.pdf>.

Pour les taux de chômage, voir le site suivant : <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unemployment_statistics>. L’une des raisons de la baisse du chômage ces dernières années est la croissance de l’émigration, aussi bien due au retour dans leur pays d’origine d’immigrants résidents en Espagne qu’au départ d’Espagnols, souvent jeunes et instruits, en recherche d’un travail à l’étranger. À partir de 2012, il semble que les estimations s’élèvent à environ 50 000 Espagnols émigrent chaque année pour travailler à l’étranger. Voir le site suivant : <http://www.1mayo.ccoo.es/nova/files/1018/Estudio91.pdf>.

Pour les taux de chômage, voir le site suivant : <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unemployment_statistics>. L’une des raisons de la baisse du chômage ces dernières années est la croissance de l’émigration, aussi bien due au retour dans leur pays d’origine d’immigrants résidents en Espagne qu’au départ d’Espagnols, souvent jeunes et instruits, en recherche d’un travail à l’étranger. À partir de 2012, il semble que les estimations s’élèvent à environ 50 000 Espagnols émigrent chaque année pour travailler à l’étranger. Voir le site suivant : <http://www.1mayo.ccoo.es/nova/files/1018/Estudio91.pdf>.

6 Plus tard, j’ai mené un entretien avec la personne qui, à l’aide d’un haut-parleur, avait diffusé cette idée auprès des participants.

7 Ces conclusions proviennent de l’observation directe. Pendant la durée du campement, je suis allé leur rendre visite tous les jours. J’ai eu la chance certains jours d’y aller en compagnie de mon ami l’excellent sociologue Edward Tiryakian. Ces visites représentent des heures d’observation d’un événement qui a réussi à capter toute mon attention.

8 Manuel Castells a publié, principalement dans La Vanguardia, de nombreux articles de journaux très incisifs sur le devenir du 15M (Castells, 2011a ; 2011b ; 2013a ; 2013b).

9 La PAH a bloqué 1 663 expulsions. L’œuvre sociale de la PAH a relogé 2 500 personnes : voir <http://afectadosporlahipoteca.com/>.

10 Corrala est un ancien mot castillan qui désigne « dans les vieux quartiers résidentiels une maison composée de logements de petites dimensions accessibles par des portes situées dans des galeries ou couloirs donnant eux-mêmes sur une grande cour intérieure » (traduction du Diccionario de la Real Academia Española). Voir <http://corralautopia.blogspot.fr/>. Tous les sites Internet des corralas font référence à des liens avec le 15M, avec PAH, etc. : <http://corralailusion.blogspot.com.es/search/label/15M> ; <http://corralailusion.blogspot.com.es/search/label/PAH>.

11 Malheureusement, je ne peux développer ici cet intéressant sujet de recherche.

12 Partido Socialista Obrero Español (Parti socialiste ouvrier espagnol). (N.D.T.)

13 Partido Popular (Parti populaire). (N.D.T.)

14 La plateforme « ¡En Pie ! » a appelé à assiéger le Congrès le 25 avril 2013, voir <http://www.lavanguardia.com/local/madrid/20130424/54371514367/asedio-congreso-convierte-indignacion-en-pelea.html>). L’appel prônait l’utilisation de certaines formes et instruments de violence. La violation d’un des principes de cette nouvelle culture – la non-violence – et le fait qu’il s’agisse d’un siège du lieu le plus représentatif de la souveraineté nationale a conduit un ensemble de plateformes à se démarquer de cette action et, la « commission légale » du 15M a, de son côté, averti ceux qui participeraient qu’il n’y aurait pas, ce jour-là, d’avocats de garde pour s’occuper des personnes arrêtées (voir <http://madrid.tomalaplaza.net/2013/04/08/comunicado-de-la-comision-legal-respecto-de-la-convocatoria-de-la-plataforma-en-pie-para-el-25-a/ Cet appel a été un échec et a révélé comment le mouvement a tracé des frontières nettes que les personnes vivant dans cette nouvelle culture ne devaient pas franchir.

15 Marches de la dignité. (N.D.T.)

16 Les 22 mars 2014 et 2015 plusieurs colonnes provenant des différentes régions de l’Espagne et se rejoignant parfois en chemin se sont retrouvées à Madrid. Elles étaient formées par des collectifs sociaux très variés. Mais il faut souligner, comme l’ont reconnu les organisateurs eux-mêmes, que le succès et l’affluence de 2014 n’ont pu se renouveler en 2015. Le manque d’organisation collective présente des difficultés pour reproduire ces marches dans le temps. Sur 2014, on peut consulter : <http://elpais.com/hemeroteca/elpais/2014/03/22/n/portada.html>.

17 Voir <www.democraciarealya.es>.

18 Voir <https://15mpedia.org/wiki/Asociación_Democracia_Real_Ya>.

19 « La démocratie et c’est tout. » (N.D.T.)

20 Voir <http://partidox.org>.

21 L’organisation est composée de trois niveaux, les trois grands niveaux de l’administration d’État : le niveau central – avec une assemblée citoyenne, l’organe le plus important, et deux autres organes exécutifs, le secrétariat général, élu par l’assemblée, et le conseil citoyen, nommé par l’assemblée et par les membres des secrétariats général, central et territoriales – ; le niveau territorial, qui correspond au niveau des communautés autonomes espagnoles et qui se structure de la même manière que le niveau national ; et enfin, le niveau territorial qui peut descendre jusqu’au niveau local – ville, village ou quartier – et qui a une structure différente : les cercles locaux. Au niveau central, il existe aussi une commission des garanties démocratiques (voir <http://podemos.info/wp-content/uploads/2015/09/REGLAMENTO-DE-LA-COMISIÓN-DE-GARANTÍAS-DEMOCRATICAS-11.pdf>.

22 Il est nécessaire de tenir compte du haut degré de décentralisation politique qui existe dans la constitution espagnole en vigueur.

23 Voir <https://web-podemos.s3.amazonaws.com/wordpress/wp-content/uploads/2014/05/GU%C3%8DA-PARA-C%C3%8DRCULOS.pdf>.

24 Voir <http://www.eldiario.es/zonacritica/Podemos-aprender-elecciones-andaluzas_6_369623080.html>.

25 Voir <http://www.eldiario.es/andalucia/Rodriguez-Podemos-investidura-Diaz-imprescindibles_0_372013587.html> ; <http://www.libertaddigital.com/espana/2015-03-31/la-guerra-en-podemos-por-la-investidura-de-susana-diaz-continua-andalucia-responde-a-madrid-1276544446/>

26 Voir <http://politica.elpais.com/politica/2015/04/30/actualidad/1430396612_797523.html>.

27 Le 4 mai, alors que je finissais la rédaction de cet article, l’eurodéputé Miguel Urbán, un des principaux représentants du courant critique de Podemos a lancé un appel sur le besoin pour Podemos d’être moins un parti et moins Podemos, et plus l’expression et l’outil du changement. Voir <http://ultimahora.es/noticias/nacional/2015/05/04/151010/criticos-podemos-piden-volver-origenes-del-romper-regimen-del-78.html>.

28 Voir <http://www.heraldo.es/noticias/aragon/zaragoza_provincia/zaragoza/2014/10/17/podemos_zaragoza_quiere_decidir_forma_in>.

Voir <http://www.heraldo.es/noticias/aragon/zaragoza_provincia/zaragoza/2014/10/17/podemos_zaragoza_quiere_decidir_forma_in>.

Voir <http://www.heraldo.es/noticias/aragon/zaragoza_provincia/zaragoza/2014/10/17/podemos_zaragoza_quiere_decidir_forma_in>.

29 Voir <http://www.heraldo.es/noticias/nacional/2014/10/27/echenique_pide_que_los_organos_direccion_representen_pluralidad_podemos_318434_305.html>.

30 Voir <http://www.heraldo.es/noticias/aragon/elecciones_aragon/2015/05/21/pablo_iglesias_cierra_zaragoza_mitin_podemos_aragon_361950_2021027.html>.

31 Ce qui a été en partie compensé par l’apparition d’un nouveau parti crée en 2007, Unión de Progreso y Democracia. Mais ce parti n’a pas dépassé les 5 % de votes aux élections législatives de 2011 ni de manière générale dans les sondages postérieurs. Actuellement, il est en dernière position des sondages (voir tableau no 7, dernière colonne).

32 En 2005, un manifeste est signé, principalement par des intellectuels catalans. En 2006, le congrès constituant du parti se réunit et baptise le parti « Ciudadanos-Partido de la Ciudadanía » (C’s). Il obtient un succès aux élections du parlement catalan en 2012, ce qui encourage ses dirigeants à développer le parti sur le plan national. Voir <https://www.ciudadanos-cs.org/origenes> ; <http://www.europarl.europa.eu/elections2014-results/es/country-results-es-2014.html>.

33 Gauche unie.

34 Voir <www.cis.es>.

Cet article fut achevé en octobre 2015.

36 La Galice, le Pays basque, la Catalogne et l’Andalousie étaient absentes.

37 Toutefois, l’entrée de Podemos dans la politique conventionnelle n’a pas fait l’objet d’une critique claire ni dans le large secteur du 15M, ni dans ses diverses plateformes.

38 Voir <http://elpais.com/elpais/2015/10/10/media/1444493102_454120.html>.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alfonso Pérez-Agote, « La crise de la représentation démocratique », Socio, 6 | 2016, 171-200.

Référence électronique

Alfonso Pérez-Agote, « La crise de la représentation démocratique », Socio [En ligne], 6 | 2016, mis en ligne le 11 mai 2016, consulté le 21 décembre 2016. URL : http://socio.revues.org/2323 ; DOI : 10.4000/socio.2323

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Auteur

Alfonso Pérez-Agote

Pérez-Agote Alfonsoest professeur émérite de sociologie à l’université Complutense de Madrid (GRESCO - TRANSOC) et chercheur associé au CADIS (EHESS-Paris) et au GSRL (EPHE-Paris). Ses recherches portent notamment sur les identités collectives (culturelles, religieuses, politiques), le changement religieux et la sécularisation, et le changement politique. Quelques livres récents : The Intimate. Polity and the Catholic Church (Leuven University Press, 2015) ; Cambio religioso en España: los avatares de la secularización (CIS, 2012) ; Portraits du catholicisme. Une comparaison européenne (Presses universitaires de Rennes, 2012).

aperezag@cps.ucm.es

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