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Une politique étrangère américaine presbyte : l’impact de la politique d'immigration après le 11 septembre 2001

Saïd OUAKED

Résumé

Les attentats du 11 septembre 2001 ont affecté les pratiques migratoires aux États-Unis. En fournissant au pouvoir politique et institutionnel la justification principale d’une approche plus dure et plus restrictive vis-à-vis des immigrés, l’administration américaine a mené une politique de très court terme, peu en phase avec ses intérêts à long terme.

Ces pratiques, loin de régler les problèmes qui touchent les États-Unis en matière de sécurité et de gestion des flux migratoires, n’ont fait qu’accentuer les polarisations politiques et idéologiques.

Néoconservateurs et tenants d’un « choc des civilisations » n’ont eu de cesse de prôner une approche offensive envers les nations et les peuples tenus pour responsables des événements tragiques du 11 septembre 2001. En termes de politique migratoire, la peur d’admettre des terroristes sur le territoire américain a abouti à des attitudes discriminatoires envers les ressortissants étrangers.

L’article tente de montrer comment les discriminations consécutives à la « guerre contre le terrorisme » ont affaibli l’image des États-Unis à l’étranger, principalement dans les pays où l’anti-américanisme fait rage, et comment elles ont mis en péril les objectifs diplomatiques et économiques du gouvernement américain.

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Texte intégral

1Dire que les événements tragiques du 11 septembre 2001 ont eu un retentissement phénoménal dans le monde relève du truisme tant le sujet a été commenté, examiné, critiqué, tant il a inspiré l’écriture d’essais, de chansons et de fictions de par le monde.

  • 1 Fragnon, Julien et Lamy, Aurélia. « L’Après-11 septembre ou l’étiologie d’un monde qui change. Unic (...)
  • 2 « Le 11-Septembre détermine-t-il toujours les relations internationales ? », Le Monde, 5 septembre (...)

2Ce qu’il est désormais commun d’appeler 9/11 est considéré par certains comme un événement par excellence. Pour Fragnon et Lamy, cet événement constitue un point de rupture et signale donc le passage à une nouvelle ère1. Il y aurait donc un avant et un après 9/11, l’événement ayant modifié le contexte, l’histoire et notre perception du monde. Ce sentiment n’est pourtant pas partagé par tous, tel Bertrand Badie qui affirme que « le monde n’a pas été bouleversé par le 11 septembre » et que « les événements du 11 septembre n’ont fait que révéler un processus lent de transformation du système international et des mœurs internationales »2.

3Il semble pourtant que 9/11 a bel et bien modifié le paysage international en provoquant deux interventions militaires, l’une en Afghanistan, l’autre en Irak. Il a en outre profondément affecté les conditions de vie d’une frange de la population vivant aux États-Unis : celles des « minorités visibles » et plus particulièrement les groupes assimilés aux musulmans.

4L’un des effets des attentats a été de réactualiser le thème de l’ennemi de l’intérieur et de faire des rapprochements stratégiques entre terrorisme et immigration, à l’instar de la stigmatisation des ressortissants d’origine allemande ou japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale. Alors que les débats les plus récents sur les questions migratoires s’articulaient autour de la question du contrôle des flux, l’immigration est subitement devenue une question liée à la sécurité nationale, ce qui a eu pour résultat d’attiser les controverses et de polariser les positions.

  • 3 Cette notion d’ouverture à la diversité n’a pas toujours prévalu outre-Atlantique. Longtemps, il a (...)

5Dix ans après les attentats, un bilan des conséquences des attaques sur les choix politiques américains en matière de sécurité et d’immigration est nécessaire. Ce bilan nous incite à considérer que la stigmatisation d’une partie de la population – les immigrés d’origine arabe notamment – a eu des conséquences concrètes très défavorables à la cohésion sociale et au « vivre ensemble » de la société américaine. Des polarisations internes et externes ont dégradé l’image d’ouverture à la diversité des États-Unis3, sa capacité à accepter les différences, aspects pourtant fondamentaux pour les migrants, notamment les élites qui constituent aujourd’hui l’enjeu principal des politiques migratoires. Cette réflexion met en lumière une incohérence entre les objectifs officiels de la politique migratoire américaine et ses pratiques sur le terrain.

6La politique américaine en matière d’immigration n’en est pas à sa première incohérence. L’examen de l’histoire de l’immigration aux États-Unis révèle des pratiques fluctuantes et irrégulières, témoignages de courants contradictoires tantôt favorables, tantôt hostiles à l’immigration.

Restriction, inclusion : une longue histoire de balancier

  • 4 Zolberg, Aristide. A Nation by Design, Immigration Policy in the Fashioning of America, Cambridge, (...)

7Les représentations idylliques de l’Amérique et la promesse d’une vie meilleure dans le « pays de Cocagne » (land of milk and honey), terre d’accueil et d’asile, sont à l’origine de grandes désillusions, notamment chez ceux qui n’ont jamais pu dépasser le stade du rêve parce que déclarés indésirables par les autorités à leur arrivée à Ellis Island et, plus tard, par les agents consulaires dans leur pays d’origine. Comme le rappelle Aristide Zolberg dans Une Nation Sur Mesure, « les Américains ont entrepris de contrôler la sélection de ceux qui seraient autorisés à les rejoindre [dès qu’ils ont été en mesure de le faire], et n’ont jamais abandonné cet objectif »4.

8La Constitution étant muette sur la question, on considère généralement que l’immigration ne fit l’objet d’aucune restriction d’origine fédérale jusqu’en 1875 et l’arrêt Chy Lung v. Freeman. En réalité, ce sont les États qui détenaient individuellement le pouvoir de réguler les flux migratoires et ils n’ont pas hésité à établir des mesures très restrictives visant notamment à empêcher l’Europe de se débarrasser de ses pauvres en Amérique (Poor Laws). Toutefois, plusieurs de ces initiatives défavorables à l’immigration furent invalidées par les tribunaux saisis alors par les compagnies de transport maritime qui y voyaient un frein au développement du commerce fructueux de la navigation et du transport transatlantique des personnes.

  • 5 La loi de 1798 sera abrogée en 1802 et la durée légale préalable à une demande de naturalisation se (...)
  • 6 The Alien Act (An Act Concerning Aliens) ch. 58, 1 Stat. 570; The Alien Enemies Act (An Act Respect (...)

9Les lois relatives à la naturalisation de 1790, 1795 et 1798 n’établirent pas de limitations quant à l’immigration, mais elles annoncèrent l’émergence d’une tendance restrictionniste comme en témoigne l’allongement de la durée de résidence préalable nécessaire à une demande de naturalisation (qui passe de 2 à 5 ans puis à 14 ans5). La raison officielle invoquée pour justifier cette augmentation était, déjà, la sécurité nationale. D’autres lois, telles que les Alien and Sedition Acts de 1798 criminalisèrent certaines formes de protestation envers le gouvernement et donnèrent au président le pouvoir de faire arrêter et déporter toute personne considérée comme dangereuse pour la stabilité du pays et tout ressortissant étranger originaire d’un pays en guerre contre les États-Unis6.

  • 7 Henry Cabot Lodge, élu au Sénat et membre influent du parti Républicain, fut un promoteur acharné d (...)

10LeXIXe siècle fut celui où s’amorça un mouvement d’opposition à l’immigration de plus grande ampleur. Bien que présent bien plus tôt dans l’histoire de la jeune nation, le nativisme devint un mouvement influent à partir du milieu du siècle et donnera le ton des lois les plus importantes pour le siècle suivant. Deux lois votées en 1882, l’Immigration Act et le Chinese Exclusion Act, en sont de bonnes illustrations. La seconde est la première loi fédérale clairement discriminatoire et raciste puisqu’elle interdit l’immigration à tout Chinois. On est alors en pleine psychose du « péril jaune » et à l’apogée du sentiment nativiste porté par l’Immigration Restriction League dont le porte-parole n’est autre que Henry Cabot Lodge7.

11La première partie du XXe siècle s’inscrit dans la continuité de ce courant restrictionniste et ouvertement raciste puisque les lois votées successivement auront deux objectifs principaux : réduire le nombre global d’immigrés admis sur le territoire américain d’une part, et fermer les portes aux ressortissants jugés indésirables (Europe centrale et méditerranéenne). Le point culminant de cette dynamique est le vote du Quota Act ou Johnson-Reed Act de 1924.

12Il faut toutefois rappeler que ces restrictions ont rencontré une opposition comme en témoignent les quatre vétos par trois présidents différents contre l’établissement des tests d’instruction (literacy tests qui seront finalement adoptés par le Congrès outrepassant le véto de Woodrow Wilson en 1917). Ces oppositions ont pris parfois une forme assez inattendue. Des alliances inattendues entre industriels et immigrés récents se sont confrontées à d’autres composées de syndicalistes ouvriers et de défenseurs du statu quo ethno-culturel. L’influence des acteurs économiques a souvent été décisive dans l’affaiblissement voire le blocage des mesures restrictives en matière d’immigration. Toutefois, cette influence s’est affaiblie dans les années 1920 quand, outre le ralentissement économique, les industriels ont trouvé dans la communauté noire venue du sud la main d’œuvre bon marché qu’ils recherchaient.

  • 8 Les débats qui précédèrent le vote de la loi de 1965 démontrent que les différentes parties impliqu (...)

13Plus tard, la Loi sur l’Immigration de 1965 mit un terme aux considérations raciales et établit le principe de regroupement familial comme objectif principal de la politique migratoire américaine8. Dès lors, les débats se centrèrent sur l’origine des immigrés : les dispositions de la loi de 1965 ont permis l’essor de l’immigration originaire d’Asie, d’Amérique latine et des Antilles. Bien loin de la culture anglo-saxonne, la capacité d’assimilation de ces communautés fut remise en question.

14La deuxième source de polémique fut celle de l’immigration illégale, largement dénoncée par les groupes néo-restrictionnistes qui affirmèrent que les États-Unis avaient perdu le contrôle de leurs frontières. Le recensement de 2000 évalua à 7 millions le nombre d’illégaux, soit environ un quart du nombre total d’immigrés. Ce dernier chiffre ne tient pas compte des 3 millions d’immigrés dont la situation a été régularisée par l’Immigration and Reform Control Act de 1986. Le but principal de cette loi était la lutte contre l’immigration illégale en établissant des sanctions contre les employeurs américains qui avaient recours à des travailleurs immigrés en situation irrégulière.

15Evidemment, le cœur du débat consistait à élaborer un moyen de fournir la main d’œuvre réclamée par les employeurs américains tout en maîtrisant mieux les flux aux frontières, notamment ceux venus du Mexique. Depuis les années 1990, tout débat lié à l’immigration pose la question de l’incidence de l’immigration illégale, notamment sur la composition ethnique de la nation. Les travaux de Samuel P. Huntington (Le choc des civilisations, Qui sommes-nous ?) sont l’expression de ces peurs face aux changements de la composition de la population américaine. Mais outre la question ethnique, le risque d’accueillir des étrangers porteurs d’idées subversives est aussi un grand classique parmi les arguments utilisés par les opposants à l’immigration.

Sécurité nationale et immigration

16En matière d’immigration, les États-Unis ont souvent choisi d’adopter une politique préventive face à la menace supposée de l’ennemi étranger et de l’ennemi de l’intérieur. Bien que la Révolution américaine se soit fondée sur l’opposition au modèle tyrannique et totalitaire britannique, le gouvernement américain n’a jamais hésité à suspendre des droits pourtant qualifiés de « fondamentaux » pour des raisons de sécurité nationale. On pense notamment à la suspension de l’habeas corpus par Abraham Lincoln en 1861 ou aux coups portés contre la liberté d’expression par les Alien and Sedition Acts de 1798 et 1917.

  • 9 Notons toutefois que tous deux prônaient une sélection des immigrés dans le but de renforcer la pré (...)

17Très tôt dans l’histoire de la nation américaine est née une conception utilitariste de l’immigration. Zolberg la qualifie d’« acquisitive ». Selon lui, l’approche historique traditionnelle a longtemps qualifié les autorités américaines de « neutralité bienveillante » en matière d’immigration. En réalité, les prises de position étaient plus tranchées et les élites américaines ont rapidement établi que le rôle de l’immigration était bien de satisfaire les besoins de la nation. Clairement populationniste, l’approche relayée par des membres influents de la société américaine tels que Benjamin Franklin et Thomas Jefferson9, visait à peupler un vaste territoire – considéré comme vierge – aux ressources abondantes.

18Progressivement, l’idée d’une sélection à l’échelle nationale s’est imposée à la suite des coups portés par les courants restrictionnistes. Eugénistes et nativistes ont œuvré de concert pour limiter l’entrée sur le territoire aux seuls immigrés dignes d’être reçus dans un pays dont ils cultivaient l’exceptionnalisme. Ainsi les Anglo-Saxons, Scandinaves et autres « nordiques » étaient les bienvenus contrairement aux Italiens, aux Russes, aux Juifs et aux Catholiques, tous accusés de diluer l’identité américaine et de représenter une menace au bon fonctionnement des institutions.

  • 10 Ceyhan, Ayse. « Terrorisme, immigration et patriotisme. Les identités sous surveillance », Cultures (...)

19Le rapport établi entre menace politique et origine nationale a contribué très largement à la montée en puissance des nativistes auXIXe siècle. L’étranger (alien) devient porteur d’idées subversives qu’il convient d’endiguer, sous peine de voir la démocratie américaine disparaître ou tomber aux mains tantôt des royalistes, tantôt des communistes. L’ennemi ne doit pas être admis à l’intérieur, pas plus que tous ceux qui portent en eux – consciemment ou non – le germe de la révolution, de l’instabilité et qui pourraient constituer les armées clandestines vouées à détruire la république. C’est dans cette optique que sont votés bon nombre de textes dont l’objectif principal est bien de « poser le lien discursif entre l’étranger et le subversif »10.

20Plus généralement, il s’agit de combattre une menace, fût-elle identitaire (Chinese Exclusion Act), politique (Anarchist Exclusion Act de 1903, Immigration Act de 1952 contre les communistes), militaire (Executive Order 9066 de 1941) et, plus récemment, terroriste (Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility Act de 1996 ; PATRIOT ACT 2001).

Une dialectique anti-terroriste bien rôdée

21À chaque fois, la dialectique anti-terroriste instaure une atmosphère propice à la stigmatisation de certains groupes et il devient difficile de contenir des initiatives anti-immigrés surtout lorsqu’elles rallient l’opinion publique. On se rappellera, dans ce cadre, la « Peur Rouge » (Red Scare) des années 1920 et la chasse aux sorcières (Witch Hunt) des années 1950 qui restent des moments sombres de l’histoire américaine. Un autre cas évident est celui des Américains d’origine japonaise (mais aussi allemande et italienne) qui subiront les conséquences du décret 9066 signé par Franklin Roosevelt le 19 février 1942. Ils sont alors conduits et détenus dans des camps d’internement jusqu’à la fin de la guerre.

  • 11 On pourra se documenter par ailleurs sur cette question en consultant les ouvrages de Schlesinger, (...)

22On constate donc que l’histoire américaine est jalonnée d’exemples montrant comment les autorités américaines ont transgressé les principes fondamentaux érigés comme les fondations de la démocratie américaine. Comment expliquer que le gouvernement ait pu recourir à des pratiques discriminatoires, au mépris de bon nombre de dispositions de la Déclaration des Droits (Bill of Rights) et du 14ème Amendement qui garantit une protection égale (Equal Protection Clause) ? Une piste possible est celle de l’expansion des pouvoirs de l’exécutif comme condition principale qui a permis la mise en œuvre de la plupart de ces initiatives11.

23La dialectique anti-terroriste évoquée précédemment n’est pas seulement destinée à justifier des actes répréhensibles aux yeux de la loi ; elle vise aussi à convaincre l’opinion publique. Cette dernière joue un rôle prépondérant dans la mise en place de nombre de dispositifs, y compris législatifs. En théorie, elle peut faire pression sur les élus en leur demandant de rendre des comptes sous peine de les sanctionner à la prochaine élection. Mais c’est surtout la multiplication des sondages et les tentatives de la manipuler qui démontrent l’importance de l’opinion publique. Il convient donc de s’interroger sur l’efficacité des stratégies discursives utilisées dans cette dialectique.

  • 12 Sniderman, Paul, Hagendoorn, Louk et Prior, Markus. « Predispositional Factors and Situational Trig (...)
  • 13 Kinder, Donald R. « Belief Systems after Converse », in Mackuen, Michael et Rabinowitz, George (eds (...)
  • 14 Scheve, Kenneth F. et Slaughter, Mathew J. « Labor Market Competition and Individual Preferences ov (...)
  • 15 Brader, Ted, Valentino, Nicholas A. et Suhay, Elizabeth. « What Triggers Public Opposition to Immig (...)

24Sniderman et ses collègues ont montré que les attitudes politiques des individus vis-à-vis de l’immigration sont déterminées par des prédispositions d’une part, et des « déclencheurs situationnels » d’autre part12. L’opinion d’une personne donnée dépend donc de ses représentations symboliques et ses constructions mentales, mais aussi de sa sensibilité à la manière dont l’analyse des questions migratoires est diffusée dans les conduits traditionnels de l’information (médias, leaders d’opinion). Kinder conclut lui aussi que les opinions sur l’immigration sont ancrées dans des considérations d’identité de groupe et des préjugés13. Quant à Scheve et Slaughter, ils considèrent que ce sont principalement les facteurs économiques qui expliquent les variations de l’opinion sur l’immigration14. Plusieurs travaux insistent sur l’importance des médias dans la formation de l’opinion sur l’immigration15.

  • 16 Brader, Ted, Valentino, Nicholas A. et Suhay, Elizabeth. « What Triggers Public Opposition to Immig (...)

25Dans leurs travaux, Brader, Valentino et Suhay16 testent un modèle visant à évaluer la place de la question ethnique ou raciale dans l’opposition exprimée par l’opinion publique. Leurs résultats révèlent que l’attitude des sujets est sensible aux facteurs ethnoculturels. D’abord, l’échantillon a confirmé la sensibilité des sujets aux conséquences perçues de l’immigration (qu’elles soient positives ou négatives). Ensuite, les auteurs révèlent que l’impact identifié comme négatif de l’immigration provoque une opposition des personnes blanches de l’échantillon plus grande lorsque les immigrés considérés sont hispaniques (par opposition à des personnes originaires d’Europe). Enfin, ils concluent que l’opinion publique court le risque de la manipulation lorsque les messages véhiculés par les élites (ou même les journalistes) sont imprégnés de contenus émotionnels capables de provoquer l’anxiété. Pour cela, il leur suffit de représenter, et non de constater, un risque.

  • 17 Schildkraut, Deborah. « The Dynamics of Public Opinion on Ethnic Profiling After 9/11 : Results Fro (...)

26Des études menées peu après les attentats du 11 septembre permettent d’illustrer ces conclusions. Un sondage mené par Gallup en octobre 2001 a montré une augmentation considérable de la proportion d’Américains favorables à une baisse de l’immigration. Ils sont alors 58% contre 38% un an plus tôt17.

  • 18 Time/CNN cité dans Schildkraut, Deborah, ibid., p. 74.

27Il est même symptomatique de trouver dans un autre sondage la question suivante : « Êtes-vous favorable à ce que le gouvernement fédéral détienne des Arabes citoyens américains dans des camps jusqu’à ce que l’on ait établi s’ils sont liés à des organisations terroristes ? »18. Ils sont 31% à répondre par l’affirmative, et un peu plus (32%) à répondre oui à la question « faut-il mettre en place un système de surveillance spécial pour les Arabes ? ».

  • 19 Schildkraut, Deborah. « The More Things Change... American Identity and Mass and Elite Responses to (...)

28En octobre 2001, une enquête conduite par la Kennedy School of Government d’Harvard a révélé que 21% des personnes interrogées approuvaient le profilage ethnique (racial profiling) comme moyen de lutte anticriminelle (sans précision sur l’origine ethnique des suspects). Cette proportion passe à 66% lorsque le groupe visé est constitué d’ « Arabes ou de personnes originaires du Moyen-Orient »19.

29De telles données laissaient évidemment présager un traitement discriminatoire envers les personnes originaires de pays arabes. En réalité, le profil des victimes de ce traitement a été bien plus varié qu’on aurait pu s’y attendre.

  • 20 USC Annenberg Institute for Justice and Journalism, « Post 9/11 Survey », juillet/août 2002 ; voir (...)

30Globalement, ce sont toutes les minorités visibles qui sont fragilisées. En témoignent les nombreux rapports faisant état de traitements discriminatoires envers les musulmans et les Arabes en dépit de leur nationalité américaine20. Mais d’autres communautés ont été stigmatisées, parfois par confusion avec les groupes ethniques issus du Moyen-Orient (les Sikhs par exemple). Plus généralement ce sont des représentants de toute l’immigration latino-américaine qui ont rapporté de graves difficultés personnelles : violation des droits civiques, discrimination au travail, et atmosphère de soupçon permanent.

  • 21 Tirman, John. « Immigration and Insecurity : Post-9/11 Fear in the United States », Site du Social (...)
  • 22 Palmer Raids est le nom donné à des actions ordonnées par le Ministre de la Justice Alexander Mitch (...)

31Ces constats réalisés quelques semaines ou quelques mois après les attentats et l’entrée en vigueur du PATRIOT ACT ont permis à de nombreux observateurs de faire un lien avec d’autres épisodes de l’histoire américaine duXXe siècle. John Tirman21 les associe aux Palmer Raids des années 192022. D’autres les comparent aux mesures prises par l’administration Roosevelt à l’encontre des Américains d’origine japonaise après les attaques sur Pearl Harbor en 1941. Mais on pourrait aussi citer le cas des immigrés allemands lors des deux guerres mondiales ou des Russes après la Révolution Bolchevik de 1917.

  • 23 Chishti, Muzaffar, et. al.,  op. cit., p. 8.

32Un rapport du Migration Policy Institute, un groupe de réflexion indépendant basé à Washington, DC, parle de pratiques migratoires « dignes de régimes totalitaires » : « des résidents de longue date détenus sans inculpation, refus d’accès à un avocat, auditions à huis-clos… Ces actes violent les principes de base de la loi et de la société américaines »23.

Une politique de (très) court terme

33Dix ans après les attentats, il apparaît que l’approche choisie s’inscrit dans une perspective de très court terme. L’administration américaine semble s’être enfermée dans une approche simpliste, voire caricaturale dont les effets seront longs à dissiper.

  • 24 Uniting (and) Strengthening America (by) Providing Appropriate Tools Required (to) Intercept (and) (...)

34Sans revenir sur le bien fondé de la guerre contre le terrorisme, la manière dont elle a été conduite pousse à un constat critique. Le premier élément à considérer est l’adoption du USA PATRIOT ACT24 le 26 octobre 2001 par un congrès encore sous le choc et sans débat contradictoire. Le texte est donc adopté 14 jours après avoir été présenté au congrès, à une écrasante majorité (un seul sénateur et 66 représentants votent contre). Deux membres du congrès admettent même dans Fahrenheit 9/11 de Michael Moore (2004) ne pas avoir lu le texte et l’un d’eux que « aucun sénateur n’a lu le projet de loi avant le vote ».

  • 25 Sabbagh, Daniel. « Sécurité et libertés aux États-Unis dans l'après-11 septembre : un état des lieu (...)

35Selon Daniel Sabbagh, le texte en question « reprend, en les radicalisant, certains éléments déjà inclus dans le Antiterrorism and Effective Death Penalty Act de 1996 »25. Toutefois, le PATRIOT ACT autorise pour la première fois l’expulsion des ressortissants étrangers accusés d’être des « soutiens matériels » même dans le cas où ce soutien n’aurait impliqué que des activités légales. La nouvelle loi accorde également à l’Attorney General une très grande latitude dans le placement en détention de quiconque est soupçonné d’avoir apporté son concours à une organisation terroriste, et ce pour une durée potentiellement illimitée. Enfin, la portée du PATRIOT ACT affaiblit la protection garantie par l’habeas corpus en facilitant considérablement l’obtention de mandats de perquisition. La conséquence immédiate est que la protection contre les atteintes à la vie garantie par le quatrième amendement peut être facilement contournée.

  • 26 « Patriot Act Renewal Resisted by Bipartisan Group », Washington Times [en ligne], 7 novembre 2005, (...)

36Devant le caractère radical et controversé de certaines dispositions du PATRIOT ACT, il avait été décidé que ces dispositions auraient une durée limitée (elles ont pris fin en 2005). Mais une nouvelle version de la loi les rendant permanentes a été entérinée en 2005 après avoir été expurgée des modifications proposées par le Sénat, notamment en termes de protection des libertés26.

  • 27 Sabbagh, Daniel,  op. cit., p. 22.

37Daniel Sabbagh observait en 2003 que « c’est nécessairement sur la communauté des résidents d’origine arabe et/ou de confession musulmane que sera concentrée le coût des mesures qui contribueront éventuellement à renforcer la sécurité nationale » et que ce coût « risque alors d’apparaître comme […] aisément acceptable à la « majorité » définie par différentiation d’avec le groupe stigmatisé »27. En d’autres termes, cela crée une polarisation interne.

  • 28 Chishti, Muzaffar et al. (2003) parlent de « Muslim moment » qu’ils définissent comme une période q (...)

38D’abord, la distinction entre un groupe désigné comme « ennemi potentiel » face à un groupe de « victimes potentielles » a un effet de polarisation évident où le groupe « menacé » majoritaire est en position de mettre le groupe « menace » sous pression. Dans cette situation, le risque est de constater des cas de harcèlement et d’intimidation contre les uns et des effets de repli identitaire pour les autres28.

  • 29 Chishti, Muzaffar, et. al.,  op. cit.
  • 30 Tirman, John,  op. cit. ; Schildkraut, Deborah. « The More Things Change... American Identity and M (...)

39Chishti et. al.29 ont confirmé les prédictions de Sabbagh. Tout en rappelant la stigmatisation et le traitement discriminatoire dont a fait l’objet la communauté d’origine arabo-musulmane, ils documentent aussi des dommages collatéraux envers de nombreux Latino-Américains qui ont rapporté avoir subi, eux aussi, les conséquences de l’atmosphère délétère envers les minorités visibles30.

  • 31 Tirman, John, ibid.
  • 32 The New Republic, 24 octobre 2001, in Ceyhan, Ayse,  op. cit.
  • 33 Ceyhan, Ayse, ibid., p. 122.

40Par ailleurs, Tirman31 souligne que la marginalisation d’un groupe a pour effet immédiat une plus faible cohésion sociale. Une illustration intéressante de cette idée transparaît dans un sondage réalisé par Gallup fin 2001 : 71% des Africains-Américains seraient favorables à la pratique du profiling contre les Arabes. Ils seraient 64% à souhaiter la création d’une carte d’identité pour les musulmans32. Il est intéressant de constater que la communauté noire, elle-même victime du profiling, s’est positionnée du côté des « victimes potentielles ». D’après Ceyhan, cela est le résultat d’une volonté d’agir en « insider » et non en « outsider »33.

  • 34 Chishti, Muzaffar, et. al.,  op. cit., p. 7.

41À l’intérieur, les conséquences de la stigmatisation de certaines communautés alimentent un sentiment d’injustice et d’incompréhension qui peut à son tour alimenter des rancœurs et des ressentiments propices à l’instabilité. De la même manière, le pays se prive de l’un des premiers remparts contre le terrorisme que peuvent constituer ces communautés34.

42Il faut toutefois ne pas limiter la question au seul territoire américain. Les attentats du 11 septembre ont été un événement planétaire. Pour preuve, ils ont fédéré des millions de personnes à travers le globe exprimant leur soutien et leur sympathie envers les États-Unis. Mais après cette période initiale d’empathie mondiale, les opinions positives sur les États-Unis ont chuté, et ce dès 2003 comme le montre l’étude annuelle du Pew Research Center. Il en va de même pour le soutien à la « guerre contre le terrorisme »35. On se souvient de l’opposition de la diplomatie française aux Nations Unies contre l’intervention en Irak (présentée alors comme une étape nécessaire à l’éradication de la menace terroriste) et des grandes manifestations pour la paix qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes brandissant des drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel dans les grandes capitales mondiales. Ces manifestations expriment le rejet de la politique étrangère américaine et la stigmatisation des communautés arabo-musulmanes implicitement accusées d’être complices du terrorisme. Cette démarcation indique une rupture profonde entre les aspirations d’une communauté globale aspirant à la paix et la pratique de politiques agressives par l’administration américaine.

43Finalement, on peut dire que la gestion de l’après-11 septembre a créé des effets de polarisation interne et externe.

Le retour à une vision utilitariste est-il possible ?

44Cette opposition accrue à la politique unilatérale américaine, provoquée par les décisions politiques consécutives aux attentats, a également porté préjudice à l’image des États-Unis dans le monde. Or, son image est une composante essentielle de son attractivité. Et les États-Unis ont besoin de conserver leur attractivité pour atteindre leurs objectifs stratégiques, diplomatiques et économiques.

45Zolberg considère que la loi générale sur l’immigration de 1990 a renoué avec la tradition « acquisitive » des États-Unis, c’est-à-dire le retour à une vision utilitariste de l’immigration. Il s’agit donc de fournir à l’économie et à la société américaines ce dont elles ont besoin. En vérité, cette volonté n’a jamais réellement quitté l’esprit des législateurs, pas même au moment où l’influence des nativistes de Henry Cabot Lodge culminait. Ainsi, des exceptions au Chinese Exclusion Act de 1882 et au Gentlemen’s Agreement de 1907 sont réservées aux hommes d’affaires. De la même manière, Francis Walter, l’un des deux porteurs du projet de loi qui deviendra l’Immigration Act de 1952, déclarait que « l’immigration doit satisfaire les besoins des hôpitaux, des universités et des entreprises américains ». On peut aussi observer l’influence du patronat dans l’orientation des lois en matière d’immigration. La liste des exemples serait trop longue mais on peut citer le programme bracero qui a permis l’emploi de près de 4 millions de Mexicains entre 1942 et 1964, ou l’intervention de Bill Gates lui-même dans les années 1990 pour soutenir une législation plus souple pour les étrangers spécialisés dans le secteur des hautes technologies. Les critiques de cette vision utilitariste, quant à eux, considèrent traditionnellement que les employeurs cherchent plutôt une main d’œuvre servile et bon marché, au détriment des conditions de travail des Américains.

46Il n’en reste pas moins que le nombre de visas permanents attribués à des « travailleurs hautement qualifiés » a été multiplié par trois par l’Immigration Act de 1990, ce qui a poussé certains experts à parler d’une remise en cause du principe de regroupement familial comme objectif principal de la politique migratoire américaine. S’il faut nuancer cette affirmation (les visas attribués sur critères familiaux sont encore quatre fois plus nombreux), il est évident que nous assistons à un renforcement des considérations économiques dans l’approche migratoire américaine. Les nombreux rapports d’experts annonçant une pénurie de main d’œuvre hautement qualifiée, ainsi qu’un vieillissement de la communauté scientifique américaine, ont poussé les gouvernements successifs, de Clinton à Obama, à combler ce manque par le biais des visas temporaires en attendant une nouvelle loi générale sur l’immigration.

  • 36 Voir par exemple : Attirer les talents : Les travailleurs hautement qualifiés au cœur de la concurr (...)

47Il est désormais établi pour bon nombre d’experts que le monde est entré dans une phase de compétition sur le marché des compétences36. Plusieurs pays industrialisés se disent aussi victimes d’une pénurie de compétences qui ne cesse de croître. Les raisons invoquées pour expliquer l’aggravation de cette pénurie sont multiples : augmentation des besoins (économie post-industrielle, dite de la connaissance), vieillissement de la communauté scientifique et désaffection des étudiants pour les sciences.

48L’Union Européenne, tout comme le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie mais aussi les pays traditionnellement « sources » se sont dotés de programme visant non seulement à attirer plus de travailleurs hautement qualifiés, mais aussi à retenir ceux qui sont formés chez eux (Chine, Corée du Sud, Japon, Inde…).

  • 37 Hunt, Gary et Mueller, Richard. « North American Migration : Returns to Skill, Border Effects, and (...)

49Si l’on admet que l’enjeu des migrations internationales aujourd’hui est le marché des compétences, il faut prendre en considération les spécificités de ces élites. Si l’on en croit les travaux de Richard Florida, l’élément le plus intéressant est sans doute que ce groupe est plus sensible à l’ « ouverture à la diversité ». En d’autres termes, la discrimination et les attitudes antagoniques envers les étrangers sont des facteurs de répulsion plus importants que pour les autres catégories de migrants. Les travaux de Florida, sur ce point, sont en phase avec ceux de Hunt et Mueller qui montrent que les aspects non-pécuniaires deviennent plus importants dans le processus migratoire à mesure que l’on monte dans l’échelle des salaires37.

  • 38 Voir Ouaked, Saïd. Les migrations des personnels hautement qualifiés aux États-Unis depuis 1990 : d (...)
  • 39 Voici comment Florida la définit : « a fast-growing, highly educated, and well-paid segment of the (...)
  • 40 Florida, Richard,  op. cit.

50Reste à savoir à quel point certains pays représentent des alternatives aux États-Unis crédibles aux yeux des travailleurs très qualifiés. On a longtemps pensé les États-Unis à l’abri tant ils ont dominé ce secteur, se permettant même le luxe de recruter la « crème de la crème » (best and brightest). Lorsque l’on interroge les intéressés sur les motivations qui les ont poussés à émigrer vers les États-Unis, il ressort évidemment que les conditions matérielles d’exercice sont importantes, mais les conditions de vie également. Dans des entretiens menés en 2002, plusieurs personnes interrogées parlent de « liberté sociale » (social freedom)38. Ces éléments sont en adéquation totale avec les travaux de Richard Florida, qui désigne cette « classe créative »39 (creative class) comme élément fondamental du développement économique. Il articule la théorie des trois T : technologie, talent et tolérance. Ses travaux40 démontrent deux choses : d’abord la croissance économique dépend en grande partie de la créativité des personnes, ce qui rejoint les nouvelles théories de la croissance qui placent l’innovation au cœur de la croissance (la théorie de la croissance endogène de Paul Romer) ; ensuite, cette « classe créative » va là où la diversité (ethnique, culturelle, sexuelle) est mieux acceptée. Il y a aussi, probablement, un phénomène de dynamique de groupe qui explique la création de clusters.

51Il parait raisonnable de penser que la dégradation du climat envers un groupe ethnique particulier resurgit sur les autres et peut avoir un effet de frein auprès des migrants potentiels. À la lumière de ces éléments, que penser de l’évolution du climat social pour les immigrés aux États-Unis ?

  • 41 Straubhaar, Thomas. International Mobility of the Highly-Skilled : Brain Gain, Brain Drain or Brain (...)

52Disons en préambule que les États-Unis ont besoin de ces immigrés. Il a été établi de longue date que le rapport entre coûts et bénéfices de l’immigration était très largement à l’avantage des États-Unis. Si l’on se concentre sur le cas des travailleurs hautement qualifiés, le constat est encore plus flagrant. Un quart des entreprises « start-up » dans les hautes technologies a été fondé par des immigrés. La même proportion de prix Nobel attribués aux États-Unis l’ont été grâce à des personnes nées à l’étranger. Globalement, les scientifiques étrangers contribuent de manière exceptionnelle et disproportionnée, c’est-à-dire bien au-delà de leur représentation dans la population, dans leur secteur d’activité (brevets, articles). Et l’on pourrait ajouter bien d’autres éléments tels que les droits universitaires acquittés par les étudiants étrangers et les revenus indirects liés à la présence des immigrés41.

Les États-Unis, pays de Cocagne des élites ?

  • 42 Gallup. « Young, Less Educated Yearn to Migrate to the U.S. Canada More Attractive to Older, More E (...)

53Une étude récente, conduite par la société Gallup dans 148 pays et auprès de plus de 75.000 personnes exprimant le souhait d’émigrer, a révélé que deux destinations se détachent : les États-Unis et le Canada. Les États-Unis restent bel et bien la destination favorite des migrants avec 165 millions de migrants potentiels soit près de 4 fois plus que pour le Canada (45 millions). Toutefois, et c’est là une information fondamentale, on note que les intentions de migrer vers les États-Unis baissent sensiblement à mesure que le niveau d’études des personnes interrogées augmente. À l’inverse, Le Canada attire les plus diplômés (19% contre 9% pour les États-Unis, ce qui est un écart considérable – voir tableau ci-dessous)42.

  • 43 Ouaked, Saïd,  op. cit.

54L’explication avancée par Gallup se base sur les systèmes d’attribution des visas qui favorisent les qualifications au Canada et le regroupement familial aux États-Unis. Cette explication est peu convaincante pour plusieurs raisons. D’abord, les migrants potentiels sont généralement peu informés sur les procédures d’obtention de visas. Ensuite, l’étude ne fait pas la distinction entre visa permanent et visa temporaire. Or, les États-Unis accueillent au total bien plus de travailleurs qualifiés que le Canada. Enfin, la législation et le système d’attribution des visas préoccupent peu les travailleurs hautement qualifiés avant leur prise de décision43.

  • 44 Hunt, Gary et Mueller, Richard,  op. cit.

55La recherche dans le domaine des facteurs influençant le mouvement des élites a mis en lumière l’importance des facteurs pécuniaires (salaires) d’une part, et non-pécuniaires (services disponibles tels que les crèches par exemple) d’autre part. Ces derniers jouent un rôle fondamental dans le choix de la destination des élites qui tentent de maximiser les effets positifs sur leurs conditions de vie44. Dans cette perspective, il semble raisonnable de penser que le risque de rejoindre une région hostile aux étrangers, donc susceptible de rendre leur vie moins agréable en compliquant les relations interpersonnelles, peut avoir servi de repoussoir, surtout si des alternatives existent. L’émergence du Canada, perçue comme une société « ouverte » dans les préférences des élites, peut être le signe que les États-Unis ne sont plus aussi dominateurs que dans le passé.

Conclusion : quelles perspectives ?

56Les attentats du 11 septembre ont produit le contexte qui a permis la mise en place de politiques agressives de lutte contre le terrorisme dont les effets ont été désastreux pour les États-Unis en termes d’image et de leadership international. Bien que partiellement assumé, ce positionnement semble peu cohérent avec d’autres objectifs affichés sur les plans stratégique et économique.

  • 45 Chaloff, Jonathan et Lemaître, Georges. « Managing Highly-Skilled Labour Migration : A Comparative (...)
  • 46 Smith, Ben. Report : U.S. Needs Immigration Boost of High-Skilled Workers, Site de CNN [en ligne], (...)

57Au final, sur la question des ressources humaines, les raisons de penser que l’attractivité américaine baisse chez les travailleurs hautement qualifiés sont crédibles. Mais nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour affirmer avec certitude que les États-Unis perdent du terrain dans ce domaine, même si c’est un thème récurrent depuis près de dix ans. Toutefois, les chiffres de l’étude Gallup mentionnée précédemment semblent aller dans ce sens, tout comme les déclarations des organisations patronales telles que Immigration Works USA, grande critique de la législation en vigueur. Plusieurs rapports d’experts confirment la situation de pénurie aux États-Unis et ailleurs45. L’un des rapports récents, relayé à maintes reprises dans la plupart des médias nationaux américains, rédigé par la Banque centrale fédérale de Dallas met en garde contre le risque de « perdre du terrain dans la compétition mondiale pour les compétences »46.

  • 47 Pew Research Center, « From Hyperpower to Declining Power – Changing Global Perceptions of the U.S. (...)
  • 48 Pew Research Center, « American Exceptionalism Subsides, The American-Western European Values Gap » (...)

58En rompant avec les principes d’égalité de traitement, de protection égale et de respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont articulés dans la Constitution et la Déclaration d’Indépendance, les États-Unis se sont peut-être coupés d’une partie de leurs sources traditionnelles d’immigration. C’est ce que semble indiquer l’étude du Pew Research Center qui souligne une méfiance et un scepticisme durables vis-à-vis des États-Unis malgré l’effet positif issu de l’élection de Barack Obama en 200847. La politique étrangère américaine suscite bien l’opposition et le rejet et ce bien au-delà des régions traditionnellement perçues comme sources de sentiment anti-américain. En Europe aussi, les choix faits par l’administration américaine inspirent la réserve ou la critique comme le démontre une étude réalisée par le Pew Research Center qui parle d’un « fossé grandissant » dans les valeurs qui comptent de chaque côté de l’Atlantique48.

  • 49 Discours prononcé le 15 juin 2012 à la Maison Blanche. Une phrase résume assez bien ce double objec (...)
  • 50 L’acronyme DREAM Act (Development, Relief, and Education for Alien Minors Act) est une référence év (...)

59Concilier objectifs humains et économiques tout en luttant contre l’immigration illégale et en convainquant les Américains les plus sceptiques que les États-Unis sont liés, qu’ils le veuillent ou non, à l’immigration est une équation difficile à résoudre. Le Président Obama, après avoir longtemps hésité, a tenté, lors de la campagne présidentielle de 2012, de redonner espoir aux milliers de sans-papiers et de rassurer les citoyens américains dans un discours49 où il relançait l’idée d’une loi dont l’intitulé est hautement symbolique et évocateur : le DREAM Act50. On y percevait clairement la volonté du président de reprendre l’initiative et de restaurer l’image d’un pays ternie par les débats causés par les lois perçues comme anti-immigrés et votées dans plusieurs États américains.

60DREAM Act ou non, certains observateurs, tel Emmanuel Todd, pensent que l’Amérique ne fait plus rêver et annoncent l’entrée dans une ère post-américaine (déjà prophétisée par l’intellectuel français en 2002 dans Après l’empire), dont le signe le plus évident serait la remise en cause croissante du leadership américain. C’est peut-être compter sans la volonté et la capacité de réaction d’une nation dont le destin reste, à ce jour, exceptionnel.

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Bibliographie

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Zolberg, Aristide. A Nation by Design, Immigration Policy in the Fashioning of America, Cambridge, MA, Harvard University Press; New York, Russell Sage Foundation, 2006.

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Notes

1 Fragnon, Julien et Lamy, Aurélia. « L’Après-11 septembre ou l’étiologie d’un monde qui change. Unicité sémantique et pluralité référentielle », Mots. Les Langages du politique, 87, 2008, pp. 57-69.

2 « Le 11-Septembre détermine-t-il toujours les relations internationales ? », Le Monde, 5 septembre 2006 ; Badie a repris cette posture dans La Diplomatie de la connivence, Paris, Editions La Découverte, 2011.

3 Cette notion d’ouverture à la diversité n’a pas toujours prévalu outre-Atlantique. Longtemps, il a fallu se conformer au « modèle » WASP, oblitérant au passage les différences culturelles. On peut aussi rappeler les programmes d’américanisation mis en place au début du XXe siècle qui ont poursuivi le même but.

4 Zolberg, Aristide. A Nation by Design, Immigration Policy in the Fashioning of America, Cambridge, MA, Harvard University Press; New York, Russell Sage Foundation, 2006, p. 55. C’est moi qui souligne.

5 La loi de 1798 sera abrogée en 1802 et la durée légale préalable à une demande de naturalisation sera ramenée à 5 ans telle qu’elle est aujourd’hui.

6 The Alien Act (An Act Concerning Aliens) ch. 58, 1 Stat. 570; The Alien Enemies Act (An Act Respecting Alien Enemies) ch. 66, 1 Stat. 577; The Sedition Act (An Act for the Punishment of Certain Crimes against the United States) ch. 74, 1 Stat. 596.

7 Henry Cabot Lodge, élu au Sénat et membre influent du parti Républicain, fut un promoteur acharné des restrictions à l’immigration. Il participa à la fameuse Commission Dillingham (1907-1911) sur l’immigration qui conclut que l’immigration venue du sud et de l’est de l’Europe représentait un danger pour la société et la culture américaines. Partisan d’une politique étrangère isolationniste, il participa activement au refus de ratification de la charte de la Société des Nations aux États-Unis.

8 Les débats qui précédèrent le vote de la loi de 1965 démontrent que les différentes parties impliquées (élus, lobbyistes, activistes, etc.) y voyaient des objectifs très différents : pour certains, la loi ne changerait pas grand-chose (le Président Johnson lui-même le déclara lors de la signature de la loi), et pour d’autres, elle apporterait des changements nécessaires tels que la fin des quotas nationaux et la prise en compte des besoins de l’économie et de la société américaines (20% des visas devaient être attribués aux détenteurs de compétences recherchées comme les médecins ou les ingénieurs).

9 Notons toutefois que tous deux prônaient une sélection des immigrés dans le but de renforcer la présence anglo-saxonne.

10 Ceyhan, Ayse. « Terrorisme, immigration et patriotisme. Les identités sous surveillance », Cultures & Conflits [en ligne], 44, hiver 2001, pp. 117-133, <conflits.revues.org/index746.html>, (consultée le 29 août 2011).

11 On pourra se documenter par ailleurs sur cette question en consultant les ouvrages de Schlesinger, Arthur. The Imperial Presidency, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, 2004 [1973] et Rudalevidge, Andrew. The New Imperial Presidency : Renewing Presidential Power after Watergate, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2005.

12 Sniderman, Paul, Hagendoorn, Louk et Prior, Markus. « Predispositional Factors and Situational Triggers : Exclusionary Reactions to Immigrant Minorities », American Political Science Review, vol. 98, n° 1, 2004, pp. 35-50.

13 Kinder, Donald R. « Belief Systems after Converse », in Mackuen, Michael et Rabinowitz, George (eds). Electoral Democracy, Chicago, University of Chicago Press, 2003.

14 Scheve, Kenneth F. et Slaughter, Mathew J. « Labor Market Competition and Individual Preferences over Immigration Policy », Review of Economics and Statistics, vol. 83, n° 1, 2001, pp. 133-145.

15 Brader, Ted, Valentino, Nicholas A. et Suhay, Elizabeth. « What Triggers Public Opposition to Immigration ? Anxiety, Group Cues, and Immigration Threat », American Journal of Political Science, vol. 52, n° 4, 2008, pp. 959-978 ; Dunaway, Johanna, Branton, Regina et Abrajano, Marisa. « Agenda Setting, Public Opinion, and the Issue of Immigration Reform », Social Science Quarterly, vol. 91, n° 2, 2010, pp. 359-378.

16 Brader, Ted, Valentino, Nicholas A. et Suhay, Elizabeth. « What Triggers Public Opposition to Immigration ? Anxiety, Group Cues, and Immigration Threat »,  op. cit.

17 Schildkraut, Deborah. « The Dynamics of Public Opinion on Ethnic Profiling After 9/11 : Results From a Survey Experiment », American Behavioral Scientist, vol. 53, no. 1, September 2009, p. 62.

18 Time/CNN cité dans Schildkraut, Deborah, ibid., p. 74.

19 Schildkraut, Deborah. « The More Things Change... American Identity and Mass and Elite Responses to 9/11 », Political Psychology, vol. 23, n° 3, septembre 2002, p. 526.

20 USC Annenberg Institute for Justice and Journalism, « Post 9/11 Survey », juillet/août 2002 ; voir également Chishti, Muzaffar, et. al. America’s Challenge : Domestic Security, Civil Liberties and National Unity after September 11, Washington, DC, Migration Policy Institute, 2003, p. 7.

21 Tirman, John. « Immigration and Insecurity : Post-9/11 Fear in the United States », Site du Social Science Research Council, 28 juillet 2006, <borderbattles.ssrc.org/Tirman>.

22 Palmer Raids est le nom donné à des actions ordonnées par le Ministre de la Justice Alexander Mitchell Palmer pour arrêter et déporter les gauchistes radicaux et les anarchistes américains entre novembre 1919 et janvier 1920. Sur un total de 10 000 personnes arrêtées, 556 furent effectivement déportées.

23 Chishti, Muzaffar, et. al.,  op. cit., p. 8.

24 Uniting (and) Strengthening America (by) Providing Appropriate Tools Required (to) Intercept (and) Obstruct Terrorism Act of 2001. Public Law 107 – 56, 21 octobre 2001.

25 Sabbagh, Daniel. « Sécurité et libertés aux États-Unis dans l'après-11 septembre : un état des lieux », Critique internationale, vol. 19, n° 2, 2008, p. 18.

26 « Patriot Act Renewal Resisted by Bipartisan Group », Washington Times [en ligne], 7 novembre 2005, <www.washingtontimes.com/news/2005/nov/17/20051117-111241-2085r>.

27 Sabbagh, Daniel,  op. cit., p. 22.

28 Chishti, Muzaffar et al. (2003) parlent de « Muslim moment » qu’ils définissent comme une période qui a vu une forte croissance des prises de conscience de leur état de musulman.

29 Chishti, Muzaffar, et. al.,  op. cit.

30 Tirman, John,  op. cit. ; Schildkraut, Deborah. « The More Things Change... American Identity and Mass and Elite Responses to 9/11 »,  op. cit.

31 Tirman, John, ibid.

32 The New Republic, 24 octobre 2001, in Ceyhan, Ayse,  op. cit.

33 Ceyhan, Ayse, ibid., p. 122.

34 Chishti, Muzaffar, et. al.,  op. cit., p. 7.

35 Site du Pew Research Center [en ligne], <pewglobal.org/database/?indicator=8&survey=6&response=Favor&mode=chart>. Notons toutefois que les opinions positives sont reparties à la hausse avec l’élection de Barak Obama à la présidence.

36 Voir par exemple : Attirer les talents : Les travailleurs hautement qualifiés au cœur de la concurrence internationale, Paris, OCDE, Direction de la Science, de la technologie et de l'industrie, 2008.

37 Hunt, Gary et Mueller, Richard. « North American Migration : Returns to Skill, Border Effects, and Mobility Costs », The Review of Economics and Statistics, vol. 86, n° 4, 2004, pp. 988-1007.

38 Voir Ouaked, Saïd. Les migrations des personnels hautement qualifiés aux États-Unis depuis 1990 : de la domination à la dépendance ?, Thèse de 3ème cycle, Université de Bourgogne, 2004.

39 Voici comment Florida la définit : « a fast-growing, highly educated, and well-paid segment of the workforce on whose efforts corporate profits and economic growth increasingly depend », in Florida Richard. « The Rise of the Creative Class », The Washington Monthly [en ligne], mai 2002. <www.washingtonmonthly.com/features/2001/0205.florida.html>.

40 Florida, Richard,  op. cit.

41 Straubhaar, Thomas. International Mobility of the Highly-Skilled : Brain Gain, Brain Drain or Brain Exchange, Site de Econstor [en ligne], HWWA Discussion Paper, n° 88, 2000, <hdl.handle.net/10419/19463>.

42 Gallup. « Young, Less Educated Yearn to Migrate to the U.S. Canada More Attractive to Older, More Educated Adults », site de Gallup [en ligne], 30 avril 2010, <www.gallup.com/poll/127604/Young-Less-Educated-Yearn-Migrate.aspx>.

43 Ouaked, Saïd,  op. cit.

44 Hunt, Gary et Mueller, Richard,  op. cit.

45 Chaloff, Jonathan et Lemaître, Georges. « Managing Highly-Skilled Labour Migration : A Comparative Analysis of Migration Policies and Challenges in OECD Countries », OECD Social Employment and Migration Working Papers, OECD Publishing, n° 79, 2009.

46 Smith, Ben. Report : U.S. Needs Immigration Boost of High-Skilled Workers, Site de CNN [en ligne], 10 mars 2011, <edition.cnn.com/2011/US/03/09/texas.fed.immigration>.

47 Pew Research Center, « From Hyperpower to Declining Power – Changing Global Perceptions of the U.S. in the Post-Sept. 11 Era », Site du Pew Research Center [en ligne], 7 septembre 2011, <www.pewglobal.org/2011/09/07/from-hyperpower-to-declining-power>.

48 Pew Research Center, « American Exceptionalism Subsides, The American-Western European Values Gap », Site du Pew Research Center [en ligne], 17 novembre 2011 (revisé le 29 février 2012), <www.pewglobal.org/2011/11/17/the-american-western-european-values-gap>.

49 Discours prononcé le 15 juin 2012 à la Maison Blanche. Une phrase résume assez bien ce double objectif : « We have always drawn strength from being a nation of immigrants, as well as a nation of laws, and that’s going to continue ». Pour le discours intégral, voir <www.whitehouse.gov/the-press-office/2012/06/15/remarks-president-immigration>.

50 L’acronyme DREAM Act (Development, Relief, and Education for Alien Minors Act) est une référence évidente à l’American Dream, le but étant de renouer avec les idées de la grande Amérique : terre d’accueil, d’espoir, d’égalité et d’opportunités.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Saïd OUAKED, « Une politique étrangère américaine presbyte : l’impact de la politique d'immigration après le 11 septembre 2001 », Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain [En ligne], 16 | 2016, mis en ligne le 10 mai 2016, consulté le 23 septembre 2016. URL : http://mimmoc.revues.org/2450 ; DOI : 10.4000/mimmoc.2450

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Auteur

Saïd OUAKED

Univ. Limoges, Univ. Clermont-Ferrand II, EHIC, EA 1087, F-87000 Limoges, France.

Saïd Ouaked est Maître de conférences à l’Université de Limoges où il enseigne la civilisation américaine. Ses recherches portent principalement sur l’immigration aux États-Unis et plus particulièrement sur la portée diplomatique des politiques migratoires. Ses dernières publications se concentrent sur l’impact des discours et des pratiques au niveau national sur le soft power américain.

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