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Comptes rendus / Reviews

Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle, dans les villes de la frontière franco-belge

Paris, L’Harmattan, 2002, 432 p., ISBN 2-7475-2735-2
Nicole Dyonet
p. 111-113
Référence(s) :

Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle, dans les villes de la frontière franco-belge, Paris, L’Harmattan, 2002, 432 p., ISBN 2-7475-2735-2.

Texte intégral

1La notion de police sous l’Ancien Régime est moins vague que large et les historiens préfèrent la traiter indirectement ou par fragment. Le livre de Catherine Denys est de ceux qui l’abordent frontalement tout en limitant son sujet à la relation police-sécurité. Curieusement, les historiens ont su s’intéresser à la police des grains, à la police du livre, des métiers, de l’assistance mais fort peu ou pas du tout à celle que Delamare avec ses contemporains appelait dans son Traitéde la police (1705- 1738), la sûreté.

2Ce travail se situe résolument à la croisée de 3 domaines historiographiques. Celui de la ville. Il s’agit des villes du nord du royaume de France et du sud des Pays-Bas.

3Elles ont la particularité d’appartenir à l’aire bourguignonne-habsbourgeoise qui comporte une forte tradition municipale, susceptible de placer la question de la police sous un jour différent de ce qu’il est ailleurs dans le royaume de France et notamment à Paris, longtemps considéré par les historiens comme l’unique exemple d’une police urbaine complète. Celui de la frontière. La connaissance historique de l’idée de frontière sous l’Ancien Régime, renouvelée ces dernières années (notamment par les travaux de Daniel Nordman), rejette toute conception linéaire pour lui substituer la représentation d’une large zone militarisée comportant des places fortes dressées face à celles des États voisins mais tolérant une intense vie d’échanges et de circulation pour les civils. C’est la situation des 5 villes retenues ici : Lille, Douai, Valenciennes du côté français, Mons et Namur du côté des Pays-Bas. La façon d’aborder le sujet distingue des travaux antérieurs cette étude comparative de l’État et de l’évolution de la police-sécurité. Celui de la police enfin. C. Denys se risque à une définition très générale (p. 19 « le mot police signifie le gouvernement, l’administration générale d’un territoire et plus particulièrement d’une ville. Elle désigne, d’une manière ou d’une autre, toute action qui tend à permettre aux hommes de vivre le mieux possible ensemble ») et précise qu’elle n’étudie que la relation police-sécurité.

4Délaissant la voie ouverte par L. Febvre qui, en 1956, souhaitait des études permettant de mieux connaître l’histoire du sentiment de sécurité, C. Denys s’attache plutôt à la sûreté publique c’est-à-dire non pas à ce qui, naguère, aurait relevé d’une « histoire des mentalités », mais à ce qui aujourd’hui sollicite davantage les jeunes historiens : une mise en lumière des institutions urbaines et des agents du pouvoir qui les animent. La modernité du vocabulaire souligne le propos de l’auteur, mais le lecteur peut être gêné par des formules renvoyant à des situations contemporaines telles que police de proximité, police militaire pour désigner l’action des militaires en ville, fonction policière ou quadrillage policier. La période considérée est, pour l’essentiel, un XVIIIe court qui commence après les traités d’Utrecht et s’arrête à la Révolution française. Période de paix ou, tout au moins durant laquelle la région n’est pas le théâtre d’opérations militaires. Ainsi la chronologie de la police-sécurité n’est pas perturbée par des événements extérieurs plus capables, dans cette région frontière, de provoquer des situations d’exception qu’ailleurs.

5Le plan de l’ouvrage comporte 3 grandes divisions qui reflètent les intentions de l’auteur. Dans la première partie (« Les acteurs de la sécurité dans la ville »), il apparaît que, si de part et d’autre de la frontière les responsables civils de la police urbaine continuent à exercer leur rôle sans une concurrence forte des représentants civils de l’autorité royale (intendant, parlement) ou impériale, ce sont bien les militaires qui, par la place qu’ils occupent et l’autorité qu’ils exercent de droit, sont à la fois un appui pour la police civile et parfois les seules forces de police efficaces. Les réformes qui, au XVIIIe siècle, surtout en France, tendent à accélérer le déclin des milices bourgeoises vont dans le même sens et, de ce fait ne font pas obstacle au « développement du rôle policier de l’armée » (p.141) que l’on observe dans les villes considérées.

6Une seconde partie vise à définir les points d’application de la fonction police-sécurité. Ce qui conduit à examiner les dispositions prises pour la sécurité des rues, ou les précautions à respecter et les remèdes à apporter aux effets des fléaux naturels tels les épidémies, les incendies ou les inondations.

7La troisième partie change l’angle d’approche. L’analyse des fonctions de la police en matière de sécurité fait place à une étude des conditions de réception des dispositions de police. L’auteur examine donc les divers territoires qui, à des titres divers et à des échelles différentes, forment ces lieux privés ou publics où les citadins peuvent rechercher la sécurité (soit la maison, la rue, l’espace urbain enclos de murs). Il apparaît qu’au cours du siècle la perception de la ville change chez ceux qui s’efforcent de la penser et de la représenter et que les considérations sur la sécurité ne sont pas le motif premier, mais second de ce changement comme en témoigne ce que l’on apprend sur l’éclairage des rues, la numérotation des maisons, etc.

8En bornant son étude aux limites de la ville, C. Denys a volontairement choisi un cadre qui lui offrait de véritables conditions de laboratoire pour observer ce qu’était l’exercice de la police et ses transformations au cours du XVIIIe siècle (« le territoire de la ville fournit donc un observatoire privilégié qui est aussi un laboratoire de création policière » p. 20), celui des villes du nord récemment incluses dans le royaume, comparées avec les villes des Pays-Bas. L’entreprise menée à son terme, le lecteur est sensible à 3 apports. Une meilleure connaissance de tout le personnel municipal en procure un tableau vivant : du plus solennel (les magistrats) au plus modeste (les sergents), il assure l’application des dispositions réglementaires, exécute les ordres, escorte, patrouille et délivre des amendes. Les différences entre villes françaises et villes des Pays-Bas sont à cet égard de l’ordre de la nuance et les variantes concernent surtout les relations de pouvoir entre civils et militaires, ou la possibilité laissée aux habitants de disposer ou non d’armes personnelles. L’étude de l’évolution des situations au cours du XVIIIe siècle montre aussi que s’esquisse, durant cette période, la différence entre les villes françaises dont la vie est plus marquée par l’existence d’un État fort et centralisé, représenté ici par le commandant ou son lieutenant, et les villes des pays de l’Europe du Nord-Ouest dans ­lesquelles les habitants continuent à s’impliquer davantage dans la vie locale. Enfin la recherche sur le rôle de l’armée casernée au XVIIIe siècle. Mieux disciplinée en temps de paix depuis la fin de la guerre de Trente ans, comme elle ne l’a jamais été dans la période précédente, élément actif dans le « procès de civilisation », elle sert à la fois d’appui et de référence pour la police des civils. Aspect que les historiens de la chose militaire (A. Corvisier, J. Chagniot) ont souvent souligné et qu’oublient souvent les historiens de la société des civils. On comprend que l’ouvrage de Catherine Denys, dans un domaine historiographique peu fréquenté jusqu’ici, est un ouvrage fondateur propre à susciter des études inspirées par son exemple.

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Pour citer cet article

Référence papier

Nicole Dyonet, « Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle, dans les villes de la frontière franco-belge », Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, Vol. 8, n°1 | 2004, 111-113.

Référence électronique

Nicole Dyonet, « Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle, dans les villes de la frontière franco-belge », Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies [En ligne], Vol. 8, n°1 | 2004, mis en ligne le 20 février 2009, consulté le 16 août 2016. URL : http://chs.revues.org/523

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Auteur

Nicole Dyonet

Université d’Orléans, nicole.dyonet@univ-orleans.fr

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