Réparer le monde
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Excès, Reste et Innovation
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Nous appelons à proposition d’articles d’ici au 30 juin 2014 pour un numéro spécial de la revue Techniques & culture (http://tc.revues.org) intitulé : « Réparer le monde : excès, reste et innovation ».
Argumentaire
Les restes et leur traitement ont une valeur heuristique originale pour les sciences sociales. C’est tout au moins la position que nous entendons défendre dans ce numéro spécial, élaboré en partenariat avec le « Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée » (MuCEM) à Marseille, qui prépare pour 2016 une exposition sur les déchets. Englobant le sujet des déchets, mais loin de s’y limiter, ce numéro réunira des contributions issues de plusieurs disciplines provenant de terrains proches et éloignés autour de la problématique du « reste », envisagée non seulement comme « revers de la production », mais aussi comme un objet associant fortement les dimensions pratiques et symboliques.
Le « reste » est entendu ici, au sens large, comme un artefact de la pensée ou de la pratique, généralement invisible et bien souvent « hors culture ». Le reste renvoie aux choses impensées, à celles qui n’entrent pas dans les cadres culturels et cognitifs, qu’il s’agisse de dimensions symboliques ou économiques. L’analyse du ou des restes permet de révéler en profondeur l’intrication des enjeux sociaux, environnementaux et politiques.
Par cet argumentaire nous appelons des contributions qui explorent, complètent et discutent la notion de « reste » mais aussi les rapports entre reste et déchets au sens le plus large, notamment :
Restes « irréductibles ». L’exemple le plus extrême du reste comme élément résistant à l’érosion et à la biodégradabilité est probablement fourni par les déchets nucléaires, mais nous pensons aussi aux restes en suspens tels les résidus constituant une pollution atmosphérique ou les polymères présents dans les mers et les océans, emportés par le vent et les courants marins.
Restes « réutilisés ». Avec leur basculement dans l’envers du décor social, nos objets ne finissent pas toujours comme déchets. Ce passage marque souvent le début d’une « deuxième vie ». Quels sont les processus de requalification des objets ? Quels sont les lieux, les moments, les organisations où ces déchets circulent, s’échangent ou se transforment ? Il s’agit de donner à comprendre les modalités par lesquelles les restes persistent à « être encore » (réemploi) ou à « être à nouveau » (recyclage) ainsi que les enjeux sociaux de leurs retours.
Restes « retransformés ». Gisement de matières premières secondaires pour des entreprises minières qui tentent aujourd’hui de se réinventer à travers le concept de l’« urban mining » ou les métiers de l’économie « informelle » pratiqués dans les marges des métropoles où s’accumulent par exemple les déchets d’équipements électriques et électroniques (« e-waste »). Il s’agirait de donner à voir les flux de composants et de matériaux, de dessiner les contours des chaînes industrielles ou artisanales de recyclage.
Restes « fantômes ». Non seulement les objets matériels (y compris le cadavre et les ossements humains) mais bien sûr aussi les fantômes, esprits, démons et djinn sont des restes d’un passé qui, avec le temps, deviennent de plus en plus lointains, mais dont le présent n’arrive jamais totalement à se détacher. Selon Freud, l’« inquiétante étrangeté » de ces « démons familiers » (Das Unheimliche / the uncanny) est susceptible d’attirer et de repousser d’une commune mesure.
Restes « excédentaires ». Les pratiques ostentatoires de consommation donnent à la société contemporaine un étrange caractère de spectacle de potlach (où le prestige est pour celui qui non seulement produit le plus, mais jette le plus). Les pratiques (anti-)économiques de dilapidation et de perte, plutôt que le profit et l’accumulation — la fête, le sacrifice, le luxe, le jeu, la bourse… qui renvoient peut-être à d’autres façons de penser les rapports de valeurs entre matériel et immatériel.
Quels défis ces catégories de restes posent-elles à l’époque où certains chercheurs des sciences sociales reprennent la notion d’Anthropocène (« ère » caractérisée par le fait que l’influence de l’être humain sur le système terrestre est devenue prédominante) ? Quelles sont les conséquences pour l’anthropologie économique (avec le texte fondateur de Mauss sur le don) de disposer de biens sans l’idée d’échange, de circulation, de retour ? À l’inverse, dans quelle mesure les économies circulatoires réincorporent-elles les restes de façon inattendue ? L’étude des restes, ou ce que Georges Bataille appelait « la part maudite », permet-elle de réaliser une « mise à l’envers de la pensée » par l’élargissement de notre concept d’économie dans sa version actuelle (restreinte) à une économie « générale » ?
Le reste ne saurait être considéré comme une catégorie ontologique donnée, mais plutôt comme une catégorie dont les contours s’étendent, se contractent et se déconstruisent en fonction des régimes de valeur, des techniques et des croyances de chaque société, ainsi qu’à travers des activités telles l’élimination, la collection, la réparation, la transformation, la valorisation, la conservation. De même, la notion de reste revêt des significations matérielles et immatérielles différentes : faut-il voir, chez les chasseurs-cueilleurs ou horticulteurs, des sociétés « sans restes » (en tout cas, sans déchets) ? Ou le reste, la scorie, l’excrétât impensés prennent-ils d’autres formes (immatérielles ?) dans un environnement tropical humide caractérisé par la biodégradabilité des objets végétaux — contexte de nature bien évidemment différent de celui des artefacts métalliques ou plastiques des sociétés industrielles ?
Outre les formes matérielles des restes, les processus ou les épreuves qui permettent aux restes d’accéder à de nouveaux statuts sont d’une importance particulière pour cette réflexion collective. Dans ce numéro nous souhaitons promouvoir des études qui mettent en évidence les dimensions bricolantes et innovantes, les savoirs, savoir-faire, savoir-être que le monde accéléré de la consommation et de la surproduction appelle en retour et en résistance — contre l’idée d’« obsolescence programmée » notamment.
Ce thema est en définitive un numéro en colère et en résistance, l’anthropologie impliquée de Techniques & culture se définissant aussi comme une traduction claire et savante des « modèles du faire » des exclus.
Jamie Furniss, Yann-Philippe Tastevin
(Univ. Edinbourgh, Centre Norbert Elias-Mucem)
en collaboration avec Agnès Jeanjean (Univ. Nice) et Frédéric Joulian (EHESS)
Conditions de soumission et échéancier
Un résumé long de 2 000 à 4 000 caractères maximum, accompagné d’une dizaine d’illustrations.
À terme, trois formes d’articles sont envisageables :
- un article pour la version en ligne, de longueur variable entre 30 000 et 50 000 car. et dans lequel toutes sortes d’illustrations (photos, vidéo, audio) sont possibles. Il sera également présenté sur deux pages dans la version papier (avec l’annonce du lien http).
- un article pour la version papier de la revue, de 10 000 à 20 000 signes (espaces compris) accompagnée d’un maximum de 10 images HD dans lequel l’auteur s’efforcera d’écrire pour des lecteurs extérieurs à son propre champ, exercice impliquant une double exigence de scientificité et de lisibilité (la revue touchant un lectorat interdisciplinaire de sciences humaines et se diffusant en librairies comme un « livre-revue » à destination d’un public élargi).
- un article partant à l’inverse du terrain et des documents, dans lequel l’auteur, se fondant sur des exemples ou idées précises, analysera une quinzaine ou vingtaine d’images, dans un format inférieur à 10 000 caractères.
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Date limite de soumission : 30 juin 2014
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Sélection et réponse des coordinateurs : 15 juillet 2014
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Abstract et présentations des contributeurs : 15 octobre 2014
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Rencontre des contributeurs au MuCEM : 20-21 novembre 2014
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Pour connaître les normes de la revue, consulter le site : http://tc.revues.org/1556
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ou s’adresser à la rédaction
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Adresse de la rédaction : techniques&culture@ehess.fr
Techniques & culture
La revue Techniques & culture s’intéresse aux dimensions pragmatiques, sociales et symboliques des techniques, des plus « traditionnelles » aux plus modernes. Les cultures matérielles et la matérialité permettent de révéler et donner un sens concret aux rapports entre les hommes ou entre les hommes (sociétés) et leurs milieux. La revue élabore et co-produit des numéros thématiques, synthèse des avancées les plus récentes de grandes questions anthropologiques qu’elle destine autant au monde savant (revue de rang A) qu’à un plus large public (disponible en librairie et sur le net).
Détails pratiques
Les auteur-e-s devront prendre contact avec les coordinateurs du numéro, Yann-Philippe Tastevin et Jamie Furniss par l’intermédiaire du secrétariat de rédaction de la revue (techniques&culture@ehess.fr) pour soumettre leur projet (titre et résumé d’une page, accompagnés de leur nom, coordonnées, affiliation institutionnelle) avant le 30 juin 2014.
Une rencontre des contributeurs retenus est prévue au MuCEM à Marseille en novembre 2014.
La proposition ainsi que le texte intégral peut être envoyé en langues française ou anglaise ; le numéro spécial paraîtra en français, Techniques & culture prenant en charge la traduction vers le français des textes soumis en langue anglaise.