« Cette époque est en décomposition, elle pue. » Klaus Mann, Mephisto, 1936.
Cette époque pue, oui… il suffit de scander les exemples pour en avoir la
nausée. Elle pue, quand Wauquiez, élu depuis à la Région, clame qu’il faut
envoyer en camps ceux à qui les flics ont collé une fiches S. Elle pue
quand le gouvernement socialiste instaure la déchéance de nationalité.
Elle pue quand Valls fait inscrire dans la loi des pouvoirs étendus à la
police issus des mesures d’exception. Pendant qu’on regarde s’instaurer
l’état d’urgence comme s’il était temporaire, c’est tout ce monde qui se
crispe, et répand des relents de puanteur.
Mais ne soyons pas naïfs : l’état d’urgence n’est pas le fond du problème,
ce n’est que le début du processus. Tirant profit d’une situation imprévue
(catastrophe naturelle ou épidémie, accident ou attentat), l’État instaure
des mesures d’exception. Ensuite, lentement mais sûrement, il prolonge, il
étend, il fossilise le niveau de contrôle ainsi atteint, comme avec
vigipirate instauré après les attentats de 1995, et jamais levé :
présences policières et militaires accrues, extension des systèmes
technologiques de surveillance. Et la peur entre nous.
L’état d’urgence n’était qu’une étape, l’alibi pour réunifier le corps
social autour du cadavre décomposé de la République. Aujourd’hui, l’enjeu
est le maintien du nouveau niveau de contrôle sans que nous nous y
opposions. Qui te fait la misère te promet l’azur : d’une mesure
exceptionnelle censée nous protéger du terrorisme, nous seront soumis aux
interdictions de manifester, sous la menace de perquisitions et autres
mesures arbitraires. Et cela va durer, car à travers l’état d’urgence,
c’est le rêve de tout gouvernement qui se réalise.
Ce rêve de gouvernement, c’est de parvenir à nous maintenir dans une forme de léthargie et de passivité totale à même de nous faire accepter moins de libertés, que ce soit sur le plan légal ou sur le plan sensible et
quotidien. Qu’importe le malaise que nous pouvons ressentir, l’essentiel
est que nous fermions notre gueule, malgré l’absurde de la situation. Qui
n’a pas éprouvé un certain malaise à attendre son bus à côté de militaires
l’arme au poing ? Et que répondre au vigile qui nous fouille à la
recherche d’explosifs quand on entre à la Poste ? Trop souvent, on baisse
la tête, on se replie sur nous, chez nous, et l’on s’accoutume de ce
cloisonnement dans la sphère privée, de cette privatisation absolue des
rapports humains. Accepter la situation qui nous est faite, et les formes
de cohabitation sordides que cela suppose (plus de flics, plus de
militaires, plus de vigiles, plus de délation…), c’est déjà une forme de
collaboration passive.
Nous voulons au contraire affirmer collectivement que la vie que nous
propose l’état d’urgence n’est rien d’autre qu’une mort sous contrôle, une
vie triste. Faisons alors un pari et une proposition. Faisons le pari
qu’il est possible de sortir du cadre dans lequel on tente de nous
enfermer et qui voudrait faire de nous soit un flic, soit une victime,
soit un terroriste. Au sein de ce spectacle malsain, il existe d’autres
positions. Un autre parti, celui des déserteurs de l’ordre établi, de ceux
et celles pour qui la vie n’est pas qu’une réalité morne et triste. Le
parti de la joie et de la révolution. C’est pourquoi nous faisons aussi la
proposition de continuer à descendre ensemble dans la rue, pour faire la
fête, nous retrouver, déverser notre colère, occuper l’espace public et en
faire le champ d’une bataille où nous pouvons choisir qui être, et comment
agir.
Il y a déjà eu des manifestations à Grenoble et ailleurs, qui ont marqué
une rupture dans le consensus généralisé et une reprise de la rue : les
infos sur Indymedia Grenoble. Cette fois, rendez-vous avec trompettes,
masques et cotillons...
Le tract en version pdf :
POUR SUIVRE LA MOBILISATION ICI ET AILLEURS :
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