Sépulture et culture matérielle en Italie méridionale : fonctionnalité, « funeral kit » et modèles interprétatifs

Les sépultures constituent en archéologie des ensembles clos et des réservoirs à culture matérielle très efficaces. Associant un discours sur le mort, la mort et les vivants, dans un rapport complexe, elles permettent de mieux comprendre les réalités matérielles des sociétés, dont elles sont parfois – hélas – le seul témoignage. Cependant ce rapport entre la sépulture et son contenu est problématique, pas toujours linéaire : c’est un point que nous avions souhaité soulever durant nos recherches de Master sur la Lucanie antique. Pour ce faire, nous avions cherché à brosser rapidement l’état des théories et des débats sur la question.

L’objet de ce billet est donc de parcourir par petits sauts l’état des problèmes en archéologie funéraire en ce qui concerne : la place générale de l’objet dans la tombe, le cas particulier des funérailles dites « héroïques » dans l’Antiquité, le problème du « modèle aristocratique » dans l’interprétation des populations funéraires et enfin le problème du rapport entre pratiques funéraires, culture matérielle, et ethnicité des défunts. Ces quatre problèmes sont constamment présents dans l’archéologie classique, et constituent souvent des points très débattus.

o   Un rapport constant mais problématique à l’objet

La sépulture est un conteneur riche et intéressant pour entrevoir la culture matérielle. Ce fait est indéniable, et même s’il ne doit pas nous orienter vers des schémas trop mécaniques de réflexion, on ne peut omettre ce paramètre dans l’étude des faits funéraires. La sépulture, donc, est un ensemble clos (c’est à dire, dans le cas des sépultures individuelles non perturbées, qui ne contient que des objets antérieurs et/ou contemporains de l’inhumation), associant individu, objets, fonctions des objets, dans un discours organisé, comme le résume ce schéma, proposé par L. Baray en 2007.

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Que peut-on dire sur la société à partir des données de l’archéologie funéraire ? Trois questions différentes à différents niveaux de concept se posent : pourquoi les pratiques funéraires diffèrent ? Comment elles évoluent ? Comment ces pratiques, matérielles ou immatérielles traduisent un fait social (individuel, collectif, structurel) ?

La première précaution à prendre est de ne pas plaquer à des sociétés anciennes nos propres conceptions de modernes. Il apparaît par exemple désormais de plus en plus inutile de parler d’offrande quand les objets déposés appartiennent au mort avant le trépas. La notion de transformation du cadavre et de conversion de l’image du vivant dans l’image du mort n’induit en effet pas une rupture totale de la relation de propriété que l’individu avait avec ses biens ; dit autrement, mourir ne dépossède pas forcément un individu de ses possessions terrestres, c’est même parfois l’inverse dans les sociétés anciennes : certains objets semblent devenir impropres à l’héritage et à la transmission une fois un individu décédé. Laisser des objets au mort, dans la tombe, ce n’est donc pas nécessairement les lui offrir : il peut s’agir de les rassembler, de les sortir du champ du quotidien, car ils sont devenus impurs, notamment s’ils ont servi à l’embaumement (vases pour contenir des fluides corporels, vases ayant servi à l’ultime toilette). Il faut donc reconsidérer les fonctions supposées d’une catégorie d’objets omniprésente dans les tombes : la céramique, qui peut avoir été transformée par le rituel funéraire. Une oinochoé (cruche) par exemple peut avoir avant tout et surtout servi au rite d’inhumation (lavage du corps) et ne pas être un témoignage du banquet, quand bien même il s’agit d’un vase attesté en association avec le symposion en Italie méridionale dès le VIIe siècle av. J.-C. Il en va de même pour les chaudrons-phiales qui comme nous le verrons ont pu servir à faire bouillir des viandes non consommées.

Les catégories d’analyse de l’objet dans la tombe peuvent être résumées par plusieurs éléments : typologie, provenance, matériau, fonction. Typologie et fonction relèvent, indépendamment des deux autres critères, des fonctions du funeral kit. Le funeral kit est un outil théorique descriptif qui sert, en archéologie funéraire, à établir la liste des fonctions présentes dans les différents échelons du rituel funéraire, site par site, espace funéraire par espace funéraire, selon le sexe et l’âge du défunt. Le funeral kit place au centre de la réflexion l’aspect fonctionnel – et non plus la valeur – de l’objet au premier plan du raisonnement. Provenance et matériau sont, traditionnellement, lus selon le prisme de la richesse et/ou de l’acculturation de l’individu à une origine de l’objet. Or, comme l’évoquait Lévi-Strauss dans « La pensée sauvage », les « bricolages » culturels sont nombreux[1]. A fortiori, dans des régions telles que la Lucanie qui reçoivent très tôt des éléments de culture matérielle villanovienne, adriatique, grecque, les « bricolages » et transformations ne sont pas une exception, bien au contraire. Ainsi il en va de même pour les ceinturons utilisés comme trophée et associés à des cuirasses longues (alors que les ceinturons se portent avec des cuirasses courtes au combat) que pour ces casques apulo-corinthiens[2] issus d’une réinterprétation du casque corinthien classique (et qui se porte relevé sur le haut du crâne). Peut-on donc concevoir que ce qui préside au dépôt d’un objet dans une tombe c’est d’abord sa fonction dans un rituel donné, et non sa valeur intrinsèque ? C’est tout l’objet d’un débat qui se tient depuis plusieurs décennies au sein de la recherche, et qui prend bien sa place dans le cas des funérailles dites héroïques.

o   Un cas typique de l’Antiquité : rites héroïques – rites homériques. Deux versants d’une même question ?

Le rapprochement entre des pratiques funéraires « réelles », mises en évidence à partir de contextes archéologiques précis, et celles que l’on rencontre dans la poésie épique homérique n’est pas nouveau et est en fait un problème récurrent en archéologie classique, surtout quand il concerne des sociétés étroitement liées au monde grec, mais qui ne sont pas grecques. Le débat a été singulièrement réactualisé dans les années 1960 et 1970 à la suite de la mise au jour et de l’étude précise des tombes « princières » à Érétrie, en Eubée, à Chypre, d’une part et à Pontecagnano et Sala Consilina en Italie du Sud, d’autre part. Ces ensembles funéraires datent tous de la fin des âges obscurs et de l’époque archaïque, jusqu’à l’époque orientalisante, entre le XIè et le VIIIè siècle av. J.-C. et renvoyaient donc à un horizon chronologique supposé être celui de l’époque immédiatement postérieure à la guerre de Troie, jusqu’à l’époque même de composition des poèmes homériques. Ces travaux faisaient preuve d’une prudence extrême dans les hypothèses alors avancées. Il n’est pas sûr, selon notamment Pascal Ruby, que les notions convoquées de funérailles « héroïques » ou « homériques » aient été par la suite, et par d’autres auteurs, employées avec la même prudence ni avec la même pertinence.

« Si l’on voulait résumer la situation actuelle dans le domaine des études sur la protohistoire et l’époque archaïque de l’Italie centrale tyrrhénienne sans trop la caricaturer, on pourrait soutenir que les recherches ne parviennent pas toujours à se démarquer des travaux portant sur la Grèce ancienne, comme s’il fallait subir, aujourd’hui encore, les derniers avatars – positifs ou négatifs – de l’hellénocentrisme. Ainsi, une tendance récemment affirmée dans les études sur l’époque orientalisante se manifeste par l’appréhension de la société latiale (mais parfois également étrusque) comme une société «homérique». Dans certains cas, on va jusqu’à proposer une lecture dans des termes identiques pour des phénomènes propres à la période précédente, le premier âge du fer. À cette tendance s’oppose celle défendue par des chercheurs engagés, pour la plupart, dans des études sur des époques antérieures (l’âge du bronze en particulier) et dont le porte-parole le plus passionné est dans doute A. Guidi : «II est difficile de faire comprendre aux historiens, souligne-t-il, que les Grecs ne nous ont pas apporté, en même temps que leurs vases et leur alphabet, les cités et les mille autres caractéristiques d’une société stratifiée». »[3]

En suivant P. Ruby, pour tout archéologue impliqué dans une recherche sur le premier millénaire av. J.-C. en Italie, il conviendrait donc de s’attacher à mettre en évidence que les caractères structuraux des sociétés italiques (étrusco-latiales, apuliennes, oinotro-lucaniennes, campaniennes, ou d’autres) sont déjà en place ou en construction de façon embryonnaire dès le début du premier âge du fer, bien avant qu’un seul Grec engagé dans les « circulations » précoloniales n’ait pu entrer en « contact » (terme encore une fois univoque) même indirect avec les habitants de la péninsule italienne[4].

Il en résulte un débat nourri, et ce n’est pas un hasard si depuis les années 90 ce secteur d’études est parmi les plus dynamiques de l’archéologie italienne (en témoignent les développements sur la société « homérique » telle qu’elle serait représentée à Braida di Vaglio et à Torre di Satriano). Certaines interrogations nous sont donc permises[5].

D’un côté, si l’essentiel des aspects homériques retenus comme valides pour décrire la situation à Pontecagnano, dans le Latium ou l’Etrurie archaïques concernent le don (don d’objets par la circulation des biens de prestige, don de personnes par le mariage), n’est-il pas souhaitable, toujours selon Pascal Ruby, de dépasser ce comparatisme pour atteindre une analyse « anthropologique » de pratiques largement répandues dans des sociétés archaïques méditerranéennes[6] ?

P. Ruby[7] remet bien en question l’idée qu’entre rituel homérique et héroïque, les catégories fluctuent, soit de par nos considérations de modernes, soit de par la structure des typologies réalisées sur des exemples finalement rares, travaillées en reflet d’un texte homérique dont la datation et la composition varient. Ces variations qui d’ailleurs font clairement changer l’interprétation, comme Ruby le rappelle dans toute la généalogie et l’historiographie des approches de ce fait : sommes-nous face à des inspirations orientales ? Ou bien sommes nous face à une application stricte du récit homérique ? Ou enfin, s’agirait-il de considérer que le récit homérique imiterait un rituel déjà existant a priori ?

Pour la Lucanie et l’Italie méridionale en général, les questions sont nombreuses, et l’avatar de l’homérisme et de l’héroïsme funéraire se retrouve fréquemment « réinjecté » dans l’analyse des vestiges des nécropoles[8]. Quand il s’agit des époques archaïques, avant donc même l’époque « lucanienne », on tente de percevoir dans les rituels dits « oenôtres » des traces de la culture héroïque comme un produit de la colonisation grecque. Il n’en est peut-être tout à fait rien. Comme le remarque P. Ruby, l’influence orientale se ressent en Italie bien avant la colonisation grecque, et le paradigme même de la grécité des funérailles héroïques pourrait bien être sérieusement à repenser face à une approche plus globale, plus systémique, moins hellénocentrée, de l’origine de ces pratiques. Il s’agit tout simplement, à l’échelle de la « méditerranéisation[9] » chère aux auteurs des travaux les plus récents sur diverses productions matérielles, de l’émergence de la royauté, et des chefs de guerre, dont on trouve des traces de proche en proche jusque dans l’Anatolie hittite. En définitive, la lecture a priori héroïque des pratiques lucaniennes doit être pensée de manière plus formelle, avec un aspect typologique. Les critères souvent retenus sont : l’iconographie des vases, la présence d’une couronne[10] ou d’un armement, ou même pour les tombes de Paestum au IVe s. av. J.-C. la peinture murale. On insiste ainsi sur une idéologie agonistique, impliquant une compétition féroce entre les élites, dans une lecture très « classique ».

Le décorum funéraire, les pratiques qui s’y associent, les rites sociaux qui s’y déroulent, tout ceci est d’abord l’incarnation de relations économiques et sociales de l’individu avec son entourage, avant même de permettre d’activer des catégories gnoséologiques. Ainsi, s’il est évident qu’il n’y a aucune raison de douter de la diffusion des mythes homériques en Italie méridionale, et ce dès le haut archaïsme (VIIIe siècle av. J.-C.), le maintien de certaines pratiques analogues peut donc relever d’un changement de sémiologie tout à fait assumé par les populations italiques, notre regard de moderne ne faisant que constater la continuité d’un certain langage des formes céramiques, pouvant être tout à fait indépendant, idéologiquement, d’un rapport à l’homérisme ou à l’héroïsation du défunt. Par ailleurs, en renversant le point de vue, on pourrait tout autant constater un recul des catégories du « rituel homérique » : d’une part, la vaisselle métallique se raréfie dans le temps (alors qu’elle est présente dans la poésie épique), de même que la pratique de la crémation (qui disparaît progressivement chez les populations italiques et grecques du sud de l’Italie) ; seules certains pans de cette tradition survivent aux évolutions progressives : comme le suggère Claude Pouzadoux dans sa thèse récemment publiée, le cratère du peintre de Darius souligne par exemple le rôle structurant des funérailles de Patrocle et de son récit, et son interprétation face à des catégories « indigènes », notamment dans l’armement représenté sur le bûcher. En définitive, il y a transformation du fond homérique et réappropriation dans un contexte italique. Cette transformation des catégories se fait selon deux branches : soit elles disparaissent, soit elles perdurent, mais voient leur sens progressivement modifié.

A titre d’exemple, le cas du chaudron en bronze déposé dans la tombe est éloquent. Il a été étudié pour les époques archaïques par Valenza Mele, en 1982. Le chaudron-phiale sert d’abord à faire bouillir les viandes du sacrifice mortuaire dans la poésie homérique, notamment dans les funérailles de Patrocle[11]. Ainsi la présence du chaudron dans une tombe peut n’avoir rien en commun avec une composition funéraire liée à une vision homérique ou héroïque du défunt, mais simplement avec la persistance d’une fonction du rituel : cuire les viandes consommées ou déposées avec le défunt, qui est une pratique attestée assez couramment dans l’Antiquité, même en dehors des funérailles de héros. Cette cuisson des viandes, dans le cas cette fois de Médée, est selon V. Mele un rituel lié à la résurrection, à l’immortalité, et au rajeunissement des chairs. Le fait qu’on atteste en Lucanie, au Ve siècle av. J.-C. et au IVe siècle av. J.-C., des dépôts de chaudrons dans des tombes masculines et féminines n’ayant que peu d’autres traits communs avec le rituel homérique, permet donc de relativiser ce rapport direct.

Quel pourrait donc alors être le sens de la débauche d’ostentation matérielle telle qu’on la constate à Paestum dès les années 425 av. J.-C. (dizaines de vases, parois peintes, armement très riche) ? S’agit-il d’une réactivation des catégories homériques et héroïques, ou, dès lors qu’on considère la notion de lieu funéraire, s’agit-il d’un discours sur la distance sociale qui cherche à se maintenir entre une communauté arrivante (les Lucaniens, qui prennent le contrôle de Paestum vers les années 430 av. J.-C.) ou une communauté locale (les Poséïdoniates conquis) ? Y avait-il un intérêt stratégique pour ces « indigènes » de soutenir un double langage funéraire mêlant intégration à la grécité, et distance sociale entre vainqueurs et vaincus, à une époque où les armes sont absentes des tombes proprement grecques et où le guerrier n’est pas la figure centrale du rituel grec ? Selon nous, oui, cet intérêt consiste en ce que le droit à une sépulture plus que formelle dans la cité est un privilège certes grand, mais pas suffisant pour inscrire dans le territoire une communauté qui ethniquement (par la langue, l’osque, et par l’autonymie de l’ethnos lucanien) se démarquerait d’un substrat local (grec). En des termes simples, à partir d’un moment ou le conquérant lucanien sait qu’il peut se faire inhumer avec une certaine pompe, au même titre que les citoyens établis de Paestum se faisaient inhumer dans une certaine pratique de l’isonomie, il doit dépasser et outrepasser le décorum plutôt sobre des funérailles grecques et induire la distance sociale nécessaire.

Cet exemple des funérailles homériques et héroïques doit nous permettre de nous interroger sur le rang social et le rôle actif des individus dans les communautés, sans se borner à des lectures strictement aristocratiques de la question de la culture matérielle des tombes.

o   L’écueil du « tout aristocratique »

On n’aurait que peu besoin de le rappeler, mais les dépôts funéraires sont liés aux hiérarchies sociales. Si ce rapport n’est pas nécessairement proportionnel, ou mécanique, il y a des aspects idéologiques et socio-économiques au sein d’un dépôt funéraire qu’il convient d’expliciter mais aussi de déconstruire.

Des inégalités constatées dans le mobilier funéraire, on a souvent conclu à des inégalités hiérarchiques dans la société des vivants. Il y a une part de vérité dans ce constat : il faut avoir de la richesse pour que celle-ci soit partiellement déposée dans sa tombe. Cependant, être riche n’implique pas toujours la détention d’un statut, d’un pouvoir, d’un prestige personnel. Ce qui compte, dans le prestige des élites (pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Alain Duplouy), c’est d’abord l’utilisation revendiquée de la richesse, pas seulement sa détention. Créer des rapports de don / contre-don, des rapports de dépendance et de clientèle, créer un langage évergétique (lié à la générosité) autour de la possession des plus riches, c’est le moyen de mettre en valeur sa richesse au sein du groupe. L’acception simplement ploutocratique du pouvoir relève globalement dans l’Antiquité d’un anachronisme : les nouveaux riches n’ont pas toujours, dans des sociétés documentées par la littérature historique, une meilleure position que d’anciennes familles moins aisées sur le strict plan quantitatif, c’est même parfois le contraire.

Le mobilier funéraire produit ainsi inévitablement un effet de source : il biaise considérablement la vision que l’on a des membres les moins favorisés de la communauté, ou de ceux qui choisissent volontairement de ne pas faire preuve d’ostentation dans la mort. De fait, la plupart des tombes grecques de Poséïdonia sont globalement pauvres, à se baser sur la stricte teneur matérielle du mobilier funéraire, on en conclurait aisément à des configurations sociales égalitaires et à une homogénéité de la richesse. Le mobilier écrase souvent le reste, c’est une base documentaire facilement orientée, et surtout facilement trompeuse.

Pour des raisons historiographiques propres à l’Italie du sud, peu de tombes sont publiées. Dans les meilleurs cas de figures, ce sont quelques dizaines d’entre elles sur plusieurs centaines. Dans la majorité, seules les tombes les plus remarquables sont publiées : comment donc ne pas faire l’erreur du « tout aristocratique » en lisant avec nos clés de lectures traditionnelles les mobiliers funéraires qui sont accessibles ?

Par ailleurs, la notion même d’aristocratie est historiographiquement orientée. Ce terme n’existe pas en grec ancien ni en latin pour désigner une frange dominante de la population, il ne désigne à ma connaissance qu’un type de régime politique. Les aristoi ne sont pas pour autant des aristocrates. Nous comprenons cependant la facilité que constitue l’utilisation de ce terme : on désignerait une forme de noblesse constituée sur une base gentilice et foncière, dans un statut inscrit relativement tôt dans la vie de l’individu. L’aristocratie est une téléologie, en ce qu’elle projette des catégories bien documentées pour le contexte latin ou athénien sur des réalités dont la textualité nous est inaccessible. Nous avons donc préféré dans cette approche le terme d’ « élite ». Catégorisable, externe, analytique, il est à notre sens plus efficace pour faire la part entre différentes acception du « rang » et du « statut ».

Ainsi, le choix du terme d’élite, loin d’être une simple discipline de langage quand le mot « aristocratie » s’imposerait de manière très spontanée, est un outil historique plus efficace, et moins risqué, quand on s’intéresse aux membres éminents d’un groupe humain documenté archéologiquement.

Au-delà des lectures sociales, linéaires, liant richesse du mobilier funéraire et organisation sociale, l’autre grand biais de l’archéologie funéraire, c’est le lien entre ethnicité et culture matérielle.

o   Ethnicité et migrations des individus : des questions sans issues a priori ?

Longtemps, et encore aujourd’hui, la qualité ethnique des individus est un point central du débat en Italie. Partant des textes grecs on cherchait, on cherche, et on cherchera encore pendant longtemps à résoudre des problématiques de peuplement par l’ethnonymie. Ce rapport univoque et unidirectionnel du texte à la culture matérielle est problématique. En effet, nombreux sont les choix érudits modernes visant à relier une production céramique à une ethnie. Céramique oenôtre, céramique peucétienne, céramique daunienne, sont des clés de lectures qui peuvent semer la confusion dans la lecture de la documentation. On aurait trop tendance à vouloir réaliser un raccourci, une équivalence, entre :

  • La véracité de la nature « oenotre », « peucétienne », « daunienne » de la céramique ;
  • L’ethnicité des individus ayant utilisé ces productions ;
  • La correspondance exacte entre une réalité textuelle grecque et des réalités indigènes majoritairement mal comprises par les auteurs anciens ;

Il faut rappeler que ces désignations sont toutes hétéronymes. Il faut rappeler que ces désignations ont pu faire l’impasse sur d’autres populations qui ne se reconnaissaient dans aucun de ces paradigmes ethniques. Il faut enfin rappeler que si l’équivalence entre ethnicité et culture matérielle était si exacte et si linéaire, on pourrait conclure de certaines tombes qu’elles contiennent des Grecs et non des indigènes (ce qui mettrait vite un peu de désordre) !

Dans une perspective archéologique plus actuelle, il apparaît crucial de partir de la documentation de terrain : typologie, technologie, répartition, sériation, et visualisation sont des outils suffisamment performants pour étudier des dynamiques de peuplement, des dynamiques économiques, sans que nous ayons à ressentir le besoin de faire de l’ethnicité une valeur argumentaire a priori.

A priori toujours, il est problématique de chercher à confirmer par l’archéologie ce que des topoi rhétoriques nous enseignent au sujet des mouvements de populations antiques : en effet, dans le cadre de l’Italie préromaine, le lieu-commun de la migration comme élément fondateur des origines des peuples est très présent. C’est notamment le cas des Samnites qui seraient à l’origine des Lucaniens eux-mêmes à l’origine des Bruttiens faisant leur ethnogenèse en 357 av. J.-C. Prendre pour point de départ argumentaire la nature de la culture matérielle pour affirmer une migration évoquée chez Strabon est peut-être la première erreur : s’intéresser par contre aux phénomènes archéologiquement perceptibles qui peuvent être la conséquence d’une migration antique de masse semble une meilleure démarche. On ne rappellera jamais assez que Strabon et d’autres décrivent des réalités ethniques propres à des époques très postérieures : guerre sociale, époque augustéenne, soit, au mieux, près de quatre siècles après les événements supposés. La différence culturelle entre les Samnites et les Lucaniens à l’époque de la guerre sociale est évidemment faible : près de deux siècles de « romanisation » auront suffi à faire dire à Strabon que ce qui unit les Lucaniens et les Samnites, au-delà de leurs griefs contre Rome au début du Ier siècle av. J.-C., c’est une parenté ethnique très ancienne, et non une conjoncture politique et sociale commune par ailleurs à d’autres peuples.

En jeu se trouve donc un ensemble de constructions érudites modernes, nourries par des sources antiques : qu’on cherche des ethnogenèses ou des migrations, il y a un problème de modèle. Ce modèle est soit évolutionniste, linéaire, soit accorde trop de confiance à une source littéraire devant être pondérée [12].

[1] Il réhabilite par ce constat ce « travail de sauvage » qu’est le bricolage. Il met en balance la pensée scientifique moderne et ce qu’il appelle la pensée mythique qui prédominait chez les populations dites « primitives ». Il y explique que la pensée mythique bricole. Elle prend ce qui passe à sa portée et elle se construit au gré des opportunités. Cette méthode est bien sûr limitée, mais elle fait au mieux avec ce dont elle dispose. La pensée scientifique va beaucoup plus loin selon lui, elle dispose de nombreux matériaux et outils. Mais, dit Lévi Strauss, « ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas de deux stades, ou de deux phases de l’évolution du savoir, car les deux démarches sont également valides ». Il n’y a pas contradiction, mais complémentarité entre ces deux niveaux. Sans doute faut-il en rester à cette définition ambivalente. C’est en tous cas vers cela que tendent les dernières études réalisées sur les processus d’innovation et de gestion des connaissances : combiner les protocoles rationnels avec les espaces de libre créativité où les connexions imprévues, l’émotionnel, l’affectif et tout simplement la conversation, ont toute leur place. A la suite mécanique, logique, systématique, d’événements et d’évolutions que proposent certains modèles interprétatifs, il nous semble tout aussi pertinent de ne pas scientiser les évolutions culturelles qui naissent parfois des pratiques les plus humbles et les plus communes. « La poésie du bricolage lui vient aussi, et surtout, de ce qu’il ne se borne pas à accomplir ou exécuter ; il raconte (…) le caractère et la vie de son auteur. Sans jamais remplir son projet, le bricoleur y met toujours quelque chose de soi. »

[2] Bottini 1990, « Gli elmi apulo-corinzi », in AION 1990 ; Olympia Bericht VIII, 1967 fig. 56, tab. 90, p. 166 ; Feugère 2011, p. 24.

[3] Ruby P., 1993 Tarquinia, entre la Grèce et Sala Consilina. Éléments pour l’étude de la circulation des biens de prestige dans l’Italie centrale et méridionale protohistorique. In: Mélanges de l’Ecole française de Rome. Antiquité T. 105, N°2. 1993. p. 779

[4] Ibid. p. 780

[5] Ibid. p. 781

[6] Ibid. p. 782

[7] Ruby P., 2007 : « et l’on brûlera tous les héros… Poésie épique, pratiques funéraires et formes du pouvoir dans la protohistoire méditerranéenne du début du Ie millénaire avant n.è. » dans Baray L., Brun P. et al. (2007) – Pratiques funéraires et sociétés. Nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale. Actes du colloque interdisciplinaire de Sens, éd. universitaires de Dijon, Dijon, Collection Art, archéologie & patrimoine, p. 321-349.

[8] Comme c’est le cas dans les tombes les plus remarquables : Braida di Vaglio, Torre di Satriano, Chiaromonte, Banzi, Alianello.

[9] Notamment par Claude Pouzadoux dans la récente publication de sa thèse, à propos de la céramique apulienne et des sépultures princières dauniennes.

[10] De la Genière, J., 1989, « Épire et Basilicate. À propos de la couronne d’Armento ». MEFRA 101, 691-698.

[11] Valenza Mele, 1982, Da Micene ad Omero : dalla phiale al lebete, dans AION(archeol), IV, p. 97-133.

[12] Voir la mise au point de Pascal Ruby in Ruby P., 2006, « Peuples, fictions/Ethnicité, identité, ethnique et sociétés anciennes », Revue des Études Anciennes, 108, 1, p. 25-60.

Historiographie : archéologie funéraire et études antiques en Europe occidentale, une brève approche

Depuis maintenant 70 ans, l’archéologie a considérablement renouvelé ses approches méthodologiques, dans tous les domaines. La « révolution processuelle » et la new archaeology, puis le post-processualisme, l’archéologie structuraliste sont venus remplacer les préoccupations migrationnistes, racistes, et diffusionnistes de la première moitié du XXe siècle. Posant tour à tour la question du rapport entre histoire et archéologie, posant les problèmes liés à la différenciation sociale et intégrant au fur et à mesure de nouveaux outils de lecture des données (archéogéographie, archéothanatologie, archéologie des techniques, etc.), les différentes écoles de l’archéologie classique ont intégré les apports d’autres champs disciplinaires et ont développé des problématiques nouvelles : l’archéologie des périodes de marges, de transition, des périodes sans sources historiques. Là où M. H. Hansen désire faire l’histoire de la cité grecque par un rapport exclusif aux textes et aux attestations littéraires[1], d’autres ont perçu assez vite la nécessité de se nourrir de l’archéologie protohistorique pour comprendre des sociétés qui ne peuvent être envisagées uniquement à rebours, en fonction d’un état de fait plus récent. En somme, on a compris qu’on ne pouvait lire la Grèce des âges obscurs par le prisme exclusif de l’époque classique et de l’archaïsme récent, tout autant qu’on ne pouvait plus faire l’archéologie et l’histoire des populations italiques par le biais de la tradition romaine ou magno-grecque. Par ailleurs, à l’initiative de chercheurs tels que Massimo Pallottino[2], ou Ettore Lepore[3], on a pris conscience des travers de l’archéologie italienne telle qu’elle s’était constituée dans le giron de l’unification d’une part, puis dans celui du fascisme naissant et du climat politique européen de la première moitié du siècle d’autre part. On s’est alors mis à chercher ce qui faisait la diversité des peuplements italiques, avec un fort regain d’intérêt pour les populations indigènes entre autres d’Italie méridionale : quels sont les éléments qui caractérisent ces populations avant et pendant la montée en puissance romaine, comment la romanisation s’opère-t-elle ? Mais aussi, quelles autres influences existent ? L’archéologie funéraire, qui n’était pas inexistante alors, se vit profondément renouvelée par l’intégration de modèles théoriques nouveaux.

o   Des premières découvertes au positivisme, un rapprochement entre sciences humaines et sciences naturelles

 

Le bilan historiographique le plus récent concernant l’archéologie funéraire en Italie est le travail de post-doctorat de Valentino Nizzo[4]. Ce dernier a entrepris de rassembler dans une synthèse l’ensemble des traditions de recherche autour de la mort et de l’idéologie funéraire en Italie, notamment entre la fin de l’âge du bronze et l’époque orientalisante. Si chronologiquement son objet d’étude est légèrement différent de celui qui nous préoccupe ici, les tendances de la recherche qu’il décrit concernent bel et bien l’archéologie historique de l’Italie et touche, nous le verrons, les problèmes posés par l’archéologie funéraire des époques classiques et hellénistiques. Nizzo, dans son travail, identifie principalement sept temps, sept phases dans l’historiographie de l’approche de la mort en archéologie.

En premier lieu, c’est d’abord le temps de la prise de conscience du rôle des sépultures dans la compréhension du passé. La découverte de nombreuses tombes de peuples non romains (étrusques, celtiques, « pelasges », etc.), et l’intérêt que ces dernières vont susciter auprès des collectionneurs, antiquaires, érudits locaux, devint alors un moyen de retrouver une époque « perdue ». Nourrie par l’ethnographie ancienne, et les grandes épopées de la littérature classique, on s’est immédiatement mis en quête, par les tombes, par la diversité des mobiliers funéraires, de l’origine des peuples italiques, de leur ethnogenèse. Peuples mythiques, peuples historiques, constructions érudites : l’archéologie funéraire servait dans le contexte de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle à accompagner la construction de l’état-nation italien, et donc de la nation italienne, en quête d’origines collectives, d’identités communes, de référents au passé, sans se soucier des conséquences scientifiques d’un tel protochronisme.

La deuxième phase prend place dans les premières années du XXe siècle, qui sont l’aube d’un renouvellement épistémologique généralisé à toutes les sciences humaines, et l’archéologie funéraire n’échappe pas à cette révolution : celle de l’anthropologie et de la sociologie de la mort. Se mêlent alors positivisme, évolutionnisme, et les premiers balbutiements de l’anthropologie sociale, avec les travaux d’Hertz[5], de Von Gennep[6], ainsi que l’école sociologique française. On développe alors le concept d’inhumation primaire, d’inhumation secondaire, et se dessine petit à petit une conceptualisation accrue du geste funéraire, afin de définir de manière plus rigoureuse les termes employés (tombe, sépulture, tombeau, geste funéraire, rituel, rite, espace funéraire, etc.). Le concept de « parure du mort » émerge par ailleurs, sous la plume de Frazer[7]. Travers de l’époque, duquel nous sommes partiellement revenus, le développement des thèses freudiennes sur la psychanalyse va donner naissance à une « psychologie de la mort ». Si la psycho-histoire est critiquable en soi, cette tendance de la recherche a néanmoins permis de mettre l’accent sur quelques aspect fondamentaux : la négation de l’individu décédé, la notion de transition vers le deuil, la suspension de la présence du vivant en attendant la sépulture finale, le refoulement du cadavre, les processus de transformation / réduction de l’image du mort[8]. Cependant, le problème principal des théories évolutionnistes et positivistes, c’est dans un premier temps leur aspect mécaniste, automatique, voire cyclique. C’est tout le problème des concepts de « différenciation », « complexification » sociale, qui supposent des transitions naturelles et systématiques de la tribu au clan élargi, puis à la chefferie, à un régime princier / aristocratique et à l’Etat. Autre conséquence de l’évolutionnisme et du scientisme, c’est le corollaire racialiste qui en a découlé, notamment chez Kossinna[9] et l’école de Vienne : il existerait un moyen de retrouver, en remontant de proche en proche, par l’archéologie, les invasions, les migrations anciennes, un peuple originel, pur, dont la culture et la biologie seraient idéales. Dans ce climat, enfin, les morts servent à nourrir les thèses sur la craniométrie, et sont exploités par les partisans de cette démarche pour assouvir la quête de « l’homme indo-européen », des sumériens originels, ou même des aryens, qui auraient eu une morphologie particulière que les mesures pourraient révéler. En somme, les idéologies fascistes des années 30 ont considérablement influencé ce champ d’étude, et ce jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Au sein de cette même période, dans le courant des années 20, c’est Raffaele Pettazzoni[10] qui par le chemin détourné de l’histoire des religions, se mêle d’études funéraires. Il propose pour la première fois avec ses confrères de ce qu’on a désigné plus tard comme « l’école de Rome », de faire une approche historique des pratiques religieuses, et non plus uniquement une approche eschatologique, philosophique, ou théologique de celles-ci. C’est ainsi en partie grâce à lui que l’étude de la mort s’éloigne peu à peu du poncif traditionnel suggérant que les pratiques funéraires sont toujours religieusement connotées et liées à une conception du sacré. On prenait alors conscience des limites de nos catégories mentales sur notre façon de concevoir la mort dans des sociétés qui n’étaient pas judéo-chrétiennes. Naît alors la notion de « coutume funéraire », envisagée donc comme un élément déterminant, spécifique à un système culturel donné, et non plus uniquement à un « peuple ». Entre idéalisme, historicisme, et naissance de l’anthropologie, l’étude de la mort dans les années 30 et 40 n’échappe donc pas aux dérives idéologiques de son temps, tout en suivant la lente gestation des sciences humaines et sociales modernes.

Le troisième volet de cette histoire de l’archéologie et de l’anthropologie funéraire selon Nizzo, c’est celui du rapprochement entre sciences naturelles et sciences humaines, cette fois-ci non plus uniquement sous l’angle de la craniométrie et du racisme des années 20 et 30, mais sous l’angle fonctionnaliste de l’anthropologie italienne. L’organisme biologique est dès lors conçu comme une partie intégrante du système social : le corps est un objet social, vivant comme mort. C’est, aussi, le développement, dans les années 50 et 60 du XXe siècle, du structuralisme en anthropologie, issu du structuralisme linguistique. Très vite, on repense les modèles de la fin du XIXe siècle : néoévolutionnisme marxiste (de Gordon Childe), « révolution écologique » en écho aux conceptions géographiques de Vidal de la Blache, en bref, les années qui suivent la seconde guerre mondiale sont une époque de remise en question des certitudes. C’est celle de « l’utopie analytique », et de la naissance de la New Archaeology. Les notions de processus, d’artefact idéo-techniques, font leur entrée dans l’analyse des pratiques funéraires. La mort est vue comme un processus social impliquant la communauté, des artefacts dont la sémiologie est spécifique à la mort, et dont on peut retrouver archéologiquement certaines étapes. C’est aussi l’âge du comparatisme, mais aussi de la prise de conscience de ses limites. C’est l’époque d’Evans-Pritchard[11], de Murdock[12], de Gluckman[13], de la redécouverte de l’école sociologique française. Avec la New Archaeology, Binford[14] développe la démarche analytique sur la dimension sociale des « pratiques mortuaires » qui font l’objet d’une théorisation très poussée par ce dernier, ainsi que par Arthur A. Saxe[15]. Les limites de leurs travaux se trouvent dans la nécessaire confrontation du modèle théorique face à la pratique. On comprend dès lors que le modèle n’est pas uniquement voué à l’hypothético déductif, mais se fonde d’abord sur l’étude comportementale : c’est la raison d’être de la Behavioural Archaeology.

o   Le second après-guerre et le renouvellement

 

En parallèle de ces développements théoriques et épistémologiques, Nizzo identifie une phase majeure de renouvellement : celle du renouveau de l’archéologie italienne de terrain après la seconde guerre mondiale, avec entre autre la redécouverte de la protohistoire du Latium, les travaux de de Gjerstad[16] et Glerow[17], de Peroni[18], mettant en place une approche typologico-associative qui fait toujours école actuellement. En Italie méridionale, notamment sur la façade tyrrhénienne, les grands travaux et le boom urbanistique sont synonymes de grandes fouilles et donc de grandes découvertes : Pratica di Mare, Sala Consilina, Francavilla Marittima, l’Incoronata de Métaponte, Pontecagnano, autant de grands sites funéraires qui vont permettre d’expérimenter et d’appliquer de nouvelles méthodes. Ces grands programmes de recherche et de valorisation scientifique restent exemplaires par bien des aspects : la quantité de données mises en série, l’aspect inédits de nécropoles et de sites tels que l’Incoronata et Francavilla Marittima, aux frontières des colonies grecques à l’époque de leur fondation, la lumière apportée sur les populations indigènes jusque-là méconnues sur des périodes allant du premier âge du fer à l’époque classique (Sala Consilina). Autre grand site ayant renouvelé les problématiques : Pithekoussai, dont les nécropoles ont livré des documents exceptionnels pour la compréhension des premiers temps de la colonisation (comme la coupe de Nestor). Les méthodes de fouilles s’améliorent sensiblement alors : on considère désormais mieux la place du cadavre et des ossements au moment de la fouille, on prend conscience des différents dispositifs de surface liés à la tombe, on prend conscience de la planimétrie qui peut révéler des pratiques post-funéraires en surface. On améliore sensiblement les méthodes d’enregistrement des sépultures lors des fouilles. On peut cependant poser une limite à ce progrès : seules les grandes fouilles ont bénéficié de ces évolutions. La plupart des petites opérations de terrain des années 60, 70, et 80, ne faisaient que peu de cas de la stratigraphie horizontale et verticale, et les décapages ont considérablement limité la documentation, ajouté au fait que pour beaucoup de cas, aucun dessin du squelette n’a jamais été réalisé.

Des fouilles à l’interprétation, les progrès furent permis par le développement de plusieurs revues : notamment les Dialoghi di Archeologia, mais aussi par des colloques ayant imprimé leur marque durablement sur plusieurs générations de chercheurs, tels que « La mort, les morts dans les sociétés anciennes », organisé notamment par Jean-Pierre Vernant à Naples et à Ischia en 1977[19]. A propos du Latium protohistorique, ce sont les ouvrages « Lazio arcaico e mondo greco » (dans la revue Parola Del Passato n°32) ainsi que les travaux de Sestieri à l’Osteria dell’Osa[20]. Les 30 glorieuses de ce renouveau de l’archéologie funéraire en Italie sont donc à placer entre les années 50 et 80 du XXe siècle, période fertile d’échanges internationaux, voulus par les surintendances d’Italie méridionale notamment, période de développement des grands congrès annuels de Tarente, permettant de faire le jour sur la connaissance des sociétés indigènes, et de présenter des travaux conduits dans les grands sites grecs comme italiques. Ces congrès furent le lieu aussi de reformulation des paradigmes liés à la colonisation, à l’identité grecque et indigène. D’une vision colonialiste univoque, monothétique, nous sommes passés à une vision à plusieurs voies, avec un réel souci pour l’archéologie des populations non-grecques (« Popoli anellenici in Basilicata » était d’ailleurs le titre d’un des premières expositions archéologiques après la création de la surintendance), étudiées non plus seulement dans le prisme de leur hellénisation, mais bien dans leur rôle actif dans des systèmes d’échanges culturels et économiques dont ils ne sont pas que les réceptacles.

La fin du XXe siècle est un temps de montée en puissance de l’archéologie post-processuelle, y compris dans le domaine funéraire. On passe progressivement d’un relativisme social à un relativisme du réel : la pensée –emic fait son entrée dans l’archéologie, on comprend la nécessité de problématiser le sens du réel et de la cognition des populations anciennes. E. Leach[21] établit le rapport entre la mort et la fluidité des systèmes socio-culturels : la mort est une frontière, qui vient à la fois activer les catégories d’un groupe et qui les renouvelle par ailleurs. La mort se produit et agit au sein de système multi-agencés, polythétiques, qui voient culture matérielle et pratiques se codifier et se modifier dans le temps. Le nom même de l’archéologie funéraire évolue : on tend à parler de thanatologie, d’archéothanatologie. Il faut parler archéologiquement de la mort en tant qu’objet social, et non des pratiques funéraires uniquement. Les perspectives de cette archéologie de la mort sont nombreuses en termes de catégories mentales concernées : fertilité, régénération, immortalité, pouvoir, célébration, colère, deuil. L’univers sémantique de la mort s’enrichit donc dans la déconstruction des modèles des processuels. La prise de conscience de cet aspect multiforme de la mort fut à l’origine d’une reconsidération de la sémiotique du « rituel » : la mort est un ensemble de symboles en action, qui souligne des relations sociales. Le pouvoir et ses symboles sont présents autour et pendant la mort, qui entretient un rapport dialectique avec elle. En Europe occidentale, les sépultures mégalithiques ont alimenté ce discours sur ce rapport. La mort, toujours en tant qu’ensemble de symboles, est aussi à comprendre dans une dimension ethnique, à ceci près que l’association systématique que nous évoquions précédemment est cette fois-ci critiquée : dans une dynamique post-colonialiste, on tend à déconstruire les constructions érudites sur l’ethnicité.

Le développement de l’ostéologie permet de percevoir de plus en plus d’éléments au sein de la tombe : âge, sexe, maladies. La Gender Archaeology ainsi que le concept d’Ageing battent leur plein : on cherche à étudier le sens du corps, ses représentations, le sens du sexe, du genre, de l’âge physique, de l’âge social, et des conséquences que ces faits ont dans le rapport à la mort et à la tombe. L’archéologie féministe fait son apparition par ailleurs, et, les tombes étant souvent le lieu de cohabitation entre des femmes et les objets de leur vie quotidienne, on se saisit de cette documentation pour construire une réflexion sur leur rôle dans les populations anciennes.

o   Morris, les âges obscurs, et l’âge d’or du post-processualisme

 

Le post-processualisme se caractérise avant tout par deux trajectoires : d’une part la prise de conscience de la nécessité processuelle – jusqu’à un certain point – et d’autre part le retour lui aussi nécessaire de l’archéologie vers un rapport à l’histoire. C’est Hodder qui est ici aux avant-postes de cette nouvelle épistémologie, de cette nouvelle théorisation de la connaissance archéologique. Ian Hodder[22] écrit en effet qu’il faut clore cette intermède de théorisation analytique et qu’il faut certes en garder les meilleurs fruits mais réintégrer une pensée anthropologique de l’histoire des sociétés passées. Si la complémentarité des historiographies est vitale la progressive accumulation de modèles théoriques très différents et liés à des systèmes de pensées datés et parfois dépassés nécessite des reprises complètes de certains dossiers pour montrer les limites dont ils souffrent. Nizzo pointe d’ailleurs ici le renouveau apporté par les travaux sur la Grèce de Snodgrass[23] et Morris.  Aux origines de ces travaux fondateurs, on trouve la controverse « égalitaristes – inégalitaristes » : Snodgrass, Desborough[24] et Coldstream[25] ont tous les trois produit des synthèses monumentales sur l’age du fer en Grèce, s’accordant tous les trois sur plusieurs points : premièrement la transition bronze – fer est un marqueur structurel de mutation sociétale. Deuxièmement l’acception que les âges obscurs furent une époque de sociétés simples, homogènes, égalitaires, pastorales et tribales. Morris lui, en réinterprétant les tombes athéniennes, reprend des conclusions différentes : pour lui, les documents écrits et matériels pointent dans la même direction, contrairement à la tradition archéologique de Snodgrass qui va à l’encontre de la vision homérique de la question. Pour Morris, la société grecque des âges obscurs est une société de classe, profondément divisée. Snodgrass de répondre en 1993 que les deux traditions s’opposent selon un schéma et une conception archéologiques opposés à un schéma et une conception historiques. Les archéologues sont, selon Snodgrass, égalitaristes et les historiens seraient inégalitaristes, du fait de la place que tient la littérature homérique. Dit autrement, selon Snodgrass, on exagère le déclin matériel après 1200 av. J.-C., tandis que les historiens se baseraient trop sur Homère pour raisonner sur la documentation archéologique. L’œuvre de Morris tombe pour Snodgrass dans la catégorie « historique » de sa réflexion. Pour Snodgrass, le VIIIe siècle av. J.-C. est une période dans laquelle les aristocraties se mettent à dominer des sociétés jusque-là égalitaires. Pour Morris c’est l’inverse, les âges obscurs sont déjà des sociétés pseudo-féodales, inégalitaires, basées sur la paysannerie dépendante et des élites fortes. Pour lui, le VIIIe siècle av. J.-C. est en fait le moment où cette élite s’effondre et où on voit l’émergence d’une société plus égalitaire, d’une communauté de mâles égaux : l’âge des cités-Etats. Morris pour autant partage nombre des paradigmes de Snodgrass et plusieurs arguments : comme Snodgrass, il est discontinuiste, il établit clairement l’effondrement mycénien. Et comme chez Snodgrass, le VIIIe est bien le siècle de l’émergence de la cité. Il y a désaccord sur ce que cela signifie simplement, mais il le fait dans un cadre assez commun. Le travail de Morris est fondateur en ce qu’il ne reprend pas la documentation archéologique de manière strictement téléologique, l’Iliade en main[26].

On peut résumer l’ensemble de cette controverse à une réflexion divergente sur la naissance de la cité grecque. On cherchait à opérer une projection sur les époques archaïques de la réalité des époques historiques. Entre classicisme, quantification et projection donc, on tirait des tombes des résultats que l’on faisait tendre vers deux acceptions différentes de la cité grecque. Dans l’une d’elle, le thème des héros et de la société homériques était omniprésent. Dans l’autre, c’est le rapport à la propriété foncière, à la citoyenneté et à la construction de l’identité civique au travers de l’identité funéraire qui est mis en avant. La représentativité des échantillons et les filtres démographiques qu’on y applique ont permis, grâce à Morris, de renouveler profondément la lecture de la population funéraire d’un site. De fait, nous le verrons dans ce mémoire, il y a des divergences considérables entre certaines nécropoles lucaniennes, qui nous amènent à repenser le sens que l’on donne aux rituels et à leur représentativité.

Dans la lignée de Morris, il faut aussi citer les travaux de Parker Pearson[27], qui dans une synthèse, « Archaeology of Death and Burial » permet de donner un cadre unitaire à l’archéologie funéraire post-processuelle. Par la suite, de nouveaux problèmes sont pris en compte : le paysage de la mort, la topographie des nécropoles, les politiques funéraires liées au genre, le rapport trompeur entre quantité et richesse au sein des dépôts funéraires, le pouvoir des morts oscillant entre séparation / isolation et agrégation (monumentalité des tombes contre inhumations ad sanctos), le sens territorial des sépultures.

Ce qu’il faut retenir, au final, de cette lente maturation, c’est la « totalisation » du sujet de la mort et de la pensée funéraire grâce au post-processualisme et grâce à la prise de conscience des limites du rapprochement entre sciences naturelles et sciences humaines. Le sujet « tombe » en tant que structure et ensemble stratigraphique clos contenant des objets s’est élargi, il s’est théorisé, il s’est enrichi de nouveaux problèmes liés aux processus post-dépositionnels et aux évolutions conceptuelles sur la notion de culture matérielle et d’assemblage funéraire. La mort est un « moment » de la vie, non seulement de l’individu, mais aussi des différents cercles d’individus auxquels il appartient : famille, clan, tribu, communauté urbaine, cité, Etat, nation, empire, peuple, ethnie, genre. La mort s’est désormais conçue comme un élément propre à la mise en place de stratégies sociales (ostentation, valorisation, mémoire, valeur personnelle, relations économiques et de dépendance), propre à l’expression d’une cosmogonie, d’une représentation du monde et des forces qui y prennent part. La mort renvoie d’une part à un système et à un processus, mais aussi à un environnement, à une gestion rationnelle de la subsistance et de la survie du groupe, ainsi qu’à une volonté de perpétuer le souvenir (ou de le refouler, selon les cultures, selon les choix). La mort est un temps dans lequel le pouvoir peut avoir un rôle à jouer dans le déroulement des funérailles, dans le nombre de personnes impliquées par le deuil, dans la sémantique complexe qui est mise en place pour la commémorer et organiser le temps funéraire. La mort enfin est aussi une affaire de droit, et d’appartenance à certaines catégories : archéologiquement, il est largement démontré que tout individu ne fait pas l’objet d’une sépulture, et que tout individu n’est pas inhumé n’importe où, ni n’importe comment. En définitive, la mort et l’archéologie funéraire sont des objets autant que des moyens d’appréhender l’espace de vie d’une population, ainsi que des catégories mentales et économiques intrinsèques à des systèmes de circulation et d’échanges.

o   Le cas de l’Italie : l’archéologie funéraire italienne et le post-processualisme

 

L’Italie, comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, prend part à ces évolutions nombreuses de l’archéologie funéraire, avec ses propres figures tutélaires, ses propres écoles, et ses propres problématiques locales. Le clivage majeur qui anime l’archéologie funéraire en Italie est celui qui oppose, comme dans le cas de Morris et de Snodgrass, innovation et tradition. Entre prospective et « gap théorique », Nizzo souligne dans son travail de post-doctorat les problèmes sous-jacents à l’approche anthropologique de la mort en archéologie.

L’archéologie funéraire souffre en effet en Italie d’une césure académique majeure : celle entre l’anthropologie physique et l’anthropologie sociale. Entre science naturelle et normalisation de la pratique archéologique, c’est donc un problème de documentation analytique qui se pose face aux enjeux de l’ostéologie humaine dans la compréhension des rituels funéraires. Une tentative fut formulée par ailleurs dans les années 80 par J. de la Genière pour remédier à ce problème : les DANIMS (Documentation Analytique des Nécropoles d’Italie Méridionale et de Sicile)[28]. Ce projet, malheureusement avorté, avait pour but d’établir une normalisation de la documentation des nécropoles, afin de rendre plus compréhensible les résultats des fouilles de chaque ensembles funéraires.

Le résultat de cette tentative, bien qu’intéressant et novateur au sein de l’état des publications de nécropoles en Italie méridionale, est finalement resté lettre morte pour beaucoup. De fait, la majorité des nécropoles fouillées en dehors des grands programmes internationaux n’ont jamais vu leur matériel publié de façon intégrale. L’accès aux données reste donc biaisé sur le plan statistique, quantitatif et typologique. De surcroit, aucune publication majeure de nécropoles de cette région ne propose une réelle approche ostéologique des individus inhumés : aucun recrutement, aucune analyse des processus post-dépositionnels, aucune étude paléopathologique publiée, aucune pyramide des âges estimés, aucune étude du vieillissement et des caractères discrets, aucune étude des morts violentes. En somme, la fracture est maintenue entre les aspects théoriques et l’état de la documentation. La sépulture n’est globalement analysée et étudiée que selon des catégories anciennes, relatives à une forme de néo-marxisme historique, tirant vers l’évolutionnisme dont le cadre est fixé par un hellénocentrisme certain, qui chercherait par ailleurs à percevoir dans l’archéologie funéraire (et non funéraire) une évolution allant d’une société pseudo-homérique, traversée par une crise, à l’émergence de la cité indigène.

Du reste, la tendance évoquée au début de cette historiographie, celle de « l’ethnicité », reste très forte, tant et si bien qu’il ne se trouve aucune publication ne proposant pas une lecture entre céramique et ethnicité (céramique Daunienne, Peucétienne, Oenôtre, etc.). Il s’agit ici de pures reconstructions modernes, associant la répartition spatiale d’une production relativement homogène avec une ethnicité établie et définie, voire supposée. Ces reconstructions sont le prolongement des sources anciennes que l’on cherche à confirmer par les données de terrain. Ce problème de modèle renvoie directement à deux concepts : premièrement celui de faciès archéologique, concept « horizontal », et à celui, vertical, de différenciation-complexification sociale. En Italie méridionale, l’aller-retour est fréquent entre des interprétations liées au rang et celles liées au rôle. Le rang relève d’un statut inscrit, inné, donné par la naissance, le rôle renvoie quant à lui à un statut acquis, obtenu, construit. On peut lire dans ces différences des problèmes de traditions académiques : école sociologique française contre anglaise, approche de protohistorien contre approche d’historien, vision d’une société de classes contre vision d’une société d’ordres. On peut donc aisément comprendre toute la disparité des interprétations liées aux tombes : la richesse est-elle liée au rang ? La richesse confère-t-elle le statut ? Le statut donne-t-il un rôle ?

L’introduction progressive de modèles sociologiques à l’époque du post-processualisme a permis de mieux catégoriser les termes employés et les réalités sous-jacentes, c’est indéniable : rareté, valeur, degré de différenciation, richesse, statut, rôle, rang, genre, âge, famille, etc. La recherche Italienne comme dans d’autres pays, a construit une « thanatosémiologie » analytique, théorique, pour laquelle il reste encore à déconstruire les mécanismes trop systématiques liés à l’ethnicités et pour laquelle il faudrait passer à la pratique.

[1] Hansen, M.H. & Copenhagen polis centre eds., 1996. Introduction to an inventory of “Poleis”: symposium August, 23-26 1995, Copenhagen, Danemark: The Royal Danish academy of sciences and letters. ; Hansen, M.H. & Nielsen, T.H., 2004. An inventory of archaic and classical poleis Copenhagen polis centre, ed., Oxford, Royaume-Uni.

[2] Pallottino, M., 1977. Etruscologia, Milano, Italie: U. Hoepli. ; Pallottino, M., 1955. Le origini storiche dei popoli italici, Firenze, Italie: G. C. Sansoni,. ; Pallottino, M., 1985. Storia della prima italia, Milano: Rusconi. ; Pallottino, M., 1994. Storia della prima italia, Milano, Italie: Rusconi libri. ; Pallottino, M., 1970. Una mostra dell’Abruzzo arcaico e I problemi della civiltà italica medio-Adriatica, Zagreb, Croatie.

[3] Finley, M.I. et al., 2000. Le colonie degli antichi e dei moderni, Roma, Italie: Donzelli. ; Lepore, E., 1989a. Colonie greche dell’Occidente antico, Roma, Italie: La Nuova Italia Scientifica. ; Lepore, E., 1989b. Origini e strutture della Campania antica: saggi di storia etno-sociale, Bologna, Italie: Il Mulino. ; Lepore, E. & Vernant, J.-P., 2000. La Grande Grèce: aspects et problèmes d’une “colonisation” ancienne, Naples, Italie: Centre Jean Bérard. ; Pontrandolfo Greco, A. & Lepore, E., 1982. I Lucani: etnografia e archeologia di una regione antica, Milano, Italie: Longanesi.

[4] Nizzo V., « L’ideologia funeraria dell’Italia tirrenica tra l’età del Bronzo finale e l’Orientalizzante:metodi, problemi e prospettive di ricerca »,

[5] Hertz, R. 1907. « Contribution à une étude de la représentation collective de la mort », in R. Hertz, Sociologie religieuse et folklore, Paris, Puf. ; Hertz, R., Hertz, A.R. & Mauss, M., 1928. Mélanges de sociologie religieuse et folklore, Paris, France: F. Alcan.

[6] Van Gennep, A., 2001. Chroniques de folklore d’Arnold Van Gennep: recueil de textes parus dans le Mercure de France, 1905-1949 J.-M. Privat, ed., Paris, France: Ed.du CTHS. ; Van Gennep, A., 2011. Les  rites de passage: étude systématique des rites de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, de l’enfance…, Paris, France: Picard.

[7] Frazer, J.G., 1994a. Studies in greek scenery, legend and history: selected from his commentary on Pausanias’ Description of Greece, Richmond, Royaume-Uni: Curzon press. ; Frazer, J.G., 1994b. The belief in immortality and the workship of the dead, Richmond, Royaume-Uni, Japon: Curzon press. ; Frazer, J.G., 1994c. The fear of the dead in primitive religion, Richmond, Royaume-Uni, Japon: Curzon press. ; Frazer, J.G., 1995. The golden bough: a study in magic and religion, London, Royaume-Uni: Papermac. ; Frazer, J.G., 1994d. The magical origin of kings, Richmond, Royaume-Uni: Curzon press.

[8] Lagache, D. 1938. « Le travail du deuil. Ethnologie et psychanalyse », Revue Française de Psychanalyse 10(4) : p. 693-708.

[9] Kossinna, G., 1942. Altgermanische kulturhöhe: eine einführung in die deutsche vor- und frühgeschichte, Leipzig ; Kossinna, G., 1919. Das Weichselland, ein uralter Heimatboden der Germanen, Danzig. : Kossinna, G., 1941. Die deutsche vorgeschichte: eine hervorragend nationale wissenschaft W. Hülle, ed., Leipzig ; Kossinna, G., 1921. Die Indogermanen, Leipzig, Allemagne. ; Kossinna, G., 1934. Ursprung und Verbreitung der Germanen in vor und frühgeschichtlicher Zeit, Leipzig, Allemagne.

[10] Pettazzoni, R., 1952. Italia religiosa, Bari, Italie: G. Laterza & figli. ; Pettazzoni, R., 1912. Lo studio delle religioni in Italia, Roma, Italie: Nuova Antologia. ; Spineto, N., 1999. Le concept de phenomene religieux dans l’oeuvre de Raffaele Pettazzoni et de Mircea Eliade. Thèse de doctorat. France.

[11] Evans-Pritchard, E., 1974. Les anthropologues face à l’histoire et à la religion, Paris, France: Presses universitaires de France. ; Evans-Pritchard, E., 1972. Social anthropology, London, Royaume-Uni: Routledge & Kegan Paul.

[12] Murdock, G.P. & Panoff, M., 1972. De la structure sociale, Paris, France: Payot.

[13] Gluckman, M. ed., 1962. Essays on the ritual of social relations, Manchester, Royaume-Uni: University Press.

[14] Binford, L.R., 1962. Archaeology as Anthropology, Chicago, 1962, Etats-Unis. ; Binford, L.R., 1984. In pursuit of the past: decoding the archaeological record J. F. Cherry & R. Torrence, eds., Londres, Royaume-Uni : Thames and Hudson.

[15] Saxe, A., 1970 Social Dimensions of Mortuary Practices. Ph.D. dissertation, University of Michigan.

[16] Gjerstad, E., 1966. Early Rome, Lund, Suède: C.W.K. Gleerup. ; Gjerstad, E., 1962. Legends and facts of early Roman history, Lund, Suède: Gleerup,. ; Gjerstad, E., 1926. Studies on prehistoric Cyprus. Dissertation. Uppsala, Suède. ; Gjerstad, E. & Calvet, Y., 1977. Greek geometric and archaic pottery found in Cyprus, Stockholm, Suède: Svenska Institutet i Athen.

[17] Gierow, P. G., 1964, The Iron Age culture of Latium, C. W. K. Gleerup, Lund

[18] Peroni, R., 1994, Introduzione alla protostoria italiana, Laterza, Roma-Bari ; Peroni, R., 1980, Il bronzo finale in Italia, De Donato, Bari ; Peroni, R., 1981, Studi di protostoria adriatica, L’erma Di Bretschneider, Roma

[19] Gnoli, G., Vernant, J.-P., et al. eds., 1982. La mort, les morts dans les sociétés anciennes. Cambridge, Royaume-Uni.

[20] Anzidei, A.P., 1984. Preistoria e protostoria nel territorio di Roma A. M. Bietti Sestieri, ed., Roma, Italie: De Luca. ; Bietti Sestieri, A.M., 1992a. La Necropoli Laziale di osteria dell’osa: Tavole, Roma, Italie: Quasar. ; Bietti Sestieri, A.M., 1992b. La Necropoli Laziale di osteria dell’osa: Testo, Roma, Italie: Quasar. ; Bietti Sestieri, A.M., 1982. Ricerca su una comunità del Lazio protostorico: il sepolcreto dell’ Osteria dell’Osa sulla via Prenestina Italie. Soprintendenza per i Beni archeologici della Puglia, ed., Taranto, Italie: Brizio Grafiche. ; Bietti Sestieri, A.M., 1992c. The Iron Age community of Osteria dell’Osa: a study of socio-political development in central Tyrrhenian Italy, Cambridge, Royaume-Uni, Etats-Unis.

[21] Leach, E.R., 1982. Social anthropology, Glasgow, Royaume-Uni: Fontana Paperbacks.

[22] Hodder, I. ed., 1991. Archaeological theory in Europe: the last three decades, London, Royaume-Uni. ; Hodder, I. ed., 2001. Archaeological theory today, Cambridge, UK, Royaume-Uni: Polity. ; Hodder, I., 2009. Symbols in Action: Ethnoarchaeological Studies of Material Culture, Cambridge, Royaume-Uni: Cambridge University Press. ; Hodder, I., 1999. The archaeological process: an introduction, Oxford, Royaume-Uni.  ;Hodder, I., 1987. The Archaeology of contextual meanings, Cambridge Cambridgeshire, Royaume-Uni.  ; Hodder, I., 2012. The present past: an introduction to anthropology for archaeologists, Barnsley England, Royaume-Uni: Pen & Sword Books.

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[23] Snodgrass, A.M., 1971. An archaeology of Greece: the present state and future scope of discipline, Berkeley, Etats-Unis. ; Snodgrass, A.M., 2006. Archaeology and the emergence of Greece, Ithaca (N. Y.), Etats-Unis: Cornell University Press. ; Snodgrass, A.M., 1977. Archaeology and the rise of the Greek state: an inaugural lecture, Cambridge Eng., Royaume-Uni. ; Snodgrass, A.M., 1980. Archaic Greece: the age of experiment, London, Royaume-Uni, Australie, Canada. ; Snodgrass, A.M., 1982. Arms and armour of the Greeks: with 60 illustrations, London, Royaume-Uni: Thames & Hudson. ; Snodgrass, A.M., 1964. Early greek armour and weapons: from the end of the Bronze Age to 600 b.c, Edinburgh, Royaume-Uni: at the University Press. ; Snodgrass, A.M., 2000. The dark age of Greece: an archaeological survey of the eleventh to the eighth centuries BC, New York, Etats-Unis: Routledge.

[24] D’Arba Desborough, V. R., 1972, The Greek Dark Ages, Palgrave Macmillan.

[25] Coldstream, J.N., 1979. Geometric Greece, London, Royaume-Uni: Methuen. ; Coldstream, J.N. & Catling, H.W. eds., 1996. Knossos North Cemetery: early Greek tombs, London, Royaume-Uni: British School at Athens. ; Coldstream, J.N., Catling, H.W. & Carington-Smith, J., 1996a. Knossos North cemetery: early Greek tombs, London, Royaume-Uni: The British School at Athens. ; Coldstream, J.N., Catling, H.W. & Carington-Smith, J., 1996b. Knossos North cemetery: early Greek tombs, London, Royaume-Uni: The British School at Athens.

[26] Morris fait le point sur l’historiographie de cette controverse dans son article « Burial and Ancient Society after ten years », issu de sa communication au colloque « Nécropoles et pouvoir: idéologies, pratiques et interprétations : actes du colloque Théories de la nécropole antique », Lyon 21-25 janvier 1995, édité par Sophie Marchegay, Marie-Thérèse Le Dinahet et Jean-François Salles. Reprenant les reproches qui lui étaient faits, et les arguments qu’il avait constitué dans sa thèse, puis dans ses travaux de jeune chercheur, Morris réunissait ici 10 années de controverse l’ayant opposé à de nombreux chercheurs. Insistant de nouveau sur les statistiques réalisées sur les tombes athéniennes, ainsi que sur la non-représentativité démographique de ces ensembles de tombes, Morris concluait à raison qu’il y avait plus en jeu qu’une simple évolution démographique, mais bien un rapport au droit à la sépulture qui était en plein bouleversement au VIIIe siècle.

[27] Parker Pearson, M., 1999. The archaeology of death and burial, Stroud, Royaume-Uni: Sutton.

[28] De La Genière, J. 1968, L’Âge du Fer en Italie Méridionale: Sala Consilina, Naples. ; De La Genière, J., Nenci, G. 1984, Per una documentazione analitica delle necropoli dell’Italia meridionale e della Sicilia (DANIMS). Contributo allo studio delle società antiche, AnnPisa 14, p. 347 – 367, Pise. ; De La Genière, J., Nenci, G. 1984, Documentazione analitica delle necropoli dell’Italia meridionale e della Sicilia, AnnPisa 16, p. 977 – 1074, Pise. ; De La Genière, J., Nenci, G., Tagliente, M. 1988, Documentazione analitica delle necropoli dell’Italia meridionale e della Sicilia. Contributo allo studio delle società antiche, AnnPisa 18, p. 11 – 60, Pise ; De La Genière, J.,  Nenci, G., Niro, M. 1991, Documentazione analitica delle necropoli dell’Italia meridionale e della Sicilia, AnnPisa 21, p. 1 – 123, Pise. ; De La Genière, J., Nenci, G. 1995, Documentazione analitica delle necropoli dell’Italia meridionale e della Sicilia (DANIMS). Contributo allo studio delle società antiche, AnnPisa 25, p. 7 – 218, Pise.

Congeries Armorum

Lorsque paraissait l’ouvrage de Massimo Pallottino « Storia della Prima Italia », ce dernier soulignait la nécessité et l’intérêt que pouvait avoir l’écriture d’une histoire des peuples de l’Italie préromaine, une histoire et une archéologie de l’Italie différentes, finalement, de ce qu’avaient dès l’Antiquité constitué les auteurs latins ou grecs. Insistant sur le besoin d’un renouvellement des études italiques, le fondateur de l’étruscologie moderne faisait date et entendait faire l’étude des populations de l’Italie autrement que par leurs rapports à Rome et à l’hellénisme « colonial ». L’histoire propre de ces populations occupant le Samnium, la Campanie, la Lucanie, le Bruttium, l’Apulie et la Sicile ou les régions septentrionales de la péninsule, était donc à faire. Dans ce contexte assez récent, les études italiques ont connu un regain d’intérêt. On peut mentionner outre les travaux de M. Crawford sur les Imagines Italicae ceux de S. Bourdin sur les peuples de l’Italie préromaine. De nombreux sujets ont vu leur grille d’analyse évoluer, et de nombreuses sources se sont vues repensées. Les domaines de la guerre, de l’armement et des pratiques militaires des peuples de l’Italie préromaine, n’échappent pas à ce changement.

Les découvertes récentes d’équipements hoplitiques à Braida di Vaglio en Lucanie interne, les tombes pourvues d’armes et de décorations peintes des différentes nécropoles de Paestum, mais aussi les synthèses récentes sur les combattants italiques (Les enfants de Mars, I figli di Marte, de G. Tagliamonte, qui traite du  mercenariat et de la mobilité militaire) et sur les origines de la cavalerie romaine (Le cavalier tyrrhénien, de N. Lubtchansky), permettent à l’heure actuelle de donner une suite aux travaux fondateurs de Chr. Saulnier sur la guerre et les armées étrusques, romaines et samnites entre le Ve et le IIIe siècles av. J.-C., ou encore à ceux de Cl. Nicolet sur les armées de la Rome républicaine. Toujours dans la tradition française des études sur  l’Italie préromaine les travaux d’A.-M. Adam, d’A. Rouveret et de D. Briquel ont considérablement contribué à faire avancer l’histoire de la guerre dans la péninsule avant notre ère, en se penchant sur le mobilier métallique et la peinture funéraire notamment. Ces travaux mettent en évidence l’idée que le début du Ve siècle av. J.-C. est marqué par une réelle rupture : d’abord sur la nature des équipements militaires découverts en contexte funéraire et ensuite sur l’imagerie qui y est associée de manière directe. Auparavant en effet les populations italiques produisaient peu d’images en comparaison des céramiques figurées grecques, on peinait donc à identifier des choix iconographiques originaux. Au Ve siècle donc, des images nouvelles apparaissent, et ont pour principal support des productions de vases figurés italiques et italiotes (étudiés par A. D. Trendall dont les travaux ont connu un réelle mise à jour récente), des peintures funéraires, une petite plastique en relief, ainsi que des lieux de culte et de mise en scène de la catégorie fonctionnelle militaire, à laquelle nous nous intéressons. Cette iconographie est foisonnante et insiste sur le rôle plus grand de la mise en scène du combattant. De même, les realia, les armes retrouvées en contexte archéologique, suggèrent l’existence d’une circulation des modèles guerriers, des emprunts de pièces d’armement d’un peuple à l’autre. De ce point de vue, le Ve siècle marque bien l’émergence d’un armement italique original, qui n’est plus uniquement le produit d’une copie des modèles grecs : cuirasses bilobées, trilobées, sabres de cavalerie « lucaniens », ceinturons dits « samnites » : si l’armement « grec » perdure dans ses formes, dans la présence de production hybrides, il faut constater l’invention d’un nouveau guerrier qui, organisé en armées, est décrit par les sources comme un danger potentiel pour les établissements coloniaux, comme en attestent les conquêtes de Paestum et de Laos entre les années 420 et 390 av. J.-C. Ces sujets sont autant de thèmes désormais défrichés, et forment une problématique à part entière dans l’étude du fait militaire.

L’objet de ma thèse de doctorat, et donc de ce carnet, par extension, est de tenter de faire l’archéologie du guerrier italique, de la pratique du métier des armes, du fonctionnement des armées, par le biais de toutes les sources directes ou indirectes, archéologiques, textuelles, iconographiques. Il s’agira de comprendre toutes les dimensions de la vie militaire, du maniement des armes, et de réalités sociales sous-jacentes, ainsi que les mécanismes de production des images de la guerre au sein de populations partiellement hellénisées qui forment la mosaïque des peuples italiques, monde à la fois ancien par ses origines culturelles, mais loin d’être inerte du fait des intenses circulations qui s’y déroulent depuis le début de l’âge du fer.

Mes premiers travaux de recherches, en Master ont été consacrés à l’étude des élites militaires lucaniennes par le biais de leurs tombes, de leurs armes, et de l’iconographie qui les mettait en scène, et constituait de fait la mise en place méthodologique et documentaire de mes travaux actuels, qui cette fois ci concerneront toute l’Italie parlant la langue osque (les oscophones), ainsi que l’Apulie, et la Sicile. Les populations oscophones, intimement liées par la culture matérielle, la langue, et l’histoire politique, constituent un espace humain cohérent. La proximité de ces territoires avec les cités grecques d’Italie, moteur d’échanges pacifiques comme conflictuels, permet entre autre d’envisager la guerre comme un  « savoir partagé » et assez symétrique (les textes latins parle de « communis mars », de « mars commun »). Cette géographie desserrée permettra de mettre en série des documents issus de toutes les cultures italiques de l’Italie méridionale, afin d’envisager non plus seulement des faciès ethno-culturels, mais bien des dynamiques plus larges. La particularité de ces espaces et de ces dynamiques réside aussi dans la présence d’un grand nombre d’images : la production de céramiques à figures rouges (apulienne, lucanienne, paestane, sicilienne, campanienne) en Italie même à partir du dernier tiers du Ve siècle av. J.-C. fut finalement l’occasion pour les populations italiques de mettre en œuvre leur propre langage iconographique, leur propre grammaire de l’image, de représenter « autre chose » que ce que la production attique offrait auparavant. On s’intéressera donc aussi aux effets de transferts culturels, aux formes d’appropriation et de réseaux qui peuvent se démarquer dans ces productions, et particulièrement donc au sujet de l’imagerie militaire : le guerrier seul, le duel, les scènes de combat mythologique, autant de compositions qui, en ce qu’elles mettent en scène des équipements militaires, peuvent être comparées à des réalités archéologiques. On se demandera aussi de fait si ces guerriers italiques sont de ces « autres guerriers », pour reprendre la formule de F. Lissarrague, ou bien s’ils ne sont en réalité pas si différents de l’hoplite grec pour lesquels on dispose des représentations dans ces régions au Ve siècle. Après la conquête de la Grande Grèce, le guerrier s’efface au profit du citoyen. Le sens de cette évolution est donc central, et sera à mettre en lien avec les évolutions de la typologie des armements, mais aussi, et surtout, avec la lente disparition des dépôts d’armes, tous contextes confondus.

Dans cette démarche sur le matériel et sur les images, il faudra considérer trois phénomènes majeurs et intimement liés. D’abord la professionnalisation progressive des armées grecques et italiques au cours de la période, accélérée par des conflits impliquant toute la région, autant d’évènements qui impliquèrent des contingents issus des populations italiques, et qui font de la guerre une pratique récurrente, obéissant à une technique et une organisation tactique nouvelle. Ces facteurs ont pu influencer non seulement les choix matériels, mais aussi les choix iconographiques. Dans un second temps, manier les armes, les fabriquer, ou faire partie d’une troupe reconnue et efficace, devient un savoir-faire collectif. Comprendre par quels processus et par quels moyens ce savoir-faire se manifeste et se constitue, à la fois dans les vestiges archéologiques et dans l’iconographie, est donc un questionnement central. Le développement de la poliorcétique n’est pas quant à lui sans conséquence sur l’art de la guerre, puisque des traités sur la manière d’assiéger les villes, notamment celui de Philon de Byzance, se diffusent alors. L’Italie centro-méridionale est d’le lieu d’établissement, dès le milieu du Ve siècle, d’un grand nombre de fortifications, dont certaines sont dotées d’éléments de défense active qui n’ont jamais été étudiés en série. Ce champ d’étude, vierge de toute synthèse, constituera un moyen de comprendre comment les populations adaptent leur habitat à ces nouvelles pratiques militaires, à cette récurrence des conflits. Il s’agira finalement de voir quelle est la part de présence de la sphère militaire dans le quotidien, à la fois par la vision des armes dans l’espace collectif (sanctuaires et habitat défendu), ou privé (iconographie sur vase, tombes), et comment cette sphère militaire se construit au sein de la mosaïque des peuples italiques.

Congeries Armorum, c’est donc l’amas de toutes ces armes : réelles, dessinées, peintes, gravées, dédiées, brûlées, clouées, parlantes ou muettes, elles sont les reliefs éminents d’un monde italique marqué par la guerre, par la prééminence sociale du combattant, issu le plus souvent des élites sociales de chacun des peuples, et c’est le titre du carnet par lequel j’essayerai de vous en parler.

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