Renzi et son gouvernement « mazouté » dans une affaire de marché pétrolier

Le gouvernement de Matteo Renzi devrait survivre aux motions de censure déposées à la Chambre et au Sénat par Forza Italia et La Ligue du Nord, d'une part et le Mouvement 5 Etoiles, d'autre part. On ne voit pas les partisans de Beppe Grillo voter le texte présenté par la droite et la droite extrême, et vice-versa. C'est pourtant à cette seule condition qu'ils pourraient faire tomber le gouvernement empêtré dans une affaire de favoritisme dans un marché pétrolier qui risque de "mazouter" le gouvernement.

Vendredi 1er avril, les sites Internet d’informations révélaient que Federica Guidi, ministre du développement économique, était mise en cause pour avoir favorisé les intérêts de son compagnon, Gianluca Gemelli. Dans une conversation téléphonique avec ce dernier, la ministre se félicitait, fin 2014, d’avoir pu insérer dans le texte de la loi de finance un amendement facilitant un forage pétrolier – exploité par Total et contesté par les écolos – en Basilicate, dont ledit compagnon aurait été un des sous-traitants avec un marché de 2 millions d’euros à la clef.

Trop bavarde, la ministre expliquait également qu'elle avait obtenu le feu vert de Maria Elena Boschi, ministre des réformes et des relations avec le Parlement. Or si Federica Guidi n'est qu'un pion dans l'exécutif, il n'en va pas de même de Maria Elena Boschi qui en est un des rouages essentiels. Toutes les grandes réformes (marché du travail, mode de scrutin, suppression du Sénat) sont passées par elle. C'est le joyau dans la vitrine du renzisme. L'affaiblir, c'est faire boiter le Premier ministre.

La démission expresse de Federica Guidi n'est pas parvenue à circonscrire l'incendie. L'opposition se déchaîne. Elle avait espéré porter un coup, sinon mortel, du moins gagnant à Maria Elena Boschi en exploitant la mise en examen de son père pour banqueroute frauduleuse dans la faillite de la Banca Etruria. Sans trop de succès. L'affaire du pétrole de Basilicate est autrement juteuse puisque la ministre est directement mise en cause. Elle devrait être entendue cette semaine par les magistrats chargés de l'enquête.

"Cet amendement, c'est moi qui l'ai voulu. Et je l'ai voulu pour défendre l'emploi! Si les enquêteurs veulent m'interroger, je suis disponible", a tonné, le Premier ministre particulièrement pugnace, dimanche 3 avril, dans une émission de télévision. Une manière d'assumer ses responsabilités et de faire rempart à sa précieuse ministre. Il a également confirmé que le Parti démocrate  (PD, centre-gauche) allait poursuivre en justice Beppe Grillo, pour avoir dit que tout le monde au sein du PD avait les "mains salies par le pétrole et l'argent".

Mais, ce n'est pas tant la motion de censure qui l'inquiète, que les deux scrutins inscrits au calendrier de ces prochaines semaines. Le 17 avril, les Italiens sont consultés par référendum sur la question de savoir si les concessions de forages offshore dans les eaux territoriales doivent être limitées dans le temps ou bien permises jusqu'à épuisement des gisements comme c'est le cas depuis 2015. Le gouvernement milite ouvertement pour l'abstention afin d'annuler le résultat de cette consultation quel qu'il soit.

Enfin, en juin, des élections municipales se dérouleront dans les villes de Milan, Turin, Naples et Rome (entre autres). Au moins jusqu'à cette date, l'opposition est prête à mordre les mollets du gouvernement. Elle pourrait même se poursuivre jusqu'au référendum d'octobre qui devrait entériner définitivement la réforme du Sénat. Renzi y joue son poste, ayant promis de démissionner en cas de défaite. Raison de plus pour stopper au plus vite ce début de marée noire.

Philippe Ridet

 

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Maire déchu de Rome, Ignazio Marino règle ses comptes avec Matteo Renzi

On a retrouvé Ignazio Marino. L'ancien maire de Rome qui a dû démissionner en octobre 2015 de son mandat après vingt-huit mois d'exercice, sous la pression du Parti démocrate (PD, centre gauche), n'était pas bien loin. Il était occupé à rédiger son livre, Un marziano a Roma (Un martien à Rome, Feltrinelli, non traduit), qu'il a présenté mercredi 30 mars en avant-première devant l'association de la presse étrangère.

La quatrième de couverture donne une idée de la manière dont il se voit: "J'ai toujours été un cabochard, est-il écrit. Or les cabochards peuvent gagner ou perdre, mais ils ne parviennent pas à simplement flotter. Ou bien ils coulent ou bien ils fendent les flots". On pourrait en déduire que Marino aura été victime de lui-même et de son tempérament entier. Une reconnaissance de culpabilité surprenante de la part d'un homme peu porté à reconnaître ses propres erreurs.

Mais dès la troisième ligne de son pavé de 300 pages, le doute n'est plus permis. Si Marino n'est plus maire de Rome c'est qu'il a été "poignardé" par 26 conseillers de son équipe municipale qui lui ont retiré leur confiance. "Mais, ajoute-t-il aussitôt,  il n'y avait qu'un seul donneur d'ordre et il est au palais Chigi". Voilà donc le coupable désigné: Matteo Renzi, premier ministre et patron du PD, qui après une longue bataille intestine est parvenu à mettre fin à son mandat de maire avant que les électeurs ne puissent décider de son sort.

Pendant plus d'une heure, Marino a ciblé le Président du conseil "non élu" (répété plusieurs fois) qui a préféré "s’asseoir à la table des lobbies" qui gouvernent la ville en sous-main plutôt que de le soutenir, lui qui avait décidé de les chasser. Renzi qui "n'aime pas Rome" et a refusé de l'aider financièrement alors que la dette cumulée de la capitale d'Italie atteint 20 milliards d'Euros. Renzi qui a dépensé "600 000 euros" de frais de représentation lorsqu'il était président de la province de Florence (de 2004 à 2009) alors qu'à lui, Ignazio Marino, on lui cherche des poux pour 12 000 euros de note de frais injustifiés...

Un règlement de compte? "Pas du tout, affirme l’ancien maire. C'est un acte d'amour pour Rome et les Romains". Une déclaration de candidature pour les prochaines élections municipales qui se dérouleront en juin? "Encore moins, balaye-t-il. Ce n'est ni le lieu ni le moment". Mais il précise: "Je suis peut-être un martien, mais je ne suis pas prêt de retourner sur la planète Mars". Une manière de dire que, candidat ou pas, il sera présent dans le débat électoral, ne serait-ce que pour nuire. Une première indication: il ne connait même pas le prénom du candidat du PD, Roberto Giacchetti, qu'il appelle "Riccardo". En revanche il n'a pas oublié celui de Virginia Raggi, la candidate du Mouvement 5 Etoiles, que les sondages ont installé à la place de favorite.

 

Philippe Ridet

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Faut-il pleurer (ou bien en rire)…

N'ont-ils déjà plus rien à dire? Ou veulent-ils au contraire parler de tout au risque de dire n'importe quoi? Sont-ils à ce point dénués d'idées, de projets pour la ville de Rome qu'ils aspirent à administrer après les élections municipales de juin? Deux candidats de droite au prochain scrutin ont choisi de commenter les larmes versées par Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la sécurité, le jour des attentats de Bruxelles.

Giorgia Meloni (Fratelli d'Italia, post-fasciste) a tiré la première, mercredi 23 mars, sur son compte Facebook: "J'ai honte d'être représentée en Europe par Federica Mogherini. Elle est le symbole d'une Europe faible, molle et impotente face aux attaques qu'elle subit. J'espère qu'elle donnera sa démission et laissera sa charge à quelqu'un qui n'alimente pas, par sa fragilité, le désir de conquête" de nos ennemis.

Son adversaire, Guido Bertolaso, (Forza Italia), ancien secrétaire d'Etat à la Protection civile, ne pouvait laisser plus longtemps Giorgia Meloni avoir le dernier mot dans cette polémique. Distancé dans les sondages, il a donc décidé de lui coller à la roue : "C'est embarrassant. Mogherini, comme toute la Commission européenne, devrait apporter la preuve que nous n'avons pas peur et ne nous laissons pas intimider. On dira peut-être que je suis macho, mais les Européens veulent être rassurés par leurs leaders".

Federica Mogherini est revenue sur ces quelques larmes : "Ce n'est pas mon habitude, a-t-elle écrit dans le quotidien La Repubblica, d'utiliser ou de montrer mes émotions. Mais, ce jour-là nous avons tous éprouvé une peine immense. Dans les communiqués nous écrivons que nos pensées vont aux victimes et à leurs proches. Quelquefois elles s'expriment de façon moins officielle."

 

Philippe Ridet

 

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Rome, quatre nuances de noir

Le fascisme se porte bien à Rome. A lire les affiches sur les panneaux électoraux de la capitale d'Italie on a parfois l'impression que les héritiers revendiqués de Benito Mussolini sont seuls en lice pour les élections municipales de juin. Quatre des sept candidats de droite déclarés ou potentiels ont encore une admiration plus ou moins avouée pour lui et le Ventennio, ces vingt années, de 1922 (marche sur Rome) à 1943 (chute du régime), pendant lesquelles la Péninsule tout entière a été administrée par les chemises noires.

Giorgia Meloni. Née en 1977, elle commence à militer à 15 ans au Front de la jeunesse pour devenir à 21 responsable d'Azione Studentesca, la branche étudiante du parti Alliance nationale, construit sur les cendres du Mouvement social italien (MSI) fondé en 1946 pour entretenir la mémoire de Mussolini. Députée à 29 ans, ministre à 31 dans le dernier gouvernement Berlusconi, Giorgia Meloni qui a adhéré au parti Fratelli d'Italia dit avoir "un rapport serein avec le fascisme" et considère que Mussolini "est un personnage complexe" qu'il faut juger "à travers l'histoire".

Francesco Storace, 57 ans, secrétaire national du parti La Destra (la Droite) vient lui aussi d'Alliance Nationale, une formation qu'il a quittée lorsque son leader Gianfranco Fini a condamné le fascisme en déclarant qu'il "était le mal absolu". Ministre de Berlusconi lui aussi, ancien président de la région du Latium, Storace est farouchement opposé aux unions homosexuelles, à la pilule abortive du lendemain et à tout modèle familial qui ne soit pas fondé sur le mariage. En 2005, il déclarait: "Il n'y a pas de doute: Mussolini a été un grand homme d'Etat. J'aime la démocratie, mais de là à dire que le Duce a été le mal absolu, il ne faut pas exagérer".

Avec Simone Di Stefano, on franchit la frontière de l'extrême droite non-institutionnelle, non recyclée (du moins pas encore) dans le jeu des partis et des alliances. Vice-président de Casa Pound, une officine d'extrême droite dure qui a pignon sur rue à Rome, Di Stefano s'est rapproché un moment de Matteo Salvini, le leader du parti anti-immigrés de la Ligue du Nord. Salvini soutenant dorénavant Giorgia Meloni, Di Stefano s'en est éloigné pour mener sa route en solitaire. En décembre 2013 il déclarait à propos de Nelson Mandela: " Il a gagné sa révolution avec des méthodes indignes, terroristes, financé par les pires intérêts économiques mondiaux. Ce n'est pas un Père Noël africain!".

Enfin, dernier élément de ce tableau noir: Alfredo Iorio. On retrouve son nom dans tous les groupuscules de l'extrême droite romaine. Officiellement, il anime un cercle culturel baptisé Trifoglio-Popolo della vita (le trèfle-peuple de la vie) qui milite contre l'avortement. Il est également à l'origine d'un obscur Mouvement social européen. Son nom est aussi apparu dans l'affaire du meurtre d'un supporter de Naples par un supporter de l'AS Roma en marge d'une rencontre de football au Stadio Olimpico, le stade devant lequel se dresse toute blanche une colonne à la gloire du Duce - sans que personne ne paraisse s'en émouvoir.

 

Philippe Ridet

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Maire ou mère, faut-il vraiment choisir?

C'est la polémique du jour, toute chaude, à peine sortie du four. Elle est une conséquence des événements relatés dans le post précédent à propos des primaires organisées par les partis politiques pour trouver leur candidat aux élections municipales de juin. Comme nous l'expliquions, la droite romaine désunie a choisi de confier son sort à Guido Bertolaso, ex-secrétaire d'Etat de Silvio Berlusconi et plusieurs fois mis en examen. Seul prétendant à la candidature, il a été désigné par près de 98% des 47 000 votants.

Cette farce n'est pas du goût de Giorgia Meloni. Elle aussi ex-ministre de Silvio Berlusconi, mais classée à l'extrême droite (Fratelli d'Italia, post fasciste), la jeune femme envisage de se présenter avec le soutien de la Ligue du Nord bien qu'elle doive accoucher en début d'été. Plein de morgue, Bertolaso a renvoyé sa rivale aux tâches qui l'attendent en se demandant comment elle pourrait tout en même temps "allaiter" et gérer les problèmes de trafic routier, de ramassage des ordures et de rats qui envahissent la Ville Éternelle.

Pourtant père de cinq enfants qui ne l'ont pas gêné pour faire carrière, Silvio Berlusconi s'est rangé du côté de l'agresseur: "Une maman ne peut pas se dédier à un travail de brute et Rome aujourd'hui est un travail de brute, qui nécessite de passer 14 heures par jour au bureau. Je ne crois pas que ce soit le bon choix pour elle". Réponse de l'agressée : "Je ne veux pas polémiquer, je dis seulement avec politesse et orgueil à Bertolaso que j'espère être une très bonne mère, comme le sont toutes ces femmes qui, avec mille difficultés et souvent dans des conditions plus difficiles, réussissent à concilier engagements professionnels et maternité".

Conséquence : jamais Giorgia Meloni qui sera candidate malgré tout n'a été aussi populaire à gauche. "Bien sûr qu'une maman peut être maire !", a  déclaré mardi le Premier ministre Matteo Renzi,  tout en appuyant le candidat du Parti démocrate (PD, centre gauche), Roberto Giachetti, lequel vole aussi au secours de celle qui sera un de ses adversaires: "Si tous ces hommes changeaient plus souvent des couches au lieu de donner des conseils aux femmes, on vivrait dans un plus beau pays". "Quand demandera-t-on à un candidat de se retirer parce qu'il doit être père ?", a raillé sur Twitter Maria Elena Boschi, ministre des Réformes institutionnelles.

Mais Giorgia Meloni engrange aussi des soutiens à droite, à commencer par celui de son allié, Matteo Salvini, secrétaire fédéral de la Ligue du Nord. "Bertolaso a 50 ans de retard", a-t-il lancé. 50 ans, seulement? La notion du temps parait tout à fait relative de la part du chef d'une formation dont certains des membres aiment se déguiser en chevaliers du bas Moyen-Age pour commémorer le pacte des Lombards contre Barberousse empereur du Saint empire romain germanique en 1167...

Philippe Ridet

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Les primaires servent-elles à quelque chose?

La gauche italienne en a fait son "plus produit". Pour un peu on aurait cru qu'elle les avait inventées. En 2 005, les journalistes étaient venus de loin pour assister à la victoire de Romano Prodi aux primaires ouvertes de la gauche, lesquelles devaient amener le "Professore" à triompher de Silvio Berlusconi quelques mois plus tard.

Encouragé par ce résultat qui place le candidat sur une rampe de lancement idéale, le Parti démocrate (PD, centre gauche) a mis la consultation des militants à presque toutes les sauces, des élections locales aux élections nationales. A ce jour, Matteo Renzi, lui doit la seule victoire qu'il ait remportée sur son nom en prenant la tête du PD en 2 014. Mais les primaires sont-elles toujours la panacée?

Naples, dimanche 6 mars. Certains se sont faits un peu d’argent de poche, à l’occasion du scrutin pour désigner le candidat de gauche aux élections municipales de juin. Grâce à une caméra cachée, les journalistes du site Fanpage.it ont pris sur le fait des élus et des cadres du PD  en train de graisser la patte des électeurs: jusqu'à dix euros pour acheter leur vote en faveur de Valeria Valente. Cette dernière s'est imposée de 500 voix sur son adversaire, Antonio Bassolino.

Rome, le même jour. Seul 44 000 électeurs de gauche se sont rendus aux urnes pour départager les candidats à la succession d'Ignazio Marino, contraint à la démission. C'est moitié moins que lors de la précédente consultation. Roberto Giachetti  l'a emporté, mais il en sort affaibli. Instruments de légitimation du candidat, les primaires ne sont efficaces qu’à deux conditions : que personne ne triche et que la participation soit forte.

Alors que la gauche découvre les limites de la consultation des militants, la droite en découvre les charmes. Berlusconi, qui dirigeait son parti comme une de ses entreprises, a toujours été contre, mais il ne peut plus imposer sa loi dans son camp. Incapable de se mettre d'accord sur le nom d'un candidat à Rome, la droite organise donc ses primaires en ordre dispersé.

A chaque weekend son élection! Samedi et dimanche 12 et 13 mars, c'était au tour de Forza Italia de proposer son candidat. Le singulier s'impose: il n'y avait qu'une seule personne en lice, celle que Silvio Berlusconi soutient. Guido Bertolaso, ancien secrétaire d'état à la Protection civile (et plusieurs fois mis en examen) l'a donc emporté assez facilement...

Pour contourner les défauts des primaires, le Mouvement 5 Etoiles a mis au point un système de vote des militants sur internet avec code d'accès confidentiel. La victoire de tel ou tel candidat est donc incontestable même si la participation est le plus souvent ridicule. A Milan pourtant, le choix de Patrizia Bedori n'a pas été du goût de la direction du Mouvement. Après une campagne interne où son physique tout comme ses compétences ont été mises en cause, elle a décidé de jeter l'éponge.

Entre triche, faible participation, candidat unique et vainqueur désavoué c'est à se demander si les primaires servent toujours à quelque chose, sinon à occuper les militants...

 

Philippe Ridet

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Matteo Renzi calme les va-t-en guerre et rappelle la France à ses responsabilités dans le chaos libyen

(AP Photo/Domenico Stinellis).

(AP Photo/Domenico Stinellis).

Le dimanche est propice à la réflexion. Et à la paix. Entre dessert et caffè (avec deux "f", à l'italienne), les téléspectateurs de l'émission d'infotainment, Domenica Live sur Canale 5 , ont pu se sentir soulagés par les propos du premier ministre, Matteo Renzi: l'Italie n'est pas en guerre. Ce qui tombe bien puisque 80 % de ses concitoyens y sont tout à fait opposés.

Mais depuis une semaine, la Péninsule bruissait de bruits de bottes. Jeudi 3 mars, le quotidien Il Corriere della Sera révélait qu’une « cinquantaine d’hommes devrait partir en Libye dans les prochaines heures pour s’ajouter aux unités spéciales françaises, britanniques et américaines » déjà présentes sur place. Le lendemain, La Repubblica renchérissait en évoquant la préparation de « l’opération la plus massive jamais réalisée depuis 1943 », composée de 3 000 à 7 000 hommes, dont deux tiers d’Italiens.

Des informations qui semblaient d'autant plus crédibles que l'Italie devait déplorer au même moment la mort de deux otages, Fausto Piano et Salvatore Failla, tous deux employés d'une entreprise de construction et enlevés en juillet 2015 en Libye. Ces disparitions, compensées par la libération de deux autres compatriotes, semblaient rapprocher inexorablement l'Italie du destin de son ancienne colonie où d'aucuns la voient jouer un rôle à l'avenir.

En quelques mots, Matteo Renzi a mis un holà à ces hypothèses belliqueuses. "Je vois des gens qui disent que nous serions prêts à envoyer 5000 hommes. Mais de quoi parle-t-on? Il ne s'agit pas d'un jeu vidéo! Quand l'Italie devra intervenir, elle le fera, mais pour l'instant ce n'est pas à l'ordre du jour". Le président du Conseil a rappelé les deux conditions préalables: un gouvernement solide en Libye et une demande d'aide à la communauté internationale "pour ne pas répéter les erreurs du passé".

Le passé? 2011 plus précisément. Rome, à cette époque, avait réagi négativement à l’intervention de l’OTAN en Libye contre le régime Kadhafi, dans laquelle Paris et Londres avaient joué le premier  rôle. Alors au pouvoir, Silvio Berlusconi s'était froissé de ne pas avoir été mis dans la confidence des premiers bombardements contre le régime du guide libyen dont il se voulait l'ami. Matteo Renzi n'a pas la mémoire courte. "Si la Libye est dans cette situation difficile, a-t-il martelé, c'est parce que des politiciens  - non pas italiens mais français - ont eu la belle idée de programmer une intervention sans penser à la suite".  Le nom de Sarkozy semblait lui brûler les lèvres.

Philippe Ridet

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Tobia Antonio ou l’enfant de la discorde

La question de la gestation pour autrui (GPA) a hanté comme un fantôme tout le débat sur le contrat d'union civile. Certains parlementaires se réclamant des valeurs catholiques ont eu raison du texte initial qui prévoyait la possibilité pour le membre d'un couple homosexuel d'adopter l'enfant de son partenaire. Ils ont fait valoir que cette disposition conduisait quasi mécaniquement à recourir à la GPA. Au grand dam de plusieurs associations homosexuelles, l'article incriminé a été retiré pour permettre, jeudi 25 février, l'adoption du pacs italien.

Deux jours n'étaient pas passés que le fantôme revenait. Cette fois il a un prénom, Tobia Antonio. Il est né dimanche en Californie et pèse près de quatre kilos. Il est le fils biologique du canadien Eddy Testa, le compagnon de l'homme politique Nichi Vendola. L'ancien président de la région des Pouilles n'a jamais fait mystère ni de son homosexualité, ni de sa piété, ni de ses convictions communistes, ni de son désir de paternité.

Les "anti adoption" triomphent, croyant détenir la preuve a posteriori de leur argumentaire. Matteo Salvini, le secrétaire fédéral de la Ligue du nord condamne "un égoïsme dégoûtant". Le ministre de l'Intérieur, Angelino Alfano, souhaite faire du recours à la GPA, interdite en Italie, un "délit universel". Beppe Grillo a laissé tomber son blog pour s'adresser directement aux lecteurs du Corriere della Sera et dire son "épouvante" devant "le tout est permis". Membre du parti fondé par Nichi Vendola (gauche écologie et liberté) Laura Boldrini, la présidente de la Chambre des députés, avoue "ses réserves".

L’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana ironise : "Pour satisfaire ses désirs, le défenseur des pauvres s'est rendu à l'étranger comme un riche seigneur afin de faire de son enfant un orphelin de mère en bafouant la Constitution et les lois de la République. Mais n'était-il pas de gauche?". Même tonalité moraliste chez le plus conservateur quotidien des évêques, L'Avvenire : "Certes tous les homosexuels ne sont pas riches et puissants, mais toutes les mères porteuses sont pauvres et sans pouvoir".

Pour l'instant Nichi Vendola se tait, attendant sans doute que l'orage passe. "Cet enfant, s'est-il contenté de déclarer, est le fruit d'une belle histoire d'amour. Sa mère et sa famille font partie de notre vie."  Il n'est pas certain que son bonheur éteigne les polémiques.

Philippe Ridet

 

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Le Mouvement 5 étoiles fonce sur Rome avec le frein à main

A peine choisie par 1 764 adhérents romains du Mouvement 5 étoiles (M5S) à la suite d'un vote en ligne, Virginia Raggi, une avocate de 37 ans, s'est présentée jeudi 25 février devant l'association de la presse étrangère pour y tenir une première conférence de presse en tant que candidate à la mairie de Rome (le vote aura lieu en juin). Drôle d'idée. S'ils apprécient l'hommage qui leur est fait, de nombreux correspondants en poste à Rome n'en comprennent pas tout à fait l'utilité.

Réponse de la candidate: «J'ai devant moi quelques articles que vous avez écrits sur la dégradation de la ville. Nous voulons relancer l'image de Rome à l'étranger. Rome n'est pas seulement synonyme de Mafia Capitale [une affaire de corruption mêlant la pègre et des élus de tous bords]. Rome a été violée par une mauvaise politique et une mauvaise administration. La politique, avec moi, ce sont les Romains qui la feront, pas les partis.» Et qu'importe si ces Romains nous ont souvent donné l'impression d'être co-responsables, voire complices (ou indifférents dans le meilleur des cas) de la décadence de la Ville éternelle.

Maladresse, candeur de débutante ?

Relance d'un confrère allemand: «Même si certains d'entre nous peuvent voter en tant que citoyens européens, nos suffrages ne feront pas une grande différence.» Etonnante réponse de Virginia Raggi: «Nous ne cherchons pas les voix des électeurs.» Elle a ensuite rétropédalé devant l'étonnement provoqué par cette première déclaration de campagne électorale: «Le Mouvement 5 étoiles ne fait pas de promesses intenables en échange de suffrages.» Ce qui ne l’empêche pas d'en faire par ailleurs en développant son programme axé sur trois piliers: les transports publics, le ramassage des ordures et la transparence.

La déclaration de la candidate sera sans nul doute montée en épingle par ses adversaires. C'est de bonne guerre. Maladresse, candeur d'une débutante ou lapsus dévoilant une irrésistible envie de perdre ? Elle n'est pas sans rapport avec celle d'une sénatrice romaine du M5S qui affirmait, il y a quelques semaines, alors que les sondages favorisent le Mouvement, que droite et gauche peinent à trouver un candidat acceptable: «Il y a un complot pour nous faire gagner.»

Les maires élus du M5S éprouvent en effet beaucoup de difficultés. Celui de Parme s'est autonomisé et incarne désormais une sorte d'opposition interne à Beppe Grillo. Celui de Livourne souffre mille morts pour imposer ses réformes. Ailleurs, d'autres ont été carrément virés à peine élus. On souhaite bonne chance à Virginia Raggi ! Si elle devait être élue, elle deviendrait la première femme maire dans l'histoire de la ville.

Philippe Ridet

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Après deux années au pouvoir, Matteo Renzi a toujours faim (de réformes)

Italian Premier Matteo Renzi listens to a reporter's question during a press conference at Rome's foreign press association, Monday, Feb. 22, 2106. Renzi briefed foreign correspondents on his two years in government. (AP Photo/Domenico Stinellis).

Le premier ministre italien, Matteo Renzi, lors d'une conférence de presse devant les journalistes étrangers à Rome, lundi 22 février 2016. (AP Photo/Domenico Stinellis).

Deux ans, ça se fête­ ! Le président du conseil n'a laissé à personne d'autre que lui le soin de tracer son bilan après deux années passées à la tête du gouvernement. Intervenant, lundi 22 février, au siège de la presse étrangère devant un parterre de journalistes internationaux  – destinés, espère-t-il, à porter sa gloire jusqu'aux confins du monde –, Matteo Renzi s'est présenté comme le patron de l'exécutif «qui a fait le plus de réformes en aussi peu de temps». Et a assuré son auditoire qu'il avait «encore faim»,  fixant le terme de son (premier) mandat en février 2018.

La preuve ? Dans la matinée, il a confié à sa page Facebook son idée d'organiser un référendum en ligne afin que les internautes choisissent eux-mêmes la prochaine réforme... Admirateur de Tony Blair, Bill Clinton et Barack Obama, c'est dans leurs pas qu'il veut inscrire son action. «Je représente la troisième voie joyeuse», a-t-il souri en rejetant la «gauche maximaliste, incapable de gagner ne serait-ce que dans une association de copropriétaires».

Mettre fin au débat «au plus vite» sur le pacte d'union civile

Revenant sur le débat en cours au Sénat sur le pacte d'union civile pour les couples homosexuels, il a, sans le dire ouvertement, enterré l'article permettant l'adoption de l'enfant du conjoint par le partenaire, une possibilité décriée par les élus catholiques. Arguant que le Parti démocrate (centre gauche) n'a pas de majorité au Sénat et que le Mouvement 5 étoiles n'est pas fiable, il se tournera donc vers les parlementaires centristes (qui ne veulent pas de l'adoption) pour en trouver une et mettre «fin au plus vite à ce débat» qui menace de gâcher un peu son anniversaire.

Lire aussi (édition abonnés) : Le pacs à l'italienne menacé par les petits calculs électoraux

Toujours en guerre contre «l'Europe sans idéal», il a attaqué les pays de l'Est qui rechignent à accueillir des migrants et s’est prononcé en faveur d'une indexation des aides européennes sur le nombre de candidats à l’exil accueillis par chacun d'eux : «On ne peut être solidaires quand il s'agit de prendre l'argent, et ne pas l'être quand il s'agit des immigrés.» A propos de l'accord avec la Turquie, que Rome a tardé à ratifier, il a déclaré «qu'il était important mais pas décisif». Il lui préfère une aide massive de l'Union européenne en faveur de l'Afrique. Sa conviction: «Ou l'Europe change, de politique économique, d'approche sur l'immigration, la façon dont elle gère l'idée même de communauté, ou elle prend le risque de réduire à néant la plus grande opération de construction politique jamais réalisée...»

«L'Italie est de retour, a-t-il réaffirmé. Pendant des années, nous n'avions pas droit au chapitre sur la politique étrangère, car on estimait que nous avions déjà suffisamment de problèmes avec notre politique intérieure. Désormais, l'Italie veut être un acteur.» Et Matteo Renzi s'est déjà réservé le premier rôle.

Philippe Ridet

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