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Racketiciel : Dernier « tir » judiciaire
L'AFUL fait le point sur ce qui dessine comme le dernier épisode de la lutte contre les racketiciels en France … et même en Europe. Dans un contexte où le gouvernement Hollande soutient en fait la vente forcée de logiciels avec du matériel informatique, malgré toutes ses promesses de campagne, la Cour de Cassation se tourne maintenant vers la Cour de Justice de l'Union Européenne.
Le dossier des racketiciels, ces logiciels pour lesquels on vous oblige à payer un droit d'usage avec l'achat d'un matériel informatique (ordinateur ou autre), est un dossier que l'Aful mène depuis plus de 18 ans. Les plus jeunes observateurs de cette action se demandent souvent pourquoi c'est une association du Libre qui la mène et non pas une association de consommateurs. L'Aful s'est investie dans cette action car nous voyons un réel intérêt à rendre le choix au consommateur. Nous sommes convaincus qu'avec un choix retrouvé, le logiciel libre grand public se ferait une place bien plus large que celle qu'elle a réussi à obtenir contre un système protégeant une position dominante et que de grandes innovations d'usages pourraient émerger avec une réelle part de marché. Les racketiciels tuent l'innovationQuand on observe l'informatique grand public de ces 40 dernières années, rien n'a radicalement évolué. Les principes inventés par Xerox au début des années 70 sont toujours présents dans les systèmes d'exploitation grand public. Ils sont certes toujours plus jolis, mais cela reste la même chose. Pourtant, plusieurs systèmes d’exploitations, la plupart sur base GNU-Linux, ont proposé et essayé des interfaces utilisateur très innovantes qui auraient permis à l'usage de l'informatique grand public de faire un bond en avant. Malheureusement, la situation des racketiciels rend impossible de pénétrer ce marché. Ces systèmes novateurs restent totalement inconnus des non-initiés. Toutes les pistes ont été exploréesAfin de mettre un terme à ce scandale de la vente forcée de logiciels avec du matériel informatique, nous avons réellement tout essayé ces 15 dernières années. Même si nous avons réussi quelques trucs, malheureusement rien n'a réellement changé.
Si tout cela nous a coûté des milliers de jours de travail de bénévoles, cela a aussi coûté à l'Aful des dizaines de milliers d'euros. En effet, sur les actions judiciaires, nous ne pouvions pas laisser les volontaires, souvent dans des situations financières compliquées, supporter l’ensemble des coûts liés à un procès. L'association a donc toujours été en support, que ce soit sur la stratégie, sur l'argumentation à utiliser auprès des juges de proximité, et aussi financièrement. En justice !En 2006, lorsque nous avons investi le terrain judiciaire, c'était relativement simple. Le membre de l'Aful allait seul devant le juge de proximité, après s'être fait préparer par l'équipe d'accompagnement de l'Aful, pour y expliquer son problème. La plupart du temps, le consommateur gagnait. Cependant, même s'il gagnait, la décision du juge était juridiquement pauvre et ne faisait pas avancer la jurisprudence. Malgré cela, nous savions que nous étions un réel poil à gratter car nous allions au combat encore et encore, même si c'était un peu la fleur au fusil. Stratégie juridiqueNous avons donc décidé de mettre en œuvre deux stratégies judiciaires en parallèle :
Sur la première, c'était assez facile. Nous avions la chance de compter sur Maître Frédéric CUIF qui s'était investi bénévolement sur ce dossier. Il connaissait donc parfaitement l'argumentation et grâce à sa connaissance du système judiciaire et de la législation applicable en la matière, nous avons pu déployer une stratégie de moyen terme. La seconde a été plus compliquée. Faire bouger une association de consommateurs sur un tel sujet n'a pas été aisé. En effet, tout le monde à l'UFC-Que-Choisir utilise Microsoft Windows, et a bien ancré dans son esprit l'équation « PC=Windows ». Ils avaient du mal à comprendre le problème. Comme nous conseillions aux consommateurs qui nous contactaient d'adhérer à l'UFC (et non pas à l'Aful), cela a commencé à bouger chez eux. Malheureusement, quand ils se sont décidé à « y aller », leur conseil n'a absolument pas voulu s'appuyer sur nos travaux, nos angles d'attaque et nos argumentaires juridiques. Il s'est naturellement fait laminer dans les différents tribunaux, avec l'exploit d'obtenir des décisions de justice contraires à l'intérêt du consommateur et aux victoires que nous avions remportées de notre côté depuis plusieurs années. Il nous a fallu près de 5 ans pour corriger la jurisprudence désastreuse qui avait été générée par les consommateurs qui, contrairement à nos conseils, allaient seuls en justice et par l'UFC … Toute notre stratégie judiciaire entre 2008 et 2013 a été l'effet cliquet : à chaque décision, et même lorsque notre consommateur perdait au tribunal, nous faisions valider un point juridique. Quand il y avait lieu, nous n'hésitions pas à présenter le dossier à la Cour de Cassation (ou à la Cour d'appel) afin d'appuyer tel ou tel élément juridique. AssèchementLe gros problème de cette stratégie, c'est qu'elle coûte cher. Très cher. Trop cher. Face à de très gros cabinets d'avocats payés à grand frais par les constructeurs informatiques, nous sommes rapidement arrivés à des choses absurdes telles que des mémoires juridiques de plusieurs centaines de pages à chaque fois au juge de proximité. Du jamais vu par ces juges qui ont l'habitude de juger de petits litiges d'impayés de factures … Sur l'un des procès, le cabinet d'avocat du constructeur est venu avec une dizaine de classeurs contenant notamment près de 2000 pages de pièces ! Bref, ces procès sont devenus tellement stratégiques pour les constructeurs attaqués qu'il n'hésitent plus une seconde à dépenser près d'une centaine de milliers d'euro sur un seul litige (à l'origine, de 100€). Ils ont mis le temps, mais ils ont finalement compris que c'est bien à un système mondialisé que nous nous attaquions et que si nous gagnions en France, c'est tout le système qui tombait. L'avocat de Hewlett-Packard le précisait encore récemment à une audience face à notre avocat. Eux comme nous, savions très bien que nous ne pourrions pas continuer longtemps ainsi. Ces procès ont littéralement asséché les caisses de l'association et nos recettes ne suivent pas, sans compter que l'Aful a d'autres groupes de travail qui, eux aussi, nécessitent de l'argent pour travailler. Même lorsque nous gagnons, les juges sont tellement sur une autre planète qu'ils n'accordent que quelques centaines d'euro à notre consommateur. Somme qui couvre à peine le billet de train pour se rendre au tribunal … Réduction des actionsAlors, nous avons soigneusement choisi nos combats. Le nombre de procès a été grandement réduit entre 2013 et 2014 pour finalement tomber à zéro en 2015. Seuls les dossiers en cours continuent d'être soutenus et aucun nouveau n'a été lancé depuis un moment. Nous payons aussi l'essoufflement des bénévoles qui pilotent ce dossier. Depuis plus de 10 ans, ils sont à fond sur ce dossier ! Ils ne comptent pas leur temps et ont abattu un travail extraordinaire. Mais les priorités de chacun évoluent au fil du temps et le manque de résultats concrets au vu de l'énergie dépensée décourage. Malgré plusieurs appels, personne n'est venu au secours de l'Aful, ni au secours de l'équipe de pilotage, ce que nous regrettons fortement. Quelqu'un a dit :
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