Célèbre poème de
Louis Aragon que Léo ferré avait mis en musique en 1960 et repris par de nombreux artistes comme P.Leotard ou C.Sauvage mais c'est B. Lavilliers qui apportera une autre touche ,un autre volume , un élan d'humanité supplementaire lié surement à sa personalité
....
Cependant ce poème avait été réduit et remodelé aux volontés de
Léo Ferré afin de structurer le texte à sa musique...
Voici le poème dans sa globalité :
Bierstube Magie allemande
Et douces comme un lait d'amandes
Mina Linda lèvres gourmandes
qui tant souhaitent d'être crues
A fredonner tout bas s'obstinent
L'air
Ach du lieber Augustin
Qu'un passant siffle dans la rue
Sofienstrasse Ma mémoire
Retrouve la chambre et l'armoire
L'eau qui chante dans la bouilloire
Les phrases des coussins brodés
L'abat-jour de fausse opaline
Le
Toteninsel de Boecklin
Et le peignoir de mousseline
qui s'ouvre en donnant des idées
Au plaisir prise et toujours prête
O Gaense-Liesel des défaites
Tout à coup tu tournais la tête
Et tu m'offrais comme cela
La tentation de ta nuque
Demoiselle de Sarrebrück
Qui descendais faire le truc
Pour un morceau de chocolat
Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus
Tout est affaire de décors
Changer de lit changer de corps
A quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays
Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Que faut-il faire de mes nuits
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
je m'endormais comme le bruit
C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenait mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier
Hohenzollern
Entre la
Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de
Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola
Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu
Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du
Rainer Maria Rilke
Il faut remettre ce poème dans le contexte auto-biographique de l'auteur :
un moment de la vie d'
Aragon, la guerre et ce qui s'en suivit (celle de
14-18), l'occupation en Allemagne,
- un désenchantement, le vainqueur contemple les vaincus, évalue son humanité et la leur, le résultat est un grand gâchis pour les deux nations.
Bierstube est le bar à filles, ce poème est plein de clichés qui vont tomber peu à peu, le fameux romantisme allemand ne résiste pas à l'autocritique du poète. Dans ce poème d'ambiance élégiaque, de nostalgie et de désillusion crue, Aragon évacue ses rêves d'universalité, n'est pas fier du repos du guerrier......
La dernière apparition publique de Léo Ferré a eu lieu à la
Fête de l'Humanité en
1992 où l'avait invité
Bernard Lavilliers,
et avec qui il chante devant plusieurs milliers de personnes : est-ce ainsi que les hommes vivent ?
- published: 08 Apr 2016
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