Référendum en Ecosse : L’élan démocratique fracassé sur la peur du changement.

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Ils sont beaux. Dans les rues, les filles et les fils d’Ecosse, partisans du oui, jeunes et vieux, grands-parents, parents et enfants, se rassemblent, rient, parlent, se taisent, agitent le drapeau écossais. Mais toujours le sourire éclaire leurs visages. Il n’y a pas de peur, d’appréhension, pas de tension. Pas de colère non plus. Même les débats entre ‘unionistes’ (ceux qui sont pour le oui) et ‘autononomistes’ (ceux qui sont pour le non) sont touchants. Deux anglais, la soixantaine un peu bonhomme, ont planté leurs pancartes ‘please don’t leave us’ au milieu d’un parc pour discuter spontanément et humblement avec les partisans du oui. On retrouve l’engouement pour la politique que l’on a ressenti en France en 2005 lors du référendum sur le traité européen. Le peuple se passionne pour la politique quand l’enjeu en vaut la peine. De fait, dans les rues, aux fenêtres, jusque dans les fenêtres, la couleur bleue du OUI s’affiche. Aux fenêtres, le YES s’affiche plus grand que le NON. Le sentiment ressenti en arpentant les rues d’Edimburgh, du quartier central aux quartiers populaires ou résidentiels, est globalement que le OUI porte la tête haute, s’affiche, que c’est un choix d’adhésion et que le NON est plus discret, peut être même parfois un peu honteux. On voit parfois quelques drapeaux britanniques, mais ils sont plus rares. Le NON est défendu par les partis ‘historiques’ (labor et tories), par les médias dominants (tous les journaux britanniques et écossais sauf un), par l’ ‘establishment’ (banques, entreprises…). Tandis que le OUI est défendu par des comités de citoyens très présents sur les réseaux sociaux, et les autres partis non dominants : SNP (parti nationaliste écossais d’Alex Salmond), les verts, l’extrême gauche…. Le SNP (parti indépendantiste majoritaire au parlement écossais) à l’initiative de ce référendum est pourtant invisible en cette veille de scrutin dans la campagne de terrain. Les comités s’organisent impeccablement : dans les locaux du comité d’Edimburg, les citoyens viennent récupérer du ‘matériel’ (brochures, tracts, autocollants) et repartent convaincre les indécis en tenant des étals dans les rues ou en faisant du porte-a-porte. A un partisan du NON qui faisait valoir que l’on était plus fort a 4 que seul. Un partisan du OUI réplique : plus fort pour qui ? Au bénéfice des multinationales et des banques de la City, de l’oligarchie de Westminster ? Les indépendantistes ont la volonté de voir le pouvoir se rapprocher du niveau local, de voir le choix politique des écossais être pris en compte.Le quadrillage du quartier est organise de façon systématique, rue par rue, habitant par habitant. Il s’agit davantage de ‘convaincre que de protester’ prévient le comité ‘Yes Edinburg’.

Le soir, les partisans du OUI se rassemblent cependant a Meadows Park, galvanisés par une victoire a portée de main. Des centaines de personnes dans la joie chantent au son de la cornemuse et scandent des slogans en chœur. “Scotland to the people”, “No more fear”, “Bairs not bombs”, “Future in our hands”, “No more tories”…Leurs revendications ne sont pas nationalistes. Ils réclament de pouvoir reprendre leur destin en main pour redéfinir leur priorité : plus de justice sociale et plus de démocratie. Conserver un système de santé public et leurs retraites, gérer leurs ressources naturelles, refuser les armes nucléaires, rejeter la politique étrangère militariste de Londres (les écossais ne voulaient pas de la guerre en Irak), développer une économie plus locale et plus verte. Le NON est le vote du statu-quo, conservateur au sens propre du terme. La cornemuse anime le rassemblement, et une jeune femme à l’accent écossais bien marqué prend le micro, salue les indépendantistes d’autres contrées présents au meeting, et dans l’enthousiasme général, appelle la foule à marcher sur le Parlement, devant lequel ils resteront jusqu’à tard en cette veille de scrutin.

Face à eux, les partisans du NON jouent sur la peur du changement, arguant de l’impossibilité de mettre en oeuvre les propositions des indépendantistes, le cataclysme monétaire que l’indépendance engendrerait. Ils ont gagné, mais jusqu’à quand seront-ils majoritaires ?

On retrouve dans les débats de ce référendum en Écosse le nouveau clivage que l’on voit apparaître dans d’autres pays européens : le clivage droite-gauche disparaît pour un clivage système-antisysteme. Les partis dominants, la droite conservatrice et la gauche social-démocrate défend envers et contre tout (et surtout contre le peuple) le TINA (‘There Is No Alternative’) cocktail de système oligarchique et de libéralisation débridée.

 Cette opposition au système est à multiples facettes en Europe : En vrac, Podemos en Espagne, Siryza en Grèce, Beppe grillo en Italie, une bande d’anarcho-punks en Islande, les mouvements indépendantistes en Catalogne, au Pays Basque, en Ecosse, les Indignés, Occupy-1%,  mais aussi de l’autre coté de l’échiquier politique, Marine LePen en France, et l’extrême droite qui progresse un peu partout en Europe. Ces mouvements peuvent donc prendre soit une voie pour plus de justice sociale (comme en Ecosse), soit une voie pleine de haine (comme en France avec l’extreme droite) mais ce sont les mêmes électeurs issus de la majorité silencieuse qui refuse la résignation contre le système en place.

 Vive l’Ecosse libre ! 

Céline Trèfle et Gabriel Manet

(en live du pub aux 100 whiskys Conan Doyle à Edimburg)

Edimburg, 16-17 septembre 2014. 

PS : et en bonus 3min de diaporama sur l’hymne écossais, Flowers of Scotland. Cliquez :

https://vimeo.com/106799440

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