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mercredi 30 novembre 2016

L’OCDE et son étrange révision procyclique des multiplicateurs budgétaires



« L’OCDE vient juste de publier son Global Economic Outlook de novembre 2016. Ses prévisions suggèrent une accélération des taux de croissance à travers le monde, en particulier dans les pays qui prévoient de mettre en œuvre une expansion budgétaire. Dans le cas des Etats-Unis, l’OCDE (qui s’appuie sur le programme de l’administration Trump) s’attend à une accélération de la croissance du PIB et estime que celle-ci devrait atteindre 3 % en 2018.

Je suis soulagé de voir que l’OCDE est plus ouverte à l’idée qu’une expansion budgétaire puisse être le bon choix en matière de politique économique dans un environnement de faible croissance économique. Je suis aussi très heureux de voir que l’OCDE soit prête à admettre l’idée que les multiplicateurs budgétaires soient plus larges que ce qu’elle pensait précédemment.

Mais je suis intrigué à l’idée que l’OCDE semble ignorer ses précédentes préconisations, particulièrement désastreuses, en matière de politique économique. Et je suis encore plus intrigué de constater qu’elle révise ses estimations des multiplicateurs budgétaires (en particulier pour les réductions d’impôts) au mauvais moment du cycle d’affaires, lorsque l’économie doit être plus proche de son plein emploi.

Voici l’histoire : en 2011, plusieurs pays développés ont abandonné la relance budgétaire pour embrasser l’austérité, alors même que leurs taux de croissance étaient faibles et leurs taux de chômage élevés. Au cours de ces années, l’OCDE semblait d’accord avec cette généralisation de l’austérité, au vu des niveaux élevés de dette publique (la consolidation budgétaire lui semblait nécessaire). Elle avait tout à fait conscience qu’il y avait certains effets négatifs sur la demande globale, mais comme elle supposait que les multiplicateurs étaient d’environ 0,5 (alors même que les économies étaient au cœur d’une crise avec d’énormes taux de chômage !), elle pensait que le coût de l’austérité ne serait pas très élevé.

Aujourd’hui, dans une économie où le taux de chômage est inférieur à 5 %, où la croissance des salaires et l’inflation retournent à des valeurs normales et où la banque centrale s’apprête à relever son taux d’intérêt, l’OCDE retourne sa veste et annonce qu’elle change ses estimations des multiplicateurs budgétaires pour les rapprocher de l’unité, alors même que les mesures budgétaires qui ont été annoncées consistent pour l’essentiel à réduire les impôts pour les ménages les plus aisés, c’est-à-dire ceux qui présentent la plus faible propension à consommer.

C’est ce que j’appellerais une révision procyclique des multiplicateurs budgétaires. Appeler à l’austérité budgétaire au milieu d’une crise économique et à la relance budgétaire en période d’expansion. C’est l’opposé de ce qui constitue la politique budgétaire optimale !

Et, bien sûr, les médias (notamment le Financial Times) ont présenté l’étude de l’OCDE comme validant les politiques de la nouvelle administration au pouvoir aux Etats-Unis. Je laisse pour un autre billet (plus long) l’absence de toute discussion sérieuse des risques associés à la présidence Trump. Cela me dérange tout particulièrement, de la part d’une organisation qui s’est montrée obsédée par les risques d’inflation et d’appréciation excessive des prix d’actifs durant la crise. »

Antonio Fatás, « The OECD procyclical revision of fiscal policy multipliers », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 9 août 2016. Traduit par Martin Anota

lundi 28 novembre 2016

Est-ce que les nouveaux keynésiens supposent le plein emploi ?

« J’ai essayé d’être le plus clair possible, mais ce billet reste principalement destiné aux économistes.

Nick Rowe affirme que le modèle des nouveaux keynésiens suppose le plein emploi. Je pense qu’il tient quelque chose, mais alors qu’il considère avoir affaire à un problème avec le modèle, je pense qu’il s’agit plutôt d’un problème avec le monde réel.

Nick considère une économie toute simple avec des travailleurs indépendants et ayant une espérance de vie infinie, où nous sommes au niveau d’équilibre (c’est-à-dire de long terme) de la consommation, cette dernière s’écrivant C(t) = production Y(t) = 100. Puis, quelque chose de mauvaise (ce que les économistes appellent un "choc négatif") survient :

" Chaque agent est soumis à de mauvais esprits animaux. Il y a une tâche solaire. Ou quelqu’un oublie de sacrifier une chèvre. Donc, chaque agent s’attend à ce que chacun des autres agents consomme désormais C(t) = 50. Donc chaque agent s’attend à ce que son revenu soit de 50 à chaque période désormais. Donc, chaque agent réalise qu’il doit réduire sa consommation, c’est-à-dire la ramener à 50 à chaque période, sinon il aura à emprunter pour financer son épargne négative et s’endettera toujours plus, jusqu’à ce qu’il atteigne sa limite d’endettement et qu’il soit forcé à réduire sa consommation sous 50, ne serait-ce que pour rembourser les intérêts sur sa dette."

Disons cela plus formellement : chaque agent croit que le niveau d’équilibre de la production a chuté. Cela implique à son tour que chacun commet une erreur à propos du niveau de travail désiré des autres. Je suppose que c’est une croyance erronée. Si la croyance était correcte, alors il n’y aurait pas de problème : le niveau d’équilibre de la production devrait chuter, car les gens veulent plus de loisir et moins de travail.

Disons cela plus formellement : chaque agent croit que le niveau d’équilibre de la production a chuté. Cela implique à son tour que chacun commet une erreur à propos du niveau de travail désiré des autres. Je suppose que c’est une croyance erronée. Si la croyance était correcte, alors il n’y aurait pas de problème : le niveau d’équilibre de la production devrait chuter, car les gens veulent plus de loisir et moins de travail.

Nick dit qu’il n’y a rien qu’une banque centrale contrôlant le taux d’intérêt réel puisse faire à propos de cette croyance erronée à propos de l’équilibre, parce que la variation des taux d’intérêt réels change seulement le profil de la consommation (la consommation est transférée du futur au présent) et non son niveau global. C’est correct. De plus, si chaque individu suppose simplement que ce qu’il pense est exact et ne s’inquiète même pas d’offrir son niveau de travail d’avant-choc aux autres, alors c’est en en fait un nouvel équilibre auquel les autorités monétaires ne peuvent rien faire.

Mais les gens et les économies ne sont pas comme ça. Chaque agent veut travailler au niveau d’avant-choc et va le signaler d’une certaine manière. Les agents vont voir que l’économie a un chômage généralisé et, par conséquent, ils vont réviser leurs anticipations à propos de l’équilibre. Je pense que le Nick sait, parce qu’il écrit que le modèle des nouveaux keynésiens doit "juste supposer que l’économie s’approche continuellement du plein emploi à la limite, lorsque le temps tend vers l’infini, sinon notre courbe de Phillips nous dit que nous nous retrouverons finalement avec de l’hyperfinflation ou de l’hyperdéflation, et nous ne pouvons avoir une telle prédiction de notre modèle (…)."

Il traite cela comme s’il y avait un problème, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Après tout, nous n’avons aucun problème avec l’idée que les consommateurs vont réviser à la baisse leurs anticipations de revenu futur s’ils constatent de façon inattendue qu’ils sont toujours endettés. De même, je n’ai aucun problème avec l’idée selon laquelle, dans l’économie de Nick avec un chômage involontaire généralisé et visible, les consommateurs peuvent penser qu’ils commettent une erreur à propos de l’offre de travail que désirent les autres.

Je vais le formuler autrement. Dans une économie à une seule personne, il ne peut pas y avoir de chômage. Le problème survient parce que dans une économie réelle, nous devons anticiper ce que les autres vont faire. Mais s’il existe des signaux qui nous aident à formuler correctement nos anticipations, alors cela nous permet de sortir de l’équilibre associé à la croyance erronée.

Ce qui m’amène à expliquer pourquoi je pense que Nick tient quelque chose à propos du monde réel. Supposons qu’il y ait un choc comme une crise financière, qui réduit juste temporairement, mais fortement, la demande globale et génère du chômage. Les banques centrales ne peuvent suffisamment réduire les taux d’intérêt réels pour éliminer le chômage en raison de la borne inférieure zéro. L’inflation chute, mais parce que chacun pense initialement que c’est juste temporaire, et peut-être aussi en raison d’une aversion aux réductions de salaires nominaux, nous n’obtenons qu’une modeste chute de l’inflation.

Maintenant, supposons que les gens révisent erronément leurs croyances à propos de la production d’équilibre, qu’ils considèrent plus proche de la production courante. Supposons aussi que le chômage se poursuive, parce que les entreprises substituent du capital au travail (comme au Royaume-Uni) ou que les travailleurs sont découragés (comme aux Etats-Unis). Nous nous retrouvons à ce qui s’apparente au mauvais équilibre de Nick. Même l’inflation retourne à sa cible, parce que l’écart de production courant semble disparaître. Nous n’avons plus aucun signal qu’il existe une alternative, meilleure pour chacun, avec l’inflation à la cible et une plus grande production.

Maintenant, nous pouvons sortir de ce mauvais équilibre, si un certain choc positif ou bien une relance budgétaire ou monétaire accroît ‘temporairement’ la demande globale et que les gens voient que, parce que les entreprises ont substitué du travail au capital ou parce que les travailleurs découragés sont revenus dans la vie active, l’inflation n’a pas augmenté bien au-dessus de la cible. Mais supposons que les responsables politiques commencent aussi à partager ces croyances erronées, et donc n’essayent pas de nous sortir de ce mauvais équilibre. Cela peut-il décrire la stagnation séculaire dans laquelle nous nous trouvons ? »

Simon Wren-Lewis, « Do New Keynesians assume full employment? », in Mainly Macro (blog), 11 novembre 2016. Traduit par Martin Anota

dimanche 27 novembre 2016

Les liens de la semaine

Croissance, fluctuations et crises

  • France : les problèmes repoussés dans le temps? (Patrick Artus)
  • La croissance aux Etats-Unis dans la période récente : elle n’est pas "jobless", elle n’est pas "investmentless", elle risque d’être "earningsless" (Patrick Artus)
  • Economies émergentes : séparer le bon grain de l'ivraie (Natixis)
  • Où est localisé l’excédent supposé d’épargne privée du Monde, qui justifierait l’appel à des politiques keynésiennes ? (Patrick Artus)


GRAPHIQUE Productivité par tête en zone euro (glissement annuel, en %)

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source : Patrick Artus (2016)

Productivité, profits...

  • Le mystère des gains de productivité (Patrick Artus)
  • Peut-on espérer que la faiblesse des gains de productivité n’est que temporaire ? (Patrick Artus)
  • Que pourrait-on faire avec des gains de productivité horaire plus élevés ? (Patrick Artus)
  • A quoi a servi la hausse récente des profits de la zone euro? (Patrick Artus)
  • France ; partir du problème majeur : la production domestique ne répond plus à la demande (Patrick Artus)


Inflation

  • Les ressorts inflationnistes se retendent (OFCE)
  • Inflation structurellement plus élevée aux Etats-Unis que dans la zone euro ou au Japon : quelles conséquences ? (Patrick Artus)
  • Et si nous parlions d'inflation ? (Natixis)


GRAPHIQUE Evolution des l'indice des prix en France et de sa composante énergie

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source : OFCE (2016)

Démographie et immigration

  • Vieillissement de la population : risque inflationniste ou déflationniste ? (SocGen)
  • La situation potentiellement dramatique des pays vieillissants et n’acceptant pas l’immigration (Patrick Artus)
  • L’effet majeur de la démographie et des migrations sur les perspectives de croissance des pays de la zone euro (Patrick Artus)


Environnement et ressources naturelles

  • Pétrole : intense ballet diplomatique avant le sommet de l’OPEP (Le Monde)
  • Les États-Unis peuvent-ils retourner au charbon ? (Patrick Artus)
  • En Arctique, la température excède la normale de 20 °C (Le Monde)
  • Les ouragans migrent au Nord et menacent la côte est des Etats-Unis (Le Monde)
  • Et si l’accord de Paris accélérait le changement climatique ? (D'un champ l'autre)
  • Comment nourrir la planète ? (Project Syndicate)


Instabilité et régulation financières

  • Les marchés continuent de jouer la carte Donald Trump (Le Monde)
  • Les marchés financiers s’habituent progressivement à tout (Patrick Artus)
  • Pourquoi les actions ne servent-elles plus à financer l’économie ? (Patrick Artus)
  • #entretien "Il faut remettre la finance au service de l’économie réelle" (Jézabel Couppey-Soubeyran)
  • Crises monétaires et financières : déjà, sous l'Antiquité... (La Tribune)


Politique économique

  • Trois idées fausses mais répandues concernant les pays de l’OCDE (Patrick Artus)
  • Les politiques traditionnelles ne peuvent rien pour corriger le couple diabolique : faiblesse des gains de productivité, stagnation du commerce mondial (Patrick Artus)


Politique budgétaire

  • Pour relancer la croissance de la zone euro, faut-il accroître ou réduire les déficits publics ? (Patrick Artus)
  • Le dernier budget du quinquennat a été remanié par les députés (Le Monde)
  • La Commission européenne veut plus de dépenses budgétaires ! (Alter éco plus)
  • Le discret aggiornamento de la Commission Européenne (Charles Wyplosz)
  • Qu’ont à l’esprit ceux qui préconisent un supplément de déficit public dans la zone euro ? (Patrick Artus)
  • Le retour de la Courbe de Laffer (Patrick Artus)


Politique monétaire

  • La Fed était favorable à une hausse des taux avant la présidentielle (La Tribune)
  • Quel sera l’impact de Trump sur la politique monétaire américaine ? (The Conversation)
  • En Inde, la pénurie de billets de banque handicape la croissance (Le Monde)
  • La bonne et la mauvaise démonétisation (Project Syndicate)
  • Que se passe-t-il quand le bilan de la banque centrale augmente continûment ? Les leçons du cas japonais (Patrick Artus)
  • Que doivent faire les banques centrales si la politique monétaire n’arrive pas à redresser l’inflation sous-jacente? (Patrick Artus)


Commerce international


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source : La Tribune (2016)

Finance internationale


Intégration européenne

  • Italie : un "non" le 4 décembre conduira-t-il à une sortie de la zone euro ? (La Tribune)
  • L'Italie, talon d'Achille de l'Europe (La Tribune)
  • Martin Schulz se décide à quitter la présidence du Parlement européen (Le Monde)
  • Quelques mécanismes et faits qu’il faudrait que les partis populistes de la zone euro aient à l’esprit (Patrick Artus)
  • Il est urgent que l’Union Européenne, ou la zone euro, prenne des mesures visibles en faveur des européens en difficulté (Patrick Artus)
  • S’il est définitivement impossible de mettre en place des transferts permanents entre les pays de la zone euro, alors que faut-il faire? (Patrick Artus)
  • Comment améliorer la gestion des taux de change réels (de la compétitivité-coût) entre les pays de la zone euro ? (Patrick Artus)


Inégalités et stratification sociale


Scolarité, inégalités scolaires...


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source : Alter éco plus (2016)

Travail, emploi, chômage

  • La nouvelle baisse du chômage (- 0,3%) va accélérer la candidature Hollande (La Tribune)
  • François Hollande a-t-il gagné son pari sur le chômage ? (OFCE)
  • Une autre histoire du chômage sous Hollande (La Tribune)
  • France : peut-on revenir au plein emploi sans accroître les inégalités ? (Patrick Artus)
  • Quels emplois demain ? La réflexion est en cours... (La Tribune)
  • Le problème d’éducation et de chômage de certains pays de l’OCDE est-il un problème d’argent ? (Patrick Artus)
  • Faut-il continuer à baisser les cotisations sociales des entreprises en France? (Patrick Artus)
  • Comment réduire le chômage des peu qualifiés ? (Patrick Artus)
  • Le modèle nordique fait toujours autant rêver l’Europe (Le Monde)


Science politique


Fillon, Juppé...


... et la réforme de l'Etat

  • Fillon, Juppé et les fonctionnaires en moins : peut-on les croire ? (La Tribune)
  • Idées reçues sur les fonctionnaires : "Ils ne servent à rien" (Le Monde)
  • Idées reçues sur les fonctionnaires : "Ils sont trop nombreux" (Le Monde)
  • Idées reçues sur les fonctionnaires : "Ils ont tous la sécurité de l’emploi" (Le Monde)


GRAPHIQUE Le nombre de fonctionnaires a augmenté depuis 1980, comparé à la population active, mais très peu comparé à la population totale

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source : Le Monde (2016)

Trump





lire la précédente revue de presse

voir la sélection de tweets de Xavier Molénat

vendredi 25 novembre 2016

Quelle devrait être l'ampleur des déficits publics aux Etats-Unis ?



« Le gouvernement américain peut emprunter à des taux d’intérêt très proches de zéro. Les bénéfices à long terme de l’investissement public sont certainement supérieurs à zéro. N’est-il pas évident que les arguments en faveur d’un surcroît d’endettement public sont légion ? que nous pouvons et devons générer de plus larges déficits budgétaires ?

En fait, la réponse n'est pas si évidente que cela.

Certes, les coûts d’endettement du gouvernement américain sont très faibles. En effet, lorsque l’inflation est prise en compte, le gouvernement américain peut emprunter à des taux d’intérêt réels négatifs. De tels taux sont substantiellement plus faibles que le taux de croissance (faible, mais positif) du PIB américain. Même les taux d’intérêt de long terme sont faibles, donc en émettant une dette à long terme, le gouvernement peut être sûr de payer de faibles taux d’intérêt pendant un certain temps.

Certes, si les taux d’intérêt restaient à jamais à un plus faible niveau que les taux de croissance du PIB, cela aurait un avantage énorme pour les finances publiques : Le gouvernement peut émettre de la dette, ne jamais la rembourser, et pourtant le ratio dette publique sur PIB déclinerait régulièrement. Aucune taxe ne serait jamais nécessaire pour assurer la soutenabilité de l’endettement public. Même si l’inégalité était inversée à un moment ou à un autre dans le futur (ce qui peut très bien être le cas), les impôts nécessaires pour maintenir le ratio dette publique sur PIB sur une trajectoire soutenable seraient faibles. Plus le temps du renversement est distant, plus faible sera le montant des impôts nécessaires.

Certes, si l’économie opérait loin de son potentiel, les arguments en faveur de larges déficits publics seraient robustes. Sous de telles conditions, les autorités devraient sûrement accroître l’investissement public et le financer par l’emprunt. Et même une hausse des dépenses courantes, disons des transferts budgétaires directs, serait justifiée : cela accroîtrait la demande agrégée et ramènerait l’économie à son potentiel, avec pas ou peu de coût fiscal. Donc, c’est bon ? Nous pouvons trancher ? Non.

L’économie américaine est proche de son potentiel. Les récentes pressions inflationnistes suggèrent que nous sommes proches du plein emploi. Le taux de croissance du PIB américain, qui a tourné autour de 2 %, est proche des estimations courantes de la croissance potentielle. L’inflation est toujours sous sa cible, mais l’on prévoit qu’elle l’atteindra bientôt.

Cela implique que, si les autorités américaines voulaient éviter une économie en surchauffe, un surcroît de dépenses publiques devrait être compensé par une réduction d’une composante des dépenses privées (qui risque d’être obtenue par une hausse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale). Dans la mesure où la réduction risque de se faire sur l’investissement privé, le coût d’opportunité de l’investissement public ne serait pas le taux d’intérêt sur les obligations publiques, mais le produit marginal du capital privé qui s’en trouverait évincé. Etant donné l’état déplorable du capital public aux Etats-Unis, les arguments sont toujours ici en faveur d’une hausse des dépenses publiques et donc d’un creusement des déficits publics, mais ils sont moins robustes.

Y a-t-il des arguments en faveur d’un surcroît d’actions ? La réponse est un oui mitigé.

Il y a des arguments en faveur d’une économie américaine temporairement en surchauffe. La raison tient en ce que nous appelons les effets d’"hystérèse" (ou d’"hystérésis"), quelque chose sur laquelle Larry Summers et moi avions travaillé par le passé et sur laquelle nous sommes toujours en train de travailler. En utilisant ce terme, emprunté à la physique, nous avions suggéré qu’une longue période de faible croissance et de chômage élevé pouvait entraîner des dommages permanents, qui peuvent n’être qu’en partie défaits par une période de surchauffe de l’économie. L’exemple le plus évident ici est celui du taux d’activité, qui a chuté depuis le début de la crise bien plus amplement que ne le justifiait des facteurs structurels, notamment les facteurs démographiques. Notamment, certains chômeurs qui ne parvenaient pas à trouver d’emplois se sont découragés et ont fini par arrêter de rechercher un emploi. Une période de très faible chômage peut inciter certains d’entre eux à retourner dans la population active. Donc, un plus large déficit budgétaire et une certaine surchauffe pourraient faire du bien à l’économie à long terme.

Si la surchauffe est en effet justifiée, elle peut en principe être obtenue grâce à la politique monétaire : la Fed peut retarder la hausse des taux d’intérêt et laisser l’économie se retrouver en surchauffe pendant quelques temps. Il y a cependant un argument amenant à justifier que l’on utilise la politique budgétaire plutôt que la politique monétaire. De plus larges déficits publics et une plus forte demande globale permettraient à la Fed d’accroître ses taux d’intérêt plus rapidement. Dans la mesure où des taux d’intérêt durablement faibles génèrent des risques croissants dans certains secteurs de l’économie, une hausse des taux d’intérêt diminuerait ces risques. De plus hauts taux d’intérêt éloigneraient l’économie de la borne inférieure zéro sur les taux d’intérêt, ce qui donnerait à la Réserve fédérale une plus grande marge de manœuvre si elle fait face à une nouvelle récession.

Qu’en conclure ? Il n’y a pas d’arguments plaidant pour un creusement démesuré des déficits publics aux Etats-Unis. Mais les arguments sont bien en faveur d’une expansion budgétaire, via un surcroît d’investissement public proprement ciblé. Nous devons faire deux remarques ici. La maintenance des infrastructures existantes, qui a été vraiment négligée, peut être moins glamour et politiquement moins attrayant que le lancement de nouveaux grands projets, mais c’est bien avec elle que le gouvernement américain est susceptible de tirer le plus grand bénéfice. Les partenariats privés-publics, qui ont été mentionnés par le programme Trump, peuvent ne pas être le bon outil : en ciblant des projets qui rapportent financièrement, ils risquent de privilégier le mauvais genre d’investissement public. La maintenance et les projets publics plus utiles peuvent avoir des rendements sociaux élevés, mais ils sont susceptibles d’avoir de faibles rendements financiers. »

Olivier Blanchard, « What size fiscal deficits for the United States? », 21 novembre 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« Comment expliquer le comportement de l’inflation et de l’activité suite à la Grande Récession ? »

« La crise a-t-elle réduit la croissance potentielle ? »

« L’austérité laisse des cicatrices permanentes sur l’activité ? »

jeudi 24 novembre 2016

L'état du climat en 2016

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source : The Economist (2016)

mercredi 23 novembre 2016

Jusqu’où devons-nous pousser la mondialisation ?

« Les discussions à propos du CETA, l’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne, se sont focalisées presque exclusivement sur deux questions. Elles sont importantes, mais elles ne sont pas pour autant les questions les plus fondamentales à se poser. Dans cet article, je vais tout d’abord discuter de ces deux questions et je me tournerai ensuite vers une question plus fondamentale : jusqu’où devons-nos pousser la mondialisation ?

La première question au cœur du débat autour du CETA concerne la façon par laquelle les réglementations sur l’environnement, la sécurité et la santé de chaque pays sont rendues cohérentes avec celles des autres. Pour rendre le commerce possible dans un monde où les partenaires à l’échange ont différentes règles à propos de l’environnement, de la santé et de la sécurité, une certaine procédure doit être suivie pour rendre ces règles mutuellement acceptables. Quand, par exemple, deux pays veulent commercer en volailles, ils doivent s’accorder sur ce qui constitue un poulet sain. Plusieurs opposants du CETA en Europe agissent comme si la réglementation européenne est supérieure à la réglementation canadienne (ou à la réglementation américaine dans le cas du TAFTA), c’est-à-dire comme si les poulets canadiens et américains sont suspects, pour ne pas dire empoisonnés. L’hypothèse implicite derrière cette attitude est que les gouvernements européens s’inquiètent plus de la santé et de la sécurité de leurs citoyens que les gouvernements canadiens et américains le font à propos de leurs citoyens.

Une telle attitude complique les accords commerciaux. En outre, elle n’est pas fondée sur les faits. Il n’y a pas de raison de supposer que la législation européenne en matière de santé, de sécurité et d’environnement est supérieure à celle de l’Amérique du Nord. Si c’était le cas, les régulateurs européens auraient depuis longtemps mis un terme aux émissions nocives des voitures diesel aux moteurs truqués produites en Europe. Elles ne l’ont pas fait, les autorités américaines si.

La seconde question que l’on a entendue lors des négociations du CETA concernait les procédures légales visant à résoudre les désaccords entre investisseurs étrangers et autorités nationales. L’accord commercial du CETA, comme bien d’autres, permet aux investisseurs étrangers qui se sentiraient désavantagés par les nouvelles réglementations relatives à l’environnement, la santé et la sécurité de se tourner vers une procédure d’arbitrage spéciale. C’est en effet un problème. Il serait mieux d’accepter la juridiction des tribunaux nationaux dans ces questions, plutôt que de permettre aux investisseurs internationaux de se tourner vers des tribunaux d’arbitrage spéciaux. L’opinion qui domine dans plusieurs pays, celle selon laquelle il s’agit d’une discrimination inacceptable favorisant les multinationales, doit être respecté. Il vaut mieux s’appuyer sur les tribunaux nationaux pour résoudre les désaccords. Pourtant j’ai l’impression que les opposants au CETA (et au TAFTA) ont exagéré la gravité de ce problème, même en affirmant que la ratification de ces accords commerciaux saperait les fondations de notre démocratie.

Une question plus fondamentale qui se pose ici et qui n’a pas été suffisamment discutée dans les discussions autour du CETA est la suivante : jusqu’où devons-nous pousser la mondialisation ?

Dans ma carrière universitaire, j’ai toujours été un partisan du libre-échange. Ce dernier a fourni la base de la prospérité matérielle phénoménale que nous avons atteinte en Europe durant l’après-guerre. Il a aussi permis à des centaines de millions de personnes, en particulier en Asie, de sortir de la pauvreté extrême et d'avoir une vie décente.

Mais il semble qu'aujourd'hui la mondialisation atteint ses limites. Ces limites existent pour deux raisons. Premièrement, il y a la limite environnementale. La mondialisation entraîne une très forte spécialisation. Il n’y a bien sûr rien de nocif en soi avec la spécialisation, dans la mesure où elle permet de créer plus de bien-être matériel. Mais l’approfondissement de la spécialisation signifie aussi que les biens se déplacent aussi plus fréquemment autour du monde. L’élargissement des chaînes de valeur, qui a été rendu possible par la baisse des tarifs douaniers, signifie que des biens peuvent voyager plusieurs fois d’un pays à l’autre avant d’atteindre leurs consommateurs finaux. Tous ces déplacements ont de larges coûts environnementaux, notamment de fortes émissions de CO2, qui ne sont pas internalisés dans le prix du produit final. Par conséquent, le prix de ces produits est trop faible et la production et la consommation de ces biens sont excessives. Pour le dire autrement, la mondialisation a libéré les marchés, mais ces marchés ne fonctionnent pas proprement, en incitant à produire des biens qui nuisent à l’environnement.

Lorsque les partisans du CETA (et du TAFTA) affirment que les accords commerciaux vont entraîner des PIB plus élevés, ils ont raison, mais ils oublient de dire que cela se fera au prix de coûts environnementaux croissants. Si nous soustrayons ces derniers aux premiers, il n’est pas certain que nous laissions quelque chose de positif.

La seconde limite de la mondialisation concerne la répartition hautement inégale des bénéfices et des coûts de la mondialisation. Le libre-échange crée des gagnants et des perdants. Comme je l’ai dit plus tôt, il peut y avoir plusieurs gagnants de la mondialisation dans le monde. Les plus grands gagnants sont les centaines de millions de personnes qu'elle a sorties de la pauvreté extrême. Il y a aussi plusieurs gagnants dans les pays industrialisés, par exemple ceux qui travaillent dans les entreprises exportatrices ou qui en sont les actionnaires. Mais il y a aussi de nombreux perdants. Les perdants sont les millions de travailleurs, principalement dans les pays industrialisés, qui ont perdu leur emploi et qui ont vu leurs salaires décliner. Il y a aussi des personnes qui ont à être convaincues que le libre-échange sera bénéfique pour eux et pour leurs enfants. Ce n’est pas une tâche facile. Si, cependant, nous échouons à les convaincre, le consensus social qui existait dans le monde industrialisé en faveur du libre-échange et de la mondialisation va davantage se détériorer.

La manière la plus efficace de convaincre les perdants du monde industrialisé que la mondialisation est bonne pour eux consiste à renforcer les politiques redistributives, c’est-à-dire les politiques qui transfèrent le revenu et le patrimoine des gagnants vers les perdants. Cela est cependant plus facile à dire qu’à faire. Les gagnants ont plusieurs façons d’influencer le processus politique afin d'empêcher une telle redistribution. En fait, depuis le début des années quatre-vingt, lorsque la mondialisation s’est intensifiée, la plupart des pays industrialisés ont affaibli les politiques redistributives. Ils l’ont fait de deux manières. Premièrement, ils ont réduit les taux d'imposition marginaux pour les plus riches. Deuxièmement, ils ont affaibli les systèmes de sécurité sociale en réduisant l’indemnisation du chômage, en réduisant la sécurité du travail et en réduisant le salaire minimum. Tout cela a été fait au nom des réformes structurelles et a été activement promu par les autorités européennes.

Donc, alors que la mondialisation allait à pleine vitesse, les pays industrialisés réduisaient les mécanismes redistributifs et protecteurs qui avaient été mis en place par le passé pour aider ceux qui étaient frappés par des forces de marché négatives. Il n’est pas surprenant que ces politiques réactionnaires ont accru les rangs des ennemis de la mondialisation, qui se tournent désormais contre les élites politiques qui mettent en place ces politiques.

Je reviens à la question que j’ai posée : jusqu’où devons-nous pousser la mondialisation ? Ma réponse est que, aussi longtemps que nous ne nous occupons pas des coûts environnementaux générés par les accords de libre-échange et aussi longtemps que nous ne compensons pas les perdants de la mondialisation ou, pire, continuons de les punir d’être des perdants, un moratoire sur de nouveaux accords commerciaux doit être annoncé. Il ne s’agit pas d’un appel à retourner au protectionnisme. C’est un appel à cesser d’approfondir la libéralisation commerciale tant que nous ne gérons pas les coûts environnementaux et les effets redistributifs du libre-échange. Cela implique d’introduire plus de contrôles effectifs sur les émissions de CO2, d’augmenter les taux d’imposition des hauts revenus et de renforcer les systèmes de sécurité sociale dans les pays industrialisés. »

Paul De Grauwe, « How far should we push globalisation? », in Ivory Tower (blog), 31 octobre 2016. Traduit par Martin Anota

lundi 21 novembre 2016

Macroéconomie et idéologie

« Jo Michell a écrit un long billet dans lequel il amorce un débat avec Ann Pettifor et moi-même sur le rôle de la macroéconomie orthodoxe derrière l’austérité budgétaire. Ann estime que la macroéconomie orthodoxe est en grande partie responsable de l’austérité et Michell se montre largement de son avis. J’ai beaucoup de respect pour Michell lorsqu’il cherche à combler le fossé entre l’économie orthodoxe et les courants hétérodoxes, mais là, je pense qu’il se trompe à propos de l’austérité et qu’il peint une image haussée de l’histoire de la pensée économique.

Commençons avec l’austérité. Je pense qu’il serait d’accord à l’idée que le modèle de cycle d’affaires qui a fait consensus parmi les keynésiens pendant les deux dernières décennies est le modèle des nouveaux keynésiens. Ce modèle est absolument clair en ce qui concerne l’austérité. A la borne inférieure zéro (zero lower bound), vous ne devez pas réduire les dépenses publiques. Il n’y a ni "si", ni "mais".

Donc pour on ne peut affirmer que la macroéconomie orthodoxe plaidait en faveur l’austérité que si l’on affirme que les économistes orthodoxes pensaient que le modèle des nouveaux keynésiens était fondamentalement déficient. Cela n’a absolument pas été le cas. Michael Woodford est l’un des plus grands macroéconomistes de ces deux dernières décennies, si ce n’est le plus grand. Son livre est en quelque sorte la Bible pour tous ceux qui utilisent le modèle des nouveaux keynésiens. En juin 2010, il a publié "Simple Analytics of the Government Expenditure Multiplier", où il montre que la hausse des dépenses publiques peut s’avérer particulièrement efficace à la borne inférieure zéro. L’intérêt de ce papier pour ceux qui travaillent dans ce domaine était de montrer, non pas que cette forme de politique budgétaire aurait une certain efficacité (chose qui était évidente pour tous ceux qui, comme moi, travaillaient sur la politique monétaire et la politique budgétaire en utilisant le modèle des nouveaux keynésiens), mais qu’elle puisse générer de très larges multiplicateurs.

Le consensus universitaire selon lequel l’austérité ne pouvait être que nuisible et la relance budgétaire efficace est une raison majeure expliquant pourquoi les autorités adoptèrent une relance budgétaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis en 2009, et même pourquoi le FMI plaidait lui-même cette année-là en faveur d’une relance budgétaire. Il y avait toutefois certains, en particulier à Chicago, qui s’élevaient contre cette relance, mais, comme DeLong, Krugman et moi-même l’avions remarqué, ils ont simplement prouvé leur ignorance du modèle des nouveaux keynésiens. Krugman, en particulier, est très familier de la macroéconomie à la borne inférieure zéro, notamment en raison de ses travaux sur la décennie perdue du Japon.

Ce ne sont pas d’éventuelles clameurs de la part des macroéconomistes universitaires orthodoxes qui ont mis un terme à ce consensus en 2010, mais deux événements bien précis : la crise de la zone euro et la victoire de la droite au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Michell prétend que parce que la question de la borne inférieure zéro n’était pas dans les manuels macroéconomiques, elle ne faisait pas partie du consensus. Mais tout le monde sait que les manuels sont en retard de plusieurs décennies et beaucoup basent toujours leur enseignement à partir du modèle IS-LM plutôt qu’à partir du modèle des nouveaux keynésiens. Maintenant il se peut que les responsables politiques de droite aient réellement été induits en erreur par ce qui est enseigné dans ces manuels et que ce ne fut qu’une simple coïncidence que ces responsables politiques aient choisi les réductions des dépenses publiques plutôt que les hausses d’impôts (et plus tard les réductions d’impôts !), mais cela semble peu probable. Vous n’avez pas nécessairement à travailler dans ce champ pour comprendre que le consensus en vigueur avant la crise financière, celui selon laquelle il fallait privilégier les variations de taux d’intérêt pour stabiliser l’activité, dépendait de la capacité à faire varier les taux d’intérêt.

S’écartant de la question de l’austérité, le billet de Michell affirme que la macroéconomie orthodoxe a toujours été fortement influencée par l’idéologie néolibérale. Pour ce faire, il donne un bref compte-rendu de l’histoire de la macroéconomie après la Seconde Guerre mondiale, qui a Friedman, un membre bien connu de la Société du Mont-Pèlerin, comme son meneur, du moins avant que la nouvelle école classique n’arrive. Il y a beaucoup de choses à dire ici, mais je vais me contenter de souligner deux points.

Premièrement, l’idée selon laquelle l’économie keynésienne concerne des épisodes de court terme de demande excessive ou insuffisante plutôt que la stagnation permanente datait d’avant Friedman et remontait aux premières tentatives visant à formaliser l’économie keynésienne. C’est ce qu’on appela le consensus néoclassique. C’est pour cette raison que le keynésien Robert Solow proposa une modélisation de la croissance qui supposait le plein emploi.

Deuxièmement, les débats autour du monétarisme dans les années soixante-dix ne portaient pas sur la validité de ce modèle keynésien, mais sur ses paramètres et l’activisme de la politique économique. Les propres contributions de Friedman à la théorie macroéconomique, telles que l’hypothèse du revenu permanent et la courbe de Phillips augmentée des anticipations, n’orientent pas forcément la théorie dans une direction néolibérale. (…) Et Friedman n’approuvait certainement pas les idées des nouveaux classiques en matière de politique macroéconomique.

Michell se rapproche peut-être de la vérité lorsqu’il affirme que l’esprit néolibéral des années quatre-vingt a peut-être eu quelque chose à voir avec le succès de la nouvelle école classique, mais je ne pense pas que ce soit du tout central. Comme je l’ai affirmé à plusieurs reprises, la révolution menée par les nouveaux classiques a réussi parce que les anticipations rationnelles faisaient sens aux yeux des économises habitués à appliquer la rationalité dans leur microéconomie et, une fois que vous acceptez les anticipations rationnelles, alors vous comprenez qu’il y a de sérieux problèmes avec le consensus keynésien qui dominait alors. Je pense que vous pouvez essayer d’affirmer qu’il y a un lien entre l’attrait des microfondations comme méthodologie et le néolibéralisme, mais je pense que ce serait un peu exagéré.

Cela m’amène à mon ultime remarque. Michell note que j’ai suggéré une influence idéologique derrière le développement de la théorie des cycles d’affaires réels, mais il se demande pourquoi je m’arrête là. Il écrit ensuite : "Il est par conséquent quelque peu étrange que, lorsqu’il discute de la relation entre l’idéologie et l’économie, Wren-Lewis choisisse de tracer une frontière entre ceux qui utilisent un modèle DSGE à prix visqueux des nouveaux keynésiens et ceux qui utilisent une version à prix flexibles des nouveaux classiques. Comme le suggère Wren-Lewis, les croyances de ce dernier seraient idéologiques, alors que les membres du premier groupe s’appuieraient sur une science libérée de l’idéologie. Cela me semble bien arbitraire. La justification de Wren-Lewis est que, malgré les preuves empiriques, le modèle des cycles d’affaires réels dénie la possibilité du chômage involontaire. Mais la version à prix visqueux des nouveaux keynésiens (qui dénie tout rôle aux inégalités, à la finance, à la monnaie, à l’activité bancaire, à la liquidité, aux défauts, au chômage de long terme, à l’usage de la politique budgétaire pour quitter la trappe à liquidité, les effets d’hystérèse du côté de l’offre et plein d’autres choses) serait selon lui acceptable".

Michell passe à côté d’une distinction cruciale. Le propos de la théorie des cycles d’affaires réels était de montrer que les cycles d’affaires réels constituent juste une réponse optimale à des chocs technologiques dans un monde où les marchés s’ajustent continuellement. Cela revenait à dénier un aspect fondamental des cycles d’affaires : le chômage involontaire. Il est absurde d’affirmer que la théorie des nouveaux keynésiens dénie toutes les choses de la liste de Michell. Ce n’est pas parce que l’on fait abstraction de quelque chose que l’on dénie celui-ci. Le modèle de Solow ne dénie pas l’existence de cycles d’affaires, mais il suppose juste (à tort ou à raison) qu’ils ne sont pas essentiels pour saisir les aspects de la croissance économique à long terme. Michell a raison lorsqu’il dit que le modèle de base des nouveaux keynésiens n’inclut pas le chômage involontaire, mais il n’y a rien dans le modèle des nouveaux keynésiens qui dénie cette possibilité. En fait, il est même assez facile d’élaborer un modèle qui le fasse apparaître.

Pourquoi le modèle de base des nouveaux keynésiens n’inclut-il pas le chômage involontaire ? La meilleure chose que l’on puisse lire à ce sujet se trouve dans la Bible de Woodford. L’idée fondamentale est de se focaliser sur un modèle qui permet aux variations de la demande globale d’être la force conductrice derrière les cycles d’affaires. Je pense que c’est vrai : c’est bien la demande globale qui génère ces cycles et le chômage involontaire en est une conséquence. Ou, pour le dire autrement, vous pouvez toujours obtenir des cycles d’affaires, même si le marché du travail est toujours à l’équilibre.

Il est plutôt tiré par les cheveux de suggérer, comme Michell semble le faire, que le développement des modèles des nouveaux keynésiens a quelque chose à voir avec la politique de la troisième voie de Tony Blair et de Bill Clinton. C’était la réponse inévitable à la théorie des cycles d’affaires réels, à son refus d’incorporer la rigidité des prix (alors même que les données empiriques confirment cette dernière) et à son incapacité à faire apparaître un chômage involontaire.

C’est tout. (…) Je ne pense pas non plus (…) que l’influence idéologique soit confinée aux pans de la macroéconomie associés à la nouvelle école classique. Mais, de la même façon qu’il est absurde de dénier une telle influence, il est erroné d’imaginer que la discipline et l’idéologie sont inextricablement liées l’une à l’autre. La généralisation de l’austérité en 2010 en est une preuve. »

Simon Wren-Lewis, « Macroeconomics and Ideology », in Mainly Macro (blog), 16 novembre 2016. Traduit par Martin Anota

dimanche 20 novembre 2016

Les liens de la semaine

Autour de la victoire de Trump



Croissance, fluctuations et crises

  • Le gouvernement abaisse sa prévision de croissance pour 2016 à 1,4 % (Le Monde)
  • Zone euro : la croissance reste faible au troisième trimestre (La Tribune)
  • Zone euro : les facteurs habituels de reprise économique sont cassés (Patrick Artus)
  • L’économie grecque retrouve de l’oxygène (Le Monde)
  • Le moteur de la croissance allemande toussote (Le Monde)
  • Japon : forte croissance, mais demande intérieure stagnante (La Tribune)
  • Chine : surchauffe immobilière et essoufflement de la consommation (La Tribune)
  • Prévisions de croissance : il faut se positioner par rapport à la croissance potentielle (Patrick Artus)
  • « Il faut repenser le progrès » (Dominique Méda)
  • Un monde de choses (La Vie des Idées)


GRAPHIQUE Taux de croissance du PIB de l'UE28, de la zone euro et des États-Unis (% de variation par rapport au trimestre précédent)

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source : Eurostat (2016)

Tissu industriel

  • La majorité des entreprises font appel à des sous-traitants (INSEE)
  • Désindustrialisation plus forte dans la zone euro qu’aux Etats-Unis depuis la crise de 2008-2009 : pourquoi ? (Patrick Artus)
  • Dans quels pays de l’OCDE l’appareil productif est-il capable de répondre à la demande ? (Patrick Artus)
  • Dans un nombre croissant de pays, les profits ne sont pas totalement investis par les entreprises. Pourquoi ? Quelles conséquences ? (Patrick Artus)
  • Comment les entreprises ont-elles réagi à la hausse de l’intensité capitalistique ? (Patrick Artus)


GRAPHIQUE Prix du baril de pétrole Brent

source : INSEE (2016)

Environnement et ressources naturelles

  • En octobre 2016, le prix du pétrole augmente à nouveau nettement (INSEE)
  • Les émissions mondiales de CO2 se stabilisent, mais le climat continue de s’emballer (Le Monde)
  • Les catastrophes naturelles coûtent 520 milliards de dollars par an (Le Monde)
  • Des multinationales demandent à Trump de ne pas quitter l’accord de Paris sur le climat (Le Monde)
  • A Marrakech, une marche pour le climat très politique (Le Monde)
  • Climat : 22 pays visent la neutralité carbone pour 2050 (Le Monde)
  • COP22 : les négociations climatiques mettent le cap sur 2018 (Le Monde)
  • Energie : la transition est là, il faut l’accélérer (Alter éco plus)
  • Alerte ! L’investissement mondial dans les énergies renouvelables décroche (Alter éco plus)
  • Mère Nature et le changement climatique (Project Syndicate)


GRAPHIQUE Projections de réchauffement en fonction des émissions de CO2 (en gigatonnes par an)

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source : Le Monde (2016), d'après les données du Global Carbon Project

Immigration

  • Trump promet d'expulser trois millions de clandestins (La Tribune)
  • Quand le FN détourne les chiffres de Médecins du monde sur les migrants (La Tribune)
  • Présidentielles américaine et française : les migrants au cœur du débat (France 24)
  • L'Allemagne annonce un plan Marshall pour endiguer les flux de migrants (La Tribune)


Instabilité et réglementation financières

  • Les recommandations de Joseph Stiglitz et Mark Pieth pour lutter contre les paradis fiscaux (Le Monde)
  • « La finance tourne en rond » (Michel Aglietta)
  • Malgré les prévisions, les marchés financiers se portent bien après l’élection de Donald Trump (Le Monde)
  • Le programme de Donald Trump est-il favorable aux actions ? (Patrick Artus)
  • La présidente de la SEC victime collatérale de l’élection de Donald Trump (Le Monde)
  • Etats-Unis : pourquoi Donald Trump mise tout sur la finance dérégulée (La Tribune)
  • Comment a évolué le risque des banques de la zone euro depuis la crise de 2008 ? (Patrick Artus)
  • Y a-t-il désegmentation (décloisonnement) des marchés financiers entre les pays de la zone euro ? (Patrick Artus)
  • Les trois conditions pour qu’une vraie crise obligataire dans la zone euro apparaisse (Patrick Artus)


Réforme de l'Etat

  • Primaire de la droite : les 100 milliards d’économies proposés en 3 points (Le Monde)
  • 100 milliards d’économies : où vont couper les candidats de la droite ? (Le Monde)
  • 100 milliards de dépenses publiques en moins ? (Alter éco plus)
  • Juppé a-t-il raison de tacler Fillon sur sa proposition sur les fonctionnaires ? (Le Monde)
  • Trop de fonctionnaires ? (Xavier Timbeau)


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source : Alter éco plus (2016)

Politiques structurelles

  • Pourquoi la politique de l'offre n'a pas marché comme prévu (Les Echos)
  • Le crédit d'impôt recherche est-il efficace ? (Alter éco plus)
  • France : ne pas corriger les déséquilibres, les handicaps, serait prendre un risque terrible pour l’avenir (Patrick Artus)
  • Que faire si les productivités globales des facteurs divergent entre les pays de la zone euro ? (Patrick Artus)


Politique budgétaire et dette publique

  • Les taux souverains remontent dans le sillage de l’élection de Donald Trump (Le Monde)
  • Etats-Unis : Donald Trump va-t-il faire exploser la dette américaine ? (La Tribune)
  • Budgets européens : Bruxelles fait preuve de souplesse (Le Monde)
  • Zone euro : la fantomatique relance de la Commission (La Tribune)
  • 2010-2017 : un choc fiscal concentré sur les ménages (OFCE)
  • 2010-2015 : un choc fiscal concentré sur les ménages … les plus aisés ? (OFCE)
  • Que penser de la stratégie budgétaire et fiscale de la France depuis la crise de 2008 ? (Patrick Artus)
  • Solvabilité budgétaire de l’Allemagne, insolvabilité budgétaire du reste de la zone euro (Patrick Artus)
  • Que nous révèle l’évolution de la maturité moyenne de la dette publique dans la période récente ? (Patrick Artus)


GRAPHIQUE Glissements annuels de l'indice des prix à la consommation, de l'inflation sous-jacente et de l'indice des prix à la consommation harmonisés en France

source : INSEE (2016)

Politique monétaire

  • Zone euro : pourquoi Mario Draghi ne veut pas baisser la garde (La Tribune)
  • Que peut faire la BCE si les taux d’intérêt à long terme remontent dans la zone euro en raison des politiques menées aux États-Unis ? (Patrick Artus)
  • Le casse-tête monétaire de Trump (Nouriel Roubini)
  • La règle de Taylor a-t-elle évolué dans le temps aux Etats-Unis ? (Patrick Artus)
  • Inde : les distributeurs ne sont pas calibrés pour les nouveaux billets (La Tribune)


GRAPHIQUE Taux d’inflation annuel dans la zone euro et dans l’Union européenne (en %)

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source : Eurostat (2016)

Commerce international

  • Victoire de Trump : le Canada confiant sur le maintien des accords avec les États-Unis (La Tribune)
  • Le Japon inquiet de la politique commerciale de Donald Trump (Le Monde)
  • La Chine menace d'arrêter de vendre l'iPhone si Trump persiste sur les droits de douane (La Tribune)
  • Les Etats-Unis peuvent-ils se fâcher avec la Chine ? (Patrick Artus)
  • CETA, TTIP : la France fait encore volte-face sur la politique commerciale européenne (La Tribune)
  • Libre-échange entre l’Union Européenne et l’Amérique du Nord : est-ce le vrai problème commercial pour les pays européens ? (Patrick Artus)
  • Investissement et balance commerciale, le cercle non-vertueux (La Tribune)


Trump, le Brexit... : est-ce la fin de la mondialisation ?


Finance internationale

  • Quelque chose entre le trilemme et le dilemme… (D'un champ l'autre)
  • Que nous apprend la livre sterling ? (Project Syndicate)
  • Les économies des pays émergents (autres que la Chine) sont toujours relancées par de très fortes dépréciations de leurs taux de change; ceci est à nouveau le cas en 2016 (Patrick Artus)


Intégration européenne

  • Le gouvernement britannique face aux contradictions du Brexit (Harold James)
  • L’Europe peut-elle aider l’Italie ? (Patrick Artus)
  • La croissance forte de l’Espagne génère-t-elle un jeu à somme nulle entre les pays de la zone euro ? (Patrick Artus)
  • Le plus grave pour la zone euro : la disparition du risque de change n’a que des inconvénients (Patrick Artus)
  • La mobilité du travail entre les pays de la zone euro est en réalité une très mauvaise idée (Patrick Artus)
  • La chaîne logique qui montre que l’euro dans sa configuration présente ne peut être qu’un échec (Patrick Artus)
  • La majorité des investisseurs croit toujours que la zone euro peut éclater : ils ont pourtant tort (Patrick Artus)


Inégalités et stratification sociale


Redistribution et justice sociale

  • #entretien Sécurité sociale : "Depuis la fin des années 1960, l’effritement des principes fondateurs" (Colette Bec)
  • Benoît Hamon s'avance un peu vite sur le non-recours au RSA (La Tribune)
  • A gauche, l’idée d’un revenu de base est loin de faire l’unanimité (Le Monde)
  • Les assassins de Medicare (Paul Krugman)


GRAPHIQUE Taux de chômage en France au sens du BIT

source : INSEE (2016)

Travail, emploi, chômage

  • Le taux de chômage augmente de 0,1 point au troisième trimestre 2016 (INSEE)
  • Dans quels pays de la zone euro, l’euro a-t-il modifié la formation des salaires ? (Patrick Artus)
  • L’OIT alerte sur les dangers des nouveaux « emplois atypiques » (Le Monde)
  • Quelle position devraient prendre les hommes politiques en France au sujet de l’évolution structurelle du marché du travail ? (Patrick Artus)
  • Différences entre les fonctionnements des marchés du travail des pays de la zone euro : quelles conséquences ? (Patrick Artus)
  • Emploi et productivité dans la période récente dans les pays de l’OCDE (Patrick Artus)



GRAPHIQUE Nombre de personnes dans le halo autour du chômage

source : INSEE (2016)

Science politique

  • Pourquoi il faut remettre en question notre démocratie (Les Inrocks)
  • Primaire de la droite, demandez le mode d'emploi ! (La Tribune)
  • La corruption perçue comme un problème majeur en Europe (La Tribune)
  • Le peuple, quel peuple? Les élites, quelles élites? (Télos)
  • Mépris de classe, mépris de place : réflexions sur la géographie du populisme ? (Olivier Bouba-Olga)
  • Les "populistes” ne peuvent pas faire ce qu’ils annoncent (Patrick Artus)
  • Populismes indiens (La Vie des Idees)
  • Italie : quels scénarios pour l'après-référendum ? (La Tribune)



lire la précédente revue de presse

voir la sélection de tweets de Xavier Molénat

vendredi 18 novembre 2016

Le programme de Trump va-t-il mener à une expansion de l’économie américaine ?



« Est-ce que le programme économique de Donald Trump va mener à une récession ou à une expansion ? Avant l’élection, beaucoup prédisaient une récession. Mais depuis la semaine dernière, les marchés prédisent clairement une expansion.

Qui a raison ? Il est évidemment difficile de le dire. Les programmes ne sont jamais mis en œuvre tels qu’ils ont été annoncés. Les réalités politiques et la nécessité du soutien par le Congrès imposent des ajustements, aussi bien mineurs que majeurs. On peut penser que les mesures pas trop éloignées des idées de Paul Ryan, de Mitch McConnell et de leurs circonscriptions verront la lumière du jour.

Sous cette hypothèse, la suite des événements dépendra avant tout de l’équilibre entre les mesures macroéconomiques et commerciales.

Sur le front macroéconomique, les signes suggèrent de plus amples déficits budgétaires, en conséquence de l’accroissement des dépenses publiques dans les infrastructures et des réductions d’impôts pour les entreprises et les ménages. (Il faut prendre avec des pincettes les promesses de financer les dépenses d’infrastructures via des fonds privés et de trouver de l’épargne pour compenser les réductions d’impôts.) Les réductions d’impôts sont cohérentes tant avec l’agenda de Trump qu’avec l’agenda des partisans de l’offre. Il y a toutefois des obstacles aux déficits budgétaires : il va notamment falloir convaincre les républicains qui voient la dette publique comme le diable de voter en faveur d'une hausse des dépenses publiques et des allègements fiscaux.

Si les déficits budgétaires se creusent, ils vont se traduire pendant quelques temps par de plus larges dépenses et une plus forte croissance économique. Et avec une économie américaine évoluant déjà à proximité de son potentiel, les déficits budgétaires vont se traduire par une plus forte inflation. Si la relation entre inflation et chômage (la fameuse relation de la courbe de Phillips) que l’on a pu récemment observer tient toujours, l’inflation peut ne pas beaucoup augmenter, mais elle va tout de même s’accroître, ce qui risque d’amener la Réserve fédérale à réagir en accroissant ses taux plus rapidement qu’elle ne l’avait prévu avant la nomination de Trump.

Est-ce que la Fed va en effet vouloir freiner la demande globale et accroître les taux d’intérêt pour prévenir une surchauffe ? Alors que le candidat Trump critiquait Janet Yellen, la présidente de la Fed, pour être trop accommodante, le président Trump pourrait avoir un point de vue bien différent. Plusieurs de ses conseillers sont cependant en faveur d’une politique monétaire restrictive, donc les prochaines nominations, celles de ces prochaines semaines et des années à venir, peuvent pousser la Fed à être plus restrictive. Si c’est le cas, les déficits budgétaire vont avoir moins d’impact sur la production et plus d’effet sur les taux d’intérêt.

Si la croissance économique et les taux d’intérêt sont effectivement plus élevés, le dollar est susceptible de s’apprécier, ce qui conduirait ironiquement à un creusement des déficits commerciaux des Etats-Unis, chose que le candidat Trump disait vouloir combattre. Cela m’amène aux questions du commerce et aux mesures du commerce.

Une partie majeure du programme annoncé durant la compagne mettait l’accent sur la nécessité d’utiliser les tarifs douaniers pour réduire les importations et rétablir des "conditions plus équitables". L’augmentation des tarifs douaniers sur une grande échelle freinerait la croissance et accroîtrait la probabilité d’une récession.

Les arguments sont bien connus, mais il est utile de les rappeler. Les tarifs douaniers, toutes choses égales par ailleurs, peuvent en effet réduire les importations, accroître la demande de biens domestiques et ainsi stimuler la production domestique (même si, comme le remarquait déjà Robert Mundell il y a plus de cinquante ans, le taux de change est susceptibles de tellement s’apprécier que la production domestique s’en trouve finalement déprimée). Mais les choses ne vont pas rester "égales par ailleurs" : les tarifs douaniers imposés par les Etats-Unis vont certainement entraîner une guerre tarifaire et donc un déclin des exportations américaines. Et la baisse des importations et des exportations ne sera pas neutre. Du côté de la demande, une hausse des prix à l’importation va amener la Fed à davantage relever ses taux. Et surtout, du côté de l’offre, les tarifs douaniers vont conduire à l’éclatement des chaînes de valeur mondiale, perturber la production et le commerce, et réduire la productivité. Les effets peuvent être difficiles à quantifier, mais ils se feront bien sentir.

Etant donné cela, et en raison de la pression exercée par les exportateurs, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’administration Trump commence lentement, tout d’abord avec des mesures essentiellement symboliques pour montrer un engagement à plus long terme. Mais on ne peut en être sûr et les choses peuvent facilement dégénérer. Si l’on demandait au Mexique de payer pour construire un mur à la frontière, il risquerait de réagir en se lançant dans une guerre tarifaire. Si la Chine était accusée de manipuler sa devise, elle pourrait très bien réagir en imposant des tarifs douaniers sur certains produits américains. Et, pour retourner à la macroéconomie, comme les déficits budgétaires mènent à de plus larges déficits commerciaux, les appels à les réduire via un relèvement des tarifs douaniers (…) vont se multiplier.

Alors, finalement, les Etats-Unis connaîtront-ils une récession ou une expansion ? Cela dépendra de l’équilibre entre les mesures macroéconomiques et commerciales. Je pense (…) que la croissance va être soutenue, du moins pendant quelques temps. Est-ce que cela suffira pour satisfaire ceux qui votèrent Donald Trump par crainte pour leurs revenus et leur avenir ? Je n’en suis pas sûr. La croissance va en effet accroître le niveau de vie de beaucoup, mais plusieurs mesures vont agir dans le sens opposé. Une baisse de l’imposition sur les entreprises, une réduction d’impôts pour les plus riches et la déréglementation financière vont accroître la part du revenu national allant au capital (cela explique probablement en partie ce qui se passe sur les marchés boursiers). Le démantèlement (partiel, selon les dernières déclarations de Trump) de l’Obamacare, s’il survenait, n’aiderait pas les millions de personnes qui en bénéficient aujourd’hui. Les tarifs douaniers sur les biens étrangers peuvent peut-être créer quelques emplois pour les classes moyennes, mais ils vont détruire d’autres emplois et accroître le coût de la vie pour les plus pauvres. Les inégalités peuvent s’accroître, non décliner. (...) »

Olivier Blanchard, « In the light of the elections: Recession, expansion, and inequality », 14 novembre 2016. Traduit par Martin Anota

mercredi 16 novembre 2016

A quoi ressemblera la présidence Trump ?



« Nous nous trouvons d’un coup en territoire inconnu, sur plusieurs plans. Les Etats-Unis n’ont jamais eu auparavant un président sans aucune expérience politique ou militaire. Et Donald Trump est tout particulièrement imprévisible : il s’est souvent contredit dans ses discours. Donc il est difficile de savoir ce qu’il va faire.

Mais je pense qu’il y a un précédent, assez récent, pour imaginer ce à quoi ressemblera la présidence Trump : la présidence de George W. Bush. Il est vrai que la famille Bush n’a clairement pas soutenu la campagne de Trump. Mais nous pouvons tout de même déjà percevoir plusieurs points communs.

  • Le candidat a remporté la présidence, tout en perdant le vote populaire.

  • Néanmoins, le nouveau président croit qu’il a un mandat pour impulser un changement en profondeur.

  • La direction du changement et les résultats qu’il produira ne vont pas nécessairement être ceux que les personnes qui "votèrent pour le changement" vont apprécier.

  • Les observateurs supposent que Trump va s’opposer à la politique monétaire accommodante de la Fed, parce qu’il s’y est attaqué durant la campagne ; mais je pense que lorsqu’il sera au pouvoir il se montrera en faveur d’un assouplissement monétaire et devrait s’opposer à une hausse des taux d’intérêt.

  • Parmi ses propositions en matière de politique économique, celles qui sont les plus susceptibles d’être mises en œuvre sont les fortes baisses d’impôts pour les riches et l’accroissement des dépenses pour l’armée et certains autres postes. Le résultat sera probablement le même que celui obtenu par Bush lorsqu’il mit en œuvre des politiques budgétaires similaires : une hausse des inégalités de revenu et de larges déficits budgétaires.

  • Les inégalités de revenu pourraient revenir à la trajectoire croissante qu’elles suivent depuis les années soixante-dix, après avoir eu tendance à décliner, temporairement, vers la fin de l’administration Obama (selon des mesures comme le revenu médian des ménages, les salaires réels et le taux de pauvreté). Nous avons observé la même chose lors de la transition entre l’administration Clinton et l’administration Bush.

  • Le nouveau président ne sera pas capable d’assurer une croissance du PIB de 4 %.

  • Il est peu probable qu’il soit capable d’accroître le rôle des exportations dans l’économie.

  • Il ne sera certainement pas capable de réaliser sa promesse de ramener les emplois que l’industrie a perdus depuis les années cinquante.

  • Le plus inquiétant parmi tout cela, ce sont les possibles désastres en matière de politique étrangère. Nous devons craindre de mauvaises décisions menant à de véritables tragédies (analogues aux erreurs de Bush par rapport à l’attaque terroriste du 11 septembre, à son échec dans la capture de Ben Laden et à l’invasion de l’Irak). Il est probable que les Etats-Unis perdent de leur domination au niveau mondial et qu’ils perdent notamment en "soft power", dans le sens où les étrangers risquent de moins considérer les Etats-Unis comme un meneur de l’ordre international ou comme un modèle à partir duquel ils peuvent s’inspirer pour façonner leur propre pays. Finalement, les errements de Trump sur la scène internationale vont probablement profiter à certains adversaires traditionnels comme la Russie, la Syrie et la Corée du Nord.

Si je devais parier, je dirais qu’il est peu probable que les propositions les plus extrêmes que Trump ait pu faire durant sa campagne soient mises en œuvre. Par exemple, il ne construira certainement pas un grand mur le long de la frontière avec Mexique et, s’il le faisait tout de même, ce n’est pas le Mexique qui le financerait. Il n’y aura pas de refus d’immigrés musulmans, car celui-ci irait à l’encontre des principes fondamentaux américains. Nous n’assisterons pas à l’expulsion de onze millions d’immigrants clandestins. Mais Trump va certainement mettre fin au programme Deferred Action for Childhood Arrivals d’Obama, qui garantissait des permis de travail temporaire à de nombreuses personnes qui croyaient au rêve américain. Je pense qu’il ne va pas chercher à ébranler l’ALENA, ni accroître les tarifs douaniers, tout du moins pas autant qu’il a pu le suggérer durant la campagne ; j'espère vraiment ne pas me tromper. De même, je ne pense pas qu’il ébranlera l’OTAN, ni d’autres alliances, comme il a pu parfois le suggérer lors de sa campagne. Même pour la Convention de Genève. Même Trump devrait prendre conscience à quel point cela aurait de dramatiques conséquences, notamment pour l’ordre mondial.

Mais il est probable que Trump et le Congrès républicain vont, comme il l’a promis, prendre quelques mesures pour remettre en cause les plus grandes avancées de la première partie de l’administration Obama. Tout d’abord, ils vont revenir sur l’Obamacare (en allant bien plus loin que ce que les républicains avaient fait dès le début pour ébranler ce dispositif). Il sera intéressant de voir la réaction politique des gens lorsqu’ils commenceront à perdre leur assurance santé. Ensuite, l’administration va revenir sur la réglementation financière Dodd-Frank, qui avait été mise en place après la crise financière de 2007-2009. Les républicains vont donner plus de liberté aux banques et aux autres institutions financières. Ils vont aussi revenir sur la politique de la concurrence et la réglementation environnementale, en particulier en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Et, bien sûr, ils vont chercher à nommer des juges conservateurs à la Cour suprême. Logiquement, les démocrates peuvent essayer de bloquer de telles nominations de la même manière que les républicains au Congrès ont pu refuser de tenir des audiences sur le candidat proposé par Barack Obama pour la Cour suprême (et bloquèrent par ailleurs presque tout ce qu’Obama a essayé de faire). Mais ils ne vont probablement pas le faire.

Nous sommes sur le point de voir ce à quoi ressemble la vie lorsque les républicains règnent sur toutes les sphères du pouvoir politique. Il sera intéressant de voir si les travailleurs américains vont leur faire porter la responsabilité des revers. »

Jeffrey Frankel, « What will the Trump presidency look like? », in Econbrowser (blog), 14 novembre 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin… lire « La croissance américaine est la plus forte sous présidence démocrate »

lundi 14 novembre 2016

La mondialisation est-elle responsable de la stagnation des salaires américains ?



« La victoire de Donald Trump est interprétée par beaucoup comme une violente réaction à la mondialisation. Pour moi, cela nous amène à nous poser la question suivante : quelle est la contribution de la mondialisation au déclin des revenus réels de nombreux travailleurs ?

La réponse, je pense, est : modeste. L’article réalisé par Ann Harrison et ses collègues et celui réalisé par Jonathan Haskel et ses collègues montrent qu’il est très difficile de lier la chute des salaires réels américains à l’accroissement de l’ouverture au commerce international. En outre, il n’est pas prouvé (pour le moins que l’on puisse dire) que l’accroissement de l’immigration a contribué à la chute des salaires : la conclusion de George Borjas selon laquelle cela a été le cas a été férocement mise à l’épreuve.

Le sens commun doit aussi nous amener à douter que ce soit la mondialisation qui est à blâmer.

Pour au moins une raison, les importations bon marché contribuent à améliorer la situation des travailleurs. Si vous dépensez 5 dollars pour acheter un tee-shirt chinois plutôt que 10 dollars sur un tee-shirt produit aux Etats-Unis, il vous reste 5 dollars que vous pouvez dépenser pour acheter autre chose. Cela doit accroître la demande et l’emploi. Et tant que cela pousse l’inflation à la baisse, les importations bon marché doivent contribuer à ce que les taux d’intérêt soient poussés à la baisse, ce qui doit stimuler l’activité économique et l’emploi. Et nous pouvons également ajouter que la mondialisation a probablement réduit les taux d’intérêt via d’autres canaux depuis les années quatre-vingt-dix, notamment grâce à l’excès d’épargne asiatique.

De tels doutes à propos des effets négatifs de la mondialisation sont renforcés par l’empirisme. L’ampleur de la mondialisation, mesurée par la croissance du commerce mondial, a fortement ralenti depuis la crise financière. Mais les salaires réels des Etats-Unis, jusqu’à très récemment, ne se sont pas améliorés. Cela nous dit que d’autres choses ont pu avoir déprimé des Américains ordinaires.

Quel pourrait être ces autres facteurs ? Voici sept autres suspects (il peut y en avoir plein d’autres), certains desquels ont été identifiés il y a de nombreuses années et d’autres plus récemment :

  • Le déclin des syndicats. Celui-ci a accru les inégalités pas simplement en déprimant la rémunération des travailleurs, mais aussi en accroissant la rémunération des dirigeants, car cela affaiblit une contrainte qui pesait sur leur quête de rentes ;

  • La financiarisation. Par exemple, la hausse de l'endettement des entreprises, en particulier celle que l'on a pu observer durant les années quatre-vingt et les années quatre-vingt-dix, a incité les entreprises à réduire agressivement leurs coûts, notamment la masse salariale. Englebert Stockhammer estime que ce facteur a bien davantage déprimé la part du revenu national rémunérant le travail que la mondialisation ;

  • Le progrès technique biaisé en faveur des qualifications. Depuis les années quatre-vingt, de nouvelles innovations ont accru la demande de travailleurs qualifiés et réduit la demande de travailleurs non qualifiés ;

  • Le progrès technique biaisé en faveur du pouvoir. Les innovations telles que la vidéosurveillance, la conteneurisation et les caisses informatisées ont donné aux dirigeants la capacité de suivre plus directement les travailleurs les moins qualifiés, ce qui réduit la nécessité de les motiver via les salaires, donc amène les dirigeants à réduire la composante du salaire correspondant au salaire d’efficience ;

  • La baisse du salaire minimum. La valeur réelle du salaire minimum aux Etats-Unis est inférieure de 20 % à celle qu’elle atteignait dans les années soixante-dix ;

  • Un recul de l’Etat-providence. En incitant les personnes à trouver un emploi, les réductions des prestations sociales ont réduit les salaires en accroissant l’offre de travail et en détériorant les options des travailleurs en dehors du travail, ce qui réduisit leur pouvoir de négociation ;

  • Le ralentissement de la croissance de la productivité. Au cours des cinq dernières années, la productivité du travail s’est accrue de seulement 0,7 % par an, alors qu’elle s’accroissait au rythme annuel de 2 % au cours des trois décennies qui ont précédé la crise de 2008.


Tout cela nous amène à un paradoxe. Bien que les preuves empiriques économiques suggèrent que la mondialisation constitue, au mieux, seulement l’un des divers facteurs contribuant au déclin des classes moyennes aux Etats-Unis, elle a dominé le débat politique, alors que les autres facteurs, ceux que nous venons d’énumérer, en ont été épargnés. Pourquoi en a-t-il été ainsi ? Voici très certainement une partie de la réponse : il est bien utile à certains de faire porter la responsabilité aux étrangers plutôt que de voir les inégalités et la santé du capitalisme faire l’objet d’un examen attentif. »

Chris Dillow, « Is globalization to blame? », in Stumbling and Mumbling (blog), 11 novembre 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« Pourquoi la part du travail diminue-t-elle aux Etats-Unis ? »

« Mondialisation versus technologie »

« La concurrence chinoise et le déclin de l’emploi américain »

« Pourquoi les travailleurs américains se sont-ils appauvris ? »

dimanche 13 novembre 2016

Les liens de la semaine

Trump : autopsie d'une victoire


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source : Alter éco plus (2016)

Trump : et maintenant ?


Sciences économiques

  • Les limites de la méthode expérimentale en économie (La Tribune)
  • "Les programmes de SES font moins de place au pluralisme" (Erwan Le Nader)
  • L'économie, une science bien gênante (TSE)
  • Eloi Laurent et les mythologies économiques, saison 2 (Jean Gadrey)


Croissance, fluctuations et crises

  • Les chefs d'entreprise de l'industrie prévoient une stabilité de l'investissement en 2017 après une hausse en 2016 (INSEE)
  • Quelles conséquences de la faiblesse des gains de productivité aux Etats-Unis alors que l’économie américaine revient au plein emploi? (Patrick Artus)
  • Incertitude sur la politique économique et anticipations d’inflation (Banque de France)
  • Une difficulté structurelle pour la BCE : dans la zone euro, l’inflation et la croissance sont maintenant négativement corrélées (Patrick Artus)


Zoom sur le tissu productif français

  • Alstom : un mois après Belfort, des résultats financiers flamboyants (Le Monde)
  • Alstom en "excellente" forme après avoir menacé de fermer Belfort (Libération)
  • L'état du tissu productif français. Absence de reprise ou véritable décrochage ? (OFCE)
  • Compétitivité : le décrochage français est-il irréversible ? (Le Monde)
  • Une entreprise sur deux investit, une sur dix exporte (INSEE)
  • Le commerce de centre-ville : une vitalité souvent limitée aux grandes villes et aux zones touristiques (INSEE)
  • Les fonctions de service dans l'industrie manufacturière : la moitié des emplois directs (INSEE)
  • Le financement de l'exportation pour les PME : se mettre à flot pour passer le cap ? (INSEE)


GRAPHIQUE Composition de l’économie française en 2013 (en %)

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source : OFCE (2016)

Environnement et ressources naturelles


Instabilité financière

  • Trump, Wall Street et les banques : vers une dérégulation massive (La Tribune)


Politiques conjoncturelles versus réformes structurelles

  • Politiques d'innovation : pourquoi ça ne marche pas en France (La Tribune)
  • Cinq idées politiquement correctes mais fausses (Patrick Artus)
  • Le Japon face à la déflation : quel bilan des Abenomics ? (Trésor)
  • Qui est en position de force : les Etats ou les Banques Centrales? (Patrick Artus)


Politique budgétaire et dette publique

  • Bercy calibre les ultimes mesures fiscales du quinquennat (Le Monde)
  • La Commission confirme que la France sera sous les 3% de déficit (La Tribune)
  • Grèce : Alexis Tsipras affiche son obéissance totale aux créanciers (La Tribune)
  • Passe d'armes entre l'Italie et Bruxelles sur le budget (La Tribune)
  • La dette, cet artefact (La Vie des Idées)
  • Finances publiques des pays de la zone euro : quelle est la bonne politique, la bonne discipline ? (Patrick Artus)
  • Les États doivent à la fois réduire leur dette et investir (Jean Pisani-Ferry)
  • Dépenses publiques et croissance potentielle (Patrick Artus)
  • Le niveau plus élevé de dépenses publiques en France par rapport au reste de la zone euro peut-il apporter un supplément de croissance à long terme en France ? (Patrick Artus)


Politique monétaire

  • La crise mondiale a-t-elle durablement bouleversé la conduite de la politique monétaire ? (D'un champ l'autre)
  • Contrôler le taux d’intérêt nominal à long terme, est-ce une politique monétaire plus expansionniste ou moins expansionniste que le quantitative easing ? (Patrick Artus)
  • Dans combien de temps la BCE ne pourra-t-elle plus faire remonter les taux d’intérêt à long terme ? (Patrick Artus)


Commerce international

  • Evolutions de l’ouverture extérieure : quelles conséquences ? (Patrick Artus)
  • Trump président : quel avenir pour les accords de libre-échange ? (The Conversation)
  • Trump dans le magasin de porcelaine des relations commerciales internationales (CEPII)
  • Trump, les États-Unis et le libre-échange : un débat bien mal (re)parti en France (The Conversation)
  • CETA : le débat démocratique n’aura pas lieu (Le Monde)
  • Est-ce un nouveau CETA qui a été signé le 30 octobre dernier ? (Alter éco plus)
  • Le CETA est-il inarrêtable ? (Le Monde)
  • Après le psychodrame du CETA, la France veut réformer la politique commerciale européenne (Le Monde)
  • La politique commerciale européenne au risque de la paralysie (CEPII)
  • Concurrence : l’Europe cherche la parade au dumping chinois (Le Monde)


Finance internationale

  • Chine : les réserves de change ont fondu de 46 milliards de dollars en octobre (La Tribune)
  • L'effet Trump pousse le yuan au plus bas depuis 6 ans face au dollar (La Tribune)
  • Comprend-on les évolutions des taux de change depuis le début de 2016 ? (Patrick Artus)
  • Dette externe des pays émergents : Toujours la même chanson ? (Société générale)
  • Taux d’intérêt à long terme dans les pays de l’OCDE et situation des pays émergents (Patrick Artus)


Intégration européenne

  • Les spirales funestes du Brexit (Harold James)
  • Peut-on obtenir l’unanimité des pays de l’Union européenne ? (Patrick Artus)
  • Faire de la zone euro plus que la somme de ses composantes (La Tribune)
  • L’euro ou la bataille des idées. À propos du livre de Brunnermeier, James et Landau (Télos)


GRAPHIQUE Répartition de la masse totale de patrimoine brut entre les ménages début 2015

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source : INSEE (2016)

Inégalités et redistribution


Inégalités salariales entre hommes et femmes

  • Inégalités hommes-femmes : comment sait-on qu’il faut s’arrêter de travailler le 7 novembre à 16 h 34 ? (Le Monde)
  • "Les carrières interrompues des femmes ont des impacts sur leurs salaires et leur retraite" (Dominique Méda)
  • Inégalités salariales hommes-femmes: 19% ou 64%? (Thomas Piketty)
  • Quelques chiffres pour cette journée du 7 novembre où l’on parle d’inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes (Jean Gadrey)


GRAPHIQUE Ratio entre le revenu du travail moyen des hommes sur celui des femmes

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source : Thomas Piketty (2016)

Travail, emploi, chômage

  • Faut-il taxer les contrats à durée déterminée ? (D'un champ l'autre)
  • Au troisième trimestre 2016, l'emploi marchand continue d'augmenter, porté par l'intérim (INSEE)
  • Courbe du chômage : s’inversera? S’inversera pas? (Denis Clerc)
  • L’intox de François Rebsamen sur la "baisse du chômage" depuis 2012 (Le Monde)
  • Que cache le faible taux de chômage américain ? (TSE)
  • Comprendre l’élection de Trump : l’illusion du plein emploi américain (Guillaume Duval)
  • L’évolution de l’économie des travailleurs indépendants (Project Syndicate)


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Science politique





lire la précédente revue de presse

vendredi 11 novembre 2016

Révisez vos chiffres sur la pauvreté dans le monde !

« (…) "Saviez-vous qu’au cours de ces 30 dernières années, le pourcentage de personnes dans le monde qui vivent dans la pauvreté extrême a été divisé par deux ?" En 2014, 84 % des Américains à qui cette question avait été posée n’étaient pas au courant de cette chute de la pauvreté extrême dans le monde. En fait, 67 % des Adultes qui y ont répondu pensaient que la pauvreté mondiale avait augmenté au cours des trois précédentes décennies. Sans surprise, 68 % ne croyaient pas qu’il serait possible de mettre un terme à la pauvreté extrême dans le monde au cours des 25 années suivantes.

Une récente étude qui a cherché à préciser les connaissances du public autour du monde des Objectifs du Développement Soutenable a confirmé que cette ignorance générale n’est pas une simple anomalie américaine. Une vaste majorité des répondants de divers pays, qu’ils soient développés ou en développement, n’ont pas conscience de ces progrès (cf. graphique 1). Chose intéressante, les citoyens chinois semblent mieux informés des tendances de la pauvreté mondiale que les citoyens américains ou allemands.

GRAPHIQUE 1 La part de la population qui croit que la pauvreté extrême mondiale a diminué au cours des 20 dernières années

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Mais c’est juste que les adultes pensent. Le 17 octobre, lors de la Journée Internationale de l'Eradication de la Pauvreté, un sondage réalisé auprès de 150 étudiants dans les environs de Washington qui étaient invités à la Banque mondiale montra des résultats plus encourageants. Les deux tiers répondirent correctement en déclarant que la pauvreté extrême mondiale avait diminué. Pourtant, plus de la moitié d’entre eux ne pensaient pas que le déclin ait été substantiel. Pire, seulement quatre étudiants sur dix pensaient que la pauvreté extrême pourrait être éliminée d’ici 2030.

Il est tentant d’engager un débat sur les raisons expliquant pourquoi autant de gens en savent si peu à propos de cet incroyable progrès, que Nicholas Kristof, du New York Times, a estimé être "la meilleure nouvelle dont vous n’êtes pas en courant". Laissons de côté les spéculations ; nous faisons simplement état de notre étonnement face à l’ampleur de ces mauvaises perceptions à propos du plus grand défi en termes de développement mondial, en particulier dans un monde hyperconnecté et drogué aux médias.

La seconde partie de cette histoire est également fascinante. Est-ce que la pauvreté mondiale aura disparue en 2030 ? Nous ne pouvons réellement pas en être sûrs et prétendre avoir une réponse définitive peut sembler ridicule dans la mesure où nous ne pouvons même pas estimer avec certitude les chiffres de la pauvreté en temps réel. En effet, les dernières estimations que nous avons à notre disposition se réfèrent à la pauvreté mondiale en 2013, c’est-à-dire d’il y a trois ans.

Cependant, il y a plusieurs raisons d’être optimiste à propos d’une disparition de la pauvreté en 2030.

Le nouveau rapport sur la "pauvreté et la prospérité partagée" publié en octobre par la Banque mondiale explique pourquoi. Le graphique ci-dessous montre que le nombre de personnes extrêmement pauvres à travers le montre (mesuré avec le seuil de 1,90 dollar par jour) a chuté d’environ 1,1 milliard d’individus au cours des 25 dernières années, une période au cours de laquelle la population mondiale a augmenté de près de 2 milliards de personnes (cf. graphique 2). C’est vrai pour toutes les régions du monde sans exception, des pays relativement riches d’Europe de l’Est et d’Amérique latine aux pays plus pauvres d’Afrique subsaharienne et de l’Asie du sud. Certes, les chiffres de la pauvreté n’ont pas diminué au même rythme d’une région à l’autre. Mais les chiffres ne laissent que très peu de doute : la pauvreté extrême a effectivement et fortement diminué.

GRAPHIQUE 2 Part de pauvres dans la population mondiale (en %) et nombre de pauvres dans le monde

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La deuxième raison d’être optimiste est que nous connaissons beaucoup sur la façon de réduire la pauvreté extrême. La chute de la pauvreté extrême autour du monde n’est pas due au hasard. Laissons de côté le débat sur le rôle de la mondialisation dans ce déclin ; il faut souligner que l’exceptionnelle chute de la pauvreté mondiale a été régulière depuis l’instant où nous avons été capables de la déterminer avec une certaine précision avec les enquêtes auprès des ménages, aux environs de 1990. Le constant déclin a été impulsé par des expansions économiques, mais il s’est aussi poursuivi malgré les crises mondiales, notamment la Grande Récession de 2007-2008. Pour être exact, la seule exception a été la crise asiatique à la fin des années quatre-vingt-dix, lorsque la pauvreté mondiale a augmenté, aussi bien en nombre absolu qu’en pourcentage de la population. (…)

La troisième raison d’être optimiste est que l’élimination de la pauvreté extrême peut ne pas être aussi chère qu’on ne pourrait le penser. Il est probablement impossible d’estimer le véritable coût avec précision, mais un simple calcul d’enveloppe du revenu total nécessaire pour combler l’écart en ramenant le niveau de vie des pauvres extrêmes au seuil de pauvreté même (1,90 dollars par jour) nous donne une faible facture : 150 milliards de dollars, soit l’équivalent de 0,15 % du PIB mondial. Ce chiffre ne prend pas en compte le fait que le monde réel implique des coûts administratifs, de la volonté politique, le besoin d’identifier et de cibler proprement les pauvres et le défi qu’il y a à sortir définitivement des millions de personnes hors de la pauvreté. Mais ce chiffre brise le mythe selon lequel l’élimination de pauvreté serait une chimère que les économies en difficultés d’aujourd’hui ne peuvent s’offrir. Notre estimation représente environ la moitié des recettes fiscales que l’on estime être perdues chaque année dans les paradis fiscaux. C’est aussi moins de la moitié de l’argent qui est perdu chaque année dans les jeux dans dix pays autour du monde. Nous pouvons faire ces calculs.

Mais comme avec toute prévision portant sur un avenir lointain, nous devons rester très prudents. Si le monde réussissait à réduire la pauvreté au même rythme qu’il l’a fait au cours des dernières décennies, la pauvreté serait éliminée avant 2030. Malheureusement, faire une telle extrapolation linéaire est naïf et trompeur. Nous ne pouvons continuer de parier sur la rapide réduction de la pauvreté que permit la performance exceptionnelle de la Chine et d’autres pays émergents ayant une grande population. En d’autres termes, leur réussite va permettre à ces pays de sortir bientôt de la pauvreté extrême, c’est-à-dire de ne plus avoir d’habitants vivant avec moins de 1,90 dollars par jour. La Chine et l’Indonésie possèdent chacune d’entre elles encore 25 millions de pauvres extrêmes. L’Inde, cependant, a encore 217 millions de personnes en situation de pauvreté extrême et sa capacité à réduire ce chiffre jouera un rôle crucial dans la réduction de la pauvreté dans le monde. Mais, plus généralement, c’est dans les recoins du monde marqués par la fragilité, les conflits, la mauvaise gouvernance, une faible diversification de l’économie, une vulnérabilité face au changement climatique et une longue liste d’autres problèmes socioéconomiques et politiques que la dernière étape de l’éradication de la pauvreté extrême se jouera. Et croire qu’une forte croissance économique dans ces pays permettra d’atteindre cet objectif ne fera pas l’affaire. Le monde continue de présenter les symptômes d’une pneumonie économique prolongée, avec désormais les pays à faible revenu faisant face à des conditions plus dures (même après avoir présenté une formidable résilience durant la crise mondiale de 2008-2009). Depuis la fin du super-cycle des matières premières en 2014, les taux croissance ont baissé dans le monde en développement et il y a peu de raisons nous amenant à croire que la croissance s’accélérera prochainement. C’est pourquoi il est crucial de mieux répartir les fruits de la croissance si l’on espère éliminer la pauvreté extrême d’ici 2030. (...) »

José Cuesta, Mario Negre et Christoph Lakner, « Know your facts: Poverty numbers », 7 novembre 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« Aura-t-on éliminé l’extrême pauvreté dans le monde en 2030 ? »

« Comment réduire la pauvreté dans un monde plus riche ? »

« Portrait de la pauvreté dans les pays en développement »

mercredi 9 novembre 2016

Dans la lutte contre le chômage, les partisans de la relance ont clairement gagné

« En août 2010, un article de Slate notait qu’il y avait "deux gangs d’économistes qui se battent sur les causes du chômage de masse" aux Etats-Unis. Paul Krugman, le meneur des "cycs" disait que la cause était conjoncturelle : il s’agissait d’une insuffisance de la demande globale. Les "strucs" expliquaient la hausse du chômage par un ensemble de facteurs structurels et ils prédisaient que le chômage ne déclinerait pas, à moins que l’on s’attaque à ces facteurs structurels. Six ans après, quel camp a gagné la bataille ?

Les preuves empiriques montrent que les "cycs" avaient largement raison. Le chômage aux Etats-Unis a chuté assez bien en phase avec la reprise de la production. Les Etats américains où la croissance a été plus forte que la moyenne nationale ont connu les plus fortes chutes du chômage. Et l’observation des performances des autres pays montre que les pays qui ont connu une croissance plus rapide que la moyenne mondiale (un groupe qui inclut les Etats-Unis et le Royaume-Uni) ont connu les plus fortes baisses du chômage.

Paul Krugman écrivait en 2011 que le chômage était élevé "parce que la croissance économique est faible ; c’est tout, point final, fin de l’histoire". Les "strucs" avaient une longue liste de solutions : "des changements en matière d’éducation, d’immigration, de réglementation du travail, des investissements directs à l’étranger (IDE), d’assurance-chômage et de droit des brevets", selon un article de Diana Furchtgott-Roth du Manhattan Institute.

Les données empiriques indiquent que la croissance est le coupable parmi la liste de suspects. Le graphique 1 montre la relation entre les composantes cycliques du chômage et le PIB réel en utilisant les données annuelles relatives aux Etats-Unis. Il y a une relation très robuste avec un R2 de 0,8 et un coefficient de pente de -0,45. Les dernières années, indiquées en rouge sur le graphique, ne s’en démarquent pas.

Par respect aux idées de James Hamilton, ces composantes cycliques ont été constituées en utilisant, non pas le filtre Hodrick-Prescott, mais celui qu’il recommande. En pratique, utiliser le filtre Hodrick-Prescott donne des résultats similaires : un R2 de 0,78 et un coefficient de pente de -0,54. La relation entre la variation du taux de chômage et le taux de croissance du PIB réel, qui ne dépend pas d’un quelconque filtrage explicite, est également très robuste. Avec des données trimestrielles, la relation entre le chômage et la production apparaît plus brouillée, mais elle reste très robuste.

GRAPHIQUE 1 Les composantes conjoncturelles du chômage et de la production aux Etats-Unis

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Creusons un peu plus


La Grande Récession n’a pas affecté tous les Etats américains de la même façon et le rythme de la reprise subséquente a également varié d’un Etat à un autre. A diverses reprises, plusieurs politiciens (tels que l’ancien gouverneur du Texas Rick Perry) ont vanté les politiques du marché du travail spécifiques qu’ils ont mis en œuvre pour expliquer la meilleure performance de l’Etat. Cependant, un aperçu infranational aux Etats-Unis amène à douter de telles affirmations et suggère plutôt que les "cycs" ont raison.

GRAPHIQUE 2 Les taux de chômage effectif et prévu dans les Etats américains

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C’est ce qu’illustre le graphique 2. L’axe vertical montre le déclin du chômage entre 2010 et 2015 dans chacun des 51 Etats américains (…). L’axe horizontal montre le déclin du chômage que l’on pouvait prévoir en se basant sur la croissance du produit domestique de l’Etat et la relation historique entre le chômage et la production que l'on a pu observer dans cet Etat. Les données empiriques montrent clairement que le chômage a plus chuté dans les Etats où il y a eu une plus forte reprise de la production.

Les Etats-Unis versus le reste du monde


Le graphique 3 montre les résultats d’un exercice similaire utilisant les données de plusieurs économies avancées. Cette fois l’axe vertical montre la variation du chômage dans chaque économie entre 2010 et 2015. L’axe horizontal montre ce que l’on aurait pu prévoir sur la base de la croissance du PIB réel du pays au cours de cette période et la relation historique entre le chômage et la production dans chaque pays. Une fois encore, il y a une relation très robuste entre les deux. Dans les pays tels que les Etats-Unis et le Royaume-Uni (indiqués en rouge sur le graphique) où la croissance du PIB réel a été plus forte qu’ailleurs, le déclin du taux de chômage a été le plus fort.

GRAPHIQUE 3 Les taux de chômage effectifs et prévus dans les pays développés

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Une victoire, mais la guerre n’est pas finie


Les données empiriques infra-nationales, nationales et internationales suggèrent toutes une claire victoire pour ceux qui ont une explication conjoncturelle au chômage de masse aux Etats-Unis et dans les autres pays avancés. Par extension, les données empiriques justifient la mise en œuvre d’une relance de la demande globale via les politiques monétaire et budgétaire que recommandaient les "cycs". Il est peu probable que les écarts de croissance entre les Etats américains et entre les pays développés que l’on a pu observer au cours de cette période reflètent des effets différenciés de politiques structurelles. En fait, ils sont davantage susceptibles de refléter des différences dans le calendrier des actions des banques centrales (la Fed ayant assoupli plus rapidement et plus amplement sa politique monétaire que la BCE, par exemple) et des différences en matière d’orientation de la politique budgétaire.

Bien sûr, des problèmes demeurent sur le marché du travail, même dans des pays comme les Etats-Unis où les conditions se sont significativement améliorées au cours des dernières années. Comme le nota récemment Kocherlakota (qui appartenait initialement au camp des "strucs" avant de rejoindre celui des "cycs"), le taux d’activité aux Etats-Unis a décliné ; les raisons expliquant ce déclin et sa durée dans le temps restent sujettes à débat. Kocherlakota affirme que la conjoncture reste toujours morose et suffisamment incertaines pour que "l’accroissement des taux directeurs ou l’annonce d’une hausse en décembre constituent une erreur".

D’autres disent que l’économie américaine est désormais au plein emploi et que de nouvelles améliorations des conditions sur le marché du travail ne sont possibles qu’avec des politiques structurelles et non avec une relance monétaire ou budgétaire. Donc la guerre entre les "cycs" et les "strucs" va se poursuivre ; mais dans un champ où les résultats ne sont jamais très clairs, il est bon de pouvoir s’arrêter un instant et déclarer que les "cycs" ont gagné la bataille de 2010-2016. »

Zidong An et Prakash Loungani, « Battling unemployment: A clear win for the ‘cycs' », in Econbrowser (blog), 3 novembre 2016. Traduit par Martin Anota

lundi 7 novembre 2016

Allons-nous assister à un retour de la démocratie sociale ?



« Dans leur livre The Nobel Factor: The Prize in Economics, Social Democracy, and the Market Turn, Avner Offer et Gabriel Söderberg se sont penchés sur l’étrange mise à mort de la social-démocratie entre les mains du libéralisme de marché. Cette mort fut accélérée par le rôle que le prix Nobel a joué en économie en donnant à cette dernière l’allure d’une science et qui fut alors utilisé par les économistes néolibéraux pour imposer leurs conceptions en matière de politiques économiques.

Offer et Söderberg définissent la démocratie sociale comme une continuation des idées des Lumières : depuis l’égalité devant Dieu à l’égalité devant la loi, à l’égalité entre les hommes et les femmes et les races, à l’égalité des droits entre les citoyens. Puisque chaque citoyen connaît des périodes de dépendance (en tant qu’enfant, en tant que mère, en tant que chômeur ou encore en tant que personne âgée) lorsqu’il ne peut plus gagner un revenu de son travail, il dépend alors de revenus de transfert de la population en âge de travailler. Ce schéma de cycle de vie est partagé par tous et donc la société, sous la forme d’assurance sociale, édifie un système qui opère la redistribution de ceux qui gagnent un revenu vers les dépendants.

Comment le libéralisme de marché résout le problème du cycle de vie ? En partant de l’idée que chacun est un agent libre avec ses dotations en capital et en travail. Lorsqu’un individu ne peut travailler, il utilise les recettes de son capital (en supposant bien sûr qu’il en ait initialement hérité ou qu’il ait suffisamment épargné pour se constituer un patrimoine). Ce n’est pas une « société » dans le vrai sens du terme, mais un groupe d’« agents » qui gèrent leur propre revenu au cours de leur cycle de vie. Puisque les rendements sont pour les propriétaires du travail et du capital et qu’il n’y a pas de redistribution, c’est une société « paisible » où chacun gagne ce qu’il a placé et où les inégalités de revenu ne sont jamais un problème, précisément parce que le revenu est exactement proportionnel aux contributions de chacun.

Il s’agit en effet de deux conceptions différentes du monde. Comme Offer et Söderberg l’écrivent, les idées de la social-démocratie sont une réussite au niveau empirique, mais elles ne furent pas très explorées sur le plan théorique par les économistes. La vue néolibérale a les caractéristiques exactement inverses : empiriquement, elle n’a pas été un réel succès (regardez les projets de retraite privée au Chili), mais les économistes ont considérément travaillé sur elle sur le plan théorique.

La vue néolibérale est devenue dominante au début des années quatre-vingt, lorsque le modèle social-démocrate a été accusé d’être à l’origine du ralentissement de la croissance. Le prix Nobel a accéléré cette accélération parce qu’il tendait à récompenser les travaux néolibéraux en sciences économiques. Les origines du prix Nobel sont assez révélatrices (…). Il y a certains détails qui sont restés sous silence. Le prix a littéralement été acheté par la Riksbank, la banque centrale de Suède, qui avait la belle idée qu’un prix Nobel en économie pouvait aider cette dernière à affirmer son indépendance vis-à-vis du gouvernement en l’élevant au statut de "science". Le gouvernement suédois a laissé la Riskbank faire pression sur le Comité Nobel pour l’introduction du seul prix Nobel que n’avait pas envisagé Alfred Nobel, essentiellement pour une question de vanité. La Riksbank réussit à faire plier le comité, entre autres en imposant certaines contraintes sur les instruments financiers sur lesquels le Comité Nobel pouvaient investir et en finançant elle-même le prix. Ce fut un bel exemple d’entrepreneuriat : acheter un prix pour soi-même. (On peut se demander, si par exemple, Apple pourrait ne pas suivre la Riksbank et acheter un prix pour récompenser le développement technologique le plus prometteur.)

Il y a, selon Offer et Söderberg, une autre raison qui explique pourquoi la social-démocratie fut abandonnée, même par les partis qui ont vu le jour par le biais même de la social-démocratie, comme le parti travailliste en Grande-Bretagne, le parti socialiste en France et le SDP allemand. La direction de ces partis est passée des mains des activistes sociaux et travailleurs aux mains de meneurs qui mettaient l’accent sur la méritocratie et aux yeux desquels la redistribution récompensait des "pauvres peu méritants". C’est le contexte de « la fin de l’Etat-providence tel que nous le connaissons » de Bill Clinton. Ce déplacement fut aussi alimenté par l’intérêt même des nouveaux meneurs qui au cours du processus (comme nous le montrent les Clinton et les Blair) s’enrichirent immensément. On peut même dire que les partis ont dans une certaine mesure été pris en otage par leurs meneurs les plus intéressés.

Offer et Söderberg ont laissé la porte ouverte à un possible retour de la démocratie sociale et ils voient les signes précurseurs d’un tel changement dans le rôle croissant que joue la gauche des partis sociaux-démocrates comme dans le cas de Bernie Sander, Corbyn, Syriza et Podemos.

Le récit d’Offer-Söderberg est très convaincant, mais je trouve que les auteurs ont peu souligné quelles ont été les conditions "objectives" qui ont joué contre la social-démocratie. Ce n’est pas un point mineur. Si les conditions objectives ont en effet changé, comme je le crois, alors l’attrait dont la social-démocratie peut à l’avenir faire l’objet risque d’être plus limité. En d’autres termes, nous ne sommes pas susceptibles de connaître le même statu quo qu’auparavant, et ce même si l’échec du néolibéralisme est manifeste aux yeux de la majorité (mais pas aux yeux de certains économistes dont l’intérêt passe par la négation de l’évidence).

Il y a eu selon moi quatre changements qui vont contre le modèle idéal-typique de la social-démocratie. (…) Le premier est le multiculturalisme. La social-démocratie a été créée pour les sociétés ethniquement et culturellement homogènes. Les sociétés d’Europe de l’Ouest sont aujourd’hui bien plus diverses qu’elles ne l’étaient il y a soixante ans. C’est la question sur laquelle Assar Lindbeck (qui, par ailleurs, est la personne la plus influente dans la création du prix Nobel et ses premières attributions) a travaillé très tôt. Si les normes culturelles diffèrent et s’il y a un "manque d’affinité" entre les groupes (pour utiliser l’expression de Peter Lindert), alors la volonté de financer des transferts pour autrui s’évanouit.

Le deuxième défi est la fin du fordisme. Avec un travail plus hétérogène, en termes de tâches et de qualifications, des établissements de plus petite taille et géographiquement plus dispersés, des travailleurs indépendants plutôt que salariés, la base naturelle de la social-démocratie (le travail homogène procédant à un assemble dans un seul lieu) disparaît.

Le troisième défi est démographique. La social-démocratie s’est révélée être une réussite à travers l’usage du système par répartition dans les pays où la population augmentait et où la population en âge de travail était importante. Beaucoup travaillaient et transféraient des revenus aux retraités dans l’attente d’avoir le droit au même traitement lorsqu’ils vieilliraient à leur tour. Mais quand la population est sur le déclin et que la part des retraités dans la population augmente de plus en plus par rapport à la part de la population en âge de travailler, alors l’intégrité du système par répartition est remise en cause. Il n’est pas impossible que l’âge de départ à la retraite soit repoussé et que les pensions de retraite soient réduites, mais il est politiquement très difficile de le faire.

Le quatrième défi est la mondialisation. La social-démocratie opéré dans des économies plutôt fermées où la migration (et donc le défi du multiculturalisme) était peut importante et où le capital était généralement captif dans l’économie domestique. Rien de cela n’est encore vrai. Le capital est bien plus mobile, si bien qu’il est fortement taxé pour fournir des fonds pour les transferts sociaux, il risque de sortir de l’économie domestique. Les Etats-providence développés qui permettaient à ce que personne ne soit abandonné peuvent fournir les incitations en particulier pour les migrants faiblement qualifiés. Donc la "meilleure" social-démocratie peut perversement attirer des migrants offrant un travail d’une moins bonne qualité que les systèmes les plus austères et "égoïstes".

Ces éléments (…) m’amènent à penser qu’il est peu probable que l’on connaisse un retour à l’Age d’Or de la social-démocratie. D’un autre côté, beaucoup prennent conscience de l’inadéquation du modèle néolibéral qui engendra une grande crise (qui ne s’est finalement pas transformée en une autre Grande Dépression précisément parce que les règles clés du néolibéralisme furent abandonnées pour sauver le système). Comme plusieurs fois au cours de l’histoire, nous sommes à présent à un moment où aucune des deux doctrines établies ne semble fournir de réponses raisonnables aux questions d’aujourd’hui. Cela laisse le champ le champ ouvert à de nouvelles pensées et expérimentations. »

Branko Milanovic, « Will social democracy return? A review of Offer and Söderberg », in globalinequality (blog), 31 octobre 2016. Traduit par Martin Anota

dimanche 6 novembre 2016

Les liens de la semaine

Autour des sciences économiques


Croissance, fluctuations et crises

  • La croissance européenne tient bon, malgré le Brexit (Le Monde)
  • Exit la croissance ? (OFCE)
  • Les économistes et la crise du néolibéralisme aux États-Unis (Contretemps)
  • "Il faut développer des indicateurs complémentaires qui appréhendent le bien-être et la qualité de la vie des citoyens" (Le Monde)


GRAPHIQUE Taux de croissance du PIB de l'UE28 et de la zone euro (% de variation par rapport au trimestre précédent)

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source : Eurostat (2016)

Economie géographique


Innovation


Démographie et migration

  • Projections de population à l’horizon 2070. Deux fois plus de personnes de 75 ans ou plus qu’en 2013 (INSEE)
  • 21 000 centenaires en 2016 en France, 270 000 en 2070 ? (INSEE)
  • A Paris, 3 000 migrants dans la rue, victimes collatérales du démantèlement de Calais (Le Monde)
  • Londres accusée d’accueillir trop peu de mineurs de Calais (Le Monde)


GRAPHIQUE Évolutions passée et future de la population (en millions)

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source : INSEE (2016)

Environnement et ressources naturelles

  • Aujourd’hui, une hausse, jusqu’à un niveau intermédiaire, du prix du pétrole, est favorable aux États-Unis et est défavorable à la zone euro et au Japon : quelles sont les conséquences de cette nouvelle asymétrie ? (Patrick Artus)
  • Comprendre l’effet de serre et ses conséquences (The Conversation)
  • Climat : qu'attendre de la COP22 après l'entrée en vigueur de l'accord de Paris ? (La Tribune)
  • Les sept enjeux de la COP22 (The Conversation)
  • Climat : les engagements des Etats seront insuffisants pour tenir l’objectif de l’accord de Paris (Le Monde)
  • Transition bas carbone : l’argent est là (Alter éco plus)
  • Pour une démarche réaliste et radicale face aux changements climatiques (Project Syndicate)


Inflation


Politiques conjoncturelles versus réformes structurelles

  • #vidéo Pourquoi baisser l'impôt sur les sociétés est une priorité (Olivier Passet)
  • Zone euro : la faiblesse de la croissance ne peut être corrigée ni par la politique budgétaire, ni par la politique monétaire (Patrick Artus)
  • La Chine et la théorie des contrats incomplets (Project Syndicate)


Politique économique et dette publique

  • La nouvelle réalité budgétaire (Jean Pisani-Ferry)
  • "L’investissement public" est la clé de la reprise économique (Le Monde)
  • Croissance, déficit... l'optimisme intact de Michel Sapin (La Tribune)
  • En France, la croissance anémique menace la réduction des déficits (Le Monde)
  • S’il faut réduire les déficits publics des pays de la zone euro en raison de la hausse, dans le futur, des taux d’intérêt à long terme, comment réaliser cette réduction ? (Patrick Artus)
  • Une idée parfaitement folle pour le FMI (Ugo Panizza)


Politique monétaire

  • La Réserve fédérale en ordre de marche pour relever ses taux d’intérêt en décembre (Le Monde)
  • Brexit : optimiste, la Banque d'Angleterre laisse ses taux inchangés et fait grimper la livre (La Tribune)
  • Banques centrales : le bouc émissaire facile (La Tribune)
  • Grand danger à la borne inférieure (Keneth Rogoff)
  • Y a-t-il aujourd’hui conflit d’objectifs pour la politique monétaire aux Etats-Unis ou dans la zone euro? (Patrick Artus)
  • Quel objectif pour les Banques Centrales dans le futur ? (Patrick Artus)
  • Les banques centrales et la revanche du politique (Otmar Issing)
  • Les banques centrales doivent accepter le débat sur la politique monétaire (La Tribune)


Commerce international

  • Le CETA officiellement signé à Bruxelles, mais son avenir reste incertain (Le Monde)
  • Les tribunaux d’arbitrage menacent-ils la démocratie ? (Le Monde)
  • CETA : la démocratie européenne sera-t-elle dépossédée ? (Le Monde)
  • CETA : Les services publics sont-ils menacés ? (Le Monde)
  • CETA et climat font-ils bon ménage ? (Le Monde)
  • CETA : qui est pour et qui est contre en France ? (Le Monde)
  • Il sera difficile de revenir sur le libre-échange (Lionel Fontagné)
  • Sanctions économiques internationales : le retour (CEPII)


Finance internationale

  • Au bord de l’asphyxie, l’Egypte laisse flotter sa devise (Le Monde)
  • "Le renminbi candidat à être une devise largement utilisée, mais non dominante" (Michel Aglietta)
  • Les pays (régions) de l’OCDE devraient tous essayer d’avoir une monnaie forte (Patrick Artus)
  • Taux de change dollar/euro et prix du pétrole (Patrick Artus)


Intégration européenne

  • Opposé au Brexit, le gouverneur de la Banque d’Angleterre fait de la résistance à son poste (Le Monde)
  • Brexit: le Parlement conforté contre Theresa May par la Haute cour de Londres (Le Monde)
  • De combien d’Europe ont besoin les Européens ? (Project Syndicate)
  • Après la fin du quantitative easing dans la zone euro, y a-t-il un risque de nouvelle crise de la dette des pays périphériques? (Patrick Artus)


Inégalités et redistribution


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source : Alter éco plus (2016)

Travail, emploi, chômage


GRAPHIQUE Taux de chômage dans la zone euro et l'UE28 (en %)

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source : Eurostat (2016)

Science politique



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lire la précédente revue de presse

lire la revue de presse en tweets de Xavier Molénat

vendredi 4 novembre 2016

L’Asie génère toujours un excès d’épargne

« En 2005, lorsque Ben Bernanke mit en garde pour la première fois contre le risque d’un excès mondial d’épargne (global savings glut), le taux d’épargne combiné des principales économies en excédent d’Asie (en l’occurrence, de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud, de Taïwan, de Hong Kong et de Singapour) était égal à environ 35 % de leur PIB collectif. A combien s’élève ce chiffre désormais ? Environ 40 %.

GRAPHIQUE Taux d’épargne des trois régions majeures du monde (en % du PIB régional)

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Cela fait évidemment beaucoup d’épargne, de l’épargne qui doit soit financer un niveau très élevé d’investissement dans l’économie domestique, soit être exporté au reste du monde. Et avec les faibles taux d’intérêt que l’on observe autour du monde, l’économie mondiale n’a pas vraiment besoin d’importer de l’épargne d’Asie en ce moment.

Le niveau élevé d’épargne de l’Asie de l’Est est précisément l’objet de mon nouveau document de travail.

On parle beaucoup de la récente baisse du taux d’épargne national de la Chine. Ce dernier avait atteint un pic à environ 50 % du PIB ; en 2015, il a chuté à 48 %. Une chute, certes, mais relativement modeste. N’oubliez pas qu’une forte épargne a pour revers un faible niveau de consommation ; sans niveaux élevés d’investissement, la croissance de la demande domestique peut facilement s’essouffler. Dans les données agrégées des pays asiatiques en excédent, l’accroissement de la part de la Chine dans la production régionale fait plus que compenser la chute (modeste) du taux d’épargne chinois. Le taux d’épargne national en Corée du Sud et à Taïwan se sont aussi accrus au cours des cinq dernières années. Nous avons donc un niveau record d’épargne au niveau régional. En dollars, l’accroissement de l’épargne est encore plus spectaculaire. Les économies excédentaires d’Asie ont épargné environ 2.800 milliards de dollars en 2005. Ils épargnent à présent environ 7.000 milliards de dollars. L’épargne chinoise est passée de 1.000 milliards de dollars à 5.000 milliards de dollars.

GRAPHIQUE Epargne des économies est-asiatiques en excédent (en milliards de dollars)

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Les chiffres en dollars importent tout particulièrement. Ils montrent l’ampleur de l’offre de matières premières pour les larges excédents (700 milliards en 2015) de l’Asie de l’Est. Et, avec l’excédent européen, cela contribue à générer un excès mondial d’épargne qui déprime les taux d’intérêt réels tout autour du monde. Trop d’épargne, pour trop peu de bons investissements.

GRAPHIQUE Solde du compte courant agrégé des économies est-asiatiques et européennes en excédent

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Il est vrai qu’en pourcentage du PIB des économies excédentaires d’Asie, l’excédent externe de l’Asie est plus faible qu’il ne l’était à la veille de la crise mondiale. 4 % du PIB régional aujourd’hui, contre 7 % lors du pic. Après la crise, la Chine a adopté un ensemble de politiques qui contraignit une plus grande part de son épargne à être utilisée au sein de son économie, ce qui compensa en partie les excédents qui se sont accrus en Corée du Sud et à Taïwan.

GRAPHIQUE Epargne, investissement et excédent courant des économies en excédent de l’Asie de l’Est (en % du PIB régional)

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Il est aussi vrai que l’économie mondiale n’a pas connu une aussi forte croissance que les économies asiatiques en excédent (la croissance rapide de la Chine après la crise a plus que compensé la faible croissance du Japon). Par conséquent, l’excédent externe agrégé de l’Asie de l’Est n’était seulement qu’un peu plus faible en 2015, relativement au PIB de ses partenaires à l’échange, qu’il ne l’était avant la crise mondiale. Je suis convaincu que c’est un chiffre important pour l’économie mondiale. Le reste du monde a du mal à générer une forte croissance de sa demande aujourd’hui ; avoir à la partager avec l’Asie de l’Est n’aide pas vraiment.

GRAPHIQUE Solde du compte courant des économies est-asiatiques et européennes en excédent (en % du PIB agrégé de leurs partenaires à l’échange)

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L’excédent des principales économies asiatiques en excédent devrait un peu baisser en 2016. L’excédent du compte courant de la Chine devrait baisser un peu. Il y a une part de vérité dans cela (la demande d’importations a augmenté, grâce à la dernière relance basée sur le crédit de la Chine). Et une part qui se révélera inexacte. Je doute que toute la hausse des importations de tourisme soit réelle (si les importations de tourisme dissimule des sorties de capitaux, l’excédent sous-jacent de la Chine doit être révisé à la hausse. L’excédent commercial de la Chine est resté autour de 600 milliards de dollars.

Sans l’adoption de certaines mesures de politique économique, il y a aussi un risque que les exportations d’épargne de l’Asie (par exemple son excédent de compte courant) puissent augmenter davantage au cours du temps. Pourquoi ? Le niveau élevé d’épargne et le fait que l’ajustement que l’on a pu voir après la crise soit passé par une hausse de l’investissement et non par une chute du niveau d’épargne sous-jacent.

Le compte courant de l’Asie est resté en excédent même avec les larges déficits budgétaires qui ont réduit l’épargne nationale du Japon et avec des niveaux exceptionnellement élevés d’investissement en Chine. Les déficits budgétaires se traduisent généralement par une désépargne du gouvernement dans un cadre de comptabilité nationale ; de hauts niveaux d’investissement domestique poussent l’épargne domestique à être utilisée dans l’économie domestique et donc réduisent les excédents externes. Sans une réduction du niveau d’épargne nationale sous-jacent, une baisse de l’investissement en Chine et une baisse des déficits budgétaires au Japon peuvent se traduire par un plus ample excédent du compte courant asiatique et par de nouveaux risques mondiaux. La constellation de risques ne sera pas la même que celle d’avant-crise, mais de larges excédents externes peuvent exporter la stagnation séculaire d’un pays à l’autre et accroître le risque de trappes à liquidité contagieuses.

La solution ? On ne peut plus continuer à s’appuyer sur le crédit pour soutenir de hauts niveaux d’investissement en Chine. Il existe un ensemble de politiques susceptibles de ramener le niveau d’épargne nationale dans plusieurs économies est-asiatiques à des niveaux plus adéquats avec un niveau d’investissement soutenable. En l’occurrence, une plus grande prise en charge par l’Etat des dépenses de santé et des retraites en Chine, en Corée du Sud et à Taïwan, financé via des impôts sur le revenu progressifs plutôt que par de plus fortes contributions sociales. Et des politiques budgétaires raisonnables (c’est-à-dire prudemment expansionnistes) dans plusieurs pays excédentaires d’Asie. »

Brad Setser, « Asia’s persistent savings glut », in Follow The Money (blog), 25 octobre 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« La fin des déséquilibres globaux ? »

« Pourquoi les déséquilibres globaux se sont-ils résorbés ? »

« L'ajustement des déséquilibres globaux depuis la crise mondiale »

« Les déséquilibres globaux sont-ils à un tournant ? »

mercredi 2 novembre 2016

Rien n’est gratuit



« Il y a un intéressant entretien avec Martin Shkreli dans le Financial Times. Shkreli, qui est devenu célèbre lorsque, après en avoir acheté le brevet d’un médicament utilisé pour traiter le Sida, il en a multiplié le prix par soixante assume clairement le fait de jouer le rôle de mauvais garçon. Il ne regrette absolument pas sa décision et croit que ce qu’il a fait est tout à faire correct, dans la mesure où cette décision a permis de maximiser la valeur pour les actionnaires (shareholders). S’il le pouvait, il le referait à nouveau.

Et il y a une logique de fer dans le raisonnement de Shkreli. Comme je l’ai déjà affirmé par le passé, dans une économie capitaliste, il ne fait pas sens de croire ou d’affirmer que les entreprises doivent poursuivre des objectifs autres que la maximisation du profit. Si la société désire y apporter quelques ajustements, comme elle doit effectivement le faire dans certains cas, alors il en incombe au gouvernement soit d’imposer des changements dans le fonctionnement même du marché (par exemple, en instaurant des limites au prix), soit de créer un meilleure d’assurance, soit de simplement subventionner les utilisateurs du médicament. Mais ce n’est pas le rôle de Shkreli d’incorporer les préoccupations sociales dans sa politique de fixation des prix. Il se comporterait de la même façon même s’il vendait un autre produit : qu’il s’agisse d’un médicament sauvant des vies ou d’une paire de chaussures, les règles sont les mêmes.

En fait, le seul péché dont Shkreli semble être coupable est celui d’avoir été brutalement franc et de ne pas s’être montré hypocrite. Plusieurs entreprises (en particulier les grosses entreprises pharmaceutiques) font exactement la même chose que lui, mais elles le font plus discrètement ; elles ne peuvent pas accroître le prix des médicaments de 5.000 %, afin de ne pas attirer une attention bien malvenue, mais elles peuvent accroître le prix de 2.000 % et passer inaperçues, en dessous de l’écran radar des politiciens et des faiseurs d’opinion. Elles sont peut-être plus malines et prudentes que Shkreli, mais pas très différentes de ce dernier. Elles se disent volontiers au service de toutes les "parties prenantes" (stake-holders), mais elles savent, aussi bien que Shkreli que si elle ne se focalisent pas par-dessus tout sur les profits, elles risquent de faire faillite et de disparaître.

Si vous avez une économie capitaliste, vous ne pouvez pas l’avoir de deux façons : en demandant une efficience sans compromis, en préconisant une forte concurrence et ensuite, soudainement, dans certains cas, en demandant aux capitalistes et aux entrepreneurs de suivre une logique totalement différente. Si vous voulez des résultats différents, alors le gouvernement ne peut rester les bras croisés, mais il doit intervenir et avoir un rôle actif.

Cela me rappelle une histoire que j’ai entendue il y a quelques années. Un joueur de basketball américain (dont je ne me souviens malheureusement plus le nom) refusa d’avoir à être exemplaire du fait qu’il soit un modèle pour les jeunes. Il répondit au journaliste qui le critiquait pour ne pas être exemplaire pour les jeunes en soulignant un fait évident : son rôle est de mettre des paniers, pas d’élever les enfants des autres. Et c’est clairement le point clé : si vous voulez que les enfants soient bien élevés et que les parents s’impliquent davantage, il faut mettre en place des congés payés pour les parents, permettre à ces derniers d’aller plus tard au travail (après qu’ils aient déposé leurs enfants à la crèche) ou encore de donner des aides financières aux enfants, et non garder le système intact et prétendre que c’est le rôle des joueurs de basketball de s’assurer que les enfants soient bien éduqués.

En d’autres mots, les gens suivent une certaine logique de comportement (qui reflète les mœurs sociales dominantes et le cadre institutionnel en place) et si l’on veut changer la logique dans certains domaines, on a besoin d’un gouvernement activiste. Rien n’est gratuit. »

Branko Milanovic, « Nothing comes for free », in globalinequality (blog), 30 octobre 2016. Traduit par Martin Anota

lundi 31 octobre 2016

La Fed et les inégalités

« Ces dernières années, les politiciens populistes, parmi d’autres, ont affirmé que la politique monétaire était trop souple et qu’elle nuisait aux travailleurs ordinaires. Mais accroître les taux d’intérêt n’est pas une façon adéquate pour répondre aux inégalités de revenu.

C’est une affirmation étrange à entendre, en particulier de la bouche des populistes. De faibles taux d’intérêt sont bons pour les débiteurs, bien sûr, et mauvais pour les créanciers. Quasiment tout au long de l’histoire des Etats-Unis, les populistes ont affirmé que la politique monétaire accommodante et les faibles taux d’intérêt aidaient les gens ordinaires face aux banquiers qui avaient un cœur de pierre et ne croyaient que dans l’austérité monétaire. C’était également l’argument que William Jennings Bryan avançait lorsqu’il était candidat à la présidence en 1896 sur la base d’un programme d’assouplissement monétaire, avec le soutien des fermiers du Midwest qui souffraient des taux d’intérêt élevés et de la baisse des prix des matières premières. Ce fut l’argument que les partisans de l’offre avancèrent lorsqu’ils s’opposèrent aux taux d’intérêt élevés de Paul Volcker, ce qui poussa Ronald Reagan à placer à la Réserve fédérale en 1985 deux gouverneurs qui s’opposeraient à son président.

Un point intéressant concerne l’or. Durant les années 1890, la réforme proposée par Bryan pour permettre l’argent facile passait par la sortie des Etats-Unis de l’étalon-or, comme on a pu l’entendre lors de son fameux discours sur la "croix d’or". (Il aspirait à mener la population dans sa confrontation contre les "détenteurs oisifs du capital oisif" et déclara notamment "Vous ne devez pas ceindre le front de la main-d'œuvre de cette couronne d'épines ; vous ne devez pas crucifier l’humanité sur une croix d’or".) Dans les années 1980, la proposition des partisans de l’offre pour l’assouplissement monétaire passait par le retour des Etats-Unis dans l’étalon-or. Au cours de cette année d’élection, Donald Trump, Ted Cruz et d’autres candidats républicains à la Présidence ont affirmé qu’ils aimeraient également retourner à l’étalon-or. Mais lorsque Trump et d’autres politiciens républicains avouent une admiration pour l’étalon-or, c’est parce qu’ils veulent une politique monétaire plus stricte. Il est difficile de trouver une menace cohérente. Les républicains semblent préférer la relance monétaire lorsqu’ils sont à la présidence et préférer l’austérité monétaire lorsqu’ils n’y sont pas.

La vérité est que la politique monétaire n’est pas un levier approprié pour répondre aux inégalités de revenu. Je ne dis absolument pas que les inégalités n’importent pas. Depuis les années soixante-dix, l’essentiel des fruits de la croissance sont allés entre les mains des plus riches. Mais les bons outils pour répondre au problème des inégalités sont les impôts progressifs, l’assurance santé universelle, la réforme financière, et ainsi de suite. Pour prendre une analogie, le changement climatique mondial est un problème important, mais la politique monétaire n’est pas non plus le bon outil pour y répondre.

Le boulot de la politique monétaire est de promouvoir la croissance dans l’ensemble de l’économie, tout en veillant au maintien de la stabilité des prix et de la stabilité financière. Ce n’est pas contradictoire avec l’idée d’aider les plus pauvres. Au contraire, une "économie à haute pression" (pour reprendre une expression que l’on a pu récemment entendre dans un discours prononcé par Janet Yellen, la présidente de la Fed), qui désigne une économie qui chauffe suffisamment pour créer des emplois à un rythme soutenu, va finalement se traduire par de plus hauts salaires réels pour les travailleurs et de plus hauts revenus pour le travailleur typique. C’est ce que nous avons par exemple vu à la fin des années quatre-vingt-dix aux Etats-Unis, lorsque le taux de chômage a été poussé sous les 4 %.

Certains peuvent alors réagir en se demandant pourquoi cela ne s’est pas passé ainsi au cours de l’actuelle expansion. Eh bien, les choses se sont précisément passées ainsi.

Aux Etats-Unis, plus de 15 millions d’emplois ont été ajoutés dans le secteur privé depuis début 2010. La croissance de l’emploi a été bien supérieure au taux naturel d’accroissement de la force de travail. La plus longue série continue de hausses mensuelles que l’on a enregistrées a permis de ramener le taux de chômage sous les 5 % l’année dernière (alors qu’il atteignait au plus haut 9 % en 2009 et 2010) et désormais les travailleurs que s’étaient précédemment découragés sont incités à retourner dans la vie active. L’accroissement de la demande de travail a entraîné à son tour une hausse des salaires réels pour les travailleurs (s’élevant à plus de 2,5 % l’année dernière), au rythme le plus rapide que l’on ait pu observer dans un quelconque cycle d’affaires depuis le début des années soixante-dix.

Jusqu’à récemment, les améliorations sur le marché du travail n’ont bizarrement pas semblé se traduire par une hausse du revenu réel du ménage américain typique. Mais au cours du mois dernier lorsque le Bureau du Census publia ses statistiques économiques annuelles, nous avons appris que le revenu médian des ménages s’est accru de 5,2 % en 2015, soit d’environ 2.800 dollars, ce qui constitue la plus forte hausse enregistrée. De plus, chaque couche de la répartition des revenus en bénéficia, avec les gains relatifs les plus élevés parmi les plus pauvres et les gains les plus faibles au sommet de la répartition. Ce sont de profonds changements et ils tendent à confirmer que les ménages à bas revenu ont finalement bénéficié de la reprise économique.

Que dire à propos de ceux qui pensent qu’une politique monétaire accommodante tend à creuser les inégalités de revenu ? Que pensent-ils ? Ils ne sont pas tous des populistes imbéciles. Par exemple, la Première Ministre britannique Theresa May a pu dire il y a quelques semaines que les faibles taux d’intérêt nuisent aux classes laborieuses, tout en bénéficiant aux riches.

Une baisse des taux d’intérêt contribue à une hausse des prix des titres, notamment des obligations et des actions, or les riches détiennent disproportionnellement plus d’actions et d’obligations que les autres. "Les gens qui possèdent des actifs se sont enrichis. Les gens qui n'ont pas de patrimoine ont souffert" a pu dire Theresa May. Et en effet, les cours boursiers sont désormais élevés, proches de leurs plus hauts niveaux historiques dans le cas des Etats-Unis.

La Fed a réduit son taux directeurs et ramené le principal d’entre eux près de zéro depuis longtemps. Cette relance monétaire, couplée à la reprise de l’activité économique à laquelle elle contribua, a sans aucun doute contribué au retournement et au fort rebond sur le marché boursier que l’on a pu observer début 2009. Mais il est plus difficile de s’appuyer sur le faible niveau des taux d’intérêt pour expliquer la hausse continue des cours boursiers de 2012 à 2015, une période au cours de laquelle la Fed a annoncé la fin de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing) et où les marchés commencèrent à anticiper qu’elle commencerait bientôt à relever ses taux d’intérêt.

On peut penser à d’autres implications distributionnelles de la politique monétaire accommodante. L’inflation est bonne pour les emprunteurs et mauvaise pour les créanciers. C'est une raison expliquant pourquoi les populistes les plus cohérents se sont montrés en faveur de la relance monétaire au cours de l’histoire.

Les politiques monétaires non conventionnelles de ces dernières années peuvent avoir certains nouveaux effets qui leurs sont spécifiques. L’un d’entre eux est leur répercussion sur les banques, dont les profits ont été sévèrement réduits. De faibles taux d’intérêt ont tout particulièrement contribué à la compression des profits bancaires, en particulier en Europe où les taux d’intérêt que les banques reçoivent sont actuellement négatifs, mais où il est difficile pour elles de pousser sous zéro les taux qu’elles versent à leurs déposants. Tout populiste cohérent doit apprécier cette pression sur les banques, en particulier s’il est toujours en colère à propos de la crise financière mondiale.

L’assouplissement monétaire a probablement pour effet net de réduire les inégalités plutôt que de les exacerber, selon les estimations économétriques. Mais l’effet qu’il peut avoir sur la répartition des revenus est bien moins facile à déterminer que celui qu’ont les politiques ayant précisément pour objectif la baisse des inégalités. En tout cas, la Fed et d’autres banques centrales n’arbitrent pas entre une croissance rapide et l’égalité des revenus ; elles arbitrent plutôt entre, d’une part, la croissance rapide et, d’autre part, les dangers associés à une éventuelle surchauffe et l’instabilité financière. Elles estiment avoir pour tâche de gérer l’économie dans son ensemble. Elles ont raison de le faire. »

Jeffrey Frankel, « The Fed and inequality », in Econbrowser (blog), 30 octobre 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« Politique monétaire et inégalités »

« Comment la politique monétaire non conventionnelle affecte les inégalités ? »

« Quel est l’impact de la politique monétaire sur les inégalités ? »

dimanche 30 octobre 2016

Les liens de la semaine

Autour des sciences économiques


GRAPHIQUE Le PIB français et ses composantes


Croissance, fluctuations et crises

  • Le PIB augmente de 0,2 % au troisième trimestre 2016 (INSEE)
  • France : croissance malmenée (OFCE)
  • La construction, moteur de la croissance française (La Tribune)
  • Les raisons d’une croissance plus forte au Royaume-Uni qu’en France de mi–2013 à mi–2016 (INSEE)
  • Le blocage politique n’entrave pas la croissance espagnole (Le Monde)
  • Finlande : les vaches maigres de l’après-Nokia (Jacques Adda)
  • Zone euro: les trois cercles vicieux déclenchés par la croissance lente (Patrick Artus)
  • La croissance américaine plus forte que prévu au troisième trimestre (Le Monde)
  • Rattrapage et croissance plus équilibrée aux USA (Philippe Waechter)
  • Si l'économie chinoise implosait… (Project Syndicate)
  • Les trois effets négatifs de la Chine sur l’économie mondiale (Patrick Artus)
  • 2002-2007 et 2010-2016 : deux cycles d’expansion aux caractéristiques différentes (Patrick Artus)
  • Le ralentissement de la croissance potentielle du Monde accélère depuis 2008 : pourquoi ? (Patrick Artus)
  • Monde : un développement humain inégal (Observatoire des inégalités)


GRAPHIQUE PIB en volume de la France (en indices, base 100 au premier trimestre 2000)

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source : Philippe Waechter (2016)

Industrie, tissu productif...

  • L’industrie de l’UE représente un peu plus de 19% de la valeur ajoutée brute et 15% de l’emploi (Eurostat)
  • Où la désindustrialisation est-elle forte, et comprend-on pourquoi? (Patrick Artus)
  • L’Espagne mange la France et l’Italie : va-t-elle aussi manger l’Allemagne ? (Patrick Artus)
  • Industrie : qui sont les leaders en Europe ? (La Tribune)
  • Le niveau de gamme de l’économie américaine est nettement plus élevé que celui de l’économie de la zone euro: quelles conséquences? (Patrick Artus)


Environnement et ressources naturelles

  • La guerre des prix du pétrole profite à la fracturation hydraulique (Financial Times)
  • Quel est l’objectif des pays de l’OPEP? (Patrick Artus)
  • La teneur moyenne de CO2 a franchi un record symbolique en 2015 (Le Monde)
  • Comment réduire les émissions mondiales de CO2 ? Une approche macroéconomique (Patrick Artus)
  • Plus de la moitié des vertébrés ont disparu en quarante ans (Le Monde)


Démographie


Instabilité et régulation financières

  • A quoi faut-il croire si on veut croire à un krach obligataire? (Patrick Artus)
  • La rémunération des actionnaires est-elle défavorable à l’économie aux Etats-Unis ou dans la zone euro? (Patrick Artus)
  • La réglementation bancaire a-t-elle sauvé Deutsche Bank ? (La Tribune)
  • Italie : faut-il s'inquiéter du creusement du déficit Target-2 ? (La Tribune)
  • Les banques européennes peuvent-elles sauver l’UE ? (Project Syndicate)
  • Comment les Américains ont régulé la finance après la crise (Christian Chavagneux)


Politique budgétaire et dette publique

  • La zone euro débloque 2,8 milliards d’euros d’aide à la Grèce (Le Monde)
  • Faut-il baisser les dépenses publiques quand elles sont très élevées ? Faut-il accroître les investissements publics ? (Patrick Artus)
  • Une politique budgétaire plus expansionniste dans les pays de la zone euro autres que l’Allemagne serait une erreur (Patrick Artus)
  • Les gouvernements de la zone euro vont devoir passer à des politiques budgétaires restrictives (Patrick Artus)
  • Stabilité des finances publiques: des différences entre les pays, des différences au cours du temps? (Patrick Artus)
  • #vidéo "La France en faillite" : décrochage et bavardage (Olivier Passet)


Politique monétaire

  • Le gouverneur de la Banque d'Angleterre poussé vers la sortie (La Tribune)
  • Non, le QE de la BCE n'a pas conduit au laxisme budgétaire (La Tribune)
  • Les mesures de politique monétaire en zone euro et leurs effets depuis 2014 ? (Banque de France)
  • Le compte à rebours pour la BCE (Patrick Artus)
  • La politique monétaire du Japon peut-elle avoir un effet important sur les taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis et sur la zone euro ? (Patrick Artus)
  • Quand la Réserve Fédérale a remonté en 2004 le taux des Fed Funds, y avait-il moins d’incertitude qu’aujourd’hui sur l’économie américaine ? (Patrick Artus)
  • Les Banques Centrales peuvent avoir beaucoup d’incertitudes sur l’effet des politiques monétaires sur l’économie (Patrick Artus)
  • Jusqu’où les taux peuvent-ils être négatifs ? (OFCE)
  • Quelle politique monétaire après la fin des politiques monétaires ultra-expansionnistes? (Patrick Artus)
  • Une Banque Centrale peut-elle accepter que la politique monétaire ne puisse plus être utilisée « jusqu’à la fin des temps » ? (Patrick Artus)
  • Mettre la politique monétaire à la portée des citoyens (Howard Davies)


Inflation, déflation

  • En octobre 2016, les prix à la consommation augmentent de 0,4 % sur un an (INSEE)
  • Zone euro : l'inflation revient, mais les défis restent (La Tribune)


GRAPHIQUE Évolutions de l'indice des prix à la consommation en France


Commerce international

  • Ceta : la Wallonie, mauvaise conscience de l'UE (La Tribune)
  • CETA : le blocage wallon met en danger les négociations d’autres accords de libre-échange (Le Monde)
  • Ceta : pourquoi la Wallonie a pu dire "non" (La Tribune)
  • Traité de libre-échange CETA : en quoi consiste l’accord belgo-belge (Le Monde)
  • L’avenir incertain du CETA après la signature du traité (Le Monde)
  • La France se comporte comme s’il n’y avait pas de concurrence internationale (Patrick Artus)
  • Pourquoi produire (des biens et services échangeables) dans la zone euro ? (Patrick Artus)
  • La stagnation du commerce mondial conduit aux comportements non-coopératifs des Etats observés aujourd’hui (Patrick Artus)
  • Stagnation du commerce mondial : l’utilité accrue de disposer d’un grand marché intérieur (Patrick Artus)


Finance internationale

  • Que mesurent vraiment les statistiques d'IDE ? (D'un champ l'autre)
  • Comment la mondialisation financière renforce la démondialisation réelle (Patrick Artus)
  • Y a-t-il dépréciation du taux de change lorsque la demande intérieure recule ? (Patrick Artus)
  • La coordination internationale des politiques monétaires est de plus en plus nécessaire (Patrick Artus)
  • Pour que la zone euro puisse être une vraie Union Monétaire, il faudrait que les dettes publiques soient mutualisées (Patrick Artus)


Zoom sur le Brexit


Inégalités et redistribution

  • Les inégalités dans les pays de l’OCDE : l’écart entre riches et pauvres se creuse (Observatoire des inégalités)
  • La parité homme-femme devrait se réaliser... dans 170 ans (La Tribune)
  • Sept Américains sur dix ont moins de 1.000 $ d'épargne (La Tribune)
  • La débâcle insidieuse du système de retraite publique (Project Syndicate)
  • Relever l'âge de départ à la retraite: bon pour le PIB, inefficace sur le chômage (Libération)
  • Dépenses sociales : est-ce leur niveau qui compte, ou la manière dont elles sont financées? (Patrick Artus)
  • Faut-il mettre en place un revenu de base ? (Guillaume Duval)


Travail, emploi, chômage

  • La baisse historique du chômage en septembre rassure le gouvernement (Le Monde)
  • Chômage : forte volatilité, faible baisse (OFCE)
  • Pôle Emploi: ça baisse mais ça monte (Philippe Waechter)
  • Chômage : la courbe commence-t-elle à s’inverser ? (Le Monde)
  • Chômage des jeunes : un manque à gagner de près de 1.000 milliards d'euros (La Tribune)
  • Liens entre chômage de longue durée et croissance tendancielle (France stratégie)
  • Espagne : le taux de chômage sous les 20 %, mais pas de "miracle" (La Tribune)
  • L’invention du travail à « temps partiel imposé par l’employeur » avec la loi Giscard de 1981 (Jean Gadrey)
  • Au Royaume-Uni, Uber condamné à considérer des chauffeurs comme des salariés (Le Monde)
  • Royaume-Uni : les robots menacent 860.000 emplois dans le secteur public (La Tribune)


GRAPHIQUE Nombre de demandeurs d'emploi en France


Science politique





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