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12/02/2014

Brigades Rouge "Walter Alasia": Encore un pas (1983)

 

Prisonniers de la colonne Walter Alasia des Brigades Rouges
Milan, Janvier 1983

Walter Alasia (1956-1976)


En champs
les oranges éparpillées
En groupe
les étoiles ordonnées
En tas
les prolétaires attendent
Derrière l’angle
passe
le drapeau rouge.
(Sante Notarnicola)

 


Préambule.

 
La nouvelle conjoncture, caractérisée par le passage à la guerre totale, nous impose des tâches qualitativement nouvelles.
Il ne s’agit pas en effet, d’un passage linéaire, mais d’une rupture, et surtout d’une rupture avec notre passé : il s’agit en un mot du saut de Organisation communiste combattante à Parti.
Si l’on ne construit pas le saut au Parti, on ne se donne aucune possibilité concrète de faire face aux tâches de conjoncture.
De plus, on ne se donne aucune possibilité que le prolétariat métropolitain gagne la guerre sociale totale, mais seulement qu’il la subisse.
Assumer les tâches que la conjoncture nous impose comme centrales, et donc travailler avec toutes les forces pour la construction du Parti, implique cependant que toute notre expérience d’Organisation communiste combattante soit remise en discussion.
Il s’agit, en d’autres termes, de saisir, potentialiser et développer de manière adéquate tous les aspects de notre pratique sociale qui, depuis le début, tendaient à l’agir en Parti, même de manière encore partielle, et d’enterrer sans pitié les aspects de notre théorie-praxis qui nous retenaient (et nous retiennent encore) rigidement enracinés dans l’agir en Organisation communiste combattante.
En ce sens, il faut opérer une rupture avec le passé, il faut « regarder le passé avec les yeux du futur ».

1. Construire le Parti signifie avant tout de comprendre les caractéristiques générales qui configurent l’actuelle conjoncture.

Le passage de l’Organisation communiste combattante à Parti n’est pas en effet un simple développement quantitatif (conception qui est soutenue par les subjectivistes-militaristes).
L’Organisation devient Parti en se niant comme Organisation communiste combattante, en niant les pratiques d’Organisation communiste combattante et en développant les pratiques de Parti : en effectuant ainsi un saut politique.
Ce saut politique est caractérisé par une rupture : en cela, la construction du Parti est un processus continu et contradictoire, un saut, et non un passage linéaire. Le Parti se construit, il ne se fonde pas.
Avec quoi faut-il rompre ? Principalement avec tous les aspects de la pratique d’Organisation communiste combattante qui tendent à reproduire la formule adoptée dans la phase précédente, celle de la propagande armée.
Dans la phase de propagande armée, un rapport parti/masses totalement déséquilibré du point de vue du Parti s’est imposé, inévitablement et indépendamment de la volonté des camarades.
Nous disons inévitablement parce que le principe même de la propagande armée et ses objectifs (enraciner l’idée-force de la justesse et de la nécessité de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain) suppose que l’accent soit plus mis sur l’activité consciente de l’Organisation que sur celle des mouvements de masse.
La propagande armée effectuée par l’Organisation et les mouvements de masse, c’est presque toujours le premier terme qui prévalait. L’Organisation remplissait ainsi une fonction dans le même temps pédagogique et de soutien / stimulation aux mouvements de masse.
Dans le contexte du rapport organisation-masses qui caractérisait la phase de la propagande armée, l’aspect principal était la fonction pédagogique.
Les exigences de la conjoncture actuelle imposent au contraire de rompre complètement avec cette configuration : il ne s’agit plus aujourd’hui de sensibiliser les masses et d’organiser les avant-gardes dans l’Organisation sur le terrain de la lutte armée ; il s’agit aujourd’hui d’organiser les masses sur le terrain de la lutte armée.

2. D’autre part, l’élément qui caractérisait l’agir en Organisation communiste combattante était l’agir dans le « politique ».

C’était dans la sphère du politique que l’Organisation communiste combattante recrutait ses militants, en s’adressant aux couches de classe les plus conscientes et à leurs avant-gardes de lutte.
Elle effectuait ainsi une scission de fait entre le politique (même correctement étendu comme politico-militaire) et l’économique, entendu au contraire comme terrain de lutte privilégié des masses.
La lutte armée pour le communisme était ainsi une pratique pour l’avant-garde, mais pas encore une pratique sociale des masses.
Il est aujourd’hui plus que nécessaire de dépasser cette conception : organiser les masses sur le terrain de la guerre sociale totale signifie en effet les organiser tout au long de la sphère économico-sociale traversée par la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain (dans l’économique, le politique, le culturel, etc… en un seul mot dans le « social ») et construire une ligne de masse qui sache agir dans chaque interstice de la société.
Le caractère total de la guerre ne vient pas, en effet, de sa destructivité ou du niveau militaire plus ou moins élevé qu’elle exprime.
Dans les communiqués du procès Moro, les camarades observent justement que les guerres inter-impérialistes, même si elles ne laissent pas un seul brin d’herbe debout dans la nation vaincue, n’en sont pas pour autant des guerres totales.
Le caractère total de la guerre vient au contraire du fait que celle-ci investit la totalité des rapports sociaux capitalistes.
La tendance à la guerre vit dans chaque aspect des rapports sociaux capitalistes jusqu’à arriver sous une forme contradictoire, dans la conscience même des prolétaires.
Lorsque les théoriciens américains de la contre-révolution globale affirment que « la guerre contre le communisme est surtout une guerre pour la conquête des consciences », ils démontrent qu’ils ont parfaitement compris cet aspect qualitativement nouveau du rapport révolution / contre-révolution.
Nouveau en ce qu’il ne commence à recouvrir l’importance actuelle qu’avec le passage de la domination formelle à la domination réelle du mode de production capitaliste sur tous les rapports sociaux. (cf. à ce propos Forcer l’horizon).
Cet aspect pourra peut-être sembler « secondaire » ou « superstructurel » aux camarades qui ne parviennent pas encore à se libérer du passé, alors qu’il s’agit d’une thèse fondamentale pour le saut au Parti.
En plus du fait matériel que si l’on n’assume pas à ce niveau d’analyse, il est impossible d’expliquer des phénomènes comme celui de la trahison, par exemple.
De même que la guérilla a rompu avec le passé du mouvement ouvrier et communiste en affirmant l’unité du politique et du militaire contre les théories troisième internationalistes qui effectueraient cette scission depuis toujours (bras armé et distinction entre parti et armée), en reproduisant ainsi en leur sein la division entre pensée et action, entre travail intellectuel et travail manuel, de même il est aujourd’hui nécessaire de rompre avec les positions qui séparent l’économique, perçu comme base qui détermine plus ou moins mécaniquement tout le reste (le politique et le culturel, la conscience).
Ces positions ne tiennent pas compte du fait qu’entre la structure (base économique) et la superstructure (organisation politique, juridique et sociale, etc.), il y a un rapport dialectique : c’est-à-dire que l’un influence l’autre et vice-versa.
Et c’est précisément ce vice-versa qui n’est pas compris, et de cet unilatéralisme naissent ensuite les tendances révisionnistes qui nient dans les faits la nécessité de la révolution culturelle dans la métropole ou la font passer après la prise du pouvoir, en la renvoyant à une phase à venir.
En second lieu, ces positions ne réussissent pas à voir que nous évoluons dans la phase historique de la domination réelle du capitalisme : c’est-à-dire que le capitalisme, même on coexistant, à l’échelle mondiale, avec des moyens de production pas encore capitalistes, a en réalité assujetti tout le globe, y compris les zones dans lesquelles survivent des moyens de production non-capitalistes.
Mais, et c’est encore plus grave, elles ne réussissent pas à comprendre que la domination réelle du mode de production capitaliste dans les métropoles se traduit par une domination sur tous les aspects des rapports sociaux, et que sa crise se traduit par une exaltation précisément de ces aspects qu’une analyse mécaniste considérerait comme « secondaire » et «superstructurel ».
C’est pour cela qu’il est aujourd’hui d’une importance fondamentale pour le saut au Parti de reconnaître qu’il n’y a pas de séparation entre révolution culturelle dans les métropoles et guerre civile, ni en termes de temps (c’est-à-dire comme deux phases séparées), ni en termes d’espace.
Guerre civile et révolution culturelle sont simplement deux aspects d’un même processus : la guerre sociale totale.
C’est en posant cette considération au centre de l’activité du Parti que l’on jette les bases correctes pour la construction du système de pouvoir rouge et, dans le même temps, que l’on pose à l’ordre du jour la guerre pour la transition au communisme.
Œuvrer pour le saut au Parti signifie pour nous taire le bilan critique de toute notre expérience d’Organisation communiste combattante.
Naturellement, il ne s’agit pas d’annuler tout le patrimoine d’expérience de la Colonne Walter Alasia, ni du reste de la conserver tel quel.
Le saut au Parti implique la nécessité de mettre continuellement en discussion le travail effectué, de le soumettre continuellement à la vérification, c’est-à-dire de faire constamment autocritique. L’autocritique est le point de départ pour relancer l’intervention à un niveau plus élevé : elle sert à aller de l’avant, pour éliminer à chaque fois toutes les erreurs évitables que le Parti commet.
Nous voudrions ici soulever trois aspects de ce problème :

a) Les communistes ne doivent pas avoir peur d’avoir commis des erreurs. Le Parti naît et se développe justement en apprenant de ses erreurs qu’il est possible de dépasser et de faire ainsi effectuer un saut de qualité à toute notre pratique sociale.
Là aussi, il faut rompre avec l’idéologie révisionniste et troisième internationaliste qui a toujours présenté l’histoire du Parti comme un processus de croissance linéaire, dans lequel la ligne correcte a triomphé des lignes erronées, par une sorte de métaphysique droit historique, niant ainsi dans les faits la lutte entre les deux lignes au sein du Parti.
Un bon exemple de cette conception est donné par le livre
Histoire du Parti communiste (bolchévick) — bref cours, ainsi que, de manière plus générale, tous les écrits de Staline.
À plus forte raison faut-il rompre avec la conception togliattienne, reprise ensuite par Berlinguer, et qui constitue la base du « continuisme » révisionniste selon laquelle le Parti, de fait, ne se trompe jamais, mais s’adapte à chaque fois à la situation et aux conditions objectives.
En suivant cette théorie, le P.C.I. a justifié tous les nombreux retournements stratégiques de son histoire en les déguisant en astucieux choix tactiques (des années 30 au retournement de Salerno, et jusqu’au compromis historique).
D’autre part, le P.C.I. a aussi établi la mystification historico-politique de la continuité de la ligne de Parti, selon laquelle le parti du compromis historique et du pacte corporatif serait l’héritier naturel, dans la situation actuelle, du parti révolutionnaire fondé à Livourne en 1921.
Pour avancer aujourd’hui, il faut au contraire dire clairement où, quand, comment et pourquoi nous sommes-nous trompés et, surtout, ne pas entendre l’autocritique comme une exception (un point de retournement politique), mais la considérer dorénavant comme partie intégrante de tout notre travail et de notre pratique sociale.

b) Il ne suffit cependant pas d’admettre avoir commis des erreurs pour les dépasser dans la pratique.
En se limitant à cela, on tombe dans l’opportunisme : c’est-à-dire qu’on transforme l’autocritique en une pratique totalement formelle, qu’on lui ôte toute vie et, de fait, qu’on finit par la nier.
Il ne s’agit pas, en d’autres termes, de se faire une espèce de mea culpa, en se limitant par exemple à reconnaître comme fondées les critiques que nous avaient adressées, en leur temps, les camarades des Brigades du camp de Palmi.
Il s’agit au contraire d’aller aux racines des erreurs et de débusquer, critiquer, détruire les positions politiques, les lignes erronées qui ont influencé négativement notre analyse et notre pratique sociale.
Pour ce faire, il est nécessaire de soumettre l’ensemble de notre analyse et de notre pratique sociale à un réexamen scrupuleusement critique, étant donné que la lutte entre les deux lignes a traversé l’ensemble de notre histoire, sans exceptions.
Le problème n’en consiste pas pour autant à séparer mécaniquement ce que nous avons fait d’erroné de ce que nous avons fait de juste.
Il faut réexaminer globalement toute notre praxis et saisir ce qui, en elle, préfigurait la ligne révolutionnaire, en enterrant en même temps ce qui, en elle, renforçait la ligne révisionniste.
C’est seulement en menant jusqu’au bout l’autocritique qu’il est possible de récupérer le véritable patrimoine révolutionnaire de la Colonne Walter Alasia dans les Brigades Rouges.

c) Le Parti commet toujours et inévitablement des erreurs. Commettre des erreurs est inévitable !
Il y a cependant deux types d’erreurs qui sont commises dans chaque phase : celles qui sont évitables et celles qui sont inévitables. Les erreurs évitables sont celles que le Parti commet subjectivement.
Les erreurs inévitables sont objectivement déterminées par les caractéristiques de la phase.
Les erreurs inévitables d’une phase se transforment toutefois en erreurs évitables dans la phase suivante. En cela, le procès de critique-autocritique recouvre une signification stratégique (et permanente) dans le saut au Parti.
La colonne Walter Alasia a eu, dans sa théorie-praxis, de nombreuses limites et a commis, dans la phase précédente, de nombreuses erreurs, certaines évitables, d’autres inévitables.
Aujourd’hui, ces erreurs sont évitables et doivent donc être évitées !
Le développement théorique et celui de la pratique sociale ont aujourd’hui apporté une plus grande clarté sur les thèmes centraux du saut au Parti.
Le fait que cela constituait alors des erreurs inévitables ne doit en aucun cas servir d’alibi à des positions justificationnistes qui aboutissent à reproposer le schéma « continuiste » et «néo-révisionniste » selon lequel les erreurs du Parti sont la conséquence des conditions objectives dans lesquelles il doit œuvrer.
Nous aussi, nous devons aujourd’hui, et ce sans pitié, refuser ce type d’erreurs, justement parce qu’il existe aujourd’hui les conditions pour les dépasser.
Une bonne part des erreurs de Staline était alors inévitable, même si, aujourd’hui, nous critiquons ces erreurs sans pitié, en allant à leurs racines.
Nous faisons peut-être un tort personnel à Staline (et au Parti bolchévik d’U.R.S.S.) en le critiquant avec le bon sens d’aujourd’hui, mais cela est cependant indispensable (et possible) aujourd’hui pour faire un pas en avant vers la transition au communisme. C’est avec le même esprit que nous devons faire une sérieuse autocritique par rapport à la théorie-praxis de notre colonne, pour jeter les bases du saut au Parti.

 
Crise du mode de production capitaliste. Centralité ouvrière.

On peut, directement ou indirectement, ramener toutes nos limites et toutes nos erreurs de cadrage dans l’intervention politique à la partialité de notre analyse de la crise du mode de production capitaliste.
À la base de cette partialité, il y avait une grave erreur : la séparation mécaniste entre structure et superstructure, c’est-à-dire entre économique d’une part et toutes les autres sphères de la formation économico-sociale d’autre part.
Dans le contexte de cette séparation, nous avons rendu absolu le caractère dominant de la production par rapport à tous les autres secteurs de la société.
S’il est vrai, en effet, que la production de marchandises représente toujours l’aspect dominant, celui sur lequel se fonde l’extorsion de la plus-value et la valorisation du capital, il n’en est pas moins vrai qu’elle fait toutefois partie d’une totalité plus complexe : la métropole.
Au contraire, même en comprenant justement la centralité de la production, nous avons réduit schématiquement toute la totalité des rapports sociaux à ce seul aspect.
La complexité dialectique qui existe entre la partie et le tout a ainsi été aplatie à un rapport automatique de cause à effet : la production détermine mécaniquement tout le reste.
Cette simplification nous a empêchés de voir la qualité nouvelle qui caractérise le rapport production / consommation dans la phase de la domination réelle totale du mode de production capitaliste.
Forcer l’horizon dit à ce propos :
« ... La production de plus-value relative (domination réelle) exige la production d’une nouvelle consommation : elle exige donc que le cercle de la consommation à l’intérieur de la circulation s’élargisse de la même manière qu’avant s’élargissait le cercle de la production (...).
Dans la phase de la domination réelle totale, le capital, ayant déjà occupé tout l’espace géographique (création du marché mondial) doit, pour continuer à s’étendre, et donc pour élargir ultérieurement le marché, révolutionner sans cesse la sphère de la consommation.
La consommation, comme la production, est maintenant aussi sujette à des procès de restructuration continuels, en devenant un élément dynamique, actif, strictement et rigidement intégré au procès de production / reproduction. »
Et plus loin :
« Maintenant, dans la domination réelle totale, [le capital] soumet toutes les qualités de l’homme social, en le produisant comme homme du capital, fonctionnalisé aussi à la réalisation de la plus-value relative (...).
Une nouvelle branche de production naît ainsi, l’"usine de la conscience", avec les fonctionnaires qui lui sont relatifs : usine de "modèles de consommation", de "systèmes idéologiques", visant à la production / reproduction de la plus-value relative, du rapport social dominant.
La production n’est plus seulement production indirecte de consommation (dans le sens que toute production présuppose une consommation) mais se constitue aussi, aujourd’hui, comme "production directe de consommation" : à côté de la production d’objets-marchandises, il y a la production de plus-value relative, il y a la production spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation.»
De ce nouvel et plus intime rapport entre production et consommation, entre production de marchandises et production d’idéologie, naît la métropole, comprise comme une usine totale.
C’est la métropole dans son ensemble, donc, qui constitue l’unité minimale qui doit être analysée pour obtenir un cadre global.
La production de marchandises et, par conséquent, l’usine, constituent donc seulement une partie, quand bien même centrale, de cette totalité.
En se limitant seulement à cet aspect, ou en lui subordonnant mécaniquement tous les autres aspects, on tombe inévitablement dans la partialité.
Les camarades disent :
« La composition de classe, le prolétariat, doit aussi alors être caractérisé non seulement en relation à l’"usine partielle" mais aussi à l’"usine totale", à la métropole dans sa globalité.
Il doit être vu non seulement en tant que force de travail, capacité de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé, idéologisé. Toute distinction mécaniste entre force de travail et formes de sa conscience tombe donc d’elle-même : le prolétariat dans la métropole est en même temps force de travail du capital et consommateur conscient de celui-ci, son produit programmé et finalisé. »
L’analyse développée par la Colonne Walter Alasia au cours des deux dernières années, en restant au contraire dans ce mécanisme, ne réussissait pas à dépasser les grilles des usines : elle saisissait le particulier, mais pas le général.
De plus, en ne reliant pas la partie au tout, elle ne réussissait pas à voir stratégiquement comment le général vivait aussi dans le particulier.
En rendant absolue la production de marchandises et en ne saisissant pas l’aspect d’usine totale qu’assume aujourd’hui la métropole, nous avons limité le centre de l’affrontement de classe à l’usine partielle.
Dans ce cadre, même en mettant au premier plan l’aspect crise-restructuration que recouvre la crise actuelle, on donnait une interprétation partielle du procès de restructuration productive (accroissement de l’exploitation, de la nocivité, réduction de la base productive par l’atteinte à l’emploi, etc.), sans réussir à évaluer totalement ses conséquences sur la composition de classe du prolétariat métropolitain aussi hors de l’usine.
On saisissait ainsi la signification particulière de la réduction de la base productive de la classe ouvrière (accroissement de l’exploitation et réduction de l’emploi), mais non la signification stratégique générale : décomposition de la classe ouvrière et interchangeabilité avec d’autres figures sociales du prolétariat métropolitain.
On ne réussissait pas, de cette manière, à avoir une vision claire du prolétariat métropolitain en tant que classe, et l’on ne comprenait pas, en particulier, que le prolétariat métropolitain est le fruit même de la décomposition de la classe ouvrière.
Il ne s’agit donc pas de classes différentes, parfois réunies par des intérêts immédiats communs, mais d’une classe unique, stratifiée et décomposée en différentes figures sociales, réunies par un intérêt stratégique unique : la transition au communisme.
L’aspect stratégique du projet de la bourgeoisie impérialiste se fonde en effet sur l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain : l’objectif général du projet impérialiste de conjoncture est le maintien par la force des rapports de production actuels, qui sont désormais objectivement en décomposition sur le plan historique du fait de la crise générale du mode de production capitaliste, mais qui ne peuvent être complètement détruits que par l’édification subjective, par le prolétariat métropolitain, du système de pouvoir rouge.
À partir de là, l’anéantissement ne se manifeste pas comme anéantissement direct et matériel de couches entières du prolétariat métropolitain (on ne peut mettre sur le même plan X milliers de licenciements et l’anéantissement matériel de X milliers de licenciés, ou tout bonnement de la classe ouvrière dans son ensemble).
Anéantissement, au contraire, veut surtout dire destruction des liens entre les diverses déterminations du système du pouvoir rouge et destruction, dans la conscience de couches prolétaires entières, de la possibilité même de construire une alternative collective à la crise du mode de production capitaliste.
C’est là que le projet de différenciation et de décomposition construit ses fondements, en jouant sur différents niveaux et en cherchant à opposer entre elles les diverses couches du prolétariat métropolitain, et en divisant en leur sein les prolétaires entre eux, en les opposant les uns aux autres.
La condition fondamentale pour y parvenir est la destruction de l’alternative collective, tant dans le sens matériel (détruire et anéantir physiquement les organisations de masse révolutionnaires en construction et les mouvements de masse révolutionnaires) qu’au niveau de la conscience même des prolétaires (en anéantissant la « mémoire » de la nécessité / possibilité de s’organiser collectivement pour la transition au communisme).
En limitant de fait la contradiction à la sphère de la production et en la concentrant dans l’usine, l’objectif politique de notre intervention était la recomposition de la classe ouvrière et non la recomposition du prolétariat métropolitain.
Nous percevions au contraire cette dernière comme un système d’alliance sous l’hégémonie de la classe ouvrière et de son parti.
Dans ce cadre, la polémique sur le « peuple » (catégorie que nous avons utilisée dans toute notre production écrite et en particulier dans l’auto-interview) ne naissait pas dune simple équivoque sur les mots, mais cachait une grosse confusion de notre part.
Les camarades des Brigades du camp de Palmi observaient justement :
« Le centre qui manque dans cette contribution [notre auto-interview] est la reconnaissance du caractère historique général de la crise du mode de production capitaliste, comme processus irréversible et générateur tant de la réduction-restructuration de la base productive et des modifications de la composition de classe que de la crise sociale. »
C’est justement le caractère irréversible de la crise qui détermine une décomposition de la classe ouvrière : les figures sociales « ouvrières » se réduisent, tandis qu’augmentent les figures « marginales » et « extralégales ».
Il ne s’agit naturellement pas d’un processus automatique : par exemple, l’ouvrier licencié ne devient pas immédiatement et nécessairement un prolétaire extralégal.
Cependant, la tendance globale à une augmentation proportionnelle des figures marginales et extralégales par rapport à la classe ouvrière, en stricte relation avec la même décomposition (restructuration productive et réduction de la base productive), est indiscutable.
Il ne s’agit pas là d’un processus transitoire, mais bien d’un processus irréversible : c’est-à-dire qu’il est appelé à s’accentuer toujours plus avec l’approfondissement de la crise, en accentuant toujours plus la mobilité et l’interchangeabilité des diverses figures sociales du prolétariat métropolitain.
De ce fait, les vieilles catégories de « classe ouvrière », « sous-prolétariat », « semi-prolétariat », etc.. ne tiennent plus. Aujourd’hui la domination réelle totale du mode de production capitaliste a définitivement prolétarisé toutes ces couches.
Nous n’avons donc affaire qu’à une seule classe : le prolétariat métropolitain.
En effet, les camarades de Palmi poursuivent :
« C’est le caractère irréversible, général de la crise qui fonde l’intérêt irréversible et prolétaire de toutes les figures du prolétariat métropolitain: renverser l’actuel mode de production capitaliste.
Ce qui n’ôte pas qu’à l’intérieur du prolétariat métropolitain, le travail productif conserve objectivement sa position centrale et que c’est donc au travailleur productif qu’incombe une centralité politique et de direction révolutionnaire dans le processus de recomposition de classe.
Il s’ensuit que les autres figures prolétaires (marginales, improductives, etc.), en tant que fragments de la décomposition de la classe ouvrière dans le devenir de la crise, ne se situent pas en fait comme ses alliés extérieurs mais bien comme stratification interne d’une classe unique : le prolétariat métropolitain. »
Et plus loin :
« C’est justement ceci que nous nions aujourd’hui (que la classe ouvrière et les autres couches de classe aient des intérêts de classe différents) lorsque nous affirmons que le prolétariat métropolitain est une unité des multiples à dominante ouvrière, lorsque nous affirmons donc que celui-ci comprend tous les ouvriers prolétarisés et en voie de prolétarisation et que, de ce fait, il constitue l’immense majorité de la population de notre pays.
En conclusion, la recomposition du prolétariat métropolitain autour de la figure de l’ouvrier-masse métropolitain ne peut avoir lieu sans que les diverses couches qui le composent se nient et dépassent leurs particularités.
De même, la classe ouvrière ne peut être la direction de cette recomposition qu’en se niant comme force de travail qui valorise le capital. »
Reconnaître aujourd’hui que ces critiques sont fondées ne signifie pas accomplir un acte formel, mais jeter les bases pour dépasser nos limites d’analyse.
Il s’agit en effet d’un saut non seulement essentiel sur le plan stratégique, mais aussi urgent.
Ces limites d’analyse nous ont menés, dans le passé, à reprendre de manière acritique des positions erronées (comme, par exemple, la théorie révisionniste des forces productives, sur laquelle nous reviendrons de manière plus approfondie par la suite) et ont négativement influencé toute notre pratique sociale (par exemple, les programmes politiques immédiats).
Il est aujourd’hui nécessaire de rompre définitivement avec nos limites passées et surtout avec le particularisme.
C’est seulement en mettant au centre de notre activité la recomposition politique du prolétariat métropolitain en tant que classe qu’il est possible de comprendre la dialectique correcte entre programme politique général de conjoncture et programmes politiques immédiats, entre Parti et masses, et entre Parti, mouvements de masse révolutionnaires et organisations de masse révolutionnaires.
Il existe en effet un rapport dialectique entre théorie et praxis : l’une influence l’autre, et vice-versa.
Nos limites pratiques ont négativement influencé notre analyse, en l’enfermant dans le particularisme et en laissant place à des productions néo-révisionnistes.
À leur tour, celles-ci, en se consolidant comme lignes politiques erronées, ont empêché notre pratique sociale de faire le saut politique que la conjoncture exigeait.
De ce fait, il s’agit de redéfinir à tous les niveaux notre théorie-praxis, d’aller au nœud des problèmes et, de là, de revoir toute notre expérience jusque dans les moindres détails, en la reliant aux fils conducteurs principaux. C’est de là seulement que peut partir une relance de notre pratique sociale à un niveau plus élevé.

 
Parti et programmes.

Nos limites d’analyse et, en particulier, l’interprétation schématique que nous faisions de la centralité ouvrière et l’incompréhension de la nature de classe du prolétariat métropolitain nous ont menés à une vision réductive du saut au Parti.
C’est-à-dire que l’on ne comprenait pas que la construction du Parti et la recomposition politique du prolétariat métropolitain vivent un strict rapport dialectique : l’un n’existe pas sans l’autre, et vice-versa.
C’est seulement de cette thèse fondamentale que peut découler la construction de la ligne de masse du Parti, et donc un cadrage correct du programme politique général de conjoncture et des programmes politiques immédiats.
En effet, l’agir en Parti se fonde précisément sur la capacité de relier le général au particulier dans le cadre de la dialectique destruction / construction qui caractérise la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain.
Agir en Parti signifie faire vivre l’attaque au cœur de l’État, c’est-à-dire l’attaque au cœur du projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste, dans toutes les déterminations du pouvoir rouge en construction ; lancer contre les nœuds centraux du projet de la bourgeoisie impérialiste toute la force concentrée du Parti, des organisations de masse révolutionnaires et des mouvements de masse révolutionnaires.
Dans le cours de ce processus, destruction et construction vivent un rapport qui ne permet pas de séparations : détruire et désarticuler le projet de la bourgeoisie impérialiste est la condition indispensable pour construire le système de pouvoir rouge ; construire le système de pouvoir rouge est la condition indispensable pour désarticuler le projet ennemi.
Dans le cadre de la tendance à la guerre sociale totale, deux systèmes de pouvoir se confrontent : celui du système impérialiste des multinationales a pour objectif le maintien par la force des rapports de production et des rapports sociaux capitalistes, celui du pouvoir rouge a pour objectif le renversement de ces rapports sociaux et la révolution sociale totale dans la métropole.
La crise historique, époquale, du mode de production capitaliste sert de fond à cette confrontation et sanctionne par la force des faits et des données économiques l’inimitié absolue entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste.
La survie de la bourgeoisie impérialiste comme classe dominante passe à travers l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain et, en particulier, passe à travers l’anéantissement de son système de pouvoir : le système de pouvoir rouge.
D’autre part, l’affirmation du système de pouvoir rouge passe à travers l’anéantissement du projet de la bourgeoisie impérialiste et la recomposition politique du prolétariat métropolitain. Entre ces deux systèmes de pouvoir, comme entre les intérêts de classe dont ils sont l’expression, il ne peut aujourd’hui y avoir d’autre rapport que la guerre.
La centralisation et l’exécutivisation sont l’exemple central du projet de refondation du système impérialiste des multinationales par la guerre civile déployée.
Dans le même temps, le projet de la bourgeoisie impérialiste se propose de décomposer et différencier le prolétariat métropolitain.
Recomposer et centraliser le front bourgeois d’une part, décomposer et différencier le prolétariat métropolitain d’autre part : c’est là l’aspect dynamique du projet impérialiste dans cette conjoncture.
Et c’est là le niveau d’affrontement que le projet ennemi impose au prolétariat métropolitain et à son avant-garde révolutionnaire.
Le saut au Parti et la construction du système de pouvoir rouge constituent la riposte possible et nécessaire du prolétariat métropolitain à ce projet.
Le projet de la bourgeoisie impérialiste part du général pour s’articuler dans le particulier : dans le particulier vit le général.
C’est-à-dire que la globalité du projet ennemi vit dans chacune de ses articulations particulières et périphériques.
De la même manière, le projet du prolétariat métropolitain, la construction du système de pouvoir rouge, doit, en partant du particulier, arriver au général, en déclenchant une offensive globale contre le projet ennemi et en construisant contemporainement une alternative globale à celui-ci, sur tous les terrains.
Ainsi, le saut au Parti fait justice de tout localisme ou particularisme et impose de faire vivre le général même lorsque l’on opère dans le particulier.
Si le projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste se base sur la décomposition et différenciation du prolétariat métropolitain, le programme du Parti se base sur la recomposition politique du prolétariat métropolitain contre le projet ennemi.
L’aspect stratégique qui est au centre du saut au Parti est donc la recomposition du prolétariat métropolitain : c’est précisément cet aspect qui doit vivre aussi dans le particulier, qui doit traverser toutes les déterminations du système de pouvoir rouge, du Parti aux organisations de masse révolutionnaires, aux mouvements de masse révolutionnaires.
Tout ceci doit trouver son moment de synthèse au niveau le plus élevé possible dans le programme politique général de conjoncture : coexistent donc dans le programme politique général de conjoncture tant le plus haut niveau de désarticulation / destruction du projet ennemi que le plus haut niveau de recomposition du prolétariat métropolitain, et donc de construction du système de pouvoir rouge, possibles dans cette conjoncture.
En ce sens, le programme politique général de conjoncture doit recomposer les différentes couches du prolétariat métropolitain dans l’attaque conjointe au cœur de l’État.
Les programmes politiques immédiats représentent au contraire l’articulation du programme politique général de conjoncture dans les différentes couches de classe du prolétariat métropolitain : ils doivent recomposer chaque couche de classe particulière sur des besoins qui se relient à l’aspect stratégique do la recomposition du prolétariat métropolitain et de l’attaque au cœur de l’État.
C’est justement cela que signifie faire vivre le général dans le particulier : fonder les programmes politiques immédiats sur les besoins des masses qui contiennent en eux l’aspect stratégique qui domine la conjoncture.
C’est seulement à partir de là qu’il est possible d
e comprendre la dialectique qui lie entre elles les lignes directrices sur lesquelles se construit le saut au Parti, et, en même temps, se concrétise le système de pouvoir rouge : organiser les avant-gardes communistes combattantes dans le Parti, activer les mouvements de masse révolutionnaires, organiser les avant-gardes de lutte dans les organisations de masse révolutionnaires.
Dans nos campagnes sur les usines et les services, même en analysant jusqu’au bout la restructuration des moyens de production jusque dans ses moindres détails, et même en saisissant les intérêts les plus urgents et les plus ressentis par les masses, nous ne réussissions pas à déterminer l’aspect stratégique de ces besoins.
De cette manière, nous ne réussissions pas à cadrer dans une dimension stratégique ni les mouvements de masse révolutionnaires dont nous suscitions la mobilisation, ni les organisations de masse révolutionnaires en construction, en les renvoyant ainsi à leur particulier.
Tant à Sesto qu’à l’Alfa, nous avons mis en avant un programme politique immédiat largement partagé et pratiqué par la classe ouvrière puisqu’il synthétisait par des mots d’ordre clairs les besoins de cette couche de classe : «Aucun licenciement ne doit passer, même déguisé», « Toutes les conditions nocives doivent être supprimées », «Aucun accroissement de l’exploitation ne doit passer».
Le problème n’est pas tant dans les mots d’ordre lancés que dans les contenus qui les font vivre, que dans la manière dont ces programmes politiques immédiats sont reliés au général.
En effet, lorsque l’on dit : « Aucun licenciement ne doit passer », on n’avance pas une simple revendication : il ne s’agit pas simplement de maintenir le poste de travail ni de travailler tous et travailler moins dans l’immédiat, mais de comprendre que la décomposition de la classe ouvrière vit comme aspect stratégique dans tous les aspects de la restructuration productive.
D’une part comme rétrécissement de la base productive (expulsion de la force de travail de l’usine) et donc comme réduction de la figure ouvrière dans le cadre de la décomposition plus générale de tout le prolétariat métropolitain.
D’autre part comme décomposition et différenciation au sein de la classe ouvrière, qui passe par l’expulsion des avant-gardes de lutte, par la mobilité, par les figures professionnalisées, etc.
C’est seulement en mettant cet aspect stratégique au centre des programmes politiques immédiats de la classe ouvrière que l’on peut relier aux programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain, et donc au programme politique général de conjoncture.
Le retrait de la cassa integrazione à l’Alfa. comme articulation pratique du mot d’ordre « Aucun licenciement ne doit passer » contenait cet aspect stratégique.
C’était sur ce point stratégique du programme politique immédiat que notre intervention dans les usines devait canaliser tout ce qui s’était exprimé dans la Campagne Usines : les organisations de masse révolutionnaires en construction, les mouvements de masse révolutionnaires qu’elle avait activés.
En saisissant cet aspect stratégique, le programme politique immédiat effectue dans le même moment la désarticulation du projet ennemi et la recomposition de la classe ouvrière.
C’est dans le rapport construction / destruction qu’il est possible de concrétiser la recomposition de la classe ouvrière en son propre sein et dans le prolétariat métropolitain.
Recomposer la classe ouvrière ne signifie pas seulement empêcher les licenciements ou s’opposer aux effets matériels de la restructuration, mais surtout la réunifier dans la lutte offensive, jusqu’au bout, contre tous les aspects de la restructuration qui contiennent en eux la décomposition et la différenciation.
Décomposition et différenciation n’opèrent pas seulement au niveau matériel mais, au contraire, ont un objectif beaucoup plus ambitieux : transformer l’ouvrier en « homme du capital », pur appendice, sans vie et sans histoire, de la machine. Et cela n’est possible qu’en anéantissant la mémoire historique collective de la classe ouvrière.
La mobilité, l’augmentation de l’exploitation et de la nocivité ne peuvent s’installer que si, dans la conscience de la classe ouvrière, le je bourgeois réussit à prévaloir sur le nous prolétaire.
Accepter de mo
nnayer la nocivité, les licenciements avec primes à la clé, etc., alors qu’ils sont la base même de la différenciation, la flèche empoisonnée de la bourgeoisie impérialiste qui vise la conscience de chaque ouvrier individuel en cherchant à le séparer de et à l’opposer à ses propres camarades de lutte et de travail.
Par conséquent, la lutte contre la mobilité, contre l’augmentation des rythmes et des charges de travail, la lutte pour les pauses contiennent en elles l’aspect stratégique de reconquérir la socialité dans l’usine, de reconquérir une collectivité de classe.
L’intervention du Parti doit reprendre ces moments particuliers de lutte de la classe ouvrière, en les mettant au centre du programme politique immédiat.
Par exemple, nous devons assumer aux luttes des cassa integrati de l’Alfa le caractère d’une lutte offensive contre l’une des articulations du projet de la bourgeoisie impérialiste de décomposition différenciation et anéantissement.
En comprenant ces aspects stratégiques de sa lutte quotidienne, la classe ouvrière se trouve, en partant de la pratique particulière de son secteur, face à la globalité de l’ensemble du rapport qui existe entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste dans cette conjoncture : un rapport d’anéantissement, un rapport de guerre.
C’est sur ce terrain qu’il est possible d’organiser les masses dans la lutte armée pour pratiquer la transition au communisme, qu’il est possible de lier la lutte particulière dans les usines et le programme politique immédiat de la classe ouvrière à ceux des autres couches du prolétariat métropolitain.
C’est dans cette compréhension que la classe ouvrière se nie comme classe à part, en se coagulant dans le prolétariat métropolitain.
Par exemple, en mettant au centre l’aspect de la différenciation/décomposition/anéantissement, le programme politique immédiat de la classe ouvrière rend compréhensible aux ouvriers les mêmes aspects stratégiques qui animent les programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain (ex. : les luttes et les programmes politiques immédiats des prolétaires prisonniers contre la désolidarisation/ anéantissement..., pratiquer la libération comme stratégie de recomposition des prolétaires prisonniers dans le prolétariat métropolitain).
De plus, c’est en mettant cet aspect au centre du programme politique immédiat de la classe ouvrière que l’on se noue directement à l’ensemble de la contradiction entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste, non plus seulement entre classe ouvrière et capitalistes (patronat), que l’on fait vivre le programme politique général de conjoncture dans le particulier, en recomposant la classe ouvrière dans le prolétariat métropolitain pour la transition au communisme.
« Cette conjoncture de transition dépend. en effet, tant de l’évolution structurelle de la crise capitaliste / impérialiste que de la capacité subjective du prolétariat métropolitain à se constituer en Parti combattant et à condenser son antagonisme en un système de pouvoir rouge, autonome, articulé et diffusé dans tous les secteurs de classe et dans tous les pôles.
Le problème central de la conjoncture actuelle est la conquête des masses à la lutte armée, et cela pose avant tout la question des organisations de masse révolutionnaires. »
C’est ainsi que les camarades des Brigades Rouges, dans L'Ape et il Comunista, indiquaient l’anneau manquant pour la construction du système de pouvoir rouge : les organisations de masse révolutionnaires.
Le système de pouvoir rouge ne se définit qu’en faisant vivre et croître dialectiquement toutes ses articulations, Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.
Les organisations de masse révolutionnaires, comme articulations du système de pouvoir rouge, se construisent avec les éléments les plus avancés et les plus combatifs du prolétariat, dans tous les secteurs de classe où le Parti a fait vivre le programme politique général de conjoncture en des programmes politiques immédiats de combat, où son intervention a saisi et frappé l’aspect stratégique du projet ennemi dans tel secteur, en s’adressant aux luttes et en les guidant, en amenant le prolétariat métropolitain à s’organiser consciemment sur le terrain de la lutte armée.
Les organisations de masse révolutionnaires ne sont et ne peuvent être le fait des cadres du parti, qui sont, eux, organisés à l’intérieur du Parti en brigades, fronts et direction.
Les organisations de masse révolutionnaires sont une organisation du prolétariat métropolitain à laquelle le Parti donne des indications de combat et dans laquelle il vérifie et détermine sa ligne de masse.
« Même le Parti et la classe sont une contradiction, une unité des contraires, deux faces d’un même procès. Ils ne peuvent être séparés, ils ne peuvent se résoudre l’un dans l’autre ». (L’Ape e il Comunista.)
Donc, renforcer les brigades d’une part, construire les organisations de masse révolutionnaires de l’autre sont des tâches actuelles et urgentes !
Ce sont des tâches dont nous n’avons pas su nous acquitter jusqu’ici et le fait de ne pas les avoir exécutées a impliqué de graves retards et de lourdes défaites de la guérilla.
Nous répondons aux camarades de Palmi qui ont écrit le document Ce n’est que le début que nos défaites ne sont pas dues aux dispositions politico-militaires que nous nous sommes données, que nous tendions à nous donner en perspective, à savoir le Parti, mais bien à la ligne de masse erronée qui a été développée cette année et qui a empêché la construction des organisations de masse révolutionnaires.
C’est là que se trouve le nœud fondamental avec lequel toutes les forces révolutionnaires qui ont travaillé dialectiquement ensemble pour le saut au Parti doivent régler les comptes, et surtout :

1) Le fait d’avoir saisi exactement le projet global de la bourgeoisie impérialiste dans cette phase de domination réelle totale du Capital, phase objective de guerre sociale totale, mais de n’avoir pas su saisir l’aspect polyédrique et multiforme de ce projet dans divers secteurs de classe, de n’avoir pas fait vivre le programme politique général de conjoncture dans toutes les couches de classe, en faisant vivre le général dans le particulier et vice-versa, pour recomposer les figures sociales bigarrées du prolétariat métropolitain, mot d’ordre qui caractérise la conjoncture actuelle.

2) Le fait d’avoir compris l’état objectif de guerre qui existe dans cette phase (« Comment est-il possible de soutenir qu’il n’existe pas un état objectif de guerre dans les métropoles où les ouvriers sont mis en cassa integrazione, où il y a des expulsions, des affrontements avec le syndicat, des milliers de drogués, des vols à main armée avec des fusillades dignes du Far West, des désastres écologiques, etc. », Fraction communautaire, Trani) a cependant mené certaines forces révolutionnaires (en particulier le Parti-guérilla) à croire le prolétariat conscient et organisé pour soutenir maintenant, tout de suite, la guerre civile déployée.
« Nous soutenons avec force que, si divers secteurs du prolétariat métropolitain sont impliqués dans cette guerre et ont recours à la violence et même aux armes, les analyses triomphalistes ou les thèses extrémistes, comme celles qui affirment que la classe est à l’offensive et à l’attaque, n’
en sont pas pour autant justifiables.
En réalité, pour soutenir une telle thèse, il faudrait démontrer l’existence dans cette guerre d’une autodétermination prolétarienne riche et forte, tant dans les comportements, les contenus, les objectifs, que dans le système de relations et dans les formes d’organisation. Nous nous limitions donc à constater la présence de potentialités considérables dans quelques luttes, qui ne nous permettent cependant pas de définir le degré d’autonomie que l’on peut rencontrer comme riche et fort dans l’ensemble de l’antagonisme. » (Fraction communautaire, Trani.)
Le passage d’un état objectif de guerre à un état de guerre civile déployée, état subjectif de guerre révolutionnaire pour la transition au communisme, n’est pas automatiquement donné, mais ne peut l’être qu’à travers le dépassement de nœuds stratégiques de la conjoncture actuelle, dans la dialectique destruction / construction qui voit d’une part l’élargissement de la pratique sociale antagoniste qui frappe et désarticule les centres vitaux du système impérialiste des multinationales et, de l’autre, le saut au Parti, le développement du système de pouvoir rouge dans ses articulations Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.
Et donc une pratique sociale qui sache interagir dans ces deux moments fondamentaux et qui trace dans son agir les fils qui recomposent les figures du prolétariat métropolitain.
Les descentes rapides et les remontées...
Pour une critique qui enterre définitivement le subjectivisme et le militarisme.
Brèves allusions de débat sur ce qui est arrivé, pourquoi c’est arrivé, pour que ça n’arrive plus.

1) L’action de Turin. Ses présupposés.

Comme nous le soulignions ci-dessus, l’état objectif de guerre qui se répand sur notre territoire, dans ses centres moteurs, les métropoles, ne s’est pas jusqu’ici caractérisé par une attaque offensive de classe autonome et organisée.
Cela signifie que nous ne sommes pas encore dans la phase de la guerre civile déployée, même si l’accélération de la crise du mode de production capitaliste nous met sous les yeux que ce moment approche toujours plus.
Dans la construction du Parti, dans le développement du système de pouvoir rouge, notre tâche est de déterminer les rythmes de la guerre.
Mais déterminer les rythmes de la guerre signifie dépasser cette phase, c’est-à-dire atteindre les objectifs suivants : construction du Parti, construction des organisations de masse révolutionnaires dans tous les secteurs de classe, recomposition du prolétariat métropolitain.
Notre pratique sociale doit donc se développer en suivant ces voies.
L’action de Turin, au contraire, a non seulement sauté ipso facto les lignes directrices de combat de la phase, mais a démontré jusqu’au bout sa matrice subjectiviste et militariste.
Mais, pour comprendre Turin, il faut, selon nous, revenir en arrière, à l’action de Salerno.
Avec l’action de Salerno, le Parti-guérilla lance le mot d’ordre de porter l’attaque déployée aux forces armées, mot d’ordre qui se comprend à partir de l’analyse de la phase de guerre civile déployée que les camarades du Parti-guérilla théorisent.
Si nous sommes complètement d’accord avec la dimension de réappropriation d’armes stratégiques de cette action, nous sommes en complet désaccord avec l’analyse et les mots d’ordre qui la sous-tendent parce que :
— c’est aujourd’hui de l’aventurisme, dans une phase de transition à la guerre, mais pas encore de guerre civile, que de frapper systématiquement tous les hommes des forces armées (il faut distinguer l’officier de carrière du soldat appelé !) ;
— une analyse superficielle de ce secteur nous dessine déjà les contradictions qui y règnent : entre les sommets et les militaires, entre les différents corps qui le composent, entre les militaires de carrière et les appelés.
Nous croyons au contraire que notre tâche dans cette phase est de lancer le mot d’ordre de construction des organisations de masse révolutionnaires dans les forces armées, dans les corps, dans les casernes métropolitaines où les jeunes prolétaires vivent les plus hauts niveaux de ghettoïsation, d’exploitation, d’asservissement social, politique et culturel au Pouvoir.
Mais, avec l’action de Salerno, les contradictions au sein du Parti-guérilla s’ouvrent, contradictions qui loin de se recomposer dans la critique-autocritique d’une pratique sociale erronée, se déversent dans l’action de Turin et dans la provocation contre la camarade Natalia Ligas.
À Turin, siège de la multinationale Fiat, centre des stratégies patronales anti-ouvrières, où la classe ouvrière est le secteur de classe le plus représentatif et mène une bataille encore ouverte contre la restructuration impérialiste, le Parti-guérilla ouvre la campagne d’automne par une expropriation prolétarienne qui culmine dans le procès et la condamnation à mort de deux gardiens.
Nous avons tous les éléments politiques pour qualifier cette action de provocation au sein du mouvement révolutionnaire :

A. Le Parti-guérilla prétend par cette action s’adresser aux prolétaires extra-légaux.

Mais, toute pratique sociale antagoniste dans la métropole aujourd’hui doit s’adresser à toutes les couches de classe, même si elle détermine le programme politique immédiat d’une seule couche.
Par exemple, la pratique de la libération comme programme politique immédiat des prolétaires prisonniers se lie à toutes les couches de classe, puisqu’en elle vit la libération du mode de production capitaliste qui implique et enchaîne tout le prolétariat métropolitain.

B. L’expropriation prolétarienne est une action politico-militaire qui a la même dignité que les autres actions.

Mieux, elle en est le présupposé.
Elle est le juste programme de financement que la guérilla doit pratiquer pour se doter des instruments nécessaires à la reprise de l’offensive.
Le capital défend se richesse de mille manières (dispositifs, gardiens, etc.), et c’est à l’intelligence prolétarienne de savoir désamorcer les systèmes d’alarme et désarmer les gardiens, défenseurs du capital, mais qui ne sont pas spécifiquement enrôlés dans une fonction anti-prolétarienne et anti-guérilla.
Dans cette phase, il est nécessaire d’être encore sélectifs, d’être capables de repérer et distinguer, en saisissant toujours l’objectif politique que l’on veut atteindre. La condamnation à mort de deux gardiens qui sont désarmés et qui se sont rendus n’est pas aujourd’hui un objectif stratégique !
Cette action, au lieu d’éclairer dans le mouvement révolutionnaire les tâches de la phase, la signification de l’expropriation et le rôle du système bancaire, n’a apporté que désorientation, confusion et désolidarisation.
C’est objectivement une provocation contre-révolutionnaire !

2) De février à aujourd’hui. Colonne Walter Alasia, si tu es là, frappe un coup !

En février 1982, la Colonne W.A. a subi une dure attaque de la contre-guérilla, qui a mené à l’arrestation de dizaines de militants, surtout dans le Front de Masse, et qui a fait « sauter » l’opération d’assaut à la prison impérialiste de San Vittore, qui « aurait dû déployer force et pouvoir social, exercés dans un rapport correct Parti / mouvements de masse révolutionnaires, pour atteindre l’objectif fondamental du programme révolutionnaire : la libération des prolétaires prisonniers » (document de revendication, Lissone, juillet 1982).
Le principal artisan de cette attaque de la bourgeoisie impérialiste est un dirigeant de notre Organisation : l’infâme Galli.
Nous renvoyons à ailleurs l’analyse approfondie du phénomène des infâmes, en soulignant toutefois que les repentis sont aussi, mais non pas seulement, non pas principalement, la cause des défaites subies par la guérilla au cours des dernières années.
C’est aussi ce que disent les camarades de Palmi dans
Ce n’est que le début.
Quoiqu’il en soit, pour la Colonne W.A., c’est un dur coup politique, peut-être aussi parce qu’il s’agit du premier repenti de notre histoire (mais « que celui qui n’a jamais pêché nous jette la première pierre », écrivaient les camarades de la Brigade Prisons en juin 1982).
Tout de suite après février, la Colonne expulse de l’organisation quelques « camarades », coupables non de divergences politiques, mais bien de graves incorrections politiques internes qui avaient mis en cause l’opération San Vittore, avant même l’inf
amie de Galli.
Nous rappelons qu’il y avait parmi ces individus l’infâme Marocco, qui a produit tant de catastrophes à l’intérieur du Parti-guérilla (et malheureusement chez nous aussi !).
À partir de février, un débat stérile et statique se déroule dans la Colonne qui, loin d’affronter constructivement la reprise du travail dans les Brigades et dans les fronts et la reprise de la pratique sociale sur le territoire métropolitain, dans tous les secteurs du prolétariat métropolitain, en dialectique avec les autres forces révolutionnaires, se fossilise sur les aspects de méthode de travail et sur la demande de la part de certains camarades d’entrer, « ici et maintenant », dans le Parti-guérilla, abandonnant complètement le patrimoine historico-politique porté jusque-là par la Colonne Walter Alasia et les divergences d’analyse politique avec le Parti-guérilla, divergences qui, de toutes manières, ne reniaient pas un rapport dialectique constant avec celui-ci.
Malheureusement, cette situation stagnante ne se débloque qu’en juin, avec la formation d’une nouvelle Direction de Colonne.
L’action de Lissone ouvre, en juillet 1982, la campagne de financement de la Colonne et, «même si l’objectif de financement n’a pas été atteint, la guérilla a été en mesure d’affronter victorieusement la situation, à travers la capacité collective de s’organiser sur le terrain de la guerre sociale, en déployant tout le patrimoine d’expérience révolutionnaire acquis au cours de ces années » (tract de revendication, Lissone).
Suit la chute de trois de nos camarades après une fusillade avec les sbires, et la mort de l’un d’entre eux, le camarade Rico.
La reprise du débat et du travail des Brigades, sous la nouvelle Direction de Colonne, provoque une importante croissance politique de toute l’organisation, sous la poussée du dépassement du néo-révisionnisme et de la tendance à une pratique sociale en dialectique avec le saut au Parti, dans la recomposition du prolétariat métropolitain.
C’était là la tendance qui animait toute la Colonne à l’ouverture de la Campagne d’Automne, lorsque la contre-guérilla, encore une fois par le biais d’un infâme (Marocco), inflige une nouvelle très dure attaque aux forces révolutionnaires.
Pour nous, cette attaque se concrétise par la chute de la base de Cinisello et des camarades de la Direction de Colonne et par la mort du camarade Bruno.
Face à ces graves faits, notre critique-autocritique ne peut pas être seulement « technique » et ne peut se résumer au fait d’avoir continué à utiliser une base connue de l’exclu et aujourd’hui infâme Marocco.
Il est au contraire nécessaire de faire une critique politique, dure, serrée, de la praxis politico-organisationnelle de la Colonne : la tendance acquise vers le saut au Parti et à une pratique sociale qui y corresponde, n’a pas réglé ses comptes avec la situation logistico-organisationnelle de la Colonne, assez précaire, assez faible, provoquant une incroyable inadéquation entre la « volonté de faire » des camarades et la « possibilité réelle » de faire dans cette situation.
On a aussi privilégié le politique sur le logistico-militaire, alors qu’une Organisation communiste combattante clandestine doit savoir équilibrer tous les aspects politico-militaires-organisationnels de sa vie, non pour survivre, mais pour croître, se renforcer, contribuer effectivement au saut au Parti.
L’ingénuité et la « jeunesse » de la Colonne ont ensuite donné la possibilité à la contre-guérilla, au moyen de se force centrale que sont les Carabiniers, d’arrêter trois autres de nos militants au milieu de la rue.
Mais les défaites militaires ne nous abattent pas outre mesure. Elles nous font plutôt réfléchir sérieusement sur la nécessité de comportements clandestins adaptés à la militarisation croissante dans la métropole : c’est l’intelligence communiste qui doit semer l’ennemi et encercler les encercleurs.
La métropole est le centre de la guerre sociale que les prolétaires, guidés par le Parti, développent quotidiennement, à travers mille comportements antagonistes, au long des mille lignes directrices de combat, en mille feux de guérilla.
C’est dans la métropole que se déchaîne la guerre sociale antagoniste : c’est là que nous sommes, présents, en reprenant l’offensive, de l’usine à la prison et au territoire, où des millions de prolétaires luttent pour la LIBÉRATION.

 
CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT !

CONSTRUIRE LES ORGANISATIONS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

ACTIVER LES MOUVEMENTS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

DÉVELOPPER LE SYSTÈME DE POUVOIR ROUGE !

HONNEUR AUX CAMARADES TOMBÉS EN COMBATTANT POUR LE COMMUNISME !

Pour le Communisme

 

 

 

29/08/2013

Manifeste des Weathermen (1969)

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Manifeste

1969

Pas besoin d'un monsieur météo pour savoir dans quel sens souffle le vent.

« La contradiction entre les peuples révolutionnaires d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine et les impérialistes, ayant les Etats-Unis à leur tête, est la contradiction principale du monde contemporain. Le développement de cette contradiction stimule la lutte des peuples du monde entier contre l'impérialisme US et ses laquais. » (Lin Piao : vive la victorieuse guerre du peuple!)

 

1. RÉVOLUTION MONDIALE

Les gens se demandent : en quoi consiste la révolution dont nous parlons? Par qui sera-t-elle menée? En faveur de qui? Quels sont ses objectifs et sa stratégie? Pour répondre à ces questions, la considération préalable est que la grande lutte qui se déroule dans le monde d'aujourd'hui est celle qui oppose l'impérialisme US aux luttes de libération nationale. Ceci est l’aspect essentiel pour définir les enjeux politiques du monde entier : car l’impérialisme US est de loin le plus puissant, tous les autres empires et petits dictateurs dépendent à long terme de lui qui a unifié et s’est allié avec toutes les forces réactionnaires du monde entier. Par conséquent, lorsque nous considérons toute force ou phénomène, de l’impérialisme soviétique ou israélien aux « luttes ouvrières » en France et en Tchécoslovaquie, nous les déterminons en tant qu’amis ou ennemis selon qu’ils aident l’impérialisme US ou qu’ils luttent pour le vaincre. Par conséquent, la toute première question qui doit se poser aux habitants de ce pays à propos de la révolution est celle-ci : est-ce que je me tiens aux côtés des Etats-Unis en tant que nation qui opprime, ou bien aux côtés des masses et des peuples qui sont opprimés par l'impérialisme US? La tâche primordiale de la lutte révolutionnaire est de résoudre la contradiction principale au bénéfice des peuples du monde. Ce sont les peuples opprimés du monde qui ont créé la richesse de cet empire ; c’est à eux qu’elle appartient. Le but de la lutte révolutionnaire doit être le contrôle et l’usage de cette richesse dans l’intérêt des peuples opprimés du monde. C'est dans ce contexte que nous devons examiner la question des luttes révolutionnaires aux Etats-Unis.

Nous vivons au coeur de la bête, dans un pays qui s'est si enrichi par le pillage à l’échelle mondiale que même les miettes distribuées aux masses asservies à l'intérieur de ses frontières permettent des conditions matérielles d'existence bien supérieures à la moyenne de celles que subissent les masses des peuples du monde.

L'empire US, système de dimension mondiale, draine les richesses provenant du travail et des ressources du reste du monde vers les Etats-Unis. L'abondance relative que nous connaissons aux Etats-Unis dépend directement du travail et des ressources naturelles des Vietnamiens, des Angolais, des Boliviens et des autres peuples du Tiers-Monde. Tous les avions et engins spatiaux américains, les Holiday Inn, les voitures de chez Hertz, ton poste de télévision, ta voiture et ta garde-robe appartiennent déjà, en grande partie, aux autres peuples du monde.

Par conséquent, toute conception de la « révolution socialiste » qui se limite aux perspectives du peuple travailleur des États-Unis et qui refuse de prendre en considération la totalité des intérêts des peuples les plus opprimés du monde, se réduit à un combat pour l’intérêt particulier de privilégiés ; elle représente une idéologie très dangereuse.

Bien que la prise de contrôle et l’usage des richesses de l’Empire par les peuples du monde soit aussi dans l’intérêt d’une grande majorité des gens de ce pays, nous prolongerions le maintien de la société de classes, l’oppression, la guerre, le génocide et la misère complète pour tout le monde, y compris pour le peuple aux USA, si le but n’était pas fixé clairement dès le départ. Le but, c'est de détruire l'impérialisme US et de réaliser un monde sans classes : le communisme mondial.

La conquête du pouvoir d'Etat aux USA sera le résultat de l'éparpillement des forces militaires US partout dans le monde et de leur destruction unité par unité. La lutte menée aux USA mêmes sera une partie vitale de ce processus, mais au moment où la révolution triomphera aux EtatsUnis, les

peuples du monde l'auront déjà faite chez eux. Ainsi, définir le socialisme en termes strictement nationaux, dans une nation qui est historiquement et à ce point une puissance d'oppression, n'est qu'une expression de chauvinisme national impérialiste dans les rangs du "mouvement".

2. QU’ESTCE QUE LA COLONIE NOIRE ?

Toutes les colonies de peuples opprimés par l’impérialisme ne se trouvent pas hors des frontières des États-Unis.

A l’intérieur de l’Amérique du Nord, le peuple noir, amené ici il y a quatre cents ans comme esclave et dont le travail d’esclave a bâti ce pays, est une colonie au sein même de la nation qui opprime. Cela signifie-t-il que le peuple noir est opprimé en tant que peuple, par les institutions et les rapports sociaux du pays, en dehors même de sa position de classe, de son revenu, de son niveau de qualification, etc. en tant qu’individus ? A quoi ressemble cette colonie ? Quelle est la base de sa commune oppression et quelle est son importance ? Une position historiquement importante a été que la colonie noire consistait seulement en la nation de la ceinture noire [« black belt nation », au sudest des USA], dont le combat pour la libération nationale repose sur la base d’un territoire commun, d’une histoire, d’une culture et d’une vie économique communes. La conséquence de cette position est que les Noirs vivant dans les autres parties du pays forment une minorité nationale, sans faire réellement partie de la colonie noire, de telle sorte que la lutte de libération nationale ne concerne que la ceinture noire, et non pas tous les Noirs ; les Noirs du nord du pays ne font donc pas partie de la colonie, mais de la classe ouvrière de la nation blanche oppressive. D’après cette formulation, les ouvriers noirs du nord ont un « rôle double » : d’une part soutenir la lutte dans le sud et s’opposer au racisme, en tant que membres de la minorité nationale ; et d’autre part agir en tant qu’ouvriers de la « nation blanche », dont l’intérêt de classe est le socialisme intégré dans le nord. La version conséquente de cette ligne appelle à l’organisation intégrée des ouvriers noirs et blancs dans le nord, en suivant ce qu’elle nomme les lignes de « classe. »

Cette position est erronée ; en réalité, la colonie noire n’existe pas seulement dans la nation de la ceinture noire, mais dans le pays en tant qu’ensemble. L’oppression commune des Noirs et leur culture commune édifiée à partir de cette histoire ne sont pas basées historiquement et actuellement sur leur rapport au territoire de la ceinture noire, même si celui-ci

est marqué par une concentration de population et possède des caractéristiques très différentes du nord, particulièrement en ce qui concerne la question de la terre. Les caractéristiques communes d’oppression, de passé historique et de culture qui donnent au peuple noir l’unité d’une colonie ont bien qu’historiquement ce peuple soit issu d’un territoire commun différent de celui de l’impérialisme : l’Afrique et non le sud des USA pour origine historique le statut d’esclave, commun à tous les Noirs, statut qui, depuis l’abolition formelle de l’esclavage, a pris la forme d’une oppression de caste, de l’oppression du peuple noir en tant que tel, en quelque endroit qu’il se trouve.

Une nation noire nouvelle, différente des nations de l’Afrique dont elle est originaire, a été forgée par l’expérience historique commune de la traite, de l’esclavage et de l’oppression de caste. Affirmer que pour exister comme nation il est nécessaire d’avoir pour but un territoire national commun, différent de celui de l’impérialisme, c’est appliquer mécaniquement des critères valables, autrefois comme aujourd’hui, dans des conditions différentes. Ce qu’il faut entendre par le terme de caste, c’est que tous les Noirs, à cause de leur origine historique commune d’esclaves, à cause de leur culture commune et de la couleur de leur peau, se voient systématiquement refuser l’accès à certains métiers (ou à certaines responsabilités dans ces métiers), à certaines positions sociales et cela sans égard à la qualification, au talent, à la fortune ou à l’éducation.

A l’intérieur de la. classe ouvrière, ils sont la fraction la plus opprimée; au sein de la petite bourgeoisie, ils sont encore plus strictement confinés au plus bas niveau.

En écartant les cas exceptionnels, le contenu spécifique de cette oppression de caste s’exprime par le maintien du peuple noir dans les conditions et les métiers les plus en butte à l’oppression et à l’exploitation. Par conséquent, puisque la classe située au plus bas dans l’échelle sociale est la classe ouvrière, la caste noire est presque entièrement une caste ouvrière ou bien se trouve dans une situation d’oppression qui la met sur le même pied que les plus basses couches de la classe ouvrière (c’est le cas des paysans et de la petite bourgeoisie noire).

C’est une caste laborieuse coloniale, une colonie dont le caractère national se définit lui-même par la position de classe de ses membres.

C’est pourquoi les Noirs du nord des USA n’ont pas d’« intérêt double » comme Noirs d’une part, comme « travailleurs de la nation américaine » d’autre part. Ils n’ont avec tous les autres Noirs des Etats-Unis qu’un seul intérêt de classe : celui de membres de la Colonie Prolétarienne Noire.

3. LA LUTTE POUR L’AUTODÉTERMINATION

La lutte du peuple noir, en tant que colonie, vise à l’autodétermination, à la liberté et à la libération de l’impérialisme américain. Parce qu’ils ont été, en tant que peuple, opprimés et maintenus dans une situation sociale inférieure, les Noirs ont le droit de décider, de s’organiser et d’agir sur leur destinée de peuple sans intervention des Blancs. Du fait que tous les Noirs font l’expérience de l’oppression sous une forme inconnue à tout Blanc, aucun Blanc n’est en position de comprendre pleinement et de vérifier par sa propre pratique la situation réelle du peuple noir et la réponse qui en découle nécessairement.

C’est pourquoi il est nécessaire au peuple noir de s’organiser séparément et de déterminer séparément son action à chaque étape de la lutte. Il est important de comprendre ce qu’implique cette nécessité. Il n’est pas légitime que les Blancs interviennent, sur le plan organisationnel, dans les divergences entre nationalistes révolutionnaires noirs. Ce serait de l’arrogance de notre part que d’attaquer une organisation noire qui défend le peuple noir et s’oppose pratiquement à l’impérialisme.

Par contre, il est nécessaire de développer dans notre propre organisation une juste compréhension de la lutte des Noirs pour leur libération, car une vision incorrecte entraînerait, dans l’avenir, une pratique raciste dans nos rapports avec le mouvement noir.

Dans l’histoire de certaines colonies extérieures, comme la Chine et le Vietnam, la lutte pour l’autodétermination est passée par deux étapes : 1) un front uni contre l’impérialisme et pour la démocratie nouvelle(qui est une dictature conjointe des classes anticoloniales dirigée par la classe ouvrière, dont le contenu est un compromis entre les intérêts du prolétariat et la paysannerie, de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie nationale nationalistes, et 2) le développement du socialisme, dépassant cette étape de nouvelle démocratie. Cependant la lutte de libération noire dans ce pays n’aura qu’une « étape » ; la lutte pour l’autodétermination incarnera en elle-même la lutte pour le socialisme.

Comme l’a dit Huey P. Newton : « Pour être un révolutionnaire nationaliste, il faut nécessairement être un socialiste », ceci parce que, étant donné le caractère de caste de l’oppression d’un peuple partageant un même degré d’oppression, l’autodétermination exige la libération de l’exploitation capitaliste qui prend la forme des emploi dégradants (pour la plus basse caste), du logement, des écoles, des hôpitaux, des prix.

De plus, seul ce qui a été ou a pu devenir en pratique un programme socialiste pour l’autodétermination – qui vise à renverser cette exploitation – est à même de compter sur le soutien actif de masse nécessaire dans la « colonie prolétarienne ». D’autre part, le programme de front uni pour la démocratie nouvelle ne serait pas assez approfondi, ce qui l’empêcherait de gagner à sa cause le soutien actif et déterminé des masses noires. La seule raison qui pourrait pousser à ce font serait l’existence de forces petites-bourgeoises indépendantes qui pourraient y entrer pour compenser l’affaiblissement de son assise prolétarienne. Mais tel n’est pas le cas : d’abord parce qu’une bonne partie de la petite-bourgeoisie noire est une petite-bourgeoisie « compradore » (comme les soi-disant capitalistes noirs qui sont promus par la structure du pouvoir pour avoir l’air indépendants, mais qui sont en réalité des agents du capital monopoliste blanc), qui ne combattra jamais en tant que classe pour quelque autodétermination que ce soit ; ensuite parce que beaucoup de petits-bourgeois noirs, si ce n’est la plupart, même s’ils n’ont pas un intérêt de classe à l’autodétermination socialiste, sont assez proches des masses noires en ce qui concerne l’oppression et des limitations de leur condition, pour soutenir l’autodétermination sur de nombreux points et, spécialement lorsque le mouvement est victorieux, elle peut être gagnée à la cause du soutien à l’autodétermination au sens plein (socialiste).

Travailler à porter au maximum ce soutien de la part de la petite-bourgeoisie est, pour le mouvement noir, quelque chose de correct ; mais il ne s’agit en aucun cas d’un front uni, parce qu’il est clair que le Mouvement de Libération Noire ne devrait pas modifier, et ne modifie pas, le contenu révolutionnaire socialiste de sa position pour gagner un tel soutien.

4.LA LIBÉRATION DES NOIRS IMPLIQUE LA RÉVOLUTION

Quel est le lien entre la lutte pour l'autodétermination noire et l'ensemble de la révolution mondiale visant la défaite de l'impérialisme US et l'internationalisation de ses ressources, en vue de créer un monde sans classes? Aucune autodétermination noire ne pourra être gagnée sans aboutir à une victoire de la révolution internationale en tant que tout. La colonie prolétarienne noire, étant dispersée si largement et formant une section de la force de travail si exploitée, est essentielle pour la survie de l'impérialisme.

Par conséquent, même si le mouvement de libération noir cherchait à obtenir l'autodétermination sous la forme d'un pays séparé (aspect légitime du droit à l'autodétermination), son existence à côté des USA ferait que l'impérialisme n'y survivrait pas il n'abandonnerait jamais le combat à moins d'être détruit.

C'est ce qui fait qu'un mouvement révolutionnaire nationaliste ne peut pas vaincre sans détruire le pouvoir d'Etat des impérialistes, et c'est pour cette raison que le mouvement de libération noir, en tant que mouvement révolutionnaire nationaliste pour l'autodétermination est automatiquement en lui-même une partie inséparable de l'ensemble de la lutte révolutionnaire contre l'impérialisme US et pour le socialisme international.

Cependant, le fait que la libération noire dépende d’une victoire révolutionnaire générale ne signifie pas qu’elle est forcée d’attendre pour y arriver qu’un mouvement de masse blanc se constitue et se joigne à elle. L’oppression génocidaire du peuple noir doit prendre fin et il ne reste pas beaucoup de temps pour y parvenir. Au besoin, le peuple noir pourrait arracher l’autodétermination en abolissant le système impérialiste et en s’emparant pour le faire du pouvoir d’État, sans avoir à attendre un tel mouvement blanc encore que le coût en serait élevé chez les Noirs comme chez les Blancs.

Les Noirs si nécessaire pourraient y arriver seuls, à cause de leur centralité dans le système, à la fois économiquement et géomilitairement, et à cause du niveau d'unité, d'engagement et d'initiative qui serai développé en menant une guerre populaire pour la survie et la libération nationale.

Cependant, nous n'attendons pas qu'il s'y lancent seuls, pas seulement à cause de la situation internationale, mais aussi parce que les intérêts véritables des Blancs opprimés résident auprès de la lutte de libération noire, et parce que les conditions pour la compréhension de ces intérêts et pour le combat pour ceux-ci grandissent avec l'approfondissement de la crise.

D'ores et déjà, le mouvement de libération noir a porté avec lui un regain de la conscience révolutionnaire chez les jeunes blancs; et même si cela n'est pas garanti, nous pouvons nous attendre à ce que cela s'étendent et s'approfondisse chez tous les opprimés blancs. Écarter la possibilité d’une victoire des Noirs seuls mène à la position raciste selon laquelle les Noirs doivent attendre les Blancs et dépendent de l’action des Blancs en leur faveur pour l’emporter. Toutefois, la possibilité d’une victoire des Noirs seuls ne peut être en aucun cas justifier l’absence de la construction un mouvement révolutionnaire parmi les Blancs.

Il est nécessaire de battre en brèche deux tendances racistes : 1° Les Noirs ne peuvent aller de l’avant dans l’accomplissement de la révolution ; 2° Les Noirs doivent aller seuls de l’avant. La seule troisième voie possible consiste à construire un mouvement blanc qui soutiendra les Noirs et progressera aussi vite qu’ils peuvent et doivent le faire, afin que les révolutionnaires blancs assument leur part du travail et ne laissent pas les Noirs tout faire seuls. Tout Blanc qui ne suit pas cette troisième voie suit objectivement l’une des deux autres (si ce n’est les deux en même temps) et est objectivement raciste.

5. LA RÉVOLUTION ANTIIMPÉRIALISTE ET LE FRONT UNI

Étant donné que la stratégie pour vaincre l'impérialisme dans les colonies semiféodales a deux étapes : l'étape de nouvelle démocratie avec un front uni pour jeter dehors l'impérialisme, suivie de l'étape socialiste, certains suggèrent deux étapes pour les USA aussi, l'une pour arrêter l'impérialisme, l'étape anti-impérialiste, et l'autre pour réaliser la dictature du prolétariat, l'étape socialiste. Ce n'est pas par hasard que même les tenants de cette idée ne peuvent pas dire ce qu'elle signifie.

En réalité, l'impérialisme est une étape prédatrice internationale du capitalisme. Il est impossible que la victoire contre l'impérialisme aux USA ait comme contenu – comme elle peut l'avoir dans un pays semiféodal – le remplacement de l'impérialisme par le capitalisme ou la nouvelle démocratie; quand l'impérialisme sera battu aux États-Unis mêmes, il sera remplacé par le socialisme et par rien d’autre.

Une seule révolution, un seul processus de remplacement, une seule prise du pouvoir d’État la révolution anti-impérialiste et la révolution socialiste, une seule et même étape. Parler de ces deux processus comme s’il s’agissait de deux étapes séparées est aussi stupide que d’imaginer Marx parlant de la révolution prolétarienne comme d’une révolution en deux étapes la première pour renverser le pouvoir d’État capitaliste et la seconde pour mettre en place le pouvoir d’État socialiste. De même qu’il n’y a pas deux étapes, il n’y a pas de front uni possible avec la petite bourgeoisie, parce que ses intérêts de classe ne la poussent pas à remplacer l’impérialisme par le socialisme. En ce qui concerne le peuple de notre pays, la tâche de la guerre internationale contre l’impérialisme est la même que celle de la révolution socialiste: le renversement du pouvoir. Dans notre pays, il n’y a pas la possibilité d’un « front uni » pour le socialisme. Un des motifs qui inspirent ceux qui tiennent à l’idée du « front uni », est la peur que nous empêchions, en parlant d’une révolution socialiste en une seule étape, l’organisation du maximum possible de points d’appui dans le peuple dans la petite bourgeoisie par exemple qui peut combattre l’impérialisme sur des points particuliers, mais qui n’est pas favorable à la révolution. Quand les intérêts de la petite bourgeoisie la poussent à combattre l’impérialisme sur des points particuliers, sans viser à son renversement et à son remplacement par le socialisme, cette masse contribue quand même, par là même, à la révolution et non à quelque chose d'intermédiaire qui ne serait ni l’impérialisme, ni le socialisme. Quiconque n’est pas pour la révolution n’est pas non plus pour une véritable défaite de l’impérialisme mais nous pouvons et nous devons cependant en faire notre allié pour des actions déterminées. Mais il ne s’agit pas là d’un « front uni » (et nous ne devons pas avoir à, l’égard de ces éléments une quelconque politique de « front uni » en dehors de notre propre orientation) car la position de classe de ces gens ne les amène pas à s’opposer à l’impérialisme en tant que système.

En Chine ou au Vietnam, les intérêts de classe de la petite-bourgeoisie pouvaient être de vaincre l'impérialisme, cela parce que la tâche était de le chasser, et non de renverser tout entier. Pour nous d'ici où nous sommes, le « chasser » veut dire non pas d'une seule colonie, mais de toutes : le chasser du monde, c'est-à-dire le renverser.

6. STRATEGIE INTERNATIONALE

Quelle est la stratégie de ce mouvement révolutionnaire international ? Quelles sont les faiblesses stratégiques des impérialistes qui rendent possible notre victoire ? Les révolutionnaires autour du monde tombent généralement d'accord sur la réponse faite par Lin Piao en ces termes : « L'impérialisme US est plus fort, mais aussi plus vulnérable que n'importe quel impérialisme du passé. Il se pose contre tous les peuples du monde, y compris le peuple des États-Unis. Ses ressources humaines, militaires, matérielles et financières sont loin de suffire pour réaliser son ambition de domination du monde entier. L'impérialisme US accroît son affaiblissement en occupant tant d'endroits dans le monde, en présumant de ses forces, étendant ses doigts et dispersant ses forces, avec des arrières placés si loin et ses lignes d'approvisionnement si étendues. » (Vive la victorieuse guerre du peuple!).

La stratégie qui découle de cela est celle que le Che a appelé « Créer deux, trois, de nombreux Vietnam », consistant à mobiliser des luttes si dures et en tant d'endroits que les impérialistes ne pourront plus faire face à toutes. Or, puisque c'est essentiel pour leur survie, ils tenteront de leur faire face à toutes et seront défaits et détruits tout au long de ce processus.

Dans la définition et la réalisation de cette stratégie, il est clair que l'avant-garde (c'est-à-dire la section du peuple qui est en première ligne de la lutte, et dont les intérêts de classe et les besoins déterminent la nature et les tâches de la révolution) de la « Révolution Américaine » est constituée des ouvriers et des peuples opprimés des colonies d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latin. A cause du niveau d'oppression du peuple noir en tant que colonie, celui-ci reflète à l'intérieur des frontières des USA les intérêts des peuples du monde opprimés, il fait partie du Tiers-Monde et est une section de l'avant-garde révolutionnaire internationale.

Le rôle d'avant-garde des Vietnamiens et d'autres pays du Tiers-Monde dans le combat pour vaincre l'impérialisme US a été reconnu clairement par notre mouvement depuis un certain temps. Ce qui n'a pas été reconnu aussi clairement, c'est le rôle d'avant-garde que le peuple noir a joué, et continue de jouer dans le développement de la conscience et de la lutte révolutionnaires aux Etats-Unis.

Les critiques de la lutte de libération noire, vue comme « réactionnaire », ou des organisations noires critiquées dans les campus comme étant conservatrices ou « racistes » expriment très souvent cette non-compréhension.

Ces idées sont incorrectes et doivent être répudiées si un mouvement révolutionnaire doit se construire parmi les Blancs. La colonie noire, à cause de son caractère particulier de colonie esclave, n'a jamais vécu d'identification chauvine envers l'Amérique en tant que puissance impérialiste, que ce soit politiquement ou culturellement.

Qui plus est, l'histoire des Noirs en Amérique est au plus haut point un mouvement général de répudiation de l'Etat et de lutte contre lui. Des bateaux d'esclaves en Afrique aux révoltes d'esclaves, à la guerre civile, etc. le peuple noir n'a cessé de mener une lutte pour la survie et pour la libération. Tel est aussi le cas pour notre mouvement : les luttes pour les droits civils déclenchées et menées par les Noirs dans le Sud; les rébellions ont commencé à Harlem en 1964, à Watts en 1965, en passant par Détroit et Newark en 1967; les luttes des élèves dans les écoles entièrement noires du Sud et les luttes menées par les Noirs dans les campus de tout le pays.

Comme ce sont les Noirs à côté des Vietnamiens et des autres peuples du tiers-monde – qui sont les plus opprimés par l'impérialisme US, leurs intérêts de classe les engagent plus solidement et résolument à mener la lutte révolutionnaire jusqu'à bonne fin. Par conséquent, il n'y a rien de surprenant à ce que, hier comme aujourd'hui, ce soit le mouvement de libération noire qui ait lancé les hostilités et ait défini les termes de la lutte, que ce soit en termes de contenu politique ou de niveau de conscience et de militance.

Quel est le rapport entre « l'avant-garde noire » et les « nombreux Vietnam » autour du monde? C'est évidemment un cas particulier de notre stratégie selon laquelle différents front se renforcent les uns les autres. Le fait que les Vietnamiens soient en train de gagner affaiblit l'ennemi, faisant ainsi avancer des possibilités pour la lutte noire, etc. Mais il importe que nous comprenions que l'interrelation est davantage que cela. Les Noirs ne « choisissent » pas d'intensifier leur lutte parce qu'ils veulent aider les Vietnamiens, ou parce qu'ils voient que les Vietnamiens élèvent les possibilités de la lutte ici. L'existence d'un Vietnam, et spécialement d'un Vietnam victorieux, stimule les autres, pas seulement en termes de conscience et choix, mais en termes de besoins, parce qu'un Vietnam représente un affaiblissement politique, économique et militaire du capitalisme, ce qui veut dire que pour le compenser, les impérialistes sont forcés d'intensifier leur oppression sur d'autres peuples. La perte de la Chine et de Cuba, et maintenant la perte du Vietnam ne font pas qu'encourager d'autres peuples opprimés (comme les Noirs) en leur montrant en quoi consiste l'alternative et comment elle peut gagner, mais elle coûte aussi aux impérialistes des milliards de dollars, qu'ils doivent donc retrouver par l'oppression de ces autres peuples. Dans ce pays, le poids de l'oppression est le plus lourd sur les épaules des sections les plus opprimées de la population, et la situation de tous les ouvriers empire, à cause de l'augmentation des taxes, de l'inflation de la chute du salaire réel, de l'accélération des cadences. Mais cette oppression accrue coûte plus cher aux plus opprimés, comme les ouvriers blancs pauvres, et spécialement les Noirs, notamment à travers l'effondrement des services d'Etat comme les écoles, les hôpitaux, les services sociaux, qui naturellement frappe le plus ceux qui en dépendent le plus.

Cette détérioration pousse les gens à mener un combat plus dur, pour tenter seulement de maintenir leur niveau de vie actuel. Plus fortement la classe dominante est frappée au Vietnam, plus fortement les gens seront forcés de se rebeller et de se battre pour des réformes. Parce qu'il existe des exemples réussis de révolution à Cuba, au Vietnam, etc., ces luttes de réforme donneront une base de plus en plus large et solide aux idées révolutionnaires. Parce qu'elle a besoin de maximiser ses profits en refusant les réformes, et qu'elle est consciente que ces conditions de vie et cette lutte pour les réformes mènera à la conscience révolutionnaire, la classe dominante se verra de plus en plus contrainte de se jeter sur le dos de n'importe quel mouvement, même lorsqu'il n'est pas hautement organisé et conscient. Elle se jettera plus vite sur les Noirs, parce que leur oppression augmente le plus vite, ce qui rend leur rébellion plus complète et plus dangereuse, et la plus rapide dans sa croissance. C'est pour cette raison que le caractère d'avant-garde et le rôle de la lutte de libération noire sera porté plus haut et intensifié, plutôt que de tendre à s'égaliser et à se fondre dans la situation et la rébellion des opprimés blancs, ouvriers et jeunes. La crise de l'impérialisme (l'existence des Vietnam qui sont en train de gagner)créera donc un « Vietnam noir » à l'intérieur des USA. Étant donné que l'autodétermination noire signifiera l'écrasement complet du pouvoir des impérialistes, ce « Vietnam »là possède des caractéristiques différentes des guerres coloniales extérieures.

Les impérialistes jamais ne « s'en iront des USA », avant que leur force totale et toutes leurs ressources imaginables n'aient volé en éclat; donc le Vietnam Noir ne peut vaincre sans mettre tout l'édifice à bas et ainsi gagner pour tout le monde. Ceci signifie que cette guerre de libération sera la guerre la plus prolongée et la plus dure de toutes celles qui ont été menées. C'est dans ce contexte que la question du Sud doit se poser à nouveau, non pas la question de savoir si c'est là-bas que la nation noire, la colonie noire existe, en tant qu'opposée au Nord, mais plutôt se poser comme une question pratique de stratégie et de tactique : est-il avantageux pour la lutte de libération noire – lutte de tous les Noirs du pays – dans sa guerre actuelle de libération, de se concentrer sur l'édification de bases d'appui au Sud, dans des territoires à forte concentration de population noire? C'est très clairement une autre question que celle de savoir « où se trouve la colonie noire? », et à cette question posée sous cet angle, il y aurait de fortes chances qu'on réponde « oui » à la question. Si le le plus fort potentiel pour la lutte se trouvait au Sud, il serait pleinement concevable et légitime que la lutte là-bas prenne le caractère d'une lutte pour la séparation, et toute victoire gagnée dans cette direction serait un gain important pour la libération nationale de la colonie prise comme un tout. Cependant, comme la colonie est dispersée dans tout le pays, et n'est pas circonscrite à la ceinture noire, la victoire signifie le pouvoir et la libération noire dans l'ensemble du pays. Dans ces conditions, l'obtention d'une indépendance séparée dans le Sud signifierait alors qu'un pas a été fait vers l'autodétermination, mais sans être l'équivalent de celle-ci, puisqu'elle exigerait encore, étant donné la position économique de la colonie toute entière, le renversement du pouvoir d'Etat des impérialistes, la prise en main de la production, de l'économie toute entière, du pouvoir, etc.

7. LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE DES JEUNES : ANALYSE DE CLASSE

Le programme du mouvement révolutionnaire de la jeunesse a été salué comme une stratégie de transition, qui expliquait beaucoup de notre passé et indiquait de nouvelles perspectives au mouvement. Mais transition vers quoi ? Quelle était notre stratégie globale ? La stratégie du mouvement de jeunesse n’avait-elle qu’une simple valeur organisationnelle, parce que le S.D.S. est lui-même une organisation de jeunes qui peut mieux agir avec d’autres jeunes ? Nous avons souligné la nature d’avant-garde de la lutte des Noirs de ce pays, partie de la lutte internationale contre l’impérialisme américain. Nous avons indiqué aussi que rien n’était possible sans une stratégie internationale orientée vers la victoire. Toute tentative de former une stratégie qui, en dépit de la rhétorique internationaliste qui l’accompagne, fixe une perspective purement nationale au développement des luttes de classes dans notre pays, est incorrecte. Les Vietnamiens (et les Uruguayens et les Rhodésiens) les Noirs et les peuples du tiers monde qui vivent dans ce pays continueront à déterminer les termes de la lutte de classes en Amérique.

Dans ce contexte, pourquoi mettre l’accent sur la jeunesse ? Pourquoi les jeunes seraient-ils désireux de combattre aux côtés des peuples du tiers monde ?

Avant de traiter ce problème, cependant, nous esquisserons rapidement un tableau des catégories de classes de la patrie blanche que nous jugeons les plus importantes, en indiquant les intérêts respectifs de chacune de ces classes (et en gardant à l’esprit que la possibilité pour les diverses couches de comprendre et de mener la lutte révolutionnaire est beaucoup plus vaste que leurs simples intérêts réels de classe). La grande majorité de la population appartient à la classe ouvrière. Nous ne désignons pas seulement par là les travailleurs industriels productifs, ni ceux qui travaillent effectivement, mais toute la fraction de la population qui ne possède pas les moyens de production et vit, de ce fait, de la vente de sa force de travail. Ce n'est pas une catégorie métaphysique ; nous examinons ses intérêts, le rôle qu'elle joue, qui en fait partie, ce qui est parfois très difficile à déterminer. Globalement, les intérêts à long terme des fractions non coloniales de la classe ouvrière vont dans le sens du renversement de l’impérialisme par le soutien à l’autodétermination des nations opprimées (y compris la colonie noire), par le combat pour le socialisme international. Cependant, la classe ouvrière blanche, dans sa quasi-totalité, bénéficie aussi de privilèges à court terme accordés par l’impérialisme ; il ne s’agit pas de faux, mais de très authentiques privilèges qui lui donnent des intérêts établis et la relient à l’impérialisme, surtout lorsque celui-ci est dans une phase de prospérité.

D’autre part, dans la mesure où l’impérialisme est en train de perdre son empire, ces privilèges à court terme sont tenus pour temporaires (même s’ils deviennent relativement plus grands avec l’accroissement rapide de la misère des peuples opprimés). Les intérêts à long terme qu’a la classe ouvrière à se placer aux côtés des peuples opprimés sont perçus plus clairement à la lumière de la défaite imminente de l’impérialisme. Au sein de la classe ouvrière, l’équilibre entre les intérêts de classe anti-impérialistes et les privilèges à court terme accordés par la métropole varie beaucoup. Tout d’abord, les couches les plus opprimées de la classe ouvrière de la métropole ont des intérêts plus clairement et plus fortement anti-impérialistes. Quelles sont ces couches les plus opprimées ? Les millions de Blancs qui vivent dans des conditions d’oppression matérielle comparables, ou presque, à celles des Noirs : plus particulièrement, les travailleurs pauvres du Sud, les chômeurs ou semi-chômeurs, ou ceux qui ont de longues journées de travail pour de bas salaires, dans de mauvaises conditions de travail et qui ne sont pas syndiqués ou ont des syndicats faibles. En poursuivant, on trouve une part importante des ouvriers syndiqués dont la situation est un peu meilleure mais qui sont lourdement opprimés et exploités. Cette catégorie est très vaste ; on n’y trouve pas seulement des travailleurs affectés à la production et aux services, mais aussi certaines secrétaires, certains employés. La plupart de ces catégories tirent quelques privilèges relatifs (autrement dit des bénéfices) de l’impérialisme, ce qui donne une base matérielle à d’éventuelles réactions racistes ou pro-impérialistes; mais elles sont, pardessus tout, directement et lourdement opprimées, si bien qu’en plus de leurs intérêts à long terme qui les rangent du côté des peuples du monde, leur situation actuelle constitue une base sérieuse pour aviver leur lutte contre l’État et leur combat pour la révolution.

En second lieu, on trouve les couches supérieures de la classe ouvrière. Il s’agit là aussi d’une catégorie extrêmement vaste, qui comprend les couches supérieures des travailleurs qualifiés, membres des syndicats et aussi l’essentiel de la « nouvelle classe ouvrière », faite des « travailleurs intellectuels » prolétarisés ou semi-prolétarisés. Il n’y a pas de claire ligne de démarcation entre cette catégorie et la précédente ; et, en tout état de cause, nous devrons tirer nos conclusions, à propos des couches « problématiques », d’une analyse plus approfondie de situations particulières. Les intérêts à long terme de la couche supérieure de la classe ouvrière sont, de même que ceux des couches plus opprimées dont nous avons parlé précédemment, en faveur de la révolution, contre l’impérialisme. Cependant, elle a pour caractéristique d’avoir atteint un niveau de privilèges plus élevé que les colonies opprimées, Noirs y compris, et que les ouvriers les plus exploités de la métropole. Il existe donc chez elle une base matérielle solide pour le racisme et le loyalisme à l’égard du système.

Dans une situation révolutionnaire, lorsque les forces populaires seront sur l’offensive et que la classe dominante sera clairement sur le point de perdre, la majorité de cette couche supérieure de la classe ouvrière pourra être gagnée à la révolution ; tandis que quelques éléments au moins identifieront probablement jusqu’au bout leurs intérêts à ceux de l’impérialisme et s’opposeront à la révolution (leur comportement ne sera pas strictement déterminé par le niveau de privilège qu’ils ont atteint).

Le développement ultérieur de la situation clarifiera le choix de cette fraction de la classe ouvrière, mais il doit être clair aussi que, quelle que soit la voie qu’ils adoptent, nous ne mettons pas l’accent, à l’heure actuelle, sur les combats de cette couche. L’exception ne sera faite que lorsque ces travailleurs auront, dans des conditions données, de l’importance pour la lutte de libération des Noirs, le tiers monde ou le mouvement de jeunesse, ce qui est le cas, par exemple, des enseignants, des techniciens hospitaliers, etc.

Nous devrons alors travailler particulièrement dur pour les organiser sur une ligne de soutien intégral à la révolution noire et à la révolution internationale contre l’impérialisme. Ces remarques sont décisives parce que les privilèges de cette fraction de la classe ouvrière ont fourni et fourniront une base matérielle solide pour l’idéologie social-démocrate et nationale-chauvine à l’intérieur

du mouvement, sous la forme de concepts anti-internationalistes tels que « pouvoir étudiant » ou « contrôle ouvrier ». Pour comprendre la nature des intérêts de cette couche, il faut tenir compte d’un autre facteur : à cause de la façon dont elle s’est développée et s’est qualifiée, les différences entre travailleurs jeunes et plus âgés sont, à l’intérieur de cette couche, plus grandes que dans n’importe quelle autre catégorie de la population. En troisième position viennent les « couches moyennes » qui n’appartiennent pas à la petite bourgeoisie, qui peuvent même faire éventuellement partie des niveaux supérieurs de la classe ouvrière mais qui sont à un tel point privilégiées et liées étroitement à l’impérialisme par la nature de leur emploi qu’elles en deviennent les agents.

Cette couche comprend le personnel de direction, les corps des avocats, les hauts fonctionnaires civils et autres agents du gouvernement, les officiers, etc. Comme le type de métier qu’ils exercent exige et détermine une identification étroite avec les intérêts de la classe dominante, ces couches sont les ennemis de la révolution. En quatrième lieu, on trouve, dernière catégorie que nous allons aborder, la petite bourgeoisie. Cette classe diffère des couches moyennes que nous venons de décrire dans la mesure où elle a un intérêt de classe particulier qui la fait s’opposer au pouvoir des monopoles aussi bien qu’au socialisme. La petite bourgeoisie est composée par le petit capital de l’industrie comme de la terre , les commerçants autonomes et les professions libérales (parmi celles-ci, nombreux sont ceux qui travaillent pour le capitalisme de monopole et font donc partie soit des couches supérieures de la classe ouvrière, soit de la catégorie des agents de l’impérialisme).

Le contenu de ses intérêts spécifiques de classe (contre le capitalisme monopoliste mais pour le capitalisme plutôt que pour le socialisme) lui confère un certain caractère d’opposition au « gouvernement des gros », avec ses impôts et ses dépenses croissantes, et l’extension totalitaire de son contrôle à tous les aspects de la vie, et aux « dirigeants ouvriers » qui sont, à l’heure actuelle, intégrés aux structures du pouvoir des monopoles. La direction que prend cette opposition peut être réactionnaire ou réformiste. Aujourd’hui, l’aspect réformiste est très atténué car l’indépendance de la petite bourgeoisie est sapée à la base. A une vitesse croissante, les petites affaires deviennent des succursales des grandes, tandis que les commerçants autonomes et les professions libérales vendent de moins en moins leur qualification au prix qu’elle mérite et deviennent des employés réguliers des grandes sociétés. Cette évolution tendancielle ne signifie pas que la variante réformiste a disparu de la petite bourgeoisie : elle est encore vivante et diverses possibilités existent où, par exemple pour le retrait d’une guerre impérialiste perdue, nous pourrons avoir son soutien. Mais si l’on considère l’impérialisme en tant que système, les intérêts de classe de la petite bourgeoisie sont plutôt favorables à son maintien qu’à son renversement et seuls des déserteurs de cette classe resteront à nos côtés.

8. POURQUOI UN MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE DES JEUNES ?

Selon les termes de l’analyse qui précède, la plupart des jeunes Américains font partie de la classe ouvrière. Bien qu’ils n’aient pas encore de profession, les jeunes dont les parents vendent leur force de travail en échange d’un salaire et, bien plus, qui s’attendent eux aussi à la même destinée ou à entrer dans l’armée, ou à rester chômeurs sont, à coup sûr, membres de la classe ouvrière. La plupart des jeunes savent très bien à quelle classe ils appartiennent, même si leur vision du problème n’est pas très scientifique. Aussi notre analyse a-t-elle pour prémisse initiale que les luttes des jeunes sont en général des luttes ouvrières. Mais pourquoi mettre l’accent maintenant sur les luttes de la jeunesse ouvrière plutôt que sur celles de la classe ouvrière dans son ensemble ? Le potentiel de conscience révolutionnaire ne correspond pas toujours exactement aux intérêts de classe ultimes, surtout lorsque l'impérialisme est relativement prospère et que mouvement en est à ses débuts. Dans cette phase, nous voyons les jeunes de la classe ouvrière comme étant les plus ouverts à un mouvement révolutionnaire qui se tient aux côtés des luttes des peuples du tiers-monde; les lignes qui suivent tentent d'expliquer une ligne stratégique sur les jeunes pour le SDS. En règle générale, les jeunes sont moins implantés dans la société (pas de famille, moins de dettes, etc.), sont plus ouverts aux idées nouvelles (ils n’ont pas fait l’objet de lavages de cerveaux depuis aussi longtemps et avec la même efficacité que les adultes) ; ils sont donc mieux à même et plus désireux de s’engager dans une orientation révolutionnaire. Aux États-Unis, très particulièrement, les jeunes ont grandi en faisant l’expérience de la crise de l’impérialisme. Ils ont grandi en même temps que se développait le mouvement de libération noire, que se déroulaient en Afrique les combats pour l’indépendance, que Cuba se libérait et que s’étendait la guerre du Vietnam.

Les gens plus âgés ont grandi pendant la bataille contre le fascisme, pendant la guerre froide, l’écrasement des syndicats, McCarthy, pendant aussi la période où les salaires réels croissaient de façon appréciable depuis 1965, le revenu réel disponible a légèrement décru, dans les zones urbaines en particulier où l’inflation et l’augmentation des impôts sont venues amoindrir sérieusement les salaires.

Cette crise de l’impérialisme affecte tous les secteurs de la société. L’Amérique a dû se militariser pour protéger et étendre son empire d’où le grand nombre d’appelés aboutissant à l’instauration d’une armée permanente de trois millions et demi d’hommes, qui ont été incapables de l’emporter au Vietnam. Par la suite, les énormes dépenses militaires nécessaires à la fois à la défense de l’empire et à l’accroissement des profits des industries qui travaillent pour la défense nationale – sont allées de pair avec la crise urbaine dans les domaines de la sécurité sociale, des hôpitaux, des écoles, du logement, de la pollution de l’air et de l’eau. L’État ne peut faire face aux tâches dont il a été obligé de prendre la responsabilité, et il a besoin d’impôts nouveaux pour payer sa dette croissante, tout en étant forcé de restreindre les services publics et d’utiliser les flics pour réprimer toute protestation. Le secteur privé de l’économie ne peut fournir d’emplois, en particulier d’emplois non qualifiés. L’extension, depuis la Seconde Guerre mondiale, des industries de la défense nationale et de l’éducation sous l’initiative de l’État est, partiellement, une tentative de rattraper le retard, encore que l’impossibilité d’assurer des salaires décents et de bonnes conditions de travail dans les emplois « publics » pose de plus en plus de problèmes. Alors que l'impérialisme doit lutter pour maintenir la cohésion de sa machine sociale en pleine décadence, il a inévitablement recours à la force brute et à l'idéologie autoritaire. Les gens, spécialement les jeunes, se retrouvent de plus en plus pris par la poigne de fer des institutions autoritaires.

Leur résistance qui se dirige à l'école contre les porcs ou les professeurs, contre les porcs des services sociaux ou de l'armée, est généralisable et s'étend au delà des institutions répressives localisées pour atteindre la société et l'Etat considérés comme un tout. La légitimité de l'Etat est remise en question pour la première fois depuis au moins vingt ans, et le caractère anti-autoritaire de la rébellion de la jeunesse tourne en rejet pur et simple de l'Etat, en refus catégorique d'intégrer la société nord-américaine. Les jeunes, après avoir attaqué de l'intérieur l'armée ou l'école, désertent maintenant l'armée et brûlent les écoles.

L'état de crise de l'impérialisme a provoqué une rupture dans les formes sociales bourgeoises, dans la culture et l'idéologie. La famille se disloque, les jeunes fuguent, les femmes commencent à briser leur statut de femelle et de mère. Le "fossé des générations" et le "péril jeune" se développent. Nos héros ne sont plus les requins de la finance, nous commençons à rejeter l'idéal d'une carrière professionnelle et tournons nos regards vers Mao, le Che, les Panthères, le tiers monde, pour trouver des modèles, pour nous mettre en mouvement. Nous rejetons les balivernes technocratiques et élitistes selon lesquelles seuls les experts peuvent diriger, et cherchons notre direction dans la guerre populaire des Vietnamiens. Chuck Berry, Elvis, The Temptations nous ont rapprochés de la culture populaire de l'Amérique noire. La réponse raciste au mouvement pour les droits civiques a révélé la profondeur du racisme en Amérique du Nord, ainsi que l'impossibilité de tout changement réel à l'intérieur des institutions. D'autre part, la guerre contre le Vietnam n'est pas "l'héroïque guerre contre les Nazis" mais le grand mensonge qui, avec le napalm, est en train de brûler toutes les valeurs soi-disant défendues par ce pays. Les enfants aussi commencent à poser des questions. Où est le monde libre? Qui les flics protègent-ils dans le pays? L’effondrement de la culture bourgeoise et l’anti-autoritarisme qui s’est développé en parallèle sont alimentés par la crise de l’impérialisme ; mais, à leur tour, ils alimentent cette crise, l’exacerbent à un tel point que les gens ne se bornent plus à souhaiter une restauration des années 50 clinquantes, mais tournent l'oeil vers une nouvelle perspective (comme ce la eu lieu à l’intérieur des immeubles de Columbia) et se mettent à lutter pour sa réalisation. Nous n’avons pas besoin que les professeurs soient des flics plus aimables ; nous voulons écraser les flics, et construire une vie nouvelle. Les contradictions de l’impérialisme pourrissant frappent la jeunesse avec une dureté particulière, dans quatre domaines : l’enseignement, le métier, la conscription et l’armée, les flics et la justice. a) Dans les écoles-prisons, les jeunes sont bourrés d’une bouillie de mensonges racistes, chauvins, anticommunistes et anti-ouvriers, tandis qu’on les oriente vers des métiers et des carrières qui répondent aux besoins prioritaires du capitalisme monopoliste. En même temps, l’État s’avère de plus en plus incapable de fournir assez d’argent pour permettre aux écoles de fonctionner convenablement. b) Le chômage des jeunes est trois fois supérieur à la moyenne nationale du chômage. Dans la mesure où un nombre croissant d’emplois est menacé par l’automation et la faillite des industries spécialisées, les syndicats agissent pour garantir l’emploi de ceux qui en possèdent déjà un. Les nouveaux arrivés sur le marché du travail ne peuvent trouver du travail, la stabilité de l’emploi est sapée à la base (l’accroissement des cadences et la détérioration croissante des conditions de sécurité du travail vont dans le même sens) ; il y a de moins en moins de gens qui travaillent quarante ans dans la même maison. Et, bien sûr, lorsqu’ils trouvent des emplois, les jeunes se voient attribuer les pires, avec le taux d’ancienneté le plus bas. c) Il y a maintenant deux millions et demi de soldats de moins de trente ans qui sont forcés de faire la police dans le monde, de tuer ou d’être tués dans des guerres pour la domination de l’impérialisme. d) Et, comme un « problème de la jeunesse » naît de tout cela, les flics et les tribunaux renforcent le couvre-feu, mettent en place la surveillance, tiennent les gens à l’écart des rues et répriment la moindre initiative des jeunes.

Ce qu’il faut retenir de tout cela n’est pas que la vie en Amérique est plus rude pour les jeunes ou qu’ils sont les plus opprimés. C’est plutôt que les jeunes sont directement et sévèrement atteints par l’impérialisme. Et comme ils sont moins étroitement ligotés au système, ils sont davantage « poussés » à rejoindre la lutte de libération noire contre l'impérialisme US. Chez les jeunes, il y a moins de base matérielle pour le racisme. Ils n'ont pas d'ancienneté à faire valoir, ils n'ont pas passé vingt ans de leur vie à s'assurer un travail qualifié (monopole des Blancs que défie le mouvement de libération noire) et n'en sont pas à envisager un crédit à 25 ans pour une maison chère car placée dans un quartier blanc.

Comme ces contradictions de l'impérialisme frappe durement toute la jeunesse, elles frappent d'autant plus durement les jeunes des couches les plus opprimées (les moins privilégiées) de la classe ouvrière. Il est clair que ces jeunes ont les plus grandes raisons matérielles de se battre.

Ce sont eux qui sont le plus souvent appelés dans l’armée, qui se voient attribuer les pires emplois, lorsqu’ils en trouvent, qui sont les plus maltraités par les diverses institutions sociales, de l’armée aux écoles décadentes, aux flics et aux tribunaux. Et leur existence quotidienne montre chez eux un grand potentiel de militance. De tous ceux que nous pouvons contacter à l’étape actuelle, ils sont les plus disponibles pour s’engager dans une activité révolutionnaire militante.

L’essentiel de la stratégie du mouvement révolutionnaire des jeunes consiste à passer d’une base recrutée prioritairement dans l’élite étudiante à la jeunesse de la classe ouvrière ouvrière plus opprimée (moins privilégiée) dans le but d'approfondir et élargir le mouvement révolutionnaire des jeunes sans rien abandonner de ce que nous avons acquis, sans abandonner notre vieille voiture pour une nouvelle Dodge.

Cette démarche s’intègre dans une stratégie cherchant à faire que toute la classe ouvrière engage la lutte contre l'impérialisme; il nous déplacer des sections plus favorisées de la jeunesse populaire blanche vers ses sections les moins favorisées, jusqu'à pénétrer la classe ouvrière toute entière, y compris le prolétariat industriel. Mais on ne doit pas en déduire qu’il se trouvera un moment magique où, ayant conquis un certain pourcentage de la classe ouvrière, nous nous transformerons d’un coup en mouvement ouvrier. Car nous le sommes déjà, dans la mesure où nous mettons en avant la politique de l'internationalisme prolétarien. Nous n’avons pas à attendre pour devenir une force révolutionnaire. Nous devons constituer, dès le départ, une force révolutionnaire consciente d'elle-même, et non un mouvement qui fasse allégeance à un groupe mystique « LE PEUPLE » chargé de faire la révolution. Nous devons être un mouvement révolutionnaire populaire qui comprend la nécessité de toucher le peuple, la classe ouvrière tout entière pour faire la révolution. Les arguments qui précèdent font voir clairement qu'il est important et possible d'aller à la rencontre des jeunes où qu'ils se trouvent, pas seulement dans les usines, mais aussi dans les écoles, dans l'armée et dans les rues, pour les recruter pour combattre aux côtés des peuples opprimés du monde. Les jeunes deviendront une partie de l'Armée Internationale de Libération. La nécessité de construire cette Armée Internationale de Libération en Amérique impose en pratique certaines priorités au mouvement révolutionnaire des jeunes que nous devrions commencer à appliquer à partir de cet été.

 

9. LE PROBLÈME, C’EST L’IMPÉRIALISME

 

 

« Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. 2. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité. »
(Marx-Engels : Manifeste du Parti Communiste)

 

Comment atteindre les jeunes, quel type de lutte allons-nous construire, comment faire la révolution?

 

Ce que nous avons tenté d'exposer, c'est le contenu politique de la conscience que nous voulons étendre et développer en tant que conscience de masse : la nécessité de construire notre pouvoir en tant que partie de la révolution internationale pour écraser le pouvoir d'Etat des impérialistes et construire le socialisme. Et au-delà de la conscience de cette tâche, nous devons engager les masses populaires dans l'accomplissement de celle-ci.

 

Nous nous trouvons dans une situation où tous les gens qui devraient sympathiser avec la révolution, et qui sympathisent même avec elle, ne comprennent pas quelles tâches spécifiques sont impliquées par la révolution ; d'où leur non participation à ces tâches. Au fond, ce n’est pas parce que les révolutionnaires le leur disent que les gens se mettent à faire la révolution.

 

L’oppression du système affecte les gens dans des domaines particuliers et le développement de la conscience politique et de la participation aux luttes s’opère à partir de problèmes particuliers, qui se transforment en problèmes majeurs et en luttes.

 

Nous devons transformer les problèmes quotidiens du peuple, et les problèmes majeurs et les luttes qui en découlent, en conscience révolutionnaire, en opposition active et consciente au racisme et à l’impérialisme. Cette perspective s’oppose directement à l’affirmation selon laquelle les luttes sur des problèmes particuliers mèneront naturellement, en leur temps, à la lutte anti-impérialiste.

 

On a prétendu que puisque l’oppression du peuple est due à l’impérialisme et au racisme, toute lutte contre l’oppression immédiate est « objectivement anti-impérialiste », la lutte contre l’impérialisme se déroulant dès lors sous la forme d’une succession de combats pour des réformes.

 

Cette erreur est celle de l’économisme classique. Une variante de cette argumentation admet que cette position est souvent fausse mais suggère que, puisque nous sommes à l’époque de l’effondrement de l’impérialisme, le combat pour les réformes devient « objectivement anti-impérialiste ».

 

Il est évident qu’à cette étape de l’impérialisme, il y aura de plus en plus de luttes pour l’amélioration des conditions matérielles d’existence ; mais rien ne garantit qu’elles contribueront à l’approfondissement de la conscience internationaliste du prolétariat. D’une part, si nous autres révolutionnaires sommes capables de comprendre la nécessité d’écraser l’impérialisme et de construire le socialisme, les masses populaires que nous voulons voir combattre à nos côtés en sont tout autant capables. Mais d’autre part, le peuple est soumis à un lavage de cerveau permanent et, à l’heure actuelle, ne comprend pas ces nécessités. Si l’on ne soulève pas le problème de la révolution en chaque occasion, comment s’attendre à ce que le peuple voie ses intérêts et se charge du fardeau de la révolution ? Nous devons établir clairement dès le départ que nous sommes pour la révolution. Mais si nous prenons tant de peine pour éviter le danger de réformisme, comment nous rattacher aux luttes pour des réformes déterminées ? En chaque occasion, notre but est de faire progresser la conscience anti-impérialiste et antiraciste et de relier les luttes de la jeunesse ouvrière (et du peuple travailleur) aux luttes du tiers monde, plutôt que de nous borner à participer à des combats pour l’amélioration des conditions matérielles, même s'ils sont certainement justifiés.

 

Cela ne signifie pas que nous ne prenons pas au sérieux ces combats et que nous ne nous y battons pas avec acharnement, mais que nous y mettons toujours en avant notre politique, en sachant que dans le déroulement de la lutte, les gens sont ouverts à une ligne de classe et prêts à dépasser les limites étroites de leur intérêt particulier. C’est pour cela que nous démontrons que le problème particulier n’est pas le vrai problème, qu’il n’a d’importance que dans la mesure où il démontre que l’impérialisme est l’ennemi qu’il faut détruire.

 

L’impérialisme est en toutes circonstances le problème principal. Évidemment, le « problème » ne peut pas devenir une bonne illustration ou un puissant symbole, s'il ne représente pas quelque chose de réel aux yeux des gens, s'il ne se rapporte pas à l'oppression concrète causée par l'impérialisme. Il faut que les gens soient touchés matériellement (et ils le sont) pour comprendre les maux de l'impérialisme, mais ce sur quoi nous devons insister, c'est le caractère systématique de l'oppression et la façon dont chaque manifestation de l'impérialisme révèle sa nature fondamentale.

 

Columbia, ce n'était pas tant les installations sportives de l'université [l'université de Columbia à New York City avait établi des installations sportives pour les étudiants dans un parc à Harlem ouest, empiétant sur les terrains de jeux des NoirEs qui donc en étaient exclus : une révolte eu lieu en 1968] qui étaient importantes pour la lutte, mais ce qu'elles représentaient pour les gens de Columbia et Harlem : l'invasion impérialiste par Columbia de la colonie noire. Ou alors à Berkeley, même si les gens avaient sans doute besoin d'un parc (mais autant de cela que de beaucoup d'autres choses?), ce qui rendit la lutte si importante fut que les gens, à tous les niveau de la militance, se sont consciemment mis à attaquer la propriété privée et le pouvoir de l'Etat.

 

Et la grève de Richmond Oil fut excitante parce que le combat militant pour l'amélioration des conditions matérielles a été une composante de l'attaque contre le capital monopoliste international. Le nombre et la militance des gens engagés dans ces luttes a beaucoup surpris la gauche et a démontré le pouvoir d'un mouvement de masses pourvu de conscience de classe.

 

Les masses lutteront pour le socialisme lorsqu’elles comprendront que le combat pour des réformes, pour des améliorations de leur situation matérielle ne peut aboutir sous l’impérialisme. Conscients de cela, les révolutionnaires ne doivent jamais proposer de ligne qui renforce l’illusion selon laquelle l’impérialisme peut accorder des réformes significatives.

 

Nous devons participer aux luttes carrément comme des révolutionnaires de façon qu’il soit clair pour tous ceux que nous aidons à gagner que c’est la révolution et non l’impérialisme qui est responsable de leur victoire.

 

Là réside un des points forts de l'initiative black panther : « Des petits déjeuners pour les enfants ». Il s’agit là de « socialisme en pratique » mené par des révolutionnaires avec une « pratique » d’autodéfense armée et une « ligne » qui met l’accent sur la nécessité de renverser l’impérialisme et de s’emparer du pouvoir d’État. Sans doute, l’American Friends Service Committee atil distribué plus de petits déjeuners aux enfants, mais c’est la valeur symbolique de l'initiative démonstration de ce que le socialisme fera pour le peuple qui le rend digne d’intérêt.

 

Que signifie organiser des luttes spécifiques à propos du racisme et de l’impérialisme ? Dans les lycées et les universités, cela signifie mettre en avant une ligne de masse pour à la fermeture des écoles plutôt que pour leur réforme visant à les mettre au service du peuple. Ce n’est pas parce que sous le capitalisme l’école est incapable de servir le peuple et qu’il est donc stupide ou illusoire de formuler de telles demandes.

 

Le fait important est plutôt que les jeunes sont prêts à une lutte militante au niveau le plus élevé, qu’ils font déjà preuve d’une conscience anti-impérialiste, si bien que des luttes pour une école au service du peuple n’élèverait pas le niveau de leur combat au plus haut point possible.

 

Une ligne de masse pour la fermeture des lycées et des universités n’entre pas en contradiction avec l’exigence de la libre admission ou toute autre bonne revendication de réforme. L’agitation autour de revendications impossibles, mais sensées, est un bon moyen de faire ressortir la nécessité de la révolution. L’exigence de la libre admission, en fixant une « alternative » au système scolaire actuel, dénonce sa nature essentielle (raciste, fermée, sur une base de classe) tout en indiquant la seule possibilité dans la situation actuelle : « Fermez le lycée! ». L'impossibilité de réelles admissions ouvertes avec admission de tous les Noirs et Bruns, pas d'exclusions, scolarité entière, dans les conditions présentes – est la meilleure raison pour fermer les écoles (puisque celles-ci ne montrent aucune possibilité de réforme réelle). Il ne faut pas gâcher les parcelles de victoire que nous obtenons dans ces luttes, parce que toute admission supplémentaire dans un lycée signifie que celui-ci se rapproche vers sa fermeture (cela coûte plus cher à l'école, il y a davantage de Noirs et de Bruns qui adressent aux lycées des revendications de plus en plus fondamentales, etc.). Par conséquent, notre ligne dans les écoles en terme de revendication devrait être : "Ouvrez-les au maximum pour qu'ensuite elles ferment!"

 

L’expansion de comités noirs dans les usines et autres lieux de travail dans tout le pays correspond à une extension de la lutte de libération des Noirs. Ces groupes ont soulevé et continueront à soulever devant les travailleurs blancs le problème de l’antiracisme de façon plus aiguë qu’aucun Blanc ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. Les Noirs, en menant des luttes contre le racisme, ont rendu le problème impossible à ignorer, de même que la direction du mouvement étudiant noir l’a rendu inévitable aux étudiants blancs. De plus, ces groupes noirs ont mené des luttes que les directions syndicales traditionnelles s’obstinaient à refuser (lutte contre les cadences et pour la sécurité du travail tous problèmes qui ont pris une gravité croissante ces dernières années) ; ils ont ainsi forcé les travailleurs blancs, les plus opprimés en particulier, à choisir entre la fidélité à la méthode blanche et la direction noire. En notre qualité de révolutionnaires de la métropole blanche, nous devons faire notre possible pour être présents dans les usines, les hôpitaux et les entreprises où il y a des comités noirs, peut-être pour y organiser des groupes de solidarité, à coup sûr pour y souligner devant les Blancs l’importance de la lutte de libération des Noirs, pour y distribuer les publications de la campagne « Free Huey » (Newton), pour amener des gens aux rassemblements des Panthères, etc. La présence d'un seul Blanc peut jouer un rôle décisif pour faire pièce aux dispositions contre-révolutionnaires de l’U.A.W. (syndicat de l’automobile).

 

Nous devons aussi nous relier aux lieux de travail où il n’y a pas d’activité noire, mais où il y a encore beaucoup de jeunes travailleurs blancs. Dans les usines, la crise de l’impérialisme se manifeste à propos des cadences, de la sécurité et des réductions de salaires dues à l’accroissement des impôts et au développement de l’inflation avec la possibilité de voir s’instituer un mécanisme de contrôle sur les salaires et les prix.

 

Le S.D.S. ne s’est pas occupé convenablement de la question des femmes. La résolution adoptée à Ann Arbor n’a guère eu d’effet pratique, et aucune orientation programmatique au sein du R.Y.M ne fut donnée au besoin de combattre la domination masculine. Pour parvenir à une attitude mieux en rapport avec le développement du mouvement des femmes, les femmes du S.D.S. doivent comprendre que leur responsabilité primordiale est d’organiser des femmes conscientes.

 

Nous n’y parviendrons pas à moins de leur parler directement de leur propre oppression. Cela deviendra de plus en plus décisif au fur et à mesure que nous travaillerons avec un nombre croissant de femmes opprimées.

 

Les femmes qui travaillent aussi bien que les femmes qui ont une famille doivent faire face continuellement, dans leur vie quotidienne, à la domination masculine ; c’est de là qu’il faut faire partir leur politisation. Les femmes ne pourront jamais devenir pleinement révolutionnaire si elles ne rompent pas avec leur rôle. Aussi est-ce une tâche cruciale pour les révolutionnaires que de créer des formes d’organisation au sein desquelles les femmes seront en mesure d’exercer un nouveau rôle, indépendant. Les groupes féminins d’autodéfense seront un pas vers ces formes d’organisation, dans la mesure où ils représentent un effort pour surmonter l’isolement des femmes et créer chez elles la confiance en soi.

 

Un fort mouvement révolutionnaire des femmes doit exister, car sans lui il sera impossible à l’émancipation des femmes de devenir un élément important de la révolution. Les révolutionnaires doivent être formés à la compréhension de l’extrême degré d’exploitation des femmes et de la nécessité de détruire la domination masculine.

 

10. LE MOUVEMENT DE JEUNESSE DOIT EXISTER A L’ÉCHELLE DES VILLES ET SE BASER SUR LES QUARTIERS

 

Le seul moyen de rendre claires à la fois la nature du système et les luttes particulières que nous avons pour tâche d’accomplir est de les lier les unes à l’autre : montrer que nous sommes un mouvement « multidimensionnel » et non une alliance d’étudiants et d’élèves, ni d’étudiants et de soldats, ni de jeunes et d’ouvriers, ni d’étudiants et de membres de la communauté noire. On y parviendra en construisant des mouvements organisés à l’échelle de la ville, de la sous-région et de la région, en amenant régulièrement les gens d’une institution ou d’un secteur à participer à des combats qui se déroulent sur d’autres fronts.

 

Ce travail doit s’exercer à deux niveaux. Dans un quartier ou une localité, en amenant les jeunes à participer à divers combats, que nous relions les uns aux autres (lycées, facultés, logement, affaires sociales, entreprises, etc.), nous commençons à construire, à l’échelle du quartier, un mouvement multidimensionnel. En dehors des actions et des manifestations, nous faisons se mêler des gens différents dans des activités quotidiennes : projections de films, rassemblements, groupes d’études, etc. Au second niveau, nous combinons les «bases» de quartier en un mouvement à l’échelle de la ville ou de la région, avec le même genre d’activité, en concentrant nos forces sur toute lutte en cours d’une certaine importance et en établissant des relations réciproques sans cesse plus développées entre toutes ces luttes.

 

11. LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE DES JEUNES ET LES FLICS

 

 

Un des grands points de fixation de notre travail politique dans les quartiers et dans les villes ce sont les flics, parce qu'ils unissent les différentes luttes du pays en matérialisant un ennemi unique, et par là montrent la nécessité de diriger le mouvement vers le pouvoir pour vaincre.

 

Les flics sont l'Etat capitaliste, et comme tels ils tracent les limites de toutes les luttes politiques : dès qu'une lutte révolutionnaire connaît un début de succès, ils arrivent et montrent le point au delà duquel elle ne peut plus aller.

 

Au cours de la première étape de la lutte, ils laissent les parents s’occuper des jeunes des lycées. Quand il y a escalade de la lutte, les flics débarquent ; à Columbia, la gauche avait peur que sa lutte ne soit détournée vers la lutte contre les brutalités policières pour chasser les flics des campus ; ils disaient que les flics n’étaient pas le vrai problème. Mais les flics sont le vrai problème et le peuple le comprendra d’une façon ou d'une autre.

 

Même lorsqu’il n’y a pas de lutte politique organisée, les flics tombent sur les gens dans la vie quotidienne, dans la mesure où ils font respecter les rapports de propriété capitalistes, les lois bourgeoises et la moralité bourgeoise ; dans la mesure où ils montent la garde autour des magasins, des entreprises et des riches et font respecter le crédit et les loyers aux dépens des pauvres.

 

L’écrasante majorité des arrestations est due, en Amérique, à des atteintes à la propriété.

 

Les flics tomberont sur le dos des jeunes avec lesquels nous travaillons dans les écoles, dans les rues sous prétexte de drogue. Nous aurons à les placer sous nos projecteurs, à les dénoncer tout le temps, comme le font les Panthères. Nous aurons à relier l’oppression quotidienne par les flics à leur rôle dans la répression politique et à développer, parmi les jeunes avec lesquels nous travaillons, une compréhension de classe de ce que sont le pouvoir et les forces armées.

 

Dans les écoles, le flic fait partie intégrante de la répression quotidienne : il maintient l’ordre dans les préaux et les cantines, empêche de fumer tout en empêchant les jeunes de distribuer des tracts et en expulsant « les agitateurs de l’extérieur ». La présence de groupes de jeunes, ou de jeunes à cheveux longs, est considérée comme une activité politique organisée et les flics réagissent en conséquence.

 

De plus en plus, les activités quotidiennes représentent une menace politique ; du coup, les flics apparaissent soudain au premier plan. En retour, cela détermine l’opposition et l’organisation politiques et ainsi de suite. Notre tâche sera de catalyser ce processus, de pousser à bout les conflits avec les flics, de façon à ce que chaque lutte apparaisse comme une lutte contre les exigences du capitalisme et le pouvoir d’État.

 

Les flics ne représentent pas le pouvoir d’État dans l’abstrait ; ils sont un pouvoir que nous aurons à vaincre au cours de la lutte, à moins de perdre notre raison d’être, de devenir des révisionnistes ou des cadavres. Nous devons nous préparer convenablement à faire face à ce pouvoir car c’est notre devoir que de vaincre les flics et l’armée et de nous organiser en conséquence. A nos débuts, il nous faudra mettre l’accent sur l’autodéfense organisation de groupes de protection à partir de cours de karaté, apprentissage des moyens de se déplacer dans la rue et dans tout le quartier, éducation médicale, propagande en faveur de l’autodéfense armée, vers laquelle il faudra tendre (selon les besoins), en faisant honneur à ce principe que nous devons mettre en avant : « Le pouvoir est au bout du fusil. » Ces groupes d’autodéfense mettront en place des patrouilles de surveillance de la police, des visites aux postes de police et aux tribunaux quand quelqu’un sera coffré, etc.

 

Ainsi les flics sont-ils, en dernière analyse, le ciment – la nécessité qui maintient l’unité des mouvements de quartier et de ville. Toutes les nécessités concrètes de notre action nous mènent à mettre au premier plan le problème central qu’est le problème de la police : 1° en amenant les luttes pour des réformes institutionnelles à affronter le pouvoir d’État, en poussant chaque lutte soit jusqu’à la victoire soit jusqu’à l’intervention des flics ; 2° en utilisant l’interrelation existant entre les combats à l’échelle d’une ville pour hausser le niveau de la lutte et approfondir la conscience politique à l’intérieur des mouvements antiflics d’une grande ampleur ; 3° en transformant la conscience spontanée antiflic de nos quartiers en une compréhension de ce que sont l’impérialisme, la lutte de classes et l’État ; 4° en utilisant le mouvement à l’échelle de la ville comme une plate-forme pour le renforcement et l’extension de ce travail de politisation en proposant par exemple de rassembler à l’échelle de la ville un réseau, basé sur les quartiers, de groupes d’aide mutuelle pour l’autodéfense contre les flics.

 

 

12. RÉPRESSION ET RÉVOLUTION

 

 

Au fur et à mesure que se développeront les combats contre les institutions et l’autodéfense antiflic qui en découle, la répression de la classe dominante ira croissant. L’escalade de sa répression continuera immanquablement à la mesure de la menace que le mouvement représentera pour le pouvoir de la classe dominante. Notre tâche ne consiste pas à éviter ni à arrêter la répression ; on peut toujours y arriver en battant en retraite, de façon à ne plus représenter un danger qui mérite d’être écrasé. Il peut être juste d’agir ainsi, à titre de retraite tactique qui permet de survivre pour reprendre le combat. Battre la répression, toutefois, ne consiste pas à en arrêter la marche, mais à édifier le mouvement pour le rendre plus dangereux pour l’ennemi ; dans ce cas, si elle est battue dans un domaine, la répression franchira de nouveaux degrés dans son escalade. Pour parvenir à défendre le mouvement et pas seulement nous-mêmes aux dépens du mouvement nous aurons à faire face et à vaincre successivement ces formes de répression sans cesse accrue. Notre victoire amènera nécessairement, du fait de l’échec des tentatives les moins poussées de l’impérialisme, une phase de répression militaire totale.

 

Pour survivre et nous renforcer face à cette répression, nous aurons besoin d’un peu plus qu’une base élargie de sympathisants ; nous aurons besoin de la force invincible que représente une base de masse pourvue d’un haut niveau de conscience et d’activité, et qui ne peut naître que de la mobilisation consciente, de la créativité, de la volonté et de la détermination du peuple.

 

Chaque escalade nouvelle de la lutte en réponse aux formes accentuées de la répression, chaque lutte prolongée pour l’autodéfense qui donne naissance à une force de combat matérialisée est partie intégrante de la stratégie internationale de solidarité avec le Vietnam et les Noirs par la création de nouveaux fronts. Ces luttes sont contre la guerre, contre l’impérialisme, pour la libération des Noirs. Si elles amènent à combattre l’ennemi, elles sont dès lors partie intégrante de la révolution.

 

Par conséquent, il est clair que l’organisation et la base de masse, active et consciente de ses actes, qui sont nécessaires pour survivre à la répression sont celles-là mêmes qui sont nécessaires pour faire victorieusement la révolution.

 

 

13. LA NÉCESSITÉ D’UN PARTI RÉVOLUTIONNAIRE

 

 

Le Mouvement révolutionnaire des jeunes (R.Y.M.) doit aboutir aussi à l’organisation qui est pratiquement nécessaire à notre survie et à la création d’un autre champ de bataille de la révolution. La révolution, c’est une guerre ; quand le mouvement de ce pays pourra se défendre militairement contre la répression totale, il sera partie intégrante de la guerre révolutionnaire.

 

Cela exigera une organisation de cadres, une clandestinité effective, la confiance mutuelle des cadres et un système complet de rapports avec le mouvement de masse. Pour remporter la guerre sur un ennemi aussi bien organisé et centralisé que l’impérialisme US, il faudra une organisation (clandestine) de révolutionnaires, dotée aussi d’un « état-major général » unifié – c’est-à-dire fusionnée, dans une mesure déterminée, par la discipline, à une direction centralisée unique. Parce que la guerre est politique, les tâches politiques la révolution communiste mondiale – en déterminent l’orientation. C'est pourquoi l’organisation centralisée des révolutionnaires doit être une organisation politique aussi bien que militaire ce qu’on appelle couramment un parti « marxiste-léniniste».

 

Comment parviendrons-nous à construire ce type d’organisation ? Il est clair que nous ne pourrons pas le construire dès aujourd’hui, car les conditions de sa naissance n’existent pas dans ce pays, en dehors de la nation noire. Quelles sont ces conditions ? La première est que, pour avoir une organisation unifiée et centralisée, il est nécessaire d’avoir une théorie révolutionnaire commune qui explique, de façon générale au moins, quelles sont nos tâches révolutionnaires et comment nous pouvons les réaliser. Ce doit être un ensemble d’idées vérifiées et développées dans la résolution pratique des importantes contradictions de notre travail. La seconde condition est l’existence d’une direction révolutionnaire éprouvée par la pratique. Pour avoir un parti révolutionnaire dans les conditions de l’illégalité et de la répression, il faut une direction centralisée, des individus d’un type spécial, doués du pouvoir de compréhension qui les rende capables d’unifier et de guider le mouvement face aux nouveaux problèmes, en ayant raison le plus souvent possible.

 

Troisièmement et c’est là le plus important il faut une base révolutionnaire ou (mieux) un mouvement de masse révolutionnaire que nous avons décrit plus haut. Il est évident que, sans cela, il ne peut-y avoir d’expérience pratique qui permette de déterminer si une théorie ou un dirigeant possède ou non la moindre valeur. Sans activité révolutionnaire pratique à l’échelle des masses, le Parti ne peut ni vérifier ni développer des idées nouvelles, ni tirer des conclusions suffisamment sûres pour fonder sur elles sa survie.

 

Plus particulièrement, aucun parti révolutionnaire ne peut survivre sans s’appuyer sur le soutien et la participation actifs des masses du peuple.

 

Ces conditions nécessaires au développement d’un parti révolutionnaire dans ce pays sont les « conditions » principales de la victoire. Il en découle deux types de tâches pour nous. La première est l’organisation de collectifs révolutionnaires dans le mouvement. Notre théorie doit venir de la pratique, mais elle ne peut être développée isolément. Seule une mise en commun générale de nos expériences peut aider à une compréhension minutieuse des conditions complexes existant dans ce pays. De la même façon, seul notre effort collectif vers un plan commun peut vérifier les idées que nous défendons. L’extension de collectifs marxistes-léninistes-maoïstes qui entreprendront l’évaluation concrète et la mise en pratique des leçons de notre travail n’est pas la tâche de seuls spécialistes ou dirigeants, mais la responsabilité de chaque révolutionnaire.

 

De même qu’un collectif est nécessaire pour faire le bilan des expériences et en mettre en pratique les conclusions sur le plan local, les relations mutuelles entre groupes dans tout le pays sont nécessaires pour parvenir à une vision exacte de l’ensemble du mouvement et pour en tirer les conclusions pratiques à. l’échelle de tout le pays. Avec le temps, les collectifs qui prouveront par la pratique qu’ils ont la juste compréhension de la réalité (grâce aux résultats qu’ils obtiendront) contribueront à la création d’un parti révolutionnaire unifié.

 

La tâche la plus importante, pour nous révolutionnaires, et la grande affaire dans laquelle nos collectifs doivent s'impliquer, c'est la création d’un mouvement révolutionnaire de masses, sans lequel un parti révolutionnaire clandestin serait impossible. Un mouvement révolutionnaire de masses diffère fondamentalement de la traditionnelle base de masse des révisionnistes, formée de "sympathisants". Il s'agit d’un mouvement comparable aux Gardes Rouges en Chine, basé sur la participation entière et l'engagement des masses dans la pratique effective de la révolution; un mouvement caractérisé par la volonté claire et nette de participer à la lutte violente et illégale. C'est un mouvement diamétralement opposé à l'idée élitiste selon laquelle les dirigeants sont seuls capables ou seuls motivés pour accepter intégralement les conclusions révolutionnaires. Il s'agit d’un mouvement construit sur la base de la confiance envers les grandes masses du peuple. La tâche de nos collectifs est de créer ce genre de mouvement. (le Parti ne peut pas s'y substituer, en réalité il en est complètement dépendant.). Dans cette phase, ce travail sera fait principalement chez les jeunes, en rendant effective la stratégie du Mouvement Révolutionnaire des Jeunes abordée dans ce papier. C'est cette pratique, et non les "formations" politiques faites dans l'abstrait, qui déterminera si l'activité des collectifs que nous avons formés est juste ou non. La stratégie du Mouvement Révolutionnaire des Jeunes qui vise à développer une base de masses actives et qui vise à construire un Parti comme couronnement de ce mouvement, correspond à la stratégie mondiale actuelle pour vaincre dans la révolution, elle construit un mouvement dirigé vers le pouvoir, qui deviendra une des divisions de l'Armée Internationale de Libération et dont le théâtre d'opération s'ajoutera aux nombreux Vietnam qui démembreront et liquideront l'impérialisme US.

 

Vive la victoire dans la guerre populaire!

 

 

06/05/2013

Mao Zedong: Petit livre rouge, 5e partie: La guerre et la paix

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La guerre, qui a commencé avec l'apparition de la propriété privée et des classes, est la forme suprême de lutte pour résoudre, à une étape déterminée de leur développement, les contradictions entre classes, entre nations, entre Etats ou entre blocs politiques.

«Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine» (Décembre 1936), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome I.

«La guerre est la continuation de la politique.» En ce sens, la guerre, c'est la politique; elle est donc en elle-même un acte politique; depuis les temps les plus anciens, il n'y a jamais eu de guerre qui n'ait eu un caractère politique. . . .
Mais la guerre a aussi ses caractères spécifiques.
En ce sens, elle n'est pas identique à la politique en général. «La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens.»
Une guerre éclate pour lever les obstacles qui se dressent sur la voie de la politique, quand celle-ci a atteint un certain stade qui ne peut être dépassé par les moyens habituels. ...
Lorsque l'obstacle est levé et le but politique atteint, la guerre prend fin.
Tant que l'obstacle n'est pas complètement levé, il faut poursuivre la guerre jusqu'à ce qu'elle atteigne son but politique. ...
C'est pourquoi l'on peut dire que la politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique avec effusion de sang.

«De la guerre prolongée» (Mai 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

L'histoire montre que les guerres se divisent en deux catégories: les guerres justes et les guerres injustes.
Toute guerre progressiste est juste et toute guerre qui fait obstacle au progrès est injuste.
Nous autres communistes, nous luttons contre toutes les guerres injustes qui entravent le progrès, mais nous ne sommes pas contre les guerres progressistes, les guerres justes.
Nous communistes, non seulement nous ne luttons pas contre les guerres justes, mais encore nous y prenons part activement.
La Première guerre mondiale est un exemple de guerre injuste; les deux parties y combattaient pour des intérêts impérialistes, et c'est pourquoi les communistes du monde entier s'y sont résolument opposés.
Voici comment il faut lutter contre une telle guerre: avant qu'elle n'éclate, il faut faire tous les efforts possibles pour l'empêcher, mais une fois qu'elle a éclaté, il faut, dès qu'on le peut, lutter contre la guerre par la guerre, opposer à une guerre injuste une guerre juste.

«De la guerre prolongée» (Mai 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

Dans la société de classes, les révolutions et les guerres révolutionnaires sont inévitables; sans elles, il est impossible d'obtenir un développement par bonds de la société, de renverser la classe réactionnaire dominante et de permettre au peuple de prendre le pouvoir.

«De la contradiction» (Août 1937), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome I.

Une guerre révolutionnaire agit comme une sorte de contrepoison, non seulement sur l'ennemi, dont elle brisera la ruée forcenée, mais aussi sur nos propres rangs, qu'elle débarrassera de tout ce qu'ils ont de malsain.
Toute guerre juste, révolutionnaire, est une grande force, elle peut transformer bien des choses ou ouvrir la voie à leur transformation. Laguerre sino-japonaise transformera et la Chine et le Japon.
Il suffit que la Chine poursuive fermement la Guerre de Résistance et applique fermement une politique de front uni pour que l'ancien Japon se transforme immanquablement en un Japon nouveau, et l'ancienne Chine en une Chine nouvelle.
Aussi bien en Chine qu'au Japon, les gens et les choses se transformeront, au cours de la guerre et après la guerre.

«De la guerre prolongée» (Mai 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

Chaque communiste doit s'assimiler cette vérité que «le pouvoir est au bout du fusil».

«Problèmes de la guerre et de la stratégie» (6 novembre 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

La tâche centrale et la forme suprême de la révolution, c'est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c'est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout, en Chine comme dans les autres pays.

«Problèmes de la guerre et de la stratégie» (6 novembre 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

En Chine, sans lutte armée, il n'y aurait de placeni pour le prolétariat, ni pour le peuple, ni pour le Parti communiste, et aucune possibilitéde victoire pour la révolution.
C'est à travers les guerres révolutionnaires de ces dix-huit années que notre Parti s'est développé, consolidé et bolchévisé, et sans la lutte armée, le Parti communiste ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui. Les camarades du Parti ne doivent jamais oublier cette expérience payée de notre sang.

«Pour la parution de la revue Le Communiste» (4 octobre 1939), Œuvres choisies de Maoung, tome II.

Du point de vue de la doctrine marxiste sur l'Etat,l'armée est la partie constitutive principale du pouvoir d'Etat.
Celui qui veut s'emparer du pouvoir d'Etat et le conserver doit posséder une forte armée.
Certains ironisent sur notre compte en nous traitant de partisans de «l'omnipotence de la guerre».
Eh bien, oui! nous sommes pour l'omnipotence de la guerre révolutionnaire. Ce n'est pas mal faire, c'est bien faire, c'est être marxiste.
Les fusils des communistes russes ont créé le socialisme. Nous, nous voulons créer une république démocratique. L'expérience de la lutte des classes à l'époque de l'impérialisme montre que la classe ouvrière et les masses travailleuses ne peuvent vaincre les classes armées de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers que par la force des fusils. En ce sens, on peut dire qu'il n'est possible de transformer le monde qu'avec le fusil.

«Problèmes de la guerre et de la stratégie» (6 novembre 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

Nous sommes pour l'abolition des guerres; la guerre, nous ne la voulons pas. Mais on ne peut abolir la guerre que par la guerre.
Pour qu'il n'y ait plus de fusils, il faut prendre le fusil.

«Problèmes de la guerre et de la stratégie» (6 novembre 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.

La guerre, ce monstre qui fait s'entretuer les hommes, finira par être éliminée par le développement de la société humaine, et le sera même dans un avenir qui n'est pas lointain.
Mais pour supprimer la guerre, il n'y a qu'un seul moyen: opposer la guerre à la guerre, opposer la guerre révolutionnaire à la guerre contre-révolutionnaire, opposer la guerre nationale révolutionnaire à la guerre nationale contre-révolutionnaire, opposer la guerre révolutionnaire de classe à la guerre contre-révolutionnaire de classe. . .
Lorsque la société humaine en arrivera à la suppression des classes, à la suppression de l'Etat, il n'y aura plus de guerres — ni contre-tévolutionnaires, ni révolutionnaires, ni injustes, ni justes.
Ce sera l'ère de la paix perpétuelle pour l'humanité. En étudiant les lois de la guerre révolutionnaire, nous partons de l'aspiration à supprimer toutes les guerres; c'est en cela que réside la différence entre nous autres communistes et les représentants de toutes les classes exploiteuses.

«Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine» (Décembre 1936), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome I.

Notre pays et les autres pays socialistes ont besoin de la paix, les peuples du monde
entier également.
Seuls certains groupes monopolistes des quelques pays impérialistes, qui cherchent à s'enrichir au moyen de l'agression, aspirent à la guerre et ne veulent pas la paix.

«Allocution d'ouverture au VIIIe Congrès du Parti communiste chinois» (15 septembre 1956).

Pour établir une paix durable dans le monde, nous devons continuer à développer notre coopération amicale avec les pays frères du camp socialiste et renforcer notre solidaritéavec les pays attachés à la paix.
Nous devons nous efforcer d'établir avec tous les pays désireux de vivre en paix avecnous des relations diplomatiques normales sur la base du respect mutuel de l'intégrité territoriale et de la souveraineté ainsi que de l'égalité et des avantages réciproques.Nous devons enfin apporter un soutien actif aux mouvements d'indépendance et de libération nationales des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, aux mouvements pour la paix et aux justes luttes de tous les pays du monde.

«Allocution d'ouverture au VIIIe Congrès du Parti communiste chinois» (15 septembre1956).

Pour ce qui est des pays impérialistes, nous devons également nous unir avec leurs peuples et chercher à réaliser la coexistence pacifique avec ces pays, à faire du commerce avec eux et à empêcher une guerre éventuelle; mais nous ne devons en aucun cas nourrir à leur égard des vues qui ne correspondent pas à la réalité.

«De la juste solution des contradictions au sein du peuple» (27 février 1957).

Nous désirons la paix. Toutefois, si l'impérialisme s'obstine à vouloir la guerre, il nous faudra, sans hésiter, faire d'abord la guerre avant d'édifier le pays. Tous les jours tu crains la guerre, et si elle éclatait pourtant?
J'ai déjà dit que le vent d'est l'emportait sur le vent d'ouest, que la guerre n'aurait pas lieu, et maintenant, j'apporte cette précision complémentaire pour le cas où la guerre éclaterait. Ainsi, les deux possibilités auront été envisagées.

Intervention à la Conférence de Moscou des Partis communistes et ouvriers (18 novembre 1957).

Actuellement, dans tous les pays du monde, on discute de l'éventualité d'une troisième guerre mondiale.
Nous devons être préparés psychologiquement à cette éventualité et l'envisager d'une manière analytique.
Nous sommes résolument pour la paix et contre la guerre.
Mais si les impérialistes s'entêtent à déclencher une nouvelle guerre, nous ne devons pas en avoir peur. Notre attitude devant cette question est la même que devant tous les désordres: primo, nous sommes contre, et secundo, nous n'en avons pas peur.
La Première guerre mondiale a été suivie par la naissance de l'Union soviétique avec une population de 200 millions d'habitants.
La Seconde guerre mondiale a été suivie de la formation du camp socialiste qui englobe une population de 900 millions d'âmes.
Il est certain que si les impérialistes s'obstinent à déclencher une troisième guerre mondiale, des centaines de millions d'hommes passeront du côté du socialisme et seul un territoire peu étendu demeurera aux mains des impérialistes; il est même possible que le système impérialiste s'effondre complètement.

«De la juste solution des contradictions au sein du peuple» (27 février 1957).

Provocation de troubles, échec, nouvelle provocation, nouvel échec, et cela jusqu'à leur ruine — telle est la logique des impérialistes et de tous les réactionnaires du monde à l'égard de la cause du peuple; et jamais ils n'iront contre cette logique.
C'est là une loi marxiste.
Quand nous disons: «l'impérialisme est féroce», nous entendons que sa nature ne changera pas, et que les impérialistes ne voudront jamais poser leur coutelas de boucher, ni ne deviendront jamais des bouddhas, et cela jusqu'à leur ruine.
Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore, et cela jusqu'à la victoire — telle est la logique du peuple, et lui non plus, il n'ira jamais contre cette logique.
C'est encore une loi marxiste.
La révolution du peuple russe a suivi cette loi, ilen est de même de la révolution du peuple chinois.

«Rejetez vos illusions et préparez-vous à la lutte» (14 août 1949), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome IV.

La victoire ne doit en aucune façon nous faire relâcher notre vigilance à l'égard des complots insensés des impérialistes et de leurs valets qui cherchent à prendre leur revanche. Quiconque relâchera sa vigilance se trouvera désarmé politiquement et réduit à une position passive.

«Allocution au Comité préparatoire de la nouvelle Conférence consultative politique» (15 juin 1949), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome IV.

Les impérialistes et leurs valets, les réactionnaires chinois, ne se résigneront pas à leur défaite sur cette terre de Chine. Ils continueront à agir de connivence pour s'opposer au peuple chinois par tous les moyens possibles.
Par exemple, ils enverront leurs agents s'infiltrer jusque dans l'intérieur de la Chine pour y semer la discorde et susciter des désordres. Il est certain qu'ils ne renonceront jamais à ces activités.
Ou bien encore, les impérialistes inciteront les réactionnaires chinois à bloquer les ports de Chine, en leur prêtant même le concours de leurs propres forces. Ils le feront aussi longtemps que cela leur sera possible.
De plus, s'ils veulent se lancer dans de nouvelles aventures, ils enverront des troupes faire des incursions dans nos régions frontières, ce qui n'est pas impossible non plus.
Il nous faut tenir pleinement compte de tout cela.

«Allocution au Comité préparatoire de la nouvelle Conférence consultative politique» (15
juin 1949), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome IV.

Le monde progresse, l'avenir est radieux, personne ne peut changer ce courant général de l'histoire. Nous devons constamment faire connaître au peuple les progrès du monde et son avenir lumineux, afin d'aider le peuple à prendre confiance en la victoire.

«Sur les négociations de Tchongking» (17 octobre 1945) Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome IV.

Les commandants et les combattants de l'Armée populaire de Libération ne doivent en aucune façon relâcher leur volonté de combat; toute pensée qui tend à relâcher la volonté de combat ou à sous-estimer l'ennemi est erronée.

«Rapport à la deuxième session plénière du Comité central issu du VIIe Congrès du Parti communiste chinois» (5 mars 1949), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome IV.