Messages les plus récents portant le libellé organisation. Messages plus anciens
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lundi 11 octobre 2010

[Audio] Un échange militant pour faire avancer la lutte contre le gouvernement à Québec

Le 8 octobre dernier, le Collectif anarchiste La Nuit tenait une assemblée publique au café Nagua, dans Limoilou, sur le thème «Budget libéral, comment faire reculer le gouvernement». Nous voulions permettre des échanges militants pour relancer la lutte dans la région de Québec.

À notre avis, l'assemblée fut un franc succès. Nous avions invité des panélistes, non pas sur la base de leur affinité (ou pas) avec l'anarchisme mais en fonction de leur participation à divers mouvements sociaux. Beaucoup de gens de différents milieux, donc, et pas seulement les suspects habituels.

Les discussions ont porté sur la lutte contre le gouvernement mais aussi sur le néolibéralisme en général et, région de Québec oblige, sur la droite populiste et les radios poubelles. Il semble que trois idées forces ont pas mal fait consensus. Premièrement, il faut que les mouvements sociaux se coalisent à Québec pour rompre leur isolement et s'inscrire dans la lutte nationale contre la tarification et les privatisations. Deuxièmement, il est primordial de réussir une vaste campagne d'éducation populaire et de travailler dans une perspective d'escalade des moyens de pression. Troisièmement, il faut trouver une manière permettant aux personnes isolées et aux militant-e-s de base de s'inscrire dans la lutte, ce qui pourrait se faire par la création d'un comité de mobilisation intersectoriel régional.

Plusieurs personnes qui ne pouvaient être présentes nous ont demandé de leur donner des nouvelles. Nous avons encore mieux à vous proposer. Nous avons enregistré l'assemblée! En voici donc l'essentiel en deux morceaux (le premier c'est le panel, le deuxième c'est le débat). Il ne manque que quelques interventions qui n'ont malheureusement pas été faites au micro.



3657-1-Assemblee_publique_-_panelistes.mp3



3657-1-Assemblee_publique_-_public.mp3

Dans les prochaines semaines, le Collectif anarchiste La Nuit va réfléchir aux suites à donner à cette assemblée [et il y en aura!]. Si vous voulez être tenu au courant de nos démarches, écrivez-nous.

dimanche 3 octobre 2010

Assemblée publique le 8 octobre

« Budget libéral: comment faire reculer le gouvernement? » Assemblée publique le 8 octobre au Café Nagua

Le Collectif anarchiste la Nuit invite la population de Québec à une assemblée publique vendredi le 8 octobre au Café Nagua à 19 heures. Réunissant des panélistes issu-e-s des mouvements sociaux de Québec, ce sera l'occasion de réfléchir au budget libéral anti-social et aux stratégies pour faire reculer le gouvernement.

En dévoilant son budget, le gouvernement libéral a choisi son camp: celui des classes riches au détriment des classes populaires. Malgré une situation stable économiquement, Québec ayant été épargné par la crise économique avec un déficit de 1,6% du PIB cette année par rapport à 9% pour les États-Unis, le gouvernement sonne l'alarme. Tout à coup, une contribution santé, une augmentation de la TVQ et une hausse des frais d'électricité sont déclarés essentiels au maintien de l'économie. Pourtant, du même souffle, Jean Charest annonce pouvoir allonger 45% d'argent public pour financer un amphithéâtre à Québec dont il ignore tout du coût final!

Ce gouvernement ne représente que l'élite politique et une classe privilégiée d'hommes d'affaires. Il a perdu toute légitimité et adhésion populaire, qu'il prétend pourtant représenter. Il doit reculer et entendre les voix de la rue qui réclament une plus juste redistribution de la richesse. Déjà, la population s'est fait entendre et la mobilisation a forcé le gouvernement Charest à laisser tomber le ticket modérateur. Il faut continuer à lutter pour faire entendre la voix des exclu-e-s.

Des panélistes du milieu syndical, communautaire, féministe, étudiant et anarchiste partageront leurs analyses de la situation de la lutte 2010-2011 dans la région de Québec. Le public est invité à contribuer à cet échange en faisant entendre ses idées, ses stratégies et ses perspectives de lutte.

Les panélistes (*) sont

- Dany Harvey, organisateur syndical de la FTQ
- Pierre-Élie Hupé est représentant externe du RÉSUL (Regroupement des étudiants de sociologie de l'université laval).
- Vania Wright-Larin, du Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC)
- Marie-Ève Duchesne, du Regroupement des femmes sans-emploi du Nord de Québec (ROSE du Nord)
- Mathieu Houle-Courcelles de l'Union Communiste Libertaire

Quand: vendredi 8 octobre, 19h
Où: Café Nagua, 990 1ere avenue

(*) N.B.: L'affiliation des panélistes est indiquée à titre d'information

vendredi 4 septembre 2009

L’UCL en campagne!

Cet automne, l’Union communiste libertaire lance une campagne contre la crise économique. Outre une affiche et un 4 pages d’analyse, l’organisation veut organiser une tournée provinciale avec un militant anarchiste argentin pour nous parler de leur expérience durant la sévère crise économique qui les a frappé et qui avait été le théâtre d’un véritable soulèvement populaire.

Levée de fonds

Pour organiser cette tournée, nous aurons toutefois besoin de sous (beaucoup plus que ce que permet notre budget actuel). C’est pourquoi nous sommes actuellement en campagne de levée de fonds. Il y aura plusieurs activités bénéfices (par exemple, nous avons édité quelques C.D. pirates de chants anarchistes que vous pourrez vous procurer au Réclame ta rue et un t-shirt s'en vient).

Vous aussi pouvez contribuer en envoyant un don! Chèque ou mandat poste à l’ordre de «UCL» à poster à UCL a/s E.H. 55051, CP Langelier, Québec (Qc) G1K 9A4

Merci!

lundi 27 juillet 2009

Réflexion sur la Plate-forme

Un texte du hors-série de la revue Ruptures (mai 2009)

La Plate-forme d'organisation des communistes libertaires ou la Plate-forme d'Arshinov, écrite en 1926, eut beaucoup d'écho au sein du mouvement libertaire. Ce texte se présentait non pas comme une bible, ou un programme dogmatique, mais plutôt comme un guide suggérant aux anarchistes une voie d'organisation et d'efficacité.


Mais quelles étaient les raisons qui ont motivé à l'époque un groupe d'exilés russes et ukrainiens, ayant participé à l'un des épisodes les plus riches en enseignements révolutionnaires, pour ouvrir le débat sur l'organisation anarchiste?

Historique de la Plate-forme d'Arshinov

Mise en contexte
En 1926, un groupe d'anarchistes russes en exil en France, le groupe Dielo Trouda (Cause Ouvrière), publia dans son numéro de juin la première partie de la Plate-forme organisationnelle pour une Union Générale des Anarchistes. La publication de la Plate-forme se poursuit à travers les pages des numéros subséquents. Ce texte, contrairement à beaucoup de textes cruciaux du mouvement révolutionnaire, émergeait non pas d'une étude académique mais bien de leur expérience révolutionnaire en Russie et pour beaucoup de la guérilla qu'ils et elles avaient menée en Ukraine, dans un premier temps contre les blancs puis finalement contre les bolcheviques.

L'histoire a souvent omis le rôle crucial que le mouvement anarchiste a joué dans la révolution russe. À l'époque il y avait environ 10 000 militants et militantes anarchistes en Russie, en plus du mouvement en Ukraine dont la figure la plus emblématique fut Nestor Makhno. D'ailleurs, il est à noter que le Comité militaire révolutionnaire, dominé par les bolcheviques, qui organisa la prise du pouvoir en octobre 1917 à Moscou, comptait en son sein au moins quatre anarchistes. De plus, les anarchistes étaient impliqués dans les soviets, qui s'étaient multipliés après la révolution de février. Les anarchistes étaient particulièrement influents dans les mines, sur les docks, dans les postes, dans les boulangeries et ont joué un rôle important lors du Congrès pan-russe des conseils ouvriers qui s'est réunit à la veille de la révolution. C'étaient ces comités que les anarchistes voyaient comme base de la nouvelle autogestion qui serait mise en place après la révolution.

Dès 1918, les bolcheviques trahirent la révolution et les intérêts de classe des travailleuses et travailleurs, en éliminant toutes les tendances qui pouvaient s'opposer à eux. En avril, plus de 600 anarchistes furent emprisonnés et beaucoup furent assassinés par la Tchéka. À partir de ce moment, une partie des anarchistes joignirent les bolcheviques sur la base de l'efficacité et de l'unité contre la réaction, et une autre partie continua la lutte pour défendre la révolution. Le mouvement makhnoviste en Ukraine et l'insurrection de Kronstadt furent leur dernières grandes batailles, et toutes les deux se terminèrent dans un bain de sang face aux bolcheviques. Beaucoup d'anarchistes à ce moment quittèrent la Russie et s'exilèrent un peu partout en Europe, notamment en France. En 1925, plusieurs d'entre eux dont Nestor Makhno, Piotr Arshinov et Ida Mett fondèrent la revue Dielo Trouda.

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samedi 25 juillet 2009

Du club politique à l’organisation de masse

Un texte du hors-série de la revue Ruptures (mai 2009)

Quelques réflexions sur les rapports sociaux dans les organisations politiques

Et si, pour comprendre les échecs et même les succès d'un mouvement social il fallait tout autant étudier les rapports sociaux internes à l'organisation que son rapport de force face à l'État et au capital? C'est moins glamour que le recours aux théories des grands intellectuels de ce monde et beaucoup plus imprévisible. D'autant plus que cela demande temps, énergie, et remises en question personnelles importantes. On est loin d'une science exacte! Mais peut-être est-il temps que le mouvement révolutionnaire, sans se déclarer vaincu, fasse une profonde remise en question de son organisation. Comment devenir une organisation de masse? C'est bien là notre leitmotiv; mais nos principes politiques, notre analyse lutte de classiste, une présence soutenue dans les mouvements de lutte et la volonté de les radicaliser suffisent-ils?

Pour élargir la réflexion, ce texte propose quelques avenues de remises en question à partir du principe féministe le privé est politique. Souvent associé à tort à la publicisation (rendre public) des gestes individuels, le privé est politique est plutôt une politisation de la sphère privée et surtout, une dénonciation de la division de la vie en deux sphères (publique et privée) comme si l'une et l'autre n'étaient pas interreliées.

Nous sommes tous et toutes inévitablement situé-e-s dans les rapports sociaux, et s'il ne faut pas s'en flageller, il faut plutôt savoir les décoder et utiliser à bon escient notre pouvoir d'action pour réorganiser l'ordre des choses. À partir de constats individuels et collectifs, de remise en question et de remise à sa place, de réflexions sur des lectures à saveur théorique tout comme d'expériences personnelles, voici un petit bréviaire pratico-pratique pour aider à faire vivre des organisations égalitaires. À vous, bien sûr, de le compléter!

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mardi 21 juillet 2009

Pour un courant libertaire de masse - Quatre réflexions en marge d’une refondation

Un texte du hors-série de la revue Ruptures (mai 2009)

Avant de penser avoir une influence sur la société, sans parler de faire la révolution, il faudra que les anarchistes puissent atteindre une certaine masse critique. Pour y arriver, l'accumulation de forces est insuffisante, il faut aussi faire un saut qualitatif voire une petite révolution culturelle. Malheureusement, certains traits caractéristiques du militantisme révolutionnaire sont de véritables repoussoirs pour l'immense majorité de la population. Il y aurait deux ou trois petits trucs à changer qui hypothèquent notre avenir...

Une question de vocabulaire

(feu sur la langue de bois!)

Qu'on le veuille ou non, les libertaires partagent un langage de spécialistes qui n'a aucun écho en dehors d'un petit cercle d'initié-e-s. En fait, pour être plus précis, une bonne partie de notre vocabulaire est carrément incompréhensible pour le commun des mortels et porte souvent à confusion pour les autres. Idéalement, on parle (et on écrit) pour être compris. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Prenons un exemple simple: propagande. Ce mot a une connotation éminemment positive dans l'extrême-gauche. Par contre, le même mot a une connotation négative chez l'immense majorité des gens et rime avec manipulation et mensonge. Et nous, on n’arrête pas de dire qu’on fait de la propagande! Il en va de même avec plusieurs de nos concepts clefs et une partie de notre propagande (décidément!) qui est mal comprise (même chez les militant-e-s), ce qui vient créer une barrière superflue entre ce que l'on veut dire concrètement et... ce que (presque) tous les autres comprennent.

Non seulement l'utilisation d'un langage spécialisé rend une partie de notre travail politique inefficace, en ajoutant un filtre qui brouille la communication, mais elle rend l’intégration au mouvement plus ardue. On fait peur à beaucoup de gens, qui craignent de ne pas être à la hauteur, tandis que d'autres pensent que ce n'est pas pour eux parce qu'ils n'ont pas un profil intellectuel. Bref, la langue de bois est non seulement rebutante mais également intimidante.

Il faut faire attention à ce que l'on dit et comment on le dit. En bref, si on veut devenir autre chose qu’un mouvement d’intellos, il faut utiliser un langage que tout le monde comprend, une langue neutre. Normalement, toutes nos idées peuvent s'exprimer simplement, dans un langage de tous les jours (si vous en doutez, retournez lire Malatesta...). Il serait utile, même à l'interne et «entre-nous», de systématiquement faire l'effort d'expliquer et présenter nos idées en langage courant (autrement dit, de vulgariser). Par exemple, plutôt que de parler d'agitation et de propagande, on pourrait parler d'information et de sensibilisation ou de diffusion des idées. Ça aura peut-être l'air moins hard-core mais au moins on s'assurerait d'être bien compris par tout le monde (incluant les nouvelles personnes impliquées dans nos groupes, qui n'ont pas tous et toutes de bac ès discours d'extrême-gauche (ni même de bac, d’ailleurs!)).

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vendredi 17 juillet 2009

La NEFAC à Québec (2001-2008) - Bilan d’une implication

Un texte du hors-série de la revue Ruptures (mai 2009)

Je m’implique dans le mouvement anarchiste depuis maintenant une dizaine d’années. Avant d’arriver à l’anarchisme, j’ai milité pendant 5 ou 6 ans dans ce qui tenait lieu de mouvance radicale au début des années 1990, un mélange de trotskisme, d’antifascisme et de luttes étudiantes. Après quelques années d’implication à l’UQAM avec le MDE (Mouvement pour le droit à l’éducation) puis avec le CAP (Comité d’action politique), je participe à la création du Groupe libertaire Frayhayt au mois de septembre 1999, puis de la CLAC au mois de mars 2000.

J’ai appris l’existence de la NEFAC quelques mois avant le Sommet des Amériques, au cours de l’été 2000 si mes souvenirs sont bons. J’avoue avoir été plutôt sceptique quant à ses chances de réussir. Combien pouvait-il y avoir d’anarcho-communistes au Québec? Une douzaine? Non, vraiment, ça ne pouvait pas fonctionner. Il faut dire que l’expérience dans laquelle j’étais plongé –la CLAC- était pour le moins prometteuse. Ce à quoi nous rêvions, un mouvement de masse anti-capitaliste, était en train de prendre forme sous nos yeux, porté par la vague anti-mondialisation. Nous étions en mesure de mobiliser des milliers de personnes, non plus sur de vagues mots d’ordre dénonçant les effets du néolibéralisme (comme c’était le cas depuis plusieurs années), mais bien sur un rejet clair des fondements du système capitaliste. Mieux encore, les principes de démocratie directe, d’auto-organisation et d’éducation populaire étaient au coeur de cette démarche. Si les mois précédant le Sommet ont pu être grisants (et stressants), autant le Sommet lui-même a été à la hauteur de mes espérances. C’est à peine si j’ai eu connaissance de la participation de la NEFAC à ces événements, tellement les rues de Québec foisonnaient d’anarchistes et de révolutionnaires en tout genre.

L’après Sommet m’a vite fait déchanter. Dès le mois de juin, je rejoins celles et ceux qui, à Québec, s’étaient regroupé-e-s sous l’acronyme CASA (Comité d’accueil du Sommet des Amériques) pour une fin de semaine de réflexion près de Valcartier. Une trentaine de personnes, pour la plupart des étudiants et des étudiantes à l’Université Laval, participent à cette assemblée d’orientation. Malgré des débats intéressants, aucune perspective claire ne se dégage de la rencontre. Le Sommet est maintenant chose du passé, et avec lui, plusieurs des personnes présentes vont peu à peu abandonner l’activisme. Cette perspective –ou cette absence de perspectives- ne m’enchantait guère. Je collaborais de plus en plus régulièrement au journal «Rebelles». Je pensais pouvoir poursuivre sur cette lancée à mon retour à Québec. Malheureusement, le collectif qui édite «Rebelles» cesse lui aussi ses activités au cours de l’été. Je me tourne alors vers la seule organisation susceptible d’amener une implication à long terme, pour laquelle un projet collectif commun – le communisme libertaire- n’est pas un «tabou», mais quelque chose de pleinement assumé.

Je deviens sympathisant de la NEFAC au mois de juillet 2001. Quelques jours plus tard, le 23 juillet, je prends la parole au nom du groupe anarchiste Émile-Henry dans une manifestation pour dénoncer l’assassinat de Carlo Giuliani, devant le consulat italien à Limoilou, Je deviens membre de la fédération peu de temps après. Malgré quelques bémols à propos de la plateforme de la NEFAC, il me semblait plus important de me joindre à un groupe souhaitant développer un courant anarchiste organisé que d’aller de sommet en sommet, d’une campagne à l’autre, sans perspective révolutionnaire.

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dimanche 15 mars 2009

Message d'intérêt public

Suite à la fondation de l'UCL, notre collectif a changé d'adresses. Merci de changer vos carnets!

UCL a/s E.H.
55051, CP Langelier
Québec (Qc) G1K 9A4

ucl.quebec@causecommune.net
http://www.causecommune.net

lundi 2 février 2009

Québec : Naissance de l’Union communiste libertaire


Au Canada et en Amérique du Nord, le mouvement communiste libertaire poursuit sa recomposition et son développement, avec la création d’une nouvelle organisation au Québec.

À la suite de la création de Common Cause en 2007 (voir AL n°177), c’est l’Union communiste libertaire (UCL) qui est née le 23 novembre 2008 à Montréal. Cette nouvelle organisation correspond à l’ancienne union régionale québécoise de la Nefac, à d’importantes nuances près cependant.

Une recomposition sans rupture

Depuis sa fondation en 2000, la Nefac (Fédération des communistes libertaires du Nord-Est – principale organisation communiste libertaire nord-américaine) rassemblait des militantes et militants du nord-est des États-Unis comme du Québec. La cohabitation au sein d’une même organisation de militants de pays différents avait fini par poser plus de problèmes (frontière, langues…) qu’elle ne permettait d’en résoudre. Dans la pratique, les Québécoises et Québécois fonctionnaient d’ailleurs de manière autonome depuis quelques temps déjà. Ils ont donc décidé de créer officiellement une organisation autonome.

Mais séparation ne signifie pas rupture des liens : les militants de l’UCL envisagent de transformer l’actuelle fédération en une confédération regroupant les différentes organisations communistes libertaires, en plein essor, à l’échelle du continent.

Outre ces raisons pratiques, la fondation de l’UCL avait pour but l’élargissement de l’implantation dans la province, notamment dans les petites villes et pas seulement dans les grands centres urbains. Pari réussi, puisque six collectifs locaux ont été parties prenantes du congrès de fondation, alors que l’ancienne Nefac-Québec n’en comptait que trois.

Vers un Manifeste inédit

Le congrès a d’abord été l’occasion d’adopter de nouveaux statuts. De plus, tout en prévoyant de se munir dès que possible d’un manifeste inédit, les congressistes ont adopté une version amendée des Buts et Principes de la Nefac, incluant les principes fondamentaux de toute organisation communiste libertaire (anticapitalisme, lutte de classes, antipatriarcat, etc.).

Les militants et les militantes de l’UCL étaient déjà impliqué-e-s dans les mouvements sociaux : dans le mouvement étudiant, très actif au Québec (notamment à travers l’ASSE, organisation étudiante de lutte) ; dans le mouvement contre la guerre, le Canada étant présent en Afghanistan ; dans les luttes communautaires et les luttes antifascistes, pour ne citer que quelques exemples. Aujourd’hui, l’UCL réaffirme sa volonté d’implication dans les mouvements sociaux avec pour objectif de les radicaliser.

Enfin, les actions concrètes à venir incluent une campagne sur la crise économique, qui sera rapidement mise en place. L’UCL va également s’impliquer dans une campagne internationale communiste libertaire contre la guerre en Afghanistan, dont elle avait proposé le principe il y a quelques mois à Alternative libertaire. Elle se pose donc aussi comme une force motrice dans la construction d’une internationale communiste libertaire.

Vincent Nakash (AL Paris-Sud), de Toronto


Extrait du numéro de janvier d'Alternative libertaire

dimanche 28 décembre 2008

Bye bye 2008 (bilan de La Nuit)

Cette période de l'année est propice aux rétrospectives et ce blogue n'y échappe pas... Voici donc l'année du Collectif anarchiste La Nuit en revue. Une façon comme une autre de répondre à la question «mais qu'est-ce que ça mange en hiver un collectif anar» et de mesurer le chemin parcouru...

Rapport d'activités 2008

Pour le Collectif anarchiste La Nuit, l'année 2008 débute réellement... le 9 décembre 2007. C'est en effet lors d'une «union régionale» à Montréal qu'est adoptée ce qui teintera fortement le plan d'action de l'année, à savoir la «refondation» de la NEFAC au Québec dans un processus «ouvert». C'est également lors de cette réunion qu'est adopté, sur proposition de La Nuit, le principe d'une manifestation antimilitariste pour commémorer le 90e anniversaire des émeutes de la conscription.

C'est à la fin janvier que sort le no 18 de Cause commune, le journal de la NEFAC au Québec. Pour la deuxième année consécutive, le journal est produit à Québec. La Nuit distribue un millier de copies de chaque livraison, moitié dans les luttes, moitié dans divers endroits du centre-ville. La 'Une' de ce numéro enclenche la mobilisation antimilitariste prévue pour le mois de mars.

L'appel officiel pour cette manifestation est d'ailleurs lancé le 17 février. La NEFAC a réussi à rassembler pour l'occasion une coalition couvrant l'ensemble de l'extrême gauche. Rapidement des centaines d'affiches fleurissent sur la ville (les différents groupes participants en colleront plus de 600).



Le 21 février, une partie des militantEs du Collectif ont grossi les rangs du mini-cortège rouge et noir constitué par les étudiantEs de la NEFAC dans la manifestation nationale de l'ASSÉ à Québec.

En mars, notre camarade Mathieu lance à l'AgitéE son bouquin sur l'histoire de l'anarchisme au Québec. Il s'agit là du fruit de plusieurs années de labeur à retracer le fil de l'histoire libertaire dans la province (entre autre sous forme de chronique dans Ruptures). Le livre reçoit un bon accueil et est l'objet d'activités publiques aux quatre coins de la province.

C'est également en mars qu'est sorti le no 19 de Cause commune. Au sommaire de ce numéro, l'appel à la manifestation antimilitariste du 28 mars, bien sur, mais également un retour sur le lock-out au Journal de Québec, un texte sur l'appui que le mouvement populaire venait d'accorder à la revendication de gratuité scolaire et un premier appel au Camp des 4 Sans organisé par le FRAPRU.



Le 28 mars, environ 300 antimilitaristes ont défilé à Québec à l'appel d'une coalition d'extrême gauche initiée par la NEFAC.

Le premier mai a été cette année l'objet d'un certain cafouillage à Québec. En effet, la section locale du PCR avait voulu rééditer le succès de la manifestation du 28 mars en montant une nouvelle coalition large autour d'une manifestation de soutien aux lockoutéEs du Journal de Québec. Malheureusement, la coalition n'a jamais levé et, de mal-entendus en gaffes politico-syndicales, nous avons décidé de retirer notre appui à l'initiative maoïste. Finalement, nous avons fait acte de présence par curiosité et solidarité, sans plus. Espérons que le premier mai sera mieux organisé en 2009! Oh, la journée internationale des travailleurs et des travailleuses fut également l'occasion de lancer le no 20 de Cause commune. Ce numéro du journal était presqu'exclusivement consacré au droit de grève et au travail précaire.

Mi-mai, le Collectif fait un saut à Montréal pour le Salon du livre anarchiste. Le Salon est l'occasion pour notre organisation de sortir une foule de brochures à bas prix. De notre côté, nous en profitons pour sortir une critique du programme du PCR qui fut d'abord publiée sur ce blogue en chroniques. Si ce texte n'a pas connu une très large diffusion «papier» (une centaine de copies), il a eu une surprenante diffusion électronique (+ de 3450 hits sur le site de la NEFAC!). Outre cette brochure, le Salon fut également l'occasion pour La Nuit de diffuser des livres écrits par nos camarades (Sur les traces de l'anarchisme au Québec mais également The abolition of the state d'un camarade la NEFAC-NYC).


Le 26 mai, le Collectif reçoit de la visite de France. En effet, Guillaume et Juliette, deux camarades d'Alternative libertaire, ont décidé de profiter du Salon du livre anarchiste de Montréal pour visiter un peu le Québec. Ce fut l'occasion d'organiser une petite réunion publique à la Page Noire sur le projet de société communiste libertaire (un thème que les camarades d'AL ont développé dans un petit bouquin disponible, justement, à la Page Noire...).

video

Le 15 juin, des membres de la NEFAC profitent d'une Union régionale de la Fédération pour changer le nom d'une rue dans le Vieux-Québec. L'action est remarquée et fait l'objet d'une brève dans Média Matin Québec (le journal publié par les lockoutéEs du Journal de Québec).

En juin, c'est la sortie du no 21 de Cause commune. C'est l'occasion pour le Collectif de mousser deux évènements qui ont lieu à Québec, à savoir le Camp des 4 Sans et la manifestation antimilitariste du 3 juillet. C'est aussi la première fois que la NEFAC fait brièvement état publiquement de sa volonté de se «refonder».



Malgré beaucoup de bonne volonté, la participation de la NEFAC aux grandes manifestations de l'été n'a pas exactement été à la hauteur (peu de visibilité, pas de cortège faute de coordination). Comme quoi on ne peut pas toujours tout réussir...

Le 17 juillet, répondant à un appel à la solidarité de la CNT, une centrale anarcho-syndicaliste française, des membres du Collectif redécorent l'ancien magasin Omer de Serres du quartier Saint-Roch.

À la mi-août, la NEFAC annonce la création d'un forum de discussion anarchiste «Québec» sur le forum international Anarchist Black Cat. L'idée est de favoriser la discussion entre communistes libertaires dans la province.

C'est également en août qu'a lieu l'assemblée générale annuelle du Collectif. Outre les banalités d'usage (plan d'actions, rapport d'activités), ce fut l'occasion d'adopter une toute nouvelle «Charte du Collectif». Ce document de base couche sur papier notre mode de fonctionnement interne, ce qui était rendu nécessaire pour l'intégration des nouveaux et nouvelles. Grandes innovations: le Collectif créé un statu de sympathisantE et un bulletin de liaison pour faciliter la participation.

Le 3 septembre, le Collectif participe, avec quelques centaines de personnes, à une nouvelle édition du Réclame ta rue. C'est l'occasion pour notre groupe de sortir notre toute nouvelle table de littérature... Et de prendre une insolation dans Limoilou!! (Photos).

Fin septembre, une soirée d'échange privée a eu lieu avec des camarades proches du Collectif pour leur présenter le projet de «refondation» de la NEFAC. Plusieurs nouvelles collaborations sont nées de cette rencontre.



En septembre, la NEFAC s'unit au CRAC-Saguenay pour une campagne d'affichage abstentionniste pendant la campagne électorale fédérale. À Québec, les membres de La Nuit collent plus de 500 affiches.



Pour la deuxième année consécutive, plus de 80 personnes ont répondu à l'appel conjoint d'Ainsi squattent-elles et du Collectif anarchiste La Nuit pour une contre-manifestation pro-choix. L'action a attiré l'attention de certains journalistes (ici le Journal de Québec).

C'est au début octobre que sort le no 22 de Cause commune. La 'Une' entière est consacrée à la campagne abstentionniste menée conjointement par la NEFAC et le CRAC-Saguenay. À l'intérieur, on trouve un appel passionné à «refonder l'anarchisme organisé». Si ce texte a été accueilli avec scepticisme dans les villes où l'organisation est relativement bien implantée comme Montréal et Québec, il a soulevé l'enthousiasme de plusieurs anarchistes «en région». Il y a de quoi : pour la première fois de mémoire de militantE, un appel clair était lancé pour «sortir l'anarchisme des grandes villes» et «l'implanter sur tout le territoire». De plus, les initiateurs et les initiatrices de l'appel s'engageaient à «soutenir matériellement et moralement quiconque voudra intégrer un groupe existant de la nouvelle organisation ou en développer un dans sa ville». Plusieurs rencontres en région ont été organisées suite à cet appel (des membres de La Nuit sont notamment alléEs à Saguenay et Trois-Rivières).

En novembre, les libéraux prennent tout le monde les culottes à terre en déclenchant des élections provinciales juste après les élections fédérales. Au début novembre, le Collectif décide de reprendre une affiche produite par le CRAC-Saguenay pour relancer sa campagne abstentionniste. Nous en avons collé près de 500 dans les rues de Québec.

C'est également à la fin novembre qu'est finalement fondée l'Union communiste libertaire (UCL) au terme d'un processus ayant duré près d'un an. La refondation «ouverte» semble avoir donné de bon résultats puisque la nouvelle organisation compte deux fois plus de militantEs que la NEFAC...

À la mi-décembre, des membres du Collectif visitent les lignes de piquetage des supermarchés Maxi en grève. Les camarades en ramènent une entrevue qui sera diffusée sur les ondes de CKIA 88,3 FM et un article qui sera publié en 'Une' du journal communautaire Droit de parole.

* * *

À tout cela pourrait se rajouter nos implications sociales et politiques diverses (et il y en a!) mais, en ce qui concerne le collectif, c'est à peu près ça. Nous pourrions sans doute faire plus. Mais, pour cela, il faudrait être plus nombreux et nombreuses...

* * *

Retour vers le futur...
Que nous réserve 2009?

Difficile de dire dès maintenant de quoi sera fait 2009 pour le Collectif anarchiste La Nuit. Parions que nous allons continuer sur notre lancée avec ce blogue et l'émission de radio. Nous comptons également lancer une campagne sur le thème de la crise économique. Rien n'est encore coulé dans le béton mais nous envisageons un dosage d'information et d'actions. Nous aimerions également participer à l'organisation d'une grande manifestation populaire pour le Premier mai...

Autre dossier, il faudra bien consolider l'UCL et la faire connaître à Québec et au Québec. Pour ce faire, nous avons l'intention d'organiser une réunion publique à Québec au début 2009. Sinon, tout au long de l'année nous allons tenter de raffiner notre unité théorique et tactique, entre autre via la rédaction d'un manifeste communiste libertaire et l'organisation de groupes d'étude. Bref, beaucoup de pain sur la planche...

mardi 30 septembre 2008

L'anarchie de A à Z, «U» comme Unité

Une invitation à refonder
l’anarchisme organisé


Les collectifs québécois de la NEFAC sont en pleine redéfinition. En effet, les sections québécoises et américaines de la fédération ont décidé de former deux organisations solidaires mais indépendantes. Les 22 et 23 novembre, nous tiendrons un congrès dans la Métropole qui sera l’occasion d’adopter le manifeste et la constitution d’une nouvelle organisation communiste libertaire québécoise. Nous voulons profiter de l’occasion pour entamer un dialogue avec des camarades proches de nous et voir s’il est possible de faire un bout de chemin ensemble et d’intégrer plus de militantEs au processus dans toutes les régions du Québec.

Notre base d’unité

En une petite décennie de luttes, une organisation communiste libertaire sérieuse a enfin réussi à s’implanter au Québec. En soi c’est déjà une victoire, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire, selon nous, avant de voir émerger dans la province le type d’organisation révolutionnaire que nous préconisons. Pour assurer le développement de l’anarchisme organisé au Québec, une stratégie impliquant plusieurs tâches à mener de front s’impose. Il s’agit d’enraciner une organisation révolutionnaire militant pour des mouvements sociaux combatifs et pour l’émergence d’une gauche libertaire large et ouverte.

Mais d’abord, de quel type d’organisation parlons-nous? L’organisation, telle que nous la concevons, est l’un des moments des luttes sociales. C’est une assemblée de militantEs sur la même longueur d’onde, un lieu de confrontation et de synthétisation d’idées et d’expériences sociales et politiques. Ce n’est pas un groupe secret, un club privé ou un groupe d’affinité mais une organisation publique dont on peut devenir membre si on est d’accord avec ses positions. L’organisation est nécessaire pour partager des ressources, rompre avec le localisme et maximiser l’impact des pratiques libertaires en coordonnant nos activités politiques. L’expérience nous a amené à adopter les principes d’organisations plateformistes, c’est-à-dire une organisation efficace qui repose sur:

  • L’unité théorique et tactique
  • Le fédéralisme et la démocratie directe
  • La responsabilité collective.


Nous n’avons pas une approche dogmatique de la «Plateforme d’organisation des communistes libertaires», le document de base du «plateformisme»; c’est le point de départ de notre pratique et non le point d’arrivée. Concrètement, la recherche d’unité et de cohérence est un processus permanent qui se vit au travers de débats internes. Le fédéralisme et la démocratie directe nous permettent d’atteindre un certain équilibre entre autonomie et force collective. Ce qui est commun est collectivisé et contrôlé démocratiquement par l’ensemble de l’organisation mais les militantEs gardent leur pleine autonomie politique et organisationnelle dans leur militantisme local. La responsabilité collective signifie que les membres de l’organisation participent aux débats internes et à la prise de décision mais doivent se rallier aux positions majoritaires. Bref, les militantEs sont solidaires des positions et des campagnes adoptées et y participent.

Reconquérir une base sociale

À chaque fois que l’anarchisme a joué un rôle dans d’autres pays, il y avait des anarchistes organiséEs et profondément enracinéEs. Que ce soit en Espagne, en Ukraine, en France ou au Mexique, on trouve un anarchisme organisé présent dans la plupart des localités et tous les quartiers des grandes villes, une activité intense dans tous les mouvements sociaux, une presse vivante et diversifiée. On peut dire que dans tous les cas où l’anarchisme a compté, il y avait un enracinement et une base sociale au mouvement. C’est ce qui fait défaut à l’anarchisme québécois et c’est ce que nous voulons changer.

Il y a longtemps que le mouvement anarchiste québécois est un phénomène générationnel impliquant essentiellement des jeunes. Chaque nouvelle génération militante chasse la précédente et doit pratiquement réinventer la roue. Pour réussir à reconquérir une base sociale, les communistes libertaires doivent relever le double défi de l’enracinement et de l’insertion sociale sur le moyen et long terme. Si nous n’arrivons pas à développer une présence militante dans les luttes de notre classe, nous n’avons aucune chance. Il est temps de reconsidérer une forme de militantisme fondamentale: l’action de masse des mouvements sociaux dans les quartiers, les écoles, les campus, les lieux de travail, etc. C’est peut-être moins glorieux qu’un certain militantisme «radical» mais c’est incontournable pour s’inscrire dans la durée et construire un courant ouvert sur l’ensemble des réalités de notre classe.

L’anarchisme organisé n’a pas à être confiné aux ghettos militants. Il doit s’épanouir dans les quartiers et les lieux de la vie quotidienne. Le mouvement anarchiste doit aussi sortir des grandes villes et s’implanter sur tout le territoire. Pour consolider l’anarchisme dans notre classe, nous sommes prêtEs à aller là où nous ne sommes pratiquement jamais alléEs : dans les petites villes de la province.

Nous nous engageons à soutenir matériellement et moralement quiconque voudra intégrer un groupe existant de la nouvelle organisation ou en développer un dans sa ville. Refonder l’anarchisme organisé et en faire une force qui compte dans la société n’est pas une mince affaire... Si ça vous intéresse et que vous voulez avoir votre mot à dire, c’est le bon moment. Toutes les contributions sont les bienvenues!


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Extrait du numéro 22 du journal Cause commune (à paraître début octobre)

lundi 31 décembre 2007

Bye bye 2007 (bilan de La Nuit)

Ces temps-ci, les revues de l'année sont à la mode. Voilà l'occasion de faire un bref retour sur notre année militante et de répondre à la question que plusieurs se posent: qu'est-ce qu'il fait, concrètement, le Collectif anarchiste La Nuit?

Bilan d'activités

Au début février commence la distribution, à Québec, du numéro 12 de Cause commune. Le journal de la NEFAC, qui est produit à Québec, est sorti 6 fois cette année. Notre collectif en distribue environ un millier à chaque fois, moitié dans des manifs et autres évènements militants, moitié dans une série de point de distribution au centre-ville. Notez que sommes toujours ouvert à fournir les camarades en région!

Lorsque Jean Charest déclenche les élections un mois plus tôt que ce que tous les analystes avaient prévu, il prend un peu tout le monde de court. À Québec, tous les partenaires potentiels du Collectif anarchiste La Nuit sont pris par d'autre chose. Heureusement, à Montréal, l'Union locale de la NEFAC et le RAME sont en pourparlers depuis un certain temps pour mener une campagne commune. Ce fut la coalition Nous on vote pas!. Pour la première fois depuis longtemps, une véritable campagne abstentionniste fleurira au Québec en mars 2007. Dans la capitale, des camarades de La Nuit collent frénétiquement des centaines d'affiches et d'autocollants rouge et noir au centre-ville. La treizième édition de Cause commune reprend les thèmes de la campagne "Nous on vote pas!".

Pour une fois, les libertaires de Québec ont organisés un évènement local pour le Premier mai. Ce fut un "cabaret" sous la bannière de la Page noire, à l'AgitéE. Un franc succès qui rappelle l'importance d'évènements mêlant allègrement social, culture et politique. Comme dirait l'autre: "La lutte, oui! Mais la fête aussi". C'est également le Premier mai que sort le numéro 14 de Cause commune, ce qui fut l'occasion, pour notre collectif, d'une première analyse des résultats électoraux (voir: Une conjoncture difficile).

Le 3 mai, des membres de La Nuit se rendent à Trois-Rivières pour donner une conférence sur l'anarchisme. Organisé à la demande d'un sympathisant trifluvien, cette activité a donné l'élan pour fonder dans cette ville un collectif de la NEFAC (La réponse).

Le 29 mai, La Nuit profite du passage à Québec de deux camarades du réseau français No Pasaran pour organiser une activité publique. Le panel permet d'échanger sur la montée de la droite populiste des deux côtés de l'Atlantique et sur nos stratégies respectives de résistance. Cette conférence fut également l'occasion de lancer à Québec le numéro 7 de la revue Ruptures.

En juin, toute l'actualité est prise par le départ du contingent de Val-Cartier pour l'Afghanistan. Depuis des mois, des libertaires s'activent dans la Coalition Guerre à la guerre pour organiser une manifestation anti-guerre le 22 juin, au moment de la parade en ville des militaires (une première depuis la seconde guerre mondiale). Lors de cette manif mémorable, des membres et amiEs de la NEFAC venus des quatre coins du Québec forment le plus gros cortège rouge et noir de la capitale depuis le Sommet des Amériques. Nous sommes assez nombreux et nombreuses pour faire cortège ET distribuer massivement le numéro 15 de Cause commune qui reprend la lettre ouverte que les antimilitaristes ont écrite aux soldats. Le tirage de notre journal augmente sans tambour ni trompette avec ce numéro (maintenant 4 000) ce qui reflète la croissance de notre organisation, entre autre en Mauricie.

Le mois de juin se termine sur une note tragique. Dans la nuit entre le 30 juin et le 1er juillet, un jeune gay est sévèrement tabassé par des boneheads à la Place d'Youville. Dans la foulée, des militantEs du GLBT rassemblent une large coalition arc-en-ciel pour dénoncer cet acte barbare. Nous participons de bon coeur à la conférence de presse de dénonciation et au Brunch contre l'homophobie qui a lieu durant la Fête Arc-en-ciel. Fait rare, une première?, à cette occasion des anarchistes partagent la plateforme avec des députéEs (y faut ce qu'y faut).

En août, le mouvement libertaire se remobilise autour du Sommet de Montebello. Par contre, il faut reconnaitre qu'à part diffuser l'information, nous ne fument pas de la partie cette fois. De notre côté, nous sommes plutôt en train de mettre la dernière main à de nouveaux projets d'agitation propagande. C'est en effet en plein mois d'août qu'est officiellement lancé notre blogue (l'émission de radio suivra en septembre). Cet ambitieux projet est un succès modeste mais réel. Mis-à-jour presque quotidiennement, parfois plusieurs fois par jour, Voix de faits fut visité cet automne par à peu près une centaine de personnes par jour.

En septembre, à la fête du travail, se tenait le traditionnel rassemblement Réclame ta rue. Nous avons apporté un appui critique à cet évènement. Nous y étions en nombre et nous avons mobilisé mais nous avons également diffusé un texte critique dans la seizième édition de Cause commune.

Le 7 octobre, La Nuit appelait à une contre-manifestation pro-choix avec les camarades féministes libertaires de l'émission Ainsi squattent-elles. C'est que des intégristes religieux organisaient une "chaîne de la vie" devant le Centre Mère-Enfant. Le résultat fut au delà de toutes nos attentes, en effet, les pro-choix étaient 5 fois plus nombreuses et nombreux que les pro-vies. Cette mobilisation fut l'occasion pour nous de renouer avec un volet souvent négligé de notre projet politique: la lutte antipatriarcale.

Début novembre, le numéro 17 de Cause commune sortait des presses avec, justement, un texte sur le patriarcat. À peu près au même moment, les rues de Québec voyaient apparaitre une nouvelle affiche rouge et noire, annonçant Voix de faits. C'est notre première affiche strictement "locale" qui sort sur une presse (d'où la couleur).

* * *

À tout cela pourrait se rajouter nos implications sociales et politiques diverses (et il y en a!) mais, pour ce qui concerne le collectif, c'est à peu près ça. Nous pourrions sans doute faire plus. Mais, pour cela, il faudrait être plus nombreux et nombreuses...

lundi 16 juillet 2007

K comme Kronstadt (ou la faillite du léninisme)

En mars 1921, les marins de Kronstadt, qui avaient été à l’avant-garde des révolutions russes de 1905 et 1917, se soulèvent contre la dictature du Parti communiste aux cris de « tout le pouvoir aux soviets et non aux partis ». Les insurgéEs exigent la fin des privilèges (salaire égal pour touTEs), la restauration de la démocratie socialiste (élections libres dans les soviets) et le retour du pluralisme révolutionnaire (libération de touTEs les militantEs socialistes-révolutionnaires et anarchistes). La révolte de Kronstadt sera réprimée dans le sang par le pouvoir léniniste. Il s’agit pour les anarchistes de la confirmation brutale du caractère fondamentalement autoritaire et néfaste de l’idéologie marxiste-léniniste.

Des soviets à la dictature

La révolution russe d’octobre 1917 balaie la bourgeoisie et le parlementarisme et proclame « tout le pouvoir aux soviets ». En russe, « soviet » signifie tout simplement « comité ». Les soviets de 1917 sont des comités de soldats et d’ouvrierEs, composés de déléguéEs éluEs lors d’assemblées démocratiques dans les usines et les casernes où les masses élaborent des résolutions et discutent de politique. À l’origine, la révolution russe promettait un socialisme démocratique que ne reniaient pas plusieurs libertaires.

Le pays est rapidement plongé dans une guerre civile tandis que les anciennes classes dirigeantes tentent de reconquérir militairement le pouvoir. C’est dans ce contexte de guerre que le Parti bolchevique, majoritaire, impose sa dictature et réprime les autres courants révolutionnaires. C’est le début du régime de parti unique et les soviets, dans ce contexte totalitaire, sont vidés de leur substance. Quand les masses s’insurgent en 1921 –grèves insurrectionnelles à Petrograd, révoltes dans les campagnes, insurrection à Kronstadt—le pouvoir léniniste répond par encore plus de répression, allant jusqu’à interdire les tendances à l’intérieur même du Parti bolchevique.

La faillite du léninisme

La faillite du léninisme était pourtant prévisible étant donné sa philosophie autoritaire, son programme dictatorial et sa forme d’organisation centralisée. À la base du léninisme, on retrouve l’idée que la classe ouvrière ne peut pas, par elle-même, développer une conscience révolutionnaire. Au mieux, les ouvrierEs peuvent s’organiser en syndicats et lutter pour de meilleurs salaires mais jamais ils et elles ne deviendront révolutionnaires « naturellement ». Pour Lénine et la plupart des marxistes de son époque, ce sont des intellectuelLEs bourgeoisES qui ont inventé le socialisme et l’ont amené aux ouvrierEs. Sans nier que les intellectuelLEs ont eu un rôle à jouer, les anarchistes ont une vision différente. Pour nous, le socialisme émerge directement des pratiques développées durant les luttes ouvrières. Des intellectuelLEs, dont un grand nombre d’ouvrierEs autodidactes, l’ont sans doute synthétisé, mais ils et elles l’ont fait à partir de leurs observations des luttes (c’est en tout cas ce que reconnaissent la plupart des intellectuelLEs à l’origine de l’anarchisme).

Pour les léninistes, l’organisation des révolutionnaires (un parti dans leur cas) est composée d’intellectuelLEs dont le rôle est de rassembler les ouvrierEs les plus conscientEs, de leur apprendre le socialisme afin de constituer une « avant-garde » capable de diriger la classe ouvrière et de la mener au combat révolutionnaire. Il ne peut y avoir qu’une seule « avant-garde » de la classe ouvrière et un seul parti « d’avant-garde ».

Ce différent sur l’origine du socialisme et le rôle de l’organisation des révolutionnaires, qui peut ressembler à un débat sur le sexe des anges pour les non-initiéEs, est loin d’être innocent. En effet, si le socialisme émane des travaux des intellectuelLEs et non des luttes des ouvrierEs et si le parti regroupe « l’avant-garde », alors en cas de conflit entre la classe ouvrière et le parti, le parti est justifié d’aller à l’encontre de ce que veut la classe ouvrière réelle au nom du « socialisme » et des « intérêts supérieurs » d’une classe ouvrière mythique.

L’alternative libertaire

Les anarchistes savent bien que la combativité et la conscience révolutionnaire ne sont pas distribuées également dans la population. Seule une minorité est combative et révolutionnaire aujourd’hui. On pourrait à la limite parler « d’avant-garde » mais le concept est trop flou et implique pour le commun des mortelLEs une certaine supériorité et la volonté de diriger. Quant à nous, nous ne sommes pas en avant ou en dehors des masses, nous sommes dans les masses, nous en faisons partie. Nous préférons donc parler de « minorité agissante ».

Selon nous, la « minorité agissante » doit être organisée pour être pleinement efficace. La « minorité agissante » est surtout une force de proposition et d’éducation. Cela peut se faire bien sûr par la propagande et par l’intervention des militantEs dans les luttes mais aussi en donnant l’exemple par une action collective, résolue et décidée. Nous vivons l’organisation révolutionnaire comme l’un des moments des luttes sociales, une assemblée de militantEs politiquement sur la même longueur d’onde qui coordonnent leurs actions. L’organisation anarchiste n’aspire pas à diriger les luttes, elle veut simplement les radicaliser. Quand des militantEs libertaires se retrouvent en position de leadership, ils et elles poussent au maximum l’autogestion et l’autonomie des forces populaires. Nous prenons très au sérieux la devise de la Première Internationale : « L’émancipation des travailleurs et des travailleuses sera l’œuvre des travailleurs et des travailleuses eux et elles-même ». Qu’on se le tienne pour dit!


(Publié pour la première fois dans le numéro 11 de Cause commune, automne 2006)

Mouvements communautaire et anarchiste : une rencontre fructueuse?

À la demande de militant-e-s de longue date, issu-e-s de traditions marxiste ou chrétienne, le Centre justice et foi (CJF) organisait à Québec, le 30 mars dernier, une « Soirée Relations » sur le thème de la rencontre entre les mouvements communautaire et anarchiste. Concrètement, il semble que certain-e-s « vieux de la vieille » cherchent à comprendre le sens de l’implication des nombreux/nombreuses « jeunes » anars qui débarquent dans les groupes communautaires depuis quelques années. Pour lancer le débat, les organisateurs et organisatrices avaient réuni un panel composé de trois libertaires pour discuter du potentiel et des limites de leurs implications dans les groupes communautaires « mainstream ». Le texte qui suit résume ma contribution au débat, à titre de militant communiste libertaire et de salarié d’un groupe populaire.

De quoi parle-t-on?

Avant de parler de rencontre entre « mouvement communautaire » et « mouvement anarchiste », il faudrait réussir à s’entendre sur ce que recouvrent ces termes. Comme l’ont souligné plusieurs participantes au débat du CJF, dans les deux cas on peut difficilement parler de « mouvement » tant les réalités, les analyses et les pratiques diffèrent d’une organisation, voire d’une personne, à l’autre.

L’anarchisme

Dans le cas des anarchistes, l’appellation « mouvement » est encore plus inappropriée dans la mesure où il n’y a aucune espèce de réalité organisationnelle commune entre la plupart des libertaires. Pour qui a connu les courants communistes bien organisés des années 1970, les termes « mouvement anarchiste » peuvent porter à confusion. Contrairement aux marxistes-léninistes de jadis, il n’y a jamais eu de congrès où l’entrée en masse dans les groupes communautaires aurait été votée, pas plus qu’il n’y a d’instances pour élaborer de « ligne juste ». Si les libertaires sont souvent d’accord dans les groupes, ce n’est pas parce qu’il y a eu une réunion la veille pour décider de « la ligne » mais bien parce qu’ils et elles partagent un ensemble de valeurs et de pratiques propres à leur courant politique.

L’anarchisme est pour moi une façon d’appréhender le monde, une façon de « lire » la société. Même s’il y a des similitudes, il s’agit d’une « grille d’analyse » différente du marxisme. S’il y a un accent mis sur le matérialisme, l’exploitation et les classes sociales, ce qui différentie l’anarchisme du marxisme, c’est l’attention égale portée aux rapports de domination, la sensibilité antiautoritaire et le respect de l’individu et de son autonomie. Tous ces aspects se trouvent au coeur du projet libertaire. Cette « grille d’analyse », qui est essentiellement une critique de la société en regard des rapports d’exploitation et de domination, se traduit en un programme. Réduit à sa plus simple expression, le programme libertaire veut l’abolition du capitalisme, de l’État, du patriarcat et de tous les autres rapports de domination afin de construire une société égalitaire, libertaire et fédéraliste. Notre organisation va un peu plus loin en se positionnant clairement en faveur d’un communisme antiétatique, mais c’est loin d’être le cas de tous/toutes les anarchistes.

Les valeurs principales des libertaires sont l’égalité, la liberté et la solidarité. Le respect de la personne amène une actualisation un peu particulière de ces valeurs. Les libertaires, par exemple, croient fondamentalement que non seulement tout le monde est égal mais aussi que chaque individu à un très grand potentiel d’autonomie et peut ultimement le réaliser (la même chose valant pour les groupes et les communautés). Tout cela se traduit par un attachement parfois maladif au processus qui est souvent vu comme aussi important que le résultat. Afin de laisser toute la place possible aux individus et à leur autonomie, les libertaires prônent une organisation horizontale basée sur l’autogestion, la prise de décision en assemblée où tous et toutes sont appelé-e-s à s’exprimer. Ajoutons à cela le refus d’élire des représentant-e-s et des dirigeant-e-s (qui sont tant bien que mal remplacé-e-s par des délégué-e-s révocables, chargé-e-s de relayer les décisions des assemblées ou d’en exécuter les mandats). Quand vient le temps d’agir, les mêmes valeurs poussent les libertaires à favoriser les rapports de force et l’action directe sur les causes des problèmes plutôt que de s’en remettre à des politicien-ne-s ou aux « autorités compétentes ».

Le communautaire

Le terme « communautaire » recouvre tout et n’importe quoi en Amérique du nord, jusqu’à la police qui se dit parfois « communautaire » ! À priori, ce qui nous intéresse ici est assimilable à un mouvement social. Ce sont des groupes autonomes qui émergent depuis les années 1960 dans les quartiers ouvriers des villes pour s’occuper des questions liées aux conditions de vie des pauvres. Théoriquement, ces groupes sont fondés et animés par les gens directement concernés, plus souvent par des « alliés » (militant-es politiques ou organisateurs communautaires de CLSC). Si à l’origine on parlait de « mouvement populaire » et de « deuxième front » (le premier étant le mouvement ouvrier), aujourd’hui on parle plus souvent « d’action communautaire autonome » pour marquer la différence avec les patentes étatiques, caritatives ou religieuses. Dès l’origine, le mouvement s’est scindé en deux : d’un côté, les groupes dit « de service » (qui offrent des alternatives plus ou moins autogérées au secteur public), de l’autre les groupes dit « de défense de droits » (qui organisent des luttes sociales, en général sur une question en particulier).

Des rencontres

Il y a une convergence qui me semble évidente au niveau des valeurs et des pratiques entre les libertaires et une partie du communautaire (voir le texte sur l’éducation populaire autonome). Bien sûr, il arrive qu’on ne nomme pas les concepts de la même façon de part et d’autre, mais au delà des mots, on parle souvent de la même chose. Là où il y a divergence, c’est sur la finalité : il y a un malentendu sur la portée de la transformation sociale recherchée. Plusieurs libertaires ont l’impression que l’action communautaire ne réussi qu’à rendre le monde plus tolérable, qu’elle accouche d’une souris. C’est indéniable, le communautaire porte des valeurs et emploie des moyens proches de ceux des libertaires mais avec un résultat essentiellement réformiste.

Qu’est-ce que les anarchistes présent-e-s dans le communautaire viennent changer à ce mouvement? Pas grand chose en fait : les libertaires viennent renforcer un tendance traditionaliste et « puriste » de l’action communautaire. Pour la « ligue du vieux poêle » du communautaire, l’arrivée de libertaires ressemble à un « retour aux sources » (ou au retour de « vieux démons » selon le point de vue). Simple constat générationnel, l’arrivée de libertaires à tendance à rajeunir et redynamiser un mouvement qui, disons le, à tendance à se faire vieux.

Après avoir milité et travaillé des deux côtés de la barrière pendant plusieurs années, des limites évidentes m’apparaissent d’un bord comme de l’autre.

Des limites de l’anarchisme

D’après mon expérience des militant-e-s et des groupes anarchistes, j’estime que le milieu manque souvent de maturité politique. Encore aujourd’hui, nous en sommes encore à l’étape du « tout ou rien » et nous sommes souvent incapables de mesurer les gains et de capitaliser sur les victoires partielles. Nous manquons cruellement de pragmatisme. Résultat, nous sommes rapidement déçu-e-s et, malheureusement, peu de libertaires s’engagent dans les luttes sur le long terme (ce qui fait qu’on est vu-e, comme les autres militant-e-s politiques, comme étant « pas fiables »). Dans le même ordre d’idée, trop de libertaires sont imprégné-e-s d’un indécrottable idéalisme à la limite de l’élitisme et du mépris (« nous, nous avons compris, les autres sont aliéné-e-s »). Pour une critique plus en profondeur du milieu libertaire, voir le texte sur les ,a href=http://nefac.net/node/1830>cinq ans de la NEFAC dans le dernier numéro de Ruptures.

Des limites du communautaire

Avec les années, le communautaire s’est institutionnalisé et professionnalisé. À bien des égards, il s’agit d’un mouvement social sclérosé, voire d’une coquille vide dans certains cas. Il y a une distance et une tension relativement grande entre le discours (voir l’autre texte sur l’Éducation populaire autonome) et les pratiques. Une bonne partie de cette distance vient du point aveugle du communautaire : les permanent-e-s salarié-e-s. Ceux-ci et celles-ci sont globalement absent-e-s du discours du communautaire sur lui-même. À la limite, ils et elles ne sont vu-e-s que comme des outils plus ou moins neutres et ne sont pas vraiment intégré-e-s comme partie prenante des processus, comme des militant-e-s au même titre que les autres (bonjour l’aliénation!). Dans les faits, les permanent-e-s ont un pouvoir énorme dans les groupes et ce pouvoir est rarement reconnu. C’est ce qui explique en partie pourquoi il est parfois si difficile d’être un-e militant-e politique dans un groupe communautaire. Plusieurs permanent-e-s ont été traumatisé-e-s par l’expérience des « marxistes-léninistes » des années 1970 qui ont tenté d’instrumentaliser les groupes communautaires. Souvent, même si ce n’est jamais dit comme cela, les permanent-e-s ont une image du « vrai monde » comme étant plus ou moins « vierge politiquement », des « cruches vides » qu’il faudrait remplir (ou conscientiser et politiser). À ce titre, les militant-e-s politiques ne sont pas vu-e-s comme du
« vrai monde » et on les soupçonne souvent d’avoir des arrières pensées, d’être là uniquement pour « faire de la propagande », bref de ne pas être sincères dans leur démarche. Les militant-e-s politiques sont souvent des empêcheurs/empêcheuses de tourner en rond, entre autre parce qu’ils et elles sont en mesure de remettre en cause la parole et les analyses des permanent-e-s. Il faut dire que permanent-e-s et militant-e-s politiques sont souvent sorti-e-s du même moule (l’université) et qu’ils et elles ont souvent plus en commun les un-e-s avec les autres qu’avec les membres de la base de la majorité des groupes communautaires (d’ailleurs, ce que je viens de dire des permanent-e-s en général s’applique aussi à bon nombre de militant-e-s politiques). Le communautaire a des limites qui lui sont propres, mais tout n’est pas non plus la faute des méchant-e-s permanent-e-s. Souvent, à entendre certain-e-s libertaires, on croirait presque que c’est la faute aux permanent-e-s si les groupes ne sont pas plus radicaux. Il faut reconnaître que si c’est souvent le cas, il arrive aussi que les groupes ne sont pas plus radicaux tout simplement parce que ce n’est pas là que les membres sont rendu-e-s…

On a tout à gagner à se mêler…

À force de se frotter à l’action sociale « réelle », les anarchistes ont beaucoup à apprendre. Entre autre, apprendre à « partir des préoccupations des gens » et non pas décider ce que le peuple devrait dont vouloir (et se surprendre ensuite que notre « comité de quartier » ou notre « centre communautaire » ne soit peuplé que de libertaires). Dans le même ordre d’idées, les libertaires auraient tout intérêt à cesser de mépriser les gains qui se font. Il faudra bien un jour re-développer une perspective politique qui fasse le lien entre le besoin de réformes ici et maintenant et le désir de révolution (ce que l’on nomme dans le jargon communautaire « la poussée du besoin et la tirée de l’espoir »). Le communautaire, quant à lui, peut renouveler ses pratiques et prendre un bain de jeunesse avec l’arrivée de libertaires. Qui sait, peut-être qu’ensemble libertaires et communautaires trouveront une voie pour sortir de la lutte sociale « symbolique »?

Marc-Aurel
(Québec)

(Publié pour la première fois dans le numéro 6 de Ruptures, mai 2006)

Chemin faisant, nous apprenons

Les cinq premières années de la NEFAC



La fin des années 1990 a été une période déprimante pour les anarchistes de l’Amérique du nord. Le mouvement n'allait pas vraiment bien. Énormément de militantEs de longue date sont passéEs à autres choses tandis que plusieurs projets ont été dissouts ou mis en veilleuse.

Les anarchistes des années 1990 avaient beaucoup essayé de développer une stratégie et de se positionner pour la prochaine montée des luttes, le prochain grand mouvement social. CertainEs ont parlé d'écologie, d'autres de contre-institutions (hum… de librairies alternatives), d'autres ont tenté de développer en marge un militantisme anarchiste ou radical (Anti-Racist Action, Earth First!, Food not Bombs, Copwatch, Anarchist Black Cross, etc.) pendant que d'autres encore n’ont juré que par la contre-culture (essentiellement le mouvement punk). D’aucunEs ont même tenté de mettre sur pied des organisations et des réseaux anarchistes.

Anti-Racist Action: mouvement antiraciste qui prône l’action directe et la confrontation contre l’extrême droite.

Earth First!: mouvement dit «d’écologie profonde» pronant l’action directe non-violente et le sabotage.

Food not Bombs: mouvement pacifiste spécialisé dans la distribution gratuite de bouffe végétarienne récupérée. Le chapitre de Québec publiait le zine Hé... Basta!

Copwatch: pratique militante consistant à surveiller les agissements de policiers en les filmant. Le COBP fait, entre autre, du «copwatch».

Anarchist Black Cross: mouvement de soutien aux prisonniers politiques.

Love & Rage: organisation politique libertaire ayant publié un journal du même nom pendant 9 ans. Voir le bilan de cette organisation publié dans le premier numéro de Ruptures (disponible sur nefac.net).

Démanarchie: tabloïd anarchiste et populiste publié au Québec dans les années 1990.

Plateformiste: courant organisationnel de l’anarchisme s’inspirant de la «Plateforme d’organisation des communistes libertaires», un document produit par un groupe d’anarchistes russes en exil après leur défaite de 1921 aux mains des bolshéviks. La Plateforme prône une organisation politique anarchiste basée sur un haut niveau d’entente théorique et tactique et la responsabilité collective. Plus de détails sur nefac.net et dans le premier numéro de Ruptures.

Lutte-de-classiste: se dit des révolutionnaires qui pensent que les luttes de classe sont l’un des principaux --voire LE-- moteur de changement social.

En 1998, l'organisation que tout le monde prenait plaisir à détester (ou admirer), la Fédération Révolutionnaire Anarchiste Love & Rage, a implosé tandis que la plupart des projets qui se définissaient par opposition à elle ou qui se trouvaient simplement dans son ombre ont éprouvé de sérieux problèmes. Au Québec, le mouvement a aussi piqué du nez avec les disparitions de Démanarchie, Food Not Bombs et plusieurs autres groupes et collectifs. Plus d'une décennie de militantisme anarchiste semblait s'évaporer. Pour beaucoup, il était clair à cette époque que le mouvement anarchiste des années 1990 avait échoué et était en train de fermer boutique. En fait, quand le grand mouvement social attendu a finalement fait irruption dans les rues de Seattle en 1999, non seulement tout le monde a été pris par surprise mais il ne restait presque plus personne pour commenter (sinon Chuck0, le webmestre d'Infoshop.org).

Seattle a donné un élan formidable au mouvement anarchiste. D'une scène politico-culturelle très marginale, celui-ci a été catapulté du jour au lendemain au coeur d'un mouvement de masse. C’est à ce moment-là qu’est née la NEFAC.

D’où vient l’idée ?
Les frustrations avec la « scène »

Nos frustrations face au mouvement anarchiste nord-américain étaient nombreuses et profondes. Être libertaires ne nous empêchait pas de trouver que ce mouvement manquait de cohérence politique et de coordination. La plupart du temps, selon nous, les anarchistes tenaient un discours politique plutôt mal dégrossi et on les retrouvait soit isoléEs dans des organisations de masse réformistes ou encore rassembléEs dans des groupes radicaux eux-mêmes isolés. En tout cas, nous trouvions que les anarchistes étaient «déconnectéEs» des oppriméEs, de leurs mouvements, et manquaient de leviers pour changer les choses.

Cette absence de lien avec les oppriméEs signifiait aussi que le destin de l'anarchisme devenait intimement lié à celui de sous-cultures –le mouvement punk et, dans une moindre mesure, les manifestations modernes du « peace and love » des hippies– au point ou l’anarchisme lui-même était en train de devenir un sous-produit de ces sous-cultures, totalement étranger à la vie des classes populaires. Et si la plupart d'entre nous proviennent du milieu punk ou skinhead, nous pensons néanmoins que l'anarchisme va beaucoup plus loin qu'un simple mode de vie ou une éthique « do-it-yourself ». Pour nous, l'idéal anarchiste est d'abord et avant tout une philosophie politique qui doit être ouverte à touTEs pour arriver à se réaliser pleinement (et la perspective de voir un jour tout le monde devenir punk ou skinhead nous apparaît hautement improbable…).

Les discussions pour former une nouvelle organisation anarchiste ont donc commencé peu de temps avant Seattle, dans la période qui a suivi la dissolution de Love and Rage et Démanarchie. À ce moment-là, l'idée n’était partagée que par une petite bande d'anarchistes disséminéEs dans tout le nord-est américain. Que le contact entre deux petits collectifs de Québec et Boston n’ait pu se faire que par le biais d’un article paru dans une revue anarchiste britannique (Organise!) en dit long sur notre niveau d'aliénation et d'isolement à l’époque. Rien d’étonnant si l’on sait que le discours officiel du mouvement anarchiste était alors la propriété exclusive des anti-organisationnalistes de Anarchy!, Fifth Estate et Infoshop.org. Pour ces gens, l'idée de former une organisation anarchiste avait déjà été essayée et n’avait mené qu’au gauchisme; il s’agissait d’un échec programmé, d’un projet dangereux, point à la ligne. Nous avions un autre point de vue sur la question.

CertainEs d'entre nous avaient eu la chance de voyager en Europe et de constater sur place les avantages réels d’une organisation. Plusieurs lisaient avidement la presse anarchiste européenne qui apparaissait beaucoup plus mature que sa contre-partie nord-américaine. Sans com-pter que le mouvement européen demeure, c'est le moins qu'on puisse dire, beaucoup plus gros, arrivant à produire quelques hebdomadaires et de multiples mensuels alors qu’ici nous avons de la difficulté à faire paraître une revue quatre fois par année. Nous désirions reproduire le succès de nos camarades anarchistes d’outre-mer. Nous avons donc commencé à étudier l'histoire et les structures de leurs organisations.

En raison de nos expériences dans le contexte nord-américain, nous avons été attirés par la tradition plateformiste du communisme libertaire. Ce qui n’empêchait pas une très forte sympathie pour l’anarcho-syndicalisme, l’autre tradition lutte-de-classiste large et cohérente de l’anarchisme. Mais le fait que les organisations syndicalistes révolutionnaires n'allaient nulle part et la manière dont le mouvement syndical s’est institutionalisé ici –avec nos lois forçant le monopole de la représentation syndicale (« close shop ») et l'absence d'un syndicalisme minoritaire ou même pluriel– ne nous laissait pas croire qu’il y aurait de l’espace pour construire un tel mouvement en Amérique du nord. De plus, pour des raisons de proximités culturelles, sociales et linguistiques, les arguments en faveur d'une organisation communiste libertaire de deux groupes anglophones, l'Anarchist Federation et le Worker's Solidarity Movement, nous apparaissaient très sensés.

L’arrivée de la NEFAC

La NEFAC a enfin été fondée, après un an de cogitation, lors d'un congrès tenu à Boston en avril 2000.

Si elle adhère aux principes plateformistes que sont l'unité théorique et tactique, la NEFAC a toujours eu des attentes modestes de ce côté. L’idée était simplement de construire une organisation qui rassemblerait des révolutionnaires autour d'une tradition commune et d’un désir d’élaborer une théorie et une pratique collectives. En dehors de cette idée, les membres fondateurs de la NEFAC possédaient peu de chose en commun sinon une volonté de s’enraciner dans la classe ouvrière et ses mouvements sociaux. Nous voulions y tester nos points de vue et, éventuellement, créer un anarchisme à caractère populaire qui redonnerait à notre mouvement l'influence qu'il a eue par le passé au coeur des luttes de classes. Avant tout, nous nous sommes atteléEs à concrétiser notre désir de s’organiser.

On peut identifier une première période de construction des fondations de la NEFAC. Pendant un an, nous avons discuté de nos buts et principes, de notre constitution et de notre orientation stratégique minimale; puis nous les avons testés en pratique.

Les «Buts et principes» furent directement inspirés d'un document, en tout point similaire, publié dans chaque numéro de Organise!, la revue de la Fédération anarchiste britannique. C'était, et ça demeure, une courte déclaration de nos accords politiques de base.

Notre constitution, pour sa part, a été inspirée de documents similaires produits depuis les années 1970 par le mouvement libertaire français, principalement la constitution de l'Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA). Il peut sembler drôle, ou triste selon le point de vue, que notre constitution ait été écrite en prenant pour modèle une organisation qui comportait des douzaines de groupes et des centaines de membres tandis que de notre côté, en comparaison, nous ne pouvions compter que sur deux vrais groupes et une douzaine d'individus isolés. Au fond, il s’agissait plus de notre «vision idéalisée» du fonctionnement d’une organisation révolutionnaire que d’un document pratique reflétant notre développement réel.

Pour ce qui est de notre orientation stratégique minimale, elle s’est résumée à cette phrase désormais sur-utilisée et qui est originalement tirée de nos Buts et principes : « La NEFAC est une organisation de militantEs révolutionnaires de divers mouvements de résistance qui s'identifient à la tradition communiste dans l'anarchisme. L'activité de la fédération est organisée autour du développement théorique, de la propagande anarchiste et de l'intervention dans les luttes de notre classe, que ce soit de façon autonome ou par le biais d'une implication directe dans les mouvements sociaux. »

Pendant cette première période, les interventions de la NEFAC se sont inscrites dans le cadre du mouvement anti-mondialisation et du mouvement anticapitaliste plus ou moins anarchiste. Malgré quelques succès réels, notamment à Washington et Québec, les limites de ce type d'action nous sont rapidement apparues (comme au reste du mouvement anticapitaliste, d'ailleurs). C'est à partir d'une critique de la «course aux sommets» et de notre volonté d'enraciner nos pratiques dans les mouvements sociaux des classes ouvrières et populaires que nous avons décidé d'essayer autre chose. Ainsi, pour concrétiser cet enracinement et contribuer à ce que l’anarchisme retrouve l’influence plus large du passé, nous avons laissé derrière nous un certain activisme (la planification du contingent radical de la prochaine manif…) pour commencer à penser et agir en fonction d’une stratégie à plus long terme.

Vers une stratégie

Cortège libertaire au camp des mal-logéEs.

Deux ou trois ans après avoir défini les grands axes d'intervention de la NEFAC, le temps est venu de clarifier ce que nous voulions dire par «intervention dans les luttes de notre classe». D’abord, notre compréhension de la relation théorique entre l'organisation anarchiste et les mouvements sociaux a été expliquée dans un texte officiel, La question de l'organisation révolutionnaire anarchiste :

«Une perspective radicale ne peut émerger, selon nous, que de mouvements sociaux. C'est pourquoi nous prônons la radicalisation de toutes les luttes (du latin "radix", c'est-à-dire "racine" : radicaliser signifie aller aux racines des problèmes). Par le biais de cette radicalisation et de notre engagement en tant que communistes libertaires dans divers mouvements de résistance, nous voulons contribuer au développement d'une conscience de classe autonome, seul garde-fou contre les récupérations politiques de diverses tendances (incluant une éventuelle récupération par un courant anarchiste). La révolution que nous souhaitons ne sera pas l’oeuvre d'une organisation, même anarchiste, mais d'un large mouvement de classe par lequel les "gens ordinaires" vont prendre directement le plein contrôle sur la totalité de leur vie et de leur environnement.»

Comme nous sommes une toute petite organisation, nous avons également décidé de choisir un certain nombre de priorités spécifiques et de concentrer notre implication à long terme sur celles-ci. Nous avons opté pour intervenir prioritairement sur les fronts du travail, de la communauté, ainsi que de l'immigration et du racisme. Cette décision a représenté un pari puisque rares sont les membres de la NEFAC qui avaient une expérience réelle de l'un ou l'autre de ces fronts de lutte. Néanmoins, nous les avons choisis parce que nous croyons que ce sont ceux où un pouvoir social et une culture de résistance peuvent croître, de même qu’en raison de leur importance stratégique dans une perspective révolutionnaire.

Le front du travail va de soi pour une organisation qui parle toujours de lutte de classes et prétend être enracinée dans la tradition communiste libertaire. Pour nous, le lieu de travail demeure l'endroit où, fondamentalement, se manifeste l'exploitation comme il est l'endroit où devra commencer une transformation radicale de la société. C'est aussi là où les gens ordinaires disposent du plus grand potentiel de pouvoir.

Le front de la communauté était moins évident mais nous pensons que, si le travail est encore central, la communauté a pris une nouvelle importance depuis les années 1960 avec l'émergence des luttes urbaines. En tant que relation sociale, le capitalisme est un phénomène global qui a une incidence partout et, au fur et à mesure que la présente restructuration de l'économie se réalise (avec pour résultat l'atomisation des lieux de travail par la sous-traitance, le «travail autonome», etc.), la communauté a maintenant un potentiel aussi fort que le lieu de travail pour favoriser l'émergence d'une nouvelle conscience de classe. Le communisme libertaire a une longue et belle histoire d'implication dans les luttes communautaires et nous la continuons par notre présence dans des groupes anti-pauvreté, des associations de locataires, des comités de quartier, etc.

Enfin, étant donné les attaques actuelles contre les immigrantEs, l'histoire du racisme et l’impact de celui-ci sur la classe ouvrière de ce continent, nous avons également choisi de concentrer notre énergie sur les problèmes d'immigration et de racisme (qui sont aussi des problèmes ouvriers et communautaires).

La NEFAC avance qu’un programme révolutionnaire doit commencer avec les besoins et les revendications des personnes les plus opprimées et que les militantEs doivent lutter coude à coude avec celles-ci. C’est ce que nous tentons de faire. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, nous avons tenu notre pari et réussi à réorienter l'activité des membres de notre organisation dans ces champs d'action.

Nous pensons qu'une distinction doit être clairement faite entre une organisation politique spécifique et un mouvement social mais nous ne croyons pas que les deux soient totalement étrangers l'un à l'autre. Pour nous, «la pratique organisationnelle anarchiste est l'un des moments des luttes sociales, c'est une assemblée de militantEs sur la même longueur d'onde, un lieu de confrontation et de synthétisation d'idées et d'expériences sociales et politiques» (autre extrait de La question de l'organisation révolutionnaire anarchiste). Nous ne nous voyons donc pas comme des gens qui « colonisent » les mouvements sociaux mais plutôt comme des militantEs comme les autres, à la recherche de la meilleure stratégie pour que ces mouvements gagnent. C'est dans cet esprit que nous abordons notre travail en tant qu’organisation politique et c'est pourquoi nous disons que nous ne recherchons pas de positions de leadership formel pour nous-mêmes mais plutôt un leadership idéologique, ce qui signifie essentiellement que nous voulons débattre démocratiquement à l'intérieur des mouvements pour faire avancer nos points de vue (lesquels peuvent changer si nous perdons la bataille des idées et si la pratique prouve que nous avons tort).

À contre-courant

Être pratiquement à contre-courant de l’ensemble du mouvement anarchiste ne va pas sans mal. Nous avons avant tout recruté dans ce bassin et, sur une période d’à peu près trois ans, du moins aux Etats-Unis, notre membership aura progressé de façon constante. Par contre, cette source de recrutement s'est tarie –on en fait vite le tour– et une organisation qui se tourne désormais vers les mouvements syndicaux, communautaires ou issus de l'immigration n'offre plus tellement d'attraits pour de jeunes militantEs en voie de radicalisation (profil de beaucoup d’anarchistes). Ainsi, malgré une croissance récente au Québec et en Ontario (toujours essentiellement due au milieu anarchiste), notre membership global stagne depuis deux ans.

À partir du moment où nous avons adopté notre nouvelle «ligne» d'intervention, nous avons tenté beaucoup de choses et accumulé une bonne dose d'expérience. Globalement, nous avons appris à soutenir et quelques fois à initier des luttes sociales sans tomber dans les pièges opportunistes d’une certaine gauche politique. Bien sûr, nous avons commis des erreurs et quelques-unes de nos interventions sont encore «déconnectées» ou trop franchement propagandistes mais, règle générale, nous sommes aujourd'hui les bienvenus là où nous nous impliquons et nos contributions sont appréciées. Mieux encore, certainEs de nos camarades ont appris le b.a.ba du syndicalisme en fondant des syndicats sur leurs lieux de travail et en initiant des luttes «originales et exemplaires» (au sens où elles dépassent les méthodes habituelles du syndicalisme institutionnel).

Par contre, si nous avons gagné un certain respect, nous n'avons pas encore réussi à intéresser à l’anarchisme les gens que nous rejoignons. Le lien n'est pas toujours clair entre nos orientations combatives, nos analyses et cet anarchisme. Même que nous avons malheureusement tendance à fonctionner en vase clos, sans réussir à impliquer réellement les gens proches de nous. Notre jeunesse et notre manque d'expérience, tant individuelle que collective, expliquent peut-être que nous ayons été un peu repliés sur nous-mêmes. Sauf que ça ne peut pas durer à moins de chercher à tourner en rond.

Pour progresser, il faudra une seconde mutation volontaire de la NEFAC, semblable à celle entreprise lorsque nous avons convenu de priorités organisationnelles spécifiques. À cette époque, malgré nos dénégations, notre orientation stratégique était essentiellent dirigée vers le mouvement anarchiste. Il s'agissait pour nous de convaincre nos pairs de la nécessité de s'organiser et de créer un pôle communiste libertaire légitime dans notre mouvement, ce que nous avons fait avec un certain succès (comme l'illustre le nombre de nouveaux groupes qui se disent communistes libertaires ou anarcho-communistes en comparaison d’il y a cinq ans). Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une étrange position : sans dépendre complètement du reste du mouvement anarchiste, nous n'avons pas non plus assumé pleinement notre nouveau «public cible». Plus bêtement, nous sommes assis entre deux chaises.

On s’en va où ? Sortir du nid douillet

Ashanti Alston, un ancien Black Panther, lors d'une conférence organisée conjointement par la NEFAC et le Collectif Reclus-Malatesta à Joliette.

L'anarchisme nord-américain est d’une ampleur si insignifiante qu'il ne sert pas à grand chose d'y constituer un pôle communiste libertaire. À l'avenir, il faudrait plutôt réfléchir dans l’optique de créer un pôle anarchiste au sein des mouvements sociaux, un véritable front libertaire au cœur des luttes de classes. Ce qui implique de réinventer nos pratiques et nos interventions propagandistes. Actuellement, nous achevons une première phase d'accumulation d'expériences. Sans changer nos priorités d’intervention, il faudrait maintenant passer aussi à une accumulation de forces.

Un premier pas dans cette direction pourrait être de rejoindre touTEs ces militantEs qui, au fil des ans, ont rompu les liens avec le soi-disant mouvement anarchiste au profit d'une implication plus profonde dans les mouvements sociaux. S’amalgamer avec ces vétérantEs pourrait être une première étape pour amener l'anarchisme social à devenir un pôle légitime de ces mouvements (sans qu’on puisse y voir un quelconque noyautage) et générer de nouvelles adhésions militantes à l'anarchisme. C'est-à-dire que le nombre de militantEs des mouvements sociaux se réclamant de l'anarchisme, et accessoirement de notre organisation, doit augmenter pour en venir à avoir un poids réel sur la société. Pour ce faire, il faut que l'anarchisme –et notre organisation– ait quelque chose à offrir à ces gens. Ce quelque chose pourrait être un cadre d'analyse ainsi que des méthodes d'action et d'organisation. Ce qui signifie pour nous, entre autres, un changement déjà commencé dans notre appareil propagandiste. Par exemple, l’apparition de journaux de la NEFAC essentiellement composés de nouvelles et d'analyses socio-politiques représente un pas dans cette direction.

Populariser l'anarchisme dans les mouvements sociaux implique aussi de rendre cet anarchisme accessible au commun des mortels, donc de renforcer sa présence politique dans nos villes. Notre courant propre, le communisme libertaire, ne peut pas non plus se permettre de demeurer confidentiel (et nous ne devons pas compter sur le reste du mileu anarchiste pour le présenter adéquatement à la population). Malheureusement, notre implication plus profonde dans les mouvements sociaux s'étant traduite par des changements de priorités, nous avons été moins visibles sur la place publique que par le passé. Il y a un travail de propagande générique qui se fait trop peu. Ce défaut devrait disparaître au fur et à mesure que nous allons prendre de l'expérience et, espérons-le, de l’expansion.

Après tout, comment voulons-nous que les gens qui se radicalisent deviennent anarchistes si nous ne sommes pas présents politiquement en tant qu’anarchistes? Propager une ligne combative, sans perspectives stratégiques et sans expliquer notre projet de société, n’est pas suffisant (et c’est pourtant ce que fait trop souvent la NEFAC). Tôt ou tard, les gens se posent des questions d'ordre stratégique et politique. Si nous ne sommes pas capables d'offrir un minimum de réponses, ils iront voir ailleurs (chez les communistes autoritaires ou les réformistes dont les programmes ont le mérite d'être clairs).

Une autre voie de développement que nous explorons depuis peu devrait être approfondie. Pour consolider l'anarchisme dans notre classe, nous allons maintenant là où il n'est pratiquement jamais allé : dans les petites villes de notre région. Cette nouvelle orientation propagandiste permet de faire connaître l’anarchisme là où il est faible ou inexistant. Pourrions-nous en faire plus de ce côté ?

À ses débuts, la NEFAC réclamait de ses membres un investissement considérable de temps et d'énergie car nous étions encore moins nombreux et tout était à construire. Maintenant, nous en sommes rendus à une étape où nous pouvons probablement dégager ce qu’il faut pour aider à la création et soutenir de nouveaux collectifs dans différentes régions, notamment en fournissant pas mal de propagande à peu de frais. Sauf que pour y arriver, il faudra faire les premiers pas.

La relation «normale» entre les anarchistes des grandes villes et ceux et celles des plus petites demeure trop souvent une voie à sens unique : ils et elles viennent dans les grands centres urbains pour les salons du livre, les manifs, les librairies locales, les conférences, les rassemblements, etc. mais, en retour, ne reçoivent pratiquement jamais de visite, même lorsqu’ils organisent des événements. Ce constat doit changer et les relations doivent devenir réciproques.

Des groupes de la NEFAC du Québec et du centre de l’Atlantique ont déjà commencé à attaquer ce problème : ils essaient de visiter aussi souvent que possible les camarades plus éloignés et organisent des tournées qui s’arrêtent dans les petites villes. Ces groupes espèrent ainsi contribuer à des relations plus égalitaires.

La NEFAC suscite déjà quelques adhésions en dehors des plus gros centres urbains de notre région. Que ce soit à Québec (ben oui, c'est plutôt petit), Ottawa, Petersborough, York, Worshester ou, plus récemment, Saint-Georges et Sherbrooke, notre fédération commence à s'implanter en dehors des «grandes villes». Mais ces débuts demeurent chambranlants et quand nous n’arrivons pas à effectuer les suivis avec nos contacts et à réaliser des choses avec eux, les groupes tombent et les gens quittent sur la pointe des pieds (deux cas récents à Ottawa et Worshester). Il faudrait donc épauler plus concrètement les camarades. Malheureusement, en dehors des participations communes aux grandes mobilisations et des contributions à nos publications, une grande lacune de la NEFAC reste son incapacité à générer des campagnes d'agitation et d’autres projets communs.

L'expérience a montré que nos structures régionales, où les camarades sont capables de se rencontrer plus souvent et de bâtir ensemble des campagnes et des projets autour d’enjeux locaux, sont très utiles pour mettre de la vie dans l'organisation et faire grandir la confiance et la solidarité. Les camarades du Québec et du centre de l’Atlantique ont déjà des unions régionales se rencontrant régulièrement et nous espérons qu'à force d’avancer, nous arriverons à mettre sur pied des structures similaires en Ontario et en Nouvelle-Angleterre. Ce serait probablement l’idéal pour permettre aux gens en dehors de nos grandes villes de s'impliquer dans la NEFAC et le mouvement anarchiste.

Un bilan en date.
Révélation choc !
La NEFAC n’est qu'un réseau...

La NEFAC est ambiguë au niveau organisationnel. Au début, comme nous partions de rien et n’avions pas l’expérience de ce genre d’entreprise, nous avons eu tendance à avoir une approche plutôt mécanique de l’organisation. Notre compréhension de celle-ci était vraiment plus théorique que pratique comme le montre l’adoption d'une constitution modelée sur un document français conçu pour des centaines de membres plutôt que d'en produire une nous-mêmes.

Il reste que malgré nos prétentions plateformistes et notre belle constitution, nous sommes bien plus un réseau qu'une fédération ou une organisation comme pouvait l'être Love & Rage avec ses sections locales et tout le reste. Cela a pour avantage que nos groupes de bases (i.e. les collectifs) demeurent réellement autonomes et sont –ou en tout cas peuvent être– en contact constant avec tous les autres roupes, sans devoir passer par un filtre central. Là-dessus, la naissance de la NEFAC à l'ère d'Internet plutôt qu'à celle de la poste y est sans doute pour quelque chose. Mais reconnaissons du moins que nous avons réussi le tour de force de créer une organisation à la fois très décentralisée et très unitaire.

Toutefois, il y a vraiment des incongruités. Par exemple, nous avons été incapables de créer des structures centrales comportant des postes élus et contrôlées par l'ensemble des membres. Et comme il n'existe aucune structure de ce type, toutes les tâches, même les tâches politiques comme l'édition de nos publications, sont données en mandat à des groupes locaux autonomes. La plupart du temps, cette situation n’apporte pas de problèmes importants. Mais il y a tout de même deux types de complications : d'une part, il est à toute fin pratique impossible pour la fédération de déceler un problème avant qu'une crise n'éclate et, d'autre part, les gens qui ont des mandats ont tendance à percevoir les projets dont ils ont la charge comme leurs bébés alors que le reste de l'organisation se sent mis de côté (ce fut plus ou moins le cas pour tous nos projets de propagande : site web, Northeastern Anarchist, Ruptures, Barricada, Strike! et Cause Commune). L'un de nos prochains défis sera d'augmenter la transparence et la participation de touTEs, tout en conservant notre efficacité.

Il faut aussi reconnaître que la NEFAC va bien seulement lorsque les membres –et les collectifs– vont bien. Périodiquement, nous éprouvons des problèmes de responsabilité collective à tous les niveaux. Comme nous n’avons personne en charge de coordonner l'ensemble de la fédération, il est difficile de voir au bon déroulement des mandats (même si ce point s’améliore). S’ajoute à cela une allergie collective aux questions d'argent. Évidemment, nous avons une trésorerie et nous sommes touTEs senséEs payer des cotisations (un tabou qui a été surmonté) mais le bon fonctionnement de l'organisation, pour cet aspect comme pour beaucoup d’autres, dépend de la bonne volonté et de l'auto-discipline de tout le monde. Si la bonne volonté est presque toujours au rendez-vous, l'auto-discipline manque parfois à l'appel... Nous ne sommes pas les seuls à éprouver ce genre de problème mais, à la
longue, ça peut devenir ridicule.

Encore une fois, l'existence même de la NEFAC est un acquis organisationnel. Le mode réseau, même s'il détonne avec ce que peut sous-entendre notre discours, n'est pas nécessairement négatif. En tout cas, force est de constater que ça marche. Avec le temps, nous avons fait évoluer nos pratiques et développé nos outils organisationnels. De toute façon, la NEFAC étant une association volontaire, son fonctionnement dépend avant tout du simple engagement de ses membres. Mais il y tout de même quelques petits trucs que nous pourrions corriger.

L’un d’eux est d’abord une question d'attitude. Souvent, les gens parlent beaucoup (ou plutôt «tchattent») et adoptent un discours assez dur mais, concrètement, font peu de choses au quotidien. Ainsi, le travail se réalise dans l’urgence, par «à coup», à l'image de la culture activiste. Il serait profitable d'instaurer une routine organisationnelle permettant d'intégrer nos tâches politiques à notre quotidien. Entendons par là de systématiser certaines de ces tâches comme la collecte des cotisations, le paiement des revues et journaux, la distribution de nos publications, l'organisation de réunions et d'événements, l'animation d'un réseau de sympathisantEs, les prises de contact avec d’autres groupes, etc. Bref, si on arrivait à se prendre un peu plus au sérieux, ça ne ferait pas de tort...

Par ailleurs, au niveau de l'unité théorique et tactique, disons d’abord que les acquis sont nombreux. L'existence de la NEFAC et la vision de l'organisation révolutionnaire qu’elle véhicule en font partie. Notre orientation stratégique sur trois fronts de lutte aussi. Et lorsque nous aurons finalement adopté notre position politique sur le travail, une étape supplémentaire aura été franchie dans ce sens.

Néanmoins, il faut noter qu’une ambiguïté reste à clarifier : est-ce que les interventions sur les différents fronts de lutte doivent passer par la création de nouvelles organisations de masse radicales qui contamineraient «de l'extérieur» les mouvements sociaux ou bien par l'implication directe au sein d’organisations de masse déjà existantes dans le but de les radicaliser ? Jusqu’ici nos expériences ne permettent pas de conclure sur cette question, ni même d’affirmer qu'une stratégie exclut l'autre. Mais il faut reconnaître qu'il y a une ambiguïté.

Ceci dit, pour conclure, soulignons que nous n'avons pas peur de l’ambiguïté. Nous sommes des anarchistes et non des marxistes-léninistes; nous n'avons pas de dirigeants, pas de modèles théoriques établis et pas de «ligne juste» vers lesquels nous tourner. De plus, notre organisation est une organisation humaine : chemin faisant, nous apprenons. Plusieurs avancent actuellement sur le même chemin que nous et les questions avec lesquelles nous nous débattons sont les mêmes qui se posent à des anarchistes de partout dans le monde. Qu'il se nomme espefista ou plateformiste, notre courant prend corps un peu partout. La NEFAC n'a pas toutes les réponses, pas plus qu'elle ne dispose de la stratégie parfaite. Mais nous demeurons toujours en développement et en apprentissage.

Personne ne sait exactement comment une minorité politique peut devenir une force radicalisante dans les luttes ouvrières et populaires tout en développant la démocratie et la redevabilité; comment atteindre des victoires à court terme sans perdre de vue un cadre révolutionnaire; comment construire des organisations et des mouvements réellement internationaux et multilingues; comment élaborer des stratégies pour favoriser l’émergence d’une culture de résistance et d’un pouvoir populaire, etc. Personne ne sait tout ça mais tout le monde a son idée… Qui veut partager son bout ?

Nicolas Phébus
Collectif anarchiste La Nuit

(Publié pour la première fois dans le numéro 5 de Ruptures, mai 2005)