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Appel à textes pour le numéro 6 de Sciences du jeu

L’art en jeu ou le jeu de l’art

Numéro thématique sous la coordination de Benoît Melançon (Centre NAD/UQAC) et Bernard Perron (Université de Montréal)

Appel à textes

Bien qu’il s’agisse de l’une des plus anciennes activités humaines, c’est seulement depuis qu’il est « vidéo » que le jeu prétend au statut de dixième art, suscitant ainsi une controverse qui s’étend jusque dans les rangs des concepteurs de jeux eux-mêmes. Face à cette traditionnelle difficulté de définir sans ambigüité ce qui constitue un jeu ou une œuvre d’art, il apparaît plus constructif d’aborder la question sous plusieurs angles et d’examiner les pistes qui, en décrivant les ressemblances et les interrelations entre le jeu et l’art, permettent de mieux saisir les caractéristiques intrinsèques de chacun.

L’art en jeu (vidéo)…

Haute définition, cadence accélérée, simulations et trompe-l’œil en temps réel : les performances des technologies vidéoludiques actuelles confèrent aux créateurs de jeux vidéo une grande liberté dans l’élaboration de leur vision artistique. Au moment où la quête du photoréalisme dans les images de jeux vidéo est pratiquement complétée (alors qu’ironiquement ce sont les référents photographiques eux-mêmes qui deviennent peu à peu caducs), on assiste à un nouvel élan dans la stylisation de jeux qui s’inspirent abondamment d’autres médiums : entre l’hypnotique Journey (Thatgamecompany, 2012) comme paradigme d’art disneyens, le modélisme inspirés des arts plastiques de LittleBigPlanet (Media Molecule, 2008) et les jeux de la série SimCity (Maxis, 1989) qui relèvent aussi de l’architecture urbaine, les exemples ne manquent pas. Au-delà du plaisir qu’elles procurent au joueur, ces images stylisées et toujours plus sophistiquées invitent à l’enquête historique, à un retour vers ces interfaces d’autrefois qui prétendent désormais à une pérennité non plus basée sur des mécaniques de jeu considérées aujourd’hui comme simplistes, mais sur le caractère souvent iconique des visuels des premiers jeux vidéo. À l’extrême, ces icônes débordent du cadre quintessentiel des produits dérivés pour prétendre ni plus ni moins au statut d’œuvre, devant les regards (médusés ou approbateurs ?) des visiteurs de musée, s’attardant sur les quelques nuages blancs qui traversent lentement le ciel bleu de l’univers d’un plombier nommé Mario.

Les performances technologiques ont évolué, l’accessibilité à ces mêmes technologies aussi : faire un jeu n’est plus l’apanage des grands studios commerciaux, alors que des créateurs à petits moyens viennent maintenant réclamer leur coin du bac à sable. Phénomène autrefois marginal désignant certains jeux vidéo atypiques, les Art Games – tels que Moondust (Creative Software, 1983), Deus ex Machina (Automata UK, 1984), The Intruder (Natalie Bookchin, 1999), The Endless Forest (Tale of Tales, 2006) ou The Marriage (Rod Humble, 2007) – représentent maintenant une composante incontournable du paysage vidéoludique. Goût de l’expérimentation et de l’innovation, volonté de se démarquer de ses confrères ou simplement plaisir de créer un jeu qui se veut personnel, les différentes motivations des nouveaux artistes et concepteurs de jeux vidéo, particulièrement dans le domaine des jeux dits « indépendants », ont contribué à cette convergence entre artistique et vidéoludique. Avec la disponibilité grandissante d’outils de programmation permettant de modifier un jeu existant et l’institution de la culture participative, les joueurs eux-mêmes deviennent des créateurs, voire des artistes, proposant à leur communauté leur propre vision de ce que signifie « jouer ». Il faut plus que jamais se poser la question soulevée par Darby McDevitt : « Are Game(r)s Art(ists) ? » (2013).

....ou le jeu de l’art

À la modification des jeux, certains préfèrent le détournement pur et simple de technologies vidéoludiques à des fins artistiques, alors que les Gameboys de Nintendo deviennent des instruments de musique (le phénomène du Chiptune), ou que des jeux comme la série des Grand Theft Auto se métamorphosent en plateau de tournage virtuel servant à produire des courts (ou longs) métrages relevant de la nouvelle discipline artistique qu’est le Machinima (voir Lowood et Nitsche, 2011). De passe-temps considéré par certains comme infantile, le jeu vidéo se transforme alors en outil, révélant un potentiel créatif renvoyant à des formes d’art plus anciennes et considérées comme légitime.

Il serait toutefois réducteur de limiter la réflexion proposée par ces détournements à une flexibilité technologique, alors que les actes créatifs qui s’y rattachent s’apparentent par le fait même à des pratiques relevant du jeu. En participant autant à la réflexion de l’artiste dans la création de l’œuvre qu’à la participation du spectateur dans l’appréciation de celle-ci, la relation entre art et jeu ne se résume plus aux opportunités offertes par le numérique, mais propose désormais un regard, des stratégies, des comportements, voire un élargissement de l’attitude ludique postulée par Bernard Suits (1978) à des sphères autres que celle du jeu. Antérieure à la révolution numérique, cette problématique est illustrée entre autres par le parcours de Niki de Saint Phalle au sein des Nouveaux Réalistes, et de sa démarche artistique qui propose le jeu non seulement comme matériau, mais également comme processus qui invite les spectateurs de ses œuvres à prendre part à leur élaboration; c’est ainsi qu’à la manière d’un stand de tir propre aux fêtes foraines de l’époque, des coups de feu tirés par les « joueurs » font éclater des ballons de peinture sur des reliefs plâtrés, parachevant ainsi l’œuvre amorcée. Comme Dulac et Gaudreault l’ont montré (2006), le pré-cinéma se présente sous la forme de jouets optiques que le spectateur doit manipuler. La mise en intrigue a une dimension ludique que les « puzzle films » du cinéma contemporain (voir Buckland, 2009) et les romans policiers souvent étudiés sous l’option du jeu (Suits, 1985) mettent en avant-plan. Certaines pratiques littéraires reposent, selon Genette, sur une fonction ludique qui ne vise qu’«une sorte de pur amusement ou exercice distractif, sans intention agressive et moqueuse» (1982 : 43). Dans la foulée de l’Ouvroir de littérature potentielle mieux connu sous l’acronyme Oulipo (voir entre autres Bénabou et Fournel, 2009), plusieurs autres ouvroirs (bande dessinée, musique, cinéma, photographie, etc.) ont souhaité se mettre « sous contrainte » et suivre des règles pour créer. Jeu et création, Huizinga l’a montré ([1938] 1951), vont bien de pair.

Confrontées aux nombreux emprunts, aux ingénieux détournements ou à d’étranges hybrides, les invitations de se joindre au jeu sont toujours plus nombreuses. C’est précisément ce que ce numéro souhaite examiner.

Nous proposons quelques pistes sans exclure d’autres directions possibles que souhaiteraient emprunter les auteurs :

  • Doit-on parler de colonisation de l’art par le jeu, ou vice-versa ? Et si oui, quelles en sont les frontières ?

  • Faut-il toujours défendre la position du jeu vidéo comme une nouvelle forme d’art ? Si oui, comment ? Et si non, pourquoi?

  • La «gamification» évacue-t-elle toute la question de l’art du jeu ?

  • Comment analyser et définir les différents types d’Art Games ?

  • Quelles perspectives ludiques d’analyse offrent les nouveaux « puzzle films » ?

  • Peut-on appliquer au jeu les notions relevant de la politique des auteurs ? Un jeu s’invente-t-il au même titre qu’un film, et si oui qui en est ledit auteur ?

  • L’histoire des jeux peut-elle s’écrire comme celles des autres arts ? De quoi se compose-t-elle ? Comment y associer l’expérience ponctuelle du joueur ?

  • À quel jeu jouent les romanciers, les réalisateurs, les artistes en général ?

Organisation scientifique

La réponse à cet appel se fait en deux temps.

Dans un premier temps, les auteurs désirant répondre à cet appel peuvent envoyer aux responsables du dossier une proposition n’excédant pas 5000 signes le 1er septembre 2015 au plus tard. Les responsables du dossier leur répondront quant à l’adéquation de celle-ci au projet.

Dans un deuxième temps, qu’ils/elles aient ou non soumis une proposition préalable, les auteurs envoient leur article ainsi que les éléments demandés en fichier joint (le nom du fichier est le nom de l’auteur) au format rtf. ou doc. Ce fichier est composé des éléments suivants :

  1. Le titre de l’article et le nom du (des) auteur(s) avec leur rattachement institutionnel et contact courriel.

  2. Un résumé de 1000 signes, espaces compris, en français et en anglais.

  3. Une liste de mots-clefs (5 à 8) en français et en anglais.

  4. L’article, d’une longueur de 25 000 à 50 000 signes, espaces compris, devra respecter les indications aux auteurs que l’on trouve sur le site de la revue (www.sciencesdujeu.org)

  5. Une autre version de l’article, entièrement anonyme (références, nom de l’auteur, etc.), devra également être jointe pour évaluation

  6. Une courte biographie du (des) auteur(s).

Ces documents sont envoyés par courrier électronique à B. Melançon (BMelancon@nad.ca) et B. Perron (bernard.perron@umontreal.ca), pour le 1er février 2016 au plus tard.

Calendrier

  • 1er septembre 2015 : date limite pour soumettre une proposition

  • 1er octobre 2015 : date limite retour sur les résumés et le choix des propositions

  • 1er février 2016 : date limite de réception des articles

  • 1er juin 2016 : date limite avis aux auteurs des propositions après expertise en double aveugle

  • 1er septembre 2016 : date limite de remise des articles définitifs

  • 1er octobre 2016: sortie du numéro

Bibliographie

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BENABOU M. et FOURNEL P. (dir.) (2009), Anthologie de l’OuLiPo, Paris, Gallimard, Collection Poésie.

BUCKLAND W. (dir.) (2009), Puzzle Films: Complex Storytelling in Contemporary Cinema, Oxford, Wiley-Blackwell.

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DULAC N. et GAUDREAULT A. (2006), «La circularité et la répétitivité au cœur de l’attraction : les jouets optiques et l’émergence d’une nouvelle série culturelle», 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, no 50, en ligne http://1895.revues.org/1282
DOI : 10.4000/1895.1282

GENETTE G. (1982), Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil.

HUIZINGA J. (1951), Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, collection Tel.

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LOWOOD H. et NITSCHE M. (dir.) (2010), The Machinima Reader, Cambridge, MA, MIT Press.
DOI : 10.7551/mitpress/9780262015332.001.0001

MC DEVITT D. (2013), «Are Game(r)s Art(ists)?», Gamasutra.com, 12 Mars, en ligne : http://www.gamasutra.com/view/feature/188265/are_gamers_artists.php

SUITS B. (1985), «The Detective Story : A Case Study of Games in Literature», Revue canadienne de littérature comparée, No 12, juin, pp. 200-219.

SUITS B. (1978), The Grasshopper: Games, Life and Utopia, Toronto, University of Toronto Press.

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