13 septembre 2015

La victoire étonnante de Jeremy Corbyn : et maintenant ?

Le résultat des primaires du parti travailliste pour désigner son nouveau leader est une victoire décisive pour Jeremy Corbyn, de loin le candidat le plus à gauche des quatre en lice. Il était un outsider à 200:1 chez les bookmakers, il est élu avec plus de 59% des voix au 1er tour, écrasant sur son passage l’ancien favori, le plus ‘modéré’ Andy Burnham, qui n’a totalisé que 19%. La plus grande réussite de Margaret Thatcher a été, disait-elle, de … changer le parti travailliste (dans le sens de Tony Blair). Elle doit se retourner en enfer.



Letter to a Jeremy Corbyn supporter (SWP)

Déclaration du Socialist Workers Party (en anglais)

De moi:

Qui est Jeremy Corbyn ?

A 66 ans, ‘JC’ est un élu de Londres depuis 41 ans, d'abord comme conseiller municipal, puis député d'Islington depuis 1983 (il avait donc 25 ans à l'époque). Plébiscité dans sa circonscription, où il a été réélu en mai 2015 avec 20 000 voix d'avance, il n’était connu nationalement que dans les milieux militants. 
Membre du Socialist Campaign Group, composé d’une petite dizaine de députés opposés à la ligne majoritaire du parti, il n’a jamais été ministre ni fait partie du ‘cabinet fantôme’. Pour la direction, c’est l’éternel indiscipliné. Entre 2005 et 2010, sous un gouvernement travailliste, il défie la discipline du vote pas moins de 238 fois ! En réalité il est simplement fidèle à ses principes.
Il n’est pas marxiste, mais pense que « Marx a dit des choses intéressantes ». Ses modèles sont Salvador Allende et Nye Bevan - le ministre travailliste fougueux qui en 1948 a créé le service national de la santé, dont Corbyn, en accord avec la majorité des Britanniques, est un défenseur acharné. Il est républicain, sans penser qu’il faut agiter pour l’abolition de la monarchie. A priori pro-européen, il souhaite la réforme de l’UE et n'a pas exclu de faire campagne pour le Non si Cameron réussit dans son ambition de négocier une libéralisation du marché du travail.
Corbyn le militant pro-palestinien



Jeremy Corbyn soutient la grève des employés de la National Gallery à Londres
John McDonnell, le possible futur ministre de l'économie dans un gouvernement Corbyn. Il est considéré par la classe dirigeante comme encore plus dangereux que son collègue et ami.

Impossible d’énumérer tous ses domaines d’activité. Mentionnons simplement la coalition Stop the War (dont il est président), qui a organisé manifestation monstre contre la guerre en Irak en 2003, la solidarité avec la Palestine et l’Amérique du Sud, l’Assemblée populaire contre l’austérité, l’antifascisme, l’unification de l’Irlande, des campagnes contre des erreurs judiciaires et les violences policières. En 1998 il est le seul député travailliste à voter pour un amendement interdisant la discrimination contre les homosexuel(le)s.
Corbyn, c'est en quelque sorte l'anti-Montebourg et l'anti-Mélenchon. Calme et posé, il impressionne par son sérieux, son amabilité, sa capacité à répondre sur le fond et à ne jamais réagir aux stupidités des journalistes, par sa cohérence. Il ne connaît pas l’ambition personnelle.
Décrié dans la presse comme "un gauchiste stéréotypé du Nord de Londres" (on dirait sans doute en France un bobo de gauche) parce qu'il est végétarien, ne boit pas d'alcool, se déplace à vélo et cultive son propre jardin (d'autres députés ont sans doute des jardiniers qu'ils paient sur les fonds publics), Corbyn est avant tout un militant.
Un détail en dit long sur le personnage: au cours du dernier parlement il était le député (sur 650) qui a réclamé le moins de remboursement de frais (il s'est expliqué modestement en disant qu'il avait "oublié" d'en faire la demande). Alors que d'autres se faisaient rembourser leurs piscines, et même dans un cas la restauration des douves de son château.

Un excellent article de Tariq Ali (en anglais)

Un article de Pierre Khalfa sur le site d'Ensemble! et mon commentaire:

Pierre Khalfa écrit: "Quelles seront les conséquences de la victoire de Corbyn sur la social-démocratie européenne ? Il est probable que le premier réflexe de l’oligarchie européenne et de l’establishment social-démocrate sera de tout faire, avec la droite, pour que Corbyn échoue. Va donc se rejouer, dans une configuration différente, un scénario similaire à celui auquel Alexis Tsipras a été confronté. La question est de savoir si la victoire de Corbyn sera suivie dans la social-démocratie d’une contestation des orientations antérieures." 

Il a bien sûr raison. Mais l'enjeu ne se limite pas à ce qui va se passer "dans" la social-démocratie. En juin 2015, des manifestations de masse ont eu lieu contre les politiques d'austérité de Cameron, sous la bannière de la People's Assembly et avec le soutien de nombreux syndicats et sections syndicales. Corbyn y a évidemment participé. En octobre, une nouvelle manifestation aura lieu à Manchester, à l'occasion du congrès du parti conservateur, cette fois-ci appelé par le Trades Union Congress, la centrale syndicale unique. Simple député, Corbyn n'a jamais hésité à soutenir les luttes, au parlement mais aussi dans la rue. Contre les "morts-vivants" (la phrase est de Tariq Ali) de l'establishment travailliste, la meilleur façon de lutter est en renforçant cette opposition. 

Déclaration de Left Unity

Après l’élection de Jeremy Corbyn

Fondée en novembre 2013 à la suite de l’appel lancé par Ken Loach en faveur de la création d’un nouveau parti, Left Unity défend la perspective d’un parti large de la gauche radicale.
Dans la déclaration suivante, Left Unity analyse à chaud l’élection de Jeremy Corbyn et dégage quelques indications sur la manière dont la gauche radicale doit concevoir ses rapports avec le mouvement qui s’est créé au cours de cette campagne pour la direction du Parti travailliste.

Jeremy Corbyn est donc le nouveau leader du Parti travailliste. Qui aurait pu s’imaginer écrire une telle phrase, il y a simplement quelques semaines ? Sa victoire a brisé le consensus en faveur de l’austérité qui a dominé la politique britannique ces cinq dernières années.

C’est une victoire pour le mouvement pris dans sa globalité. C’est une victoire pour tous ceux qui ont combattu les coupes budgétaires dans la protection sociale, pour tous ceux qui ont mené campagne contre la guerre et le racisme, pour tous ceux qui luttent pour défendre le système public de Santé (NHS) et c’est un point d’entrée pour d’autres questions.

L’élection de Jeremy va avoir l’effet d’une rupture de digue dans la vie politique britannique.  Elle va faire glisser son centre de gravité vers la gauche.

Derrière la progression spectaculaire de la campagne Corbyn, il y a deux courants qui se recoupent. D’abord, il y a eu le ressentiment longtemps refoulé contre l’aile blairiste du parti, un ressentiment qui a pu se déployer grâce aux nouvelles règles de désignation du leader du Parti.

Malgré le flot ininterrompu de barons du parti annonçant l’apocalypse qui ne manquerait de s’abattre sur le Parti travailliste en cas de victoire de Corbyn, la campagne de Jeremy a été la seule à mobiliser les militants  travaillistes. Les blairistes n’ont suscité qu’indifférence et Jeremy a gagné, bien que des milliers de ses partisans aient été écartés du scrutin. On aimerait toujours bien savoir pourquoi le dirigeant syndical Marc Serwotka et bien d’autres n’ont pas pu voter…

Ensuite, la campagne de Jeremy a su s’adresser aux mêmes forces nouvelles qui sont représentées par de nouveaux partis et de nouveaux mouvements à travers toute l’Europe, de la Grèce à l’Espagne, et au-delà : les gens qui ne veulent plus subir la brutalité économique et la malhonnêteté politique des élites dirigeantes. En Grande-Bretagne, ces développements politiques ont trouvé une expression partielle dans la montée des Verts avant les dernières élections législatives et à travers les événements spectaculaires qui ont accompagné la campagne du référendum en Ecosse, où le SNP a éclipsé le Parti travailliste quant les gens se sont mis à chercher une alternative aux politiques d’austérité. La campagne de Jeremy est une nouvelle expression de ce mouvement.

Cette campagne a drainé des dizaines de milliers de personnes qui sont venues assister à des meetings politiques à travers tout le pays. Elle a élevé l’espoir politique à un niveau impossible à imaginer auparavant.

La victoire de Jeremy annonce une nouvelle période pour le combat politique et ouvre de nouvelles possibilités politiques. Un mouvement de masse est né, rassemblant tous ceux qui partagent son orientation politique, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du Parti travailliste. Alors que les événements se déroulent, nous devons travailler ensemble pour permettre que ces possibilités se réalisent.

Cela ne fait aucun doute : Jeremy va être la cible d’attaques constantes. Ces attaques ne viendront pas seulement de quelques députés travaillistes mais aussi de la plupart des médias et, ce qui est plus important encore, de l’élite dirigeante britannique. La pression sera forte pour démanteler les politiques qui remettent en question le pouvoir de cette élite. A l’inverse, un soutien de masse, impliquant la société, à ces politiques aiderait Jeremy à résister et à rejeter cette pression.

Pour tous ceux d’entre nous qui soutenons les solutions politiques défendues par Jeremy, la question centrale est de savoir comment défendre cette nouvelle direction et comment soutenir, aider à maintenir et à développer le mouvement qui a donné naissance à cette nouvelle orientation politique.

Pour nous, à Left Unity, ce sera notre priorité politique. Ancrés à gauche dans la vie politique britannique, nous avons vocation à combattre aux côtés de Jeremy et de ses partisans, qu’ils soient membres ou non du Parti travailliste, afin de promouvoir les solutions politiques que nous partageons tous. Ces solutions comprennent notamment la renationalisation d’activités essentielles comme les chemins de fer et les services publics, la défense de notre service de santé, l’arrêt des coupes budgétaires punitives dans la protection sociale, l’arrêt du programme de remplacement des Tridents et bien d’autres choses.

Tous ces objectifs sont maintenant réalisables.

Ce qui ne signifie pas qu’il faille attendre les prochaines élections législatives de 2020. Par exemple, le gouvernement a déjà dit que la victoire de Jeremy Corbyn pourrait arrêter les bombardements sur la Syrie parce que Cameron ne peut continuer cette politique qu’à condition qu’un nombre suffisant de députés travaillistes continuent de l’approuver.

Ce nouveau mouvement doit continuer à se développer et à se renforcer. Cela ne sera possible que pour autant qu’il continue à s’impliquer dans tous les combats dont il est né.

La première échéance sera la manifestation appelée par le mouvement syndical contre la conférence du Parti Conservateur, le 4 Octobre à Manchester, afin de renforcer la rupture avec le consensus en faveur de l’austérité et de proposer une politique alternative.

Les différentes initiatives organisées par l’Assemblée populaire dans la semaine qui vient seront autant d’occasion de discuter en détail les défis qui sont devant nous.

Left Unity contribuera et aidera à faciliter ces discussions au cours des prochains mois : par un travail en commun avec d’autres, nous allons organiser des initiatives et lancer un journal en ligne comme support pour l’analyse et le développement de ces possibilités nouvelles.

La victoire de Jeremy constitue une occasion capitale pour le peuple britannique, pour la classe ouvrière qui a été brutalement mise de côté aussi bien par les Conservateurs que par les Travaillistes, de reprendre en main notre société, nos ressources, nos priorités, pour le bien de tous.

Cette victoire a également une importante signification au-delà de nos frontières : celle d’une Grande-Bretagne sans armes nucléaires, mettant fin à ses expéditions guerrières, traitant les autres pays et les autres peuples de façon égalitaire, avec dignité et respect. C’est là une vision – et une réalité – qui vaut la peine de se battre pour elle.
C’est maintenant que l’on peut la concrétiser.

Left Unity

Traduction : François Coustal

9 septembre 2015

Communiqué urgent du KNK - Attaques de foules coordonnées et lynchages contre les Kurdes dans l’ouest de la Turquie


Des centaines de civils kurdes ont été blessés dans l’ouest de la Turquie et plusieurs ont été tués dans des attaques commises par des foules auxquelles la police a participé.

Le Président turc Erdogan et son parti, l’AKP, ont incité des groupes racistes, nationalistes et fascistes à des manifestations violentes. Ceux-ci ont entrepris des actions de terreur contre les civils kurdes dans de nombreuses villes de l’ouest de la Turquie, notamment à Istanbul, Ankara, Kirsehir, Kocaeli, İzmir, Balikesir, Malatya, Mulga, Mersin, Keçiören, Tuzluçayır, Beypazarı, Balgat, Isparta, Konya et Antalya. Ils ont mené des attaques coordonnées contre les maisons, commerces et établissements des Kurdes, ainsi que contre les bureaux du HDP. Ces attaques durent depuis 48 heures.   

Des centaines de civils kurdes ont été blessés au cours de ces attaques et plusieurs ont été tués. Des centaines de Kurdes sont par ailleurs bloqués dans différents bureau du HDP où ils se sont réfugiés pour se protéger des lynchages de foule. Les groupes racistes ont démoli les enseignes, cassé les vitres et scandé des slogans contre les Kurdes et le HDP. Cependant, la police turque n’est pas intervenue pour faire cesser ces actes de terreur et de vandalisme.

Depuis le début de la guerre menée par la Turquie contre les Kurdes, soit depuis 32 ans, c’est la première fois que l’on assiste à des violences commises à une aussi large échelle. Ces violences racistes et nationalistes sont directement et délibérément provoquées par Erdogan et l’AKP. Il y a deux jours, Erdogan a officiellement ordonné aux forces de police de tirer à vue sur tout civil considéré comme représentant une « menace ». Il a par ailleurs appelé la population  à dénoncer tout individu jugé « suspect ». Ceci reflète une volonté de diviser la société, d’attiser les conflits interethniques et de stimuler le racisme anti-kurde.

Les violences contre les Kurdes sont planifiées et coordonnées via les réseaux sociaux. En l’espace de 48 heures, 128 bureaux du HDP ont été attaqués, leurs enseignes ont été détruites et remplacées par des drapeaux turcs. Plusieurs bureaux ont par ailleurs été incendiés. Les groupes de violence ont stoppé des bus de longue ligne et contrôlé les identités de passagers afin d’identifier ceux qui étaient kurdes. Quand les chauffeurs ont essayé de poursuivre leur trajet afin d’échapper aux groupes enragés, la police est intervenue pour stopper les bus, exposant les chauffeurs et les passager à davantage de violences. A plusieurs reprises, on a vu la police participer aux attaques commises contre les Kurdes par les groupes fascistes.

Les agressions contre les Kurdes se poursuivent dans les villes de l’ouest, menaçant des centaines de milliers de personnes.

Nous appelons la communauté internationale à soutenir les Kurdes face à ces agressions extrêmement inquiétantes menées de façon coordonnée et à appeler immédiatement le gouvernement d’Erdogan à mettre un terme à ses politiques de division prônant la violence et le racisme.

Congrès National du Kurdistan (KNK)                                             
8 septembre 2015

6 septembre 2015

DECLARATION DE LA TENDANCE SOCIALISTE INTERNATIONALE (IST) SUR LA CRISE EUROPEENNE DES REFUGIES


1. L’Europe est confrontée par ce qu’on a appelé « la plus grande crise de réfugiés depuis la deuxième guerre mondiale ». Le niveau mondial de déplacement de personnes dû aux guerres et aux persécutions a pris des proportions horribles. 13,9 millions de personnes ont été déplacées en 2014.  Le nombre de personnes qui sont entrées dans la zone européenne en juillet est le triple de celui de l’année dernière.
La source la plus importante de réfugiés qui font le voyage désespéré vers l’Europe est la Syrie. La guerre civile qui a commencé avec la tentative du régime d’Assad d’écraser le soulèvement de 2011 a été exacerbée par la montée de l’Etat islamique. Mais ceci ne peut être compris que dans le contexte de l’invasion désastreuse et l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Cette offensive menée par les puissances occidentales, la dévastation qu’elle a créée et la tentative des occupants d’utiliser des forces sectaires afin de stabiliser le pays ont créé les conditions pour une intensification des conflits dans toute la région.
L’Afghanistan est une deuxième source majeure de réfugiés. Dans ce pays aussi, la guerre, loin d’apporter la liberté, a produit une catastrophe humanitaire et une augmentation de la persécution. D’autres réfugiés viennent de l’Afrique de l’Est, où l’intervention occidentale dans les conflits régionaux a aidé à créer quelques-unes des sociétés les plus militarisées de la planète.
Quatre-vingts pourcent des personnes déplacées par la guerre, la persécution et l’appauvrissement sont accueillies par des pays pauvres. Mais quand une partie de celles-ci cherchent à s’échapper vers l’Europe elles sont ‘accueillies’ par la violence de la police – dans le campement appelé « la jungle » à Calais en France ; en Hongrie, qui construit un ‘mur’ de 175 kilomètres ; en mer où l’opération Frontex dans la mer Égée et la Méditerranée s’est soldée par des tragédies dans lesquelles des centaines de personnes sont mortes.
Enfin, quand quelques-uns réussissent à passer à travers toutes ces barrières ils sont accueillis par des opérations policières qui les mettent dans des camps où ils n’ont d’autre choix que de se révolter pour se franchir des conditions inhumaines. C’est ce qui s’est passé de nombreuses fois, par exemple, dans le camp de concentration d’Amygdaleza en Grèce, où des réfugiés ont commencé à faire une grève de la faim pour protester contre les conditions d’accueil.
2. La crise a démontré l’hypocrisie du principe de « libre circulation » prétendument défendu par l’Union Européenne. La contrepartie de la création d’un marché du travail unique à l’intérieur de ses frontières est celle d’une « Forteresse Europe » défendue par l’agence Frontex et par une rhétorique non moins raciste que celle du nationalisme étatique traditionnel. Le capitalisme aspire des travailleurs du reste du monde afin d’augmenter ses profits, mais utilise le racisme et le contrôle de l’immigration pour diviser les travailleurs et affaiblir leur capacité à s’organiser et à lutter.
Le résultat en Europe a été fatal. La semaine dernière seulement, presque 300 personnes embarquées dans un bateau sont mortes au large de la Libye ; 71 migrants, dont quatre enfants, ont été retrouvés sans vie dans un camion en Autriche ; 12 Syriens sont morts noyés au large de la Turquie, dont deux petits garçons kurdes et leur mère.
Résultats de recherche d'images pour « réfugiés »
Le climat de racisme et d’islamophobie qui a été encouragé par des politiciens des partis traditionnels depuis quelques années a permis à des forces de droite de profiter de la crise des réfugiés. En Grande-Bretagne, Nigel Farage, dirigeant du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), a mis en garde contre les « extrémistes de l’EI ou d’autres institutions djihadistes » parmi les réfugiés. Marine Le Pen du parti fasciste français, le Front National, a appelé à la fermeture complète des frontières du pays. En Hongrie, Viktor Orban a dit que son pays a été « envahi » par des réfugiés qui ont le tort d’être musulmans plutôt que chrétiens.
3. La réponse de beaucoup de gens ordinaires à travers l’Europe contraste avec celle de leurs dirigeants. 20,000 personnes se sont rassemblées à Vienne en Autriche pour accueillir des réfugiés. Des milliers ont manifesté contre le racisme en Allemagne. Des quantités énormes de provisions ont été collectées en Grande-Bretagne pour les habitants des camps en France. Sans le soutien de la population locale en Grèce, en Macédoine et en Serbie les réfugiés syriens n’auraient jamais atteint Budapest, tout en affrontant la police aux frontières et dans les gares.
Ces réactions démontrent le potentiel qui existe pour une riposte contre l’offensive raciste à l’échelle de l’Europe.  Les réseaux créés lors des manifestations internationales coordonnées en mars 2014 et mars 2015 ont joué un rôle dans la mobilisation pour les réfugiés.
130.000 Kurdes syriens ont fui en Turquie en quelques jours
4. Nous rejetons le racisme à l’égard de ceux qui cherchent à entrer dans la zone européenne. Nous revendiquons l’ouverture des frontières, la satisfaction des besoins humanitaires des réfugiés et un laissez-passer pour leur permettre d’atteindre la destination de leur choix.
Nous condamnons la politique de la Forteresse Europe et demandons la suppression du Frontex.
Nous demandons la fermeture des camps. Nous sommes solidaires des luttes menées par les migrants qui protestent contre leur persécution à la gare de Budapest, dans les camps de Calais et en Grèce, et sur la frontière hongroise.
Nous soutenons les manifestations antiracistes diverses et toutes les initiatives solidaires qui sont organisées à travers l’Europe.
5. En tant que socialistes, nous  rejetons l’idée que les réfugiés ou les migrants représentent une menace pour les intérêts ou le niveau de vie des travailleurs ou que, comme on entend souvent, « Nous devons nous occuper d’abord des nôtres ». Au contraire, nous pensons que ceux qui sont responsables de l’austérité, des coupes budgétaires, du chômage et des sans-abris sont les mêmes qui sont à l’origine de la crise des réfugiés. Nous affirmons que c’est dans l’intérêt des travailleurs de tous les pays de s’opposer à toutes les tentatives de division de nos dirigeants pour mieux régner, d’accueillir les réfugiés et de lutter avec eux pour une vie décente pour tous.


La Coordination de la Tendance Socialiste Internationale,
4 septembre 2015

Voir la déclaration sur le site de l'IST

Le Liban: Déclaration commune de plusieurs organisations d'extrême gauche

La déclaration en français ... en anglais

Soutien au mouvement populaire au Liban, contre la répression d'Etat

Ces dernières semaines, des manifestations se sont amplifiées à Beyrouth contre la gestion désastreuse des ordures par le gouvernement, au point d'atteindre une échelle nationale. En cause, une gestion libérale et privatisée du traitement des ordures dont les conséquences écologiques désastreuses touchent en premier lieu les habitants des quartiers et régions les plus pauvres du pays : l'un des premiers lieux touchés a été la petite ville côtière de Na'ameh, (sud de Beyrouth) dont la fermeture du site d'enfouissement pour cause de surcharge et suite aux mobilisations locales, a entraîné un déplacement des ordures jusqu'aux quartiers les plus huppés de la capitale. La solution proposée par le régime est la création d'un nouveau site dans la région pauvre de Akkar, au nord du pays : une tentative de plus de la part des classes dirigeantes de faire porter le poids de leurs échecs aux couches les plus vulnérables de la société.

En vérité, l'affaire de la gestion des ordures est le dernier scandale en date d'un régime en état de crise perpétuelle. Les politiques néolibérales, la privatisation à outrance et la spéculation immobilière font que la précarité socio-économique touche la majorité de la population libanaise. La rhétorique sectaire et confessionnelle omniprésente sert la stratégie du régime qui vise à diviser pour mieux régner, mais menace de faire replonger le pays dans la guerre civile. Les institutions démocratiques de l'État central sont de fait désintégrées, et le pouvoir partagé entre des partis confessionnels censés contenir leurs "bases" respectives afin que les oligarques et les capitalistes proches du régime puissent continuer à piller les ressources du pays.

La radicalité exprimée lors des manifestations ces dernières semaines par les couches sociales les plus pauvres témoigne du ras-le-bol de la population qui ne se taira pas face à la répression de l'Etat qui a déjà fait des centaines de blessés, et à la campagne de diabolisation cherchant à diviser bons et mauvais manifestants. Désormais, la question d'une gestion collective des ordures est devenue un élément catalyseur de la population contre toute solution se basant sur des critères sectaires et confessionnels, un système politique qui, rappelons-le, est le mode de gouvernance hérité du système colonial français. C'est donc en toute logique que les manifestants réclament la fin d'un régime confessionnel et sectaire.

En solidarité avec la campagne "Le peuple veut", à laquelle nos camarades du Forum Socialiste au Liban participent, nous appelons à relayer les demandes exprimées par les manifestants et à soutenir toute initiative de solidarité internationale pour un État laïque démocratique qui consacre la justice sociale, la liberté et l'égalité.

solidaritéS (Suisse)
Nouveau Parti Anticapitaliste (France)
Ligue Communiste Révolutionnaire (Belgique)
Socialist Workets Party (Angleterre)
LCR-SAP (Belgique)
SAP-Grenzeloos (Pays-Bas)
Internationale Socialisten (Pays-Bas)
Vrede vzw ( Belgique)

- See more at: http://www.solidarites.ch/common/fr/international/208-soutien-au-mouvement-populaire-au-liban-contre-la-repression-d-etat#sthash.UTw0SS86.dpuf



In support of the popular movement in Lebanon, against state repression
Beirut has been the scene of growing demonstrations over the past few weeks in reaction to the government’s disastrous management of waste disposal and treatment; this market-based privatised approach has catastrophic environmental consequences, hitting first and foremost the most impoverished regions of the country.
The closure of the open-air landfill site in Na’ameh following local mobilisations means that tons of rubbish are left on the streets of the country’s major cities. The regime proposed to open another landfill site in the impoverished region of Akkar, another attempt by the ruling classes to make the most vulnerable layers of society bear the brunt of their failures.  
In truth, the waste management affair is the latest scandal of a regime in a state of perpetual crisis. Neoliberal policies, mass privatisations and real estate speculation mean that the majority of the Lebanese population lives in precarious socioeconomic conditions.
The omnipresent religious sectarian rhetoric serves the regime’s divide-and-rule strategy but threatens to plunge the country into another civil war. The democratic institutions of the State are de facto disintegrated, and power is shared among religious sectarian parties supposed to contain “their people” so the looting of the country’s resources by the regime’s oligarchs and capitalists can continue.
The increased radicalisation of the protests by the poorest layers reflects the mass discontent of a population that will not be silenced by State repression, which already wounded hundreds or propaganda campaigns that seek to divide protesters.
The waste management question has become a catalyst for the rejection of religious sectarian-based solutions, a mode of governance inherited from French colonialism. It is therefore normal for protesters to demand the end of the sectarian regime.
In solidarity with “The People Want” campaign, in which our comrades of the Socialist Forum in Lebanon participate, we relay the demands expressed by the protesters for a secular democratic State dedicated to social justice, freedom and equality.
Internationale Socialisten (Netherlands)
Ligue Communiste Révolutionnaire-Socialistische Arbeidersparti (Belgium)
Nouveau parti anticapitaliste (France)
Socialist Workers Party (Britain)
Socialistische Alternatieve Politiek-Grenzeloos (Netherlands)
SolidaritéS (Switzerland)
Socialistische Alternatieve Politiek
Vrede vzw (Belgium)


29 août 2015

The 2nd Summer School of Ensemble ! (France) : a real success/2ème Université d'été d'Ensemble : un véritable succès


More than 400 people attended Ensemble !’s second Summer School in Bordeaux from 22 to 26 August. That’s over 100 more than at last year’s event in Pau, and a significant step forward at a time when the national, European and world situation hardly gives grounds for optimism. The development of our movement, and the involvement of new groups during the preparation for this important summer event, made possible a diversification of the subjects covered in the debates and workshops.

These included current events in Greece and the Middle East and elsewhere as well as challenges for the coming months such as COP 21, the financial crisis, Podemos, the National Front, unemployment and the rights of unemployed and precarious workers. Longer-term and theoretical issues were also debated, including Marxist theory, the trade unions, feminism, education, antiracism, the media and the role of the armaments industry – and even more unusual topics such as the philosopher Montaigne (the school took place at Bordeaux Montaigne University) , art and popular education, science and democracy and others.

The situation in Greece was ever-present during the five days of the School, as well as the related issues of our strategic approach to the European Union and our conception of the means required to create a political alternative. The Greek experience was an important theme at an international meeting with invited speakers from Syriza, Podemos, Sinn Fein, the Tunisian Popular Front and Die Linke, as well as the French Left Front MEP, Marie-Christine Vergiat.


Another important meeting on the future of the Left included a panel of speakers representing different tendencies within the Left Front, a leading left-wing member of the Green Party, and a spokesperson for the New Anticapitalist Party. The discussion did not end there, however,  as most of these organisations were present for several days. This was particularly true of two tendencies within the Green Party with which Ensemble ! has had regular contacts for several months. At the summer school, we were able to develop these contacts, extend them to new layers of activists and pursue the convergence between our organisations which has been going on for some time, thanks especially to the presence of militants from many regions of France. We should also note the participation in the debates in Bordeaux of trade unionists from the CGT, FSU and Solidaires unions, enabling us to take up the question of the role of popular mobilisations in changing the political situation, and to lay down perspectives for the future.

A meeting on the Middle East featured in particular a contribution from the well-known editor of Politis magazine, Denis Sieffert, on the question of Palestine, and a memorable speech from Sehabat Tuncel, the Kurdish activist and leading member of the HDP front in Turkey, who spoke on the heroic struggle by the Kurds in Syria against Daesh, and on the fight against Erdogan in Turkey, who is responsible for waging a new civil war.

 Sehabat Tuncel (debout), Denis Sieffert (2ème de la droite)

Artistic activities were not forgotten, including a projection of Marcel Trillat’s latest documentary on migrants, in the presence of the director.

The success of the Summer School illustrates the progress already made by Ensemble ! The founding organisations which took part in the launch of the new movement a little over 18 months ago no longer exist, and there is a sense of belonging to a single movement. The participants left Bordeaux, after thanking the speakers and the local members of Ensemble !, whose hard work ensured the school went so smoothly, with one thought in mind – next year’s event !

By Ingrid Hayes, a member of Ensemble !’s national coordinating committee (28/8/2015)

16 août 2015

De 'Tel Aviv sur Seine' à 'Gaza Plage': beau succès pour le mouvement de solidarité avec la Palestine

Paru sur le site d'Ensemble!, un compte-rendu de la belle journée de solidarité avec la Palestine à Paris.

There's a good account of the day by Electronic Intifada here ...  
"A propaganda event in Paris on Thursday was supposed to showcase Tel Aviv as a beacon of fun and tolerance. Instead, “Tel Aviv sur Seine” (Tel Aviv on the Seine) turned into more of a real life taste of Israeli military occupation and a public relations disaster for its organizers."

Le 16 juillet 2014, quatre enfants meurent sous les bombes israéliennes alors qu’ils jouent sur une plage de Gaza. L’événement, capturé par les caméras de médias étrangers, témoigne des massacres menés par l’Etat israélien durant tout l’été. Après 50 jours d’attaques intensives, le bilan parle de lui-même : plus de 2200 Palestiniens tués, en grande majorité des civils (plus de 500 enfants figurent parmi les victimes), plus de 10 000 blessés, et 400 000 personnes déplacées dans une prison à ciel ouvert de 40 km sur 10, où les principales infrastructures (centrale électrique, écoles, hôpitaux) ont été détruites sans possibilité de reconstruction en raison du blocus illégal.


Un an plus tard, le 13 août 2015, la mairie de Paris réussit à battre des records d’indécence en organisant « Tel-Aviv sur Seine », dans le cadre de Paris Plage. En partenariat avec la municipalité de Tel-Aviv, Anne Hidalgo a offert une vitrine de choix à la capitale de l’Etat israélien sur les quais de Seine, à deux pas de l’Hôtel de Ville de Paris.
Anne Hidalgo et les promoteurs de l’action ont beau déclarer que cet événement vise à mettre en avant la ville de Tel-Aviv et aucunement l’Etat d’Israël, cette décision ne trompe personne. Tel-Aviv est la seule capitale israélienne internationalement reconnue, Jérusalem étant occupée au mépris du droit international. Comme en témoignent les propos tenus par les visiteurs de Tel-Aviv sur Seine, c’est bel et bien l’Etat israélien qui était mis à l’honneur à travers cet événement. L’utilisation de l’image de Tel-Aviv, ville réputée « ouverte » et « gay-friendly » a pour seul but de lisser la réputation d’un Etat colonial et raciste.
Refusant cette provocation, des militants et militantes se retrouvant dans la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre l’Etat israélien ont pris l’initiative d’organiser « Gaza Plage » afin de promouvoir la solidarité avec le peuple palestinien et d’exiger le respect du droit international. Dans la continuité de la politique qu’il avait menée durant l’été dernier, Manuel Valls a peu attendu pour afficher son soutien à Tel-Aviv sur Seine et dénoncer un « déferlement de bêtise » à propos de l’indignation légitime de celles et ceux qui refusent le soutien à l’Etat sioniste. Ce ne sont pas moins de 500 policiers et gendarmes qui ont été mobilisés afin d’établir des contrôles sur les bords de Seine, d’encadrer de manière massive le rassemblement de « Gaza Plage » et de mener des fouilles à l’entrée des quais de Seine.
Malgré ce déploiement de forces de l’ordre, un groupe d’une centaine de militant-e-s a essayé de s’approcher au plus près de « Tel-Aviv sur Seine » afin de dénoncer la mascarade. Une banderole rebaptisant l’événement par le nom plus approprié d’ « Apartheid sur Seine » a pu être déployée avant que les forces de l’ordre ne repoussent violemment le groupe sur la chaussée. Les sommations visant à disperser le rassemblement n’ont pas empêché les manifestant-e-s de se faire entendre, pas plus que les quelques nervis des milices d’extrême-droite pro-israéliennes qui ont cherché à provoquer la manifestation quand celle-ci devait faire face à une ligne de CRS.
Alors que les autorités dénoncent les militant-e-s cherchant à combattre l’Apartheid et à faire respecter le droit international, rappelons que ce sont elles qui ont décidé d’organiser « Tel-Aviv sur Seine », que ce sont elles qui ont installé un climat de crainte en déployant 500 policiers et gendarmes ainsi que des points de contrôle limitant la liberté de déplacement. Nous n’importons pas le conflit en France : il est importé par les institutions françaises complices de l’Etat israélien, que ce soit le gouvernement ou la mairie de Paris.
Comme l’écrit Julien Salingue, la polémique déclenchée par l’événement nous montre en tout cas que le soutien à l’Etat d’Israël, « ça ne passe plus inaperçu et, pour beaucoup de gens, de plus en plus de gens, ça ne passe plus du tout ». Le succès de l’initiative « Gaza Plage » a été indéniable, et il faut s’en féliciter : la solidarité avec le peuple palestinien s’est organisée rapidement, sans violence, et a été bien reçue, alors même que l’initiative s’opposait frontalement aux intérêts de la mairie de Paris, et que les provocations ont été multiples.
Nous ressortons de cette journée de mobilisation avec une détermination plus grande encore pour lutter contre l’Etat d’Israël en luttant contre ses complices. Nous continuerons le boycott d’événements culturels faisant la promotion de l’Etat israélien jusqu’à ce que cessent les politiques d’Apartheid et d’expansion coloniale, et que soit respecté le droit international.
Nathan L.

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Olivia Zemor (EuroPalestine) avec l'évêque Jacques Gaillot

Derrière la ligne de police, Tel Aviv sur Seine































Bonne affluence à Gaza Plage, malgré les checkpoints


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30 juillet 2015

Quelques notes sur la situation politique en Grande-Bretagne: 2) L'affaire Jeremy Corbyn



La situation interne au parti travailliste a pris un tournant extraordinaire avec la candidature aux primaires pour élire un nouveau leader suite à la démission d'Ed Miliband d'un sexagénaire aux allures d'un prof de lycée jusqu'ici peu connu au grand public, Jeremy Corbyn, Le parti est actuellement dirigé provisoirement par Harriet Harman, qui impose une ligne assez droitière, prétextant la nécessité après une défaite de ne pas pratiquer une opposition systématique au gouvernement. 

Corbyn s'est déclaré tardivement et après avoir beaucoup hésité, tellement la gauche du parti paraissait affaiblie. 

Lors de sa déclaration il n'avait même pas les 30 signatures de députés nécessaires pour se présenter. Ces signatures ont finalement été obtenues grâce à la bonne volonté de quelques députés de la droite ou du centre du parti, qui voulaient que l'élection ait au moins l'apparence de donner un vrai choix aux militants, tout en précisant qu'ils ne voteraient pas pour lui. Les 3 autres candidats, 2 femmes et un homme, sont assez ou très à droite, et en plus sans grande envergure.

Depuis 2 ou 3 semaines, sensation - Corbyn est actuellement en tête des sondages, certains de ses signataires s'en mordent les doigts (ce qui est assez drôle), des voix s'élèvent pour annuler l'élection (la démocratie, c'est bien, sauf quand le peuple fait un mauvais choix), Tony Blair a fait une intervention absolument catastrophique, en disant que ceux qui avaient l'intention de voter pour Corbyn "avec leur coeur" devaient se faire transplanter ! 

Signe que l'engouement pour le candidat n'est pas une bulle artificielle gonflée par les réseaux sociaux, plusieurs syndicats importants (dont les deux plus grands, Unite et Unison) ont décidé de recommander à leurs adhérents de le soutenir. Et dans une lettre ouverte publiée par l'hebdomadaire de centre-gauche, le New Statesman, 25 porte-paroles d'associations et des artistes ont appelé à soutenir sa candidature, malgré les "raisons légitimes" de ne pas faire confiance au parti travailliste.

La droite dans un premier tem les "réserves légisent - de Corbyn pour le présenter comme un "communiste" et un partisan du Hezbollah. On peut s'attendre à de plus en plus de coups bas.

Qui est Jeremy Corbyn ?

Âgé de 66 ans, c'est un député travailliste depuis 32 ans, Il ne se soucie visiblement pas de son 'look', ne sait pas nouer une cravate et a horreur du cirque médiatique. Lors des débats il sort généralement le grand vainqueur, pas par son style oratoire mais parce qu'il est le seul candidat à répondre simplement et sincèrement à la question posée, et avec des arguments pour expliquer sa position. Bref, c'est l'antithèse d'un Tony Blair (ou d'un J-L Mélenchon, d'ailleurs). 

Il s'est séparé de sa femme quand celle-ci n'a pas voulu que leur enfant aille à l'école publique du quartier. Il est triomphalement réélu à chaque élection dans sa circonscription de Londres, même quand le score national du parti est en baisse; il est vice-président de la coalition Stop the War; il participe régulièrement à des événements organisés par l'extrême gauche; il est de toutes les luttes ... 

Il ne pense pas, comme 2 des 3 autres candidats, que les travaillistes sous Miliband ont perdu parce qu'ils étaient "trop à gauche" (le 3ème, l'ancien favori Andy Burnham, dit une chose un jour et son contraire le lendemain). Il est contre l'austérité, alors que les autres candidats, avec la majorité des députés travaillistes, se sont abstenus lors d'un vote récent sur un projet de loi qui pénalise les allocataires de l'aide sociale. Il est pour la reconnaissance de la Palestine, pour la renationalisation des chemins de fer, pour un grand service public de l'enseignement etc etc. Il est aussi le député, sur plus de 650, qui a demandé le moins de remboursement de frais dans la dernière période, alors que de nombreux députés ont été pris les mains dans le sac et le public est complètement dégoûté. 

C'est un type vraiment bien, sans aucun doute.

Le phénomène Corbyn (c'est presque de la folie par moments) démontre la pauvreté du discours dominant, y compris chez les dirigeants du parti travailliste, sur l'impopularité des valeurs de gauche (solidarités, défense du secteur public ...). Il est significatif aussi que la candidate qui arrive en dernier dans les sondages est la plus à droite des quatre - à tel point qu'elle pourrait siéger sans problème sur les bancs des députés conservateurs. 

Il est impossible de savoir si ce phénomène se traduira par un (ré)engagement politique durable, ni s'il prendra des formes nouvelles ou pas (Corbyn a dit que le parti travailliste doit ressembler à un "mouvement social"). Mais 500 personnes à un meeting à Bristol, 300 à Manchester, ce n'est pas rien. 

En tout cas, on ne peut que se réjouir en contemplant les mines détruites de Tony Blair et ses sbires et la véritable panique qui a saisi les autres candidats, qui sont chacun plus à droite que les autres.

Cependant,

- que fera Corbyn s'il est élu - ce que personne n'a jamais envisagé jusqu'à il y a quelques jours, et surtout pas lui ? Il aura sans doute comme souci de préserver l'unité d'un parti auquel il milite depuis des décennies, et pourrait modérér ses positions. Mais, 

- que fera l'establishment travailliste, qui le considère comme un homme dangereux qui rendrait le parti "inéligible" ("unelectable") ? Y aura-t-il une scission de la droite du parti ? Ou un "coup d'Etat" en interne ?

Enfin, comment la gauche radicale en dehors du parti travailliste doit-elle réagir à la Corbynomanie d'une grande partie de la gauche de la gauche et aux dizaines de milliers d'adhésions au parti travailliste (d'autres encore ont payé 3 livres pour pouvoir voter sans adhérer)? Tout en ayant beaucoup de sympathie pour ce mouvement spontané en faveur d'un authentique homme de gauche, il me semble que d'énormes illusions existent dans la possibilité d'un vrai changement par cette voie-là. 

Le Labour Party sous Corbyn attirerait de nombreuses personnes qui sont aujourd'hui proches (ou membres) de la gauche radicale. En même temps, une victoire ouvrirait certainement une crise dans le parti. Elle aura également des effets imprévisibles sur la gauche radicale. Beaucoup de ses sympathisants sont d'ex-membres du parti travailliste qui ne supportaient pas sa dérive droitière depuis Tony Blair, et son soutien à la guerre en Irak (Corbyn est un opposant de la première heure), mais reste fidèle à l'idée que le changement passera par les élections. 

Pour l'instant, l'enthousiasme l'emporte sur les doutes et les difficultés à venir. La gauche radicale ne doit pas bouder son plaisir quand des milliers de gens retrouvent l'espoir qu'une alternative est possible. Mais elle doit rester lucide.

En tout cas, les derniers jours ont été particulièrement intéressants. Affaire donc à suivre ...