AccueilAu sud du Nord ? La ségrégation dans les villes méditerranéennes

Au sud du Nord ? La ségrégation dans les villes méditerranéennes

South of the North ? Segregation in Mediterranean cities

Numéro spécial de la revue Méditerranée (2015)

Special issue of Méditerranée (2015)

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Publié le lundi 06 juillet 2015 par Elsa Zotian

Résumé

Les villes méditerranéennes occupent une place particulière dans le débat sur les liens entre ségrégation urbaine et mondialisation. En effet, dans les années 1990 a été avancée la thèse d’une « résistance » méditerranéenne aux transformations socio-spatiales de la ville post-fordiste. Les villes méditerranéennes constitueraient un modèle hybride entre « Nord » et « Sud » caractérisé par une ségrégation sociale atténuée. Longtemps restée sans validation empirique, cette thèse est aujourd’hui revisitée et complexifiée par des travaux récents, qui montrent la baisse de la ségrégation résidentielle dans certaines villes sud-européennes, mais aussi les formes originales qu’elle peut prendre, critiquant par exemple l’application du modèle de la gentrification au contexte méditerranéen. En rassemblant des textes portant sur les deux rives de la Méditerranée, ce numéro spécial de la revue Méditerranée  entend faire un bilan critique sur le « modèle » de ségrégation des villes méditerranéennes, et ouvrir par là un débat plus général sur les relations entre tendances globales et contextes locaux dans la mondialisation.

Annonce

Argumentaire

Les études sur l’impact social de la globalisation dans les villes contemporaines se sont multipliées depuis une trentaine d’années. Influencées par les théories de la recherche anglophone sur les villes globales, comme celle de la polarisation socio-spatiale (Sassen, 1991), elles ont accrédité l’idée d’une hausse de la ségrégation urbaine sous l’effet des transformations du capitalisme post-fordiste. Pourtant, des études récentes appellent à « recontextualiser » ces théories globales (Maloutas et Fujita, 2012), en montrant leurs multiples déclinaisons locales en fonction des politiques publiques ou des modèles culturels. En insistant sur les différences entre villes des « Nord » et des « Suds », métropoles « nord-américaines » et « européennes », « nord-européennes » et « méditerranéennes », elles rouvrent ainsi en même temps le débat sur l’existence et l’utilité de modèles régionaux de villes à l’âge global (Robinson, 2006), et sur la circulation internationale des théories urbaines.

Situées sur une des grandes lignes de fracture Nord-Sud de la planète, les villes méditerranéennes occupent une place particulière au sein de ce débat. En effet, dès 1990, Lila Leontidou posait l’idée d’une « résistance » méditerranéenne aux transformations socio-spatiales de la ville post-fordiste. Dans l’aire méditerranéenne, le poids des filières informelles dans l’accès au logement, la faible mobilité et l’importance de la proximité résidentielle dans la famille, ou encore le faible zoning fonctionnel contribueraient à limiter la ségrégation sociale. Les villes méditerranéennes constitueraient un modèle hybride entre « Nord » et « Sud » (Leontidou, 1996) caractérisé par une ségrégation sociale atténuée. Le problème est que ces théories sont longtemps restées sans validation empirique, du fait de la rareté des études sur la géographie sociale des villes méditerranéennes. Largement sous-estimé dans le champ académique, le thème de la ségrégation est d’ailleurs également marginal dans le débat public des pays de l’aire méditerranéenne (La France faisant ici figure d’exception…), caractérisés par l’absence de politiques publiques anti-ségrégatives (Maloutas, 2012 ).

Depuis quelques années, les études sur la ségrégation urbaine en Méditerranée connaissent cependant un renouveau. Sur la rive Nord, des travaux récents, menés à l’échelle nationale, ont commencé à donner une image plus complexe et diversifiée de la ségrégation urbaine en Grèce (Maloutas, 2007) ou en Italie (Barbagli, 2012). Les « Southern Europe Studies » se sont aussi développées dans la littérature académique anglophone (Allen et aliter, 2004, Petsimeris, 2004 ; Arbaci, 2014), dans une perspective comparative et internationale. Renonçant au mythe de la ville méditerranéenne ces dernières affirment en revanche la pertinence d’un modèle urbain « sud européen », dont la force est d’ailleurs revenue sur la scène médiatique à la faveur de la crise des dettes souveraines de la zone euro, occasion de redécouvrir les différences de gestion publique et de modèles d’Etat-providence entre « Nord » et « Sud » de l’Europe (Esping Andersen, 1990)… L’ensemble de ces travaux montrent la moindre intensité de la ségrégation résidentielle dans les villes sud-européennes, voire sa baisse (Barbagli, 2012), mais ils mettent aussi en lumière les formes originales qu’elle peut prendre, critiquant par exemple l’application du modèle de la gentrification à l’Europe du Sud, et démontrent que la faible ségrégation résidentielle peut s’accompagner de processus de marginalisation sociale, notamment en ce qui concerne les migrants (Arbaci, 2014). Sur la rive Sud de la Méditerranée, l’importance récente des mouvements sociaux en relation avec de grands projets urbains a montré également l’acuité de la question des ségrégations urbaines (Florin et aliter, 2014, ).

En rassemblant des articles sur des villes des deux rives de la Méditerranée, et en ouvrant des comparaisons avec l’Europe septentrionale, l’Amérique du Nord ou les villes des « Suds », ce numéro spécial entend faire un bilan critique sur le modèle de ségrégation des villes méditerranéennes, et ouvrir par là un débat plus général sur les relations entre tendances globales et contextes locaux dans la mondialisation.

Loin de faire référence à une réalité ontologique, les modèles « sud européen » ou « méditerranéen » seront avant tout conçus comme des outils analytiques, des « cadres de référence » (Herzfeld, 2005) permettant de rendre compte des variations territoriales de la ségrégation, et devront être réinterrogés de manière critique. Les articles seront donc attentifs aux différences et aux points communs entre « Suds » et « Nords » du bassin méditerranéen, mais ils devront également montrer les contrastes au sein de ces différents ensembles, à l’heure où les réorganisations institutionnelles des Etats-Nations en Italie ou en Espagne par exemple (régionalisation, fortes autonomies locales) entraînent une diversité régionale accrue des politiques urbaines. Une importance particulière sera donnée aux questions méthodologiques et aux problèmes posés par l’approche comparative.

En conformité avec la ligne éditoriale de Méditerranée, revue de géographie, des articles d’autres disciplines des sciences sociales sont acceptés (sociologie urbaine et anthropologie urbaine notamment), mais à condition d’avoir une approche spatiale marquée et de se fonder, si possible, sur des cartes.

Trois thèmes principaux pourront être développés.

1) Formes et intensité de la ségrégation résidentielle dans les villes méditerranéennes : quels modèles ?

Il s’agira de réinterroger de manière critique les caractéristiques de la ségrégation résidentielle traditionnellement considérées comme typiques des villes méditerranéennes.

  • L’intensité de la ségrégation  : la ségrégation est-elle vraiment moins élevée dans les villes méditerranéenne, et a-t-elle augmenté ces dernières années dans le contexte de la métropolisation ?
  • Les formes spatiales de la ségrégation résidentielle: les villes méditerranéennes se caractérisent-elles par une « micro-ségrégation » à une échelle plus locale qu’ailleurs ? Les grands modèles auréolaires ou sectoriels sont-ils adaptés pour la décrire ?
  • Les groupes sociaux particulièrement concernés pas la ségrégation résidentielle : quelles classes sociales sont particulièrement touchées par la ségrégation dans les villes méditerranéennes ? La classe y joue-t-elle vraiment un rôle plus déterminant que la « race » ? Peut-on déceler des formes de ségrégation en fonction du genre ou de la génération, ou d’autres variables jouant un rôle déterminant dans les sociétés méditerranéennes ?

2) Distance spatiale et distance sociale  dans les villes méditerranéennes : les dimensions non résidentielles de la ségrégation

Alors que la majorité des travaux sur la ségrégation restent souvent limités à sa dimension résidentielle, les articles étudieront les relations entre ségrégation résidentielle et pratiques sociales : une faible ségrégation résidentielle peut-elle s’accompagner d’une forte ségrégation scolaire ou de l’accès aux espaces publics ? Ce faisant, le concept de ségrégation pourra être critiqué. Faut-il lui préférer celui de marginalisation par exemple ?

3) Faire la ségrégation et y faire face dans les villes Méditerranéennes

Il s’agira d’étudier les processus qui produisent la ségrégation dans les villes méditerranéennes : le rôle des politiques publiques et des grands projets urbains d’inspiration néolibérale, mais aussi l’impact des pratiques sociales, du cadre matériel urbain, des trajectoires historiques et fonctionnelles des villes et du modèle familial par exemple. Là encore, les relations entre modèles de gestion urbaine internationaux et particularités contextuelles locales seront interrogées. Les articles s’attacheront aussi à étudier les dynamiques déségrégatives ou de « résistance » à la ségrégation, qu’elles émanent des politiques publiques ou des pratiques habitantes.

Conditions de soumission

Les textes complets (entre 25 000 à 38 000 signes maximum), mis en forme selon les normes de la revue Méditerranée (http://mediterranee.revues.org/584), et accompagnés d’un titre et d’un résumé bilingues (français et anglais), ainsi que d’une liste de mots-clés et de lieux –clés cités, sont attendus

pour le 30 octobre 2015 au plus tard.

Ils sont à envoyer en version électronique à Thomas Pfirsch (thopfirsch@hotmail.com), et Giovanni Semi (giovanni.semi@unito.it)

Conditions d’évaluation des articles

La revue souhaitant une publication rapide, nous ne passons pas par l’étape des propositions de contribution.

Les articles sont soumis de façon anonyme à deux rapporteurs aux compétences thématiques et géographiques reconnues. Ces derniers étudient chaque texte et remettent aux responsables de la revue un rapport d’évaluation. Ce rapport est à son tour transmis à l’auteur de façon anonyme pour procéder aux corrections. Le texte corrigé est soumis une seconde fois aux rapporteurs. L’auteur est alors invité à procéder aux dernières corrections.

Coordinateurs scientifiques

  • Thomas PFIRSCH, maître de conférences en géographie, Université de Valenciennes (UVHC), laboratoire CALHISTE (EA CNRS 4343)
  • Giovanni SEMI, professore associato in sociologia, Università degli studi di Torino, laboratoire « Culture, politica e società »

Dates

  • vendredi 30 octobre 2015

Mots-clés

  • ségrégation, ville, modèles urbains, Méditerranée, géographie urbaine, sociologie urbaine

Contacts

  • Thomas Pfirsch
    courriel : thopfirsch [at] hotmail [dot] com

Source de l'information

  • Thomas Pfirsch
    courriel : thopfirsch [at] hotmail [dot] com

Pour citer cette annonce

« Au sud du Nord ? La ségrégation dans les villes méditerranéennes », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 06 juillet 2015, http://calenda.org/334382