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Continuités, de la Traumdeutung à L'Homme Moïse

De la Traumdeutung au Moïse : le souci permanent d’une analyse profane

Michel Plon
p. 81-97

Résumés

Il pourrait sembler, aujourd’hui, que la question de l’analyse profane, telle que Freud la posait en 1926, n’ait plus de raison d’être et que notamment le problème des relations entre la psychanalyse et la médecine soit dépassé.
On s’efforce d’établir dans cet article que, tout au contraire, ce point aussi décisif que conflictuel, outre qu’il ne surgit pas seulement en 1926 mais traverse de part en part toute l’œuvre freudienne, demeure d’une complète actualité : par-delà le masque trompeur de la psychologie posée comme nouvel adversaire de la psychanalyse, c’est toujours la chose médicale, le modèle de la médecine scientifique et ses relations nouvelles avec les neurosciences qui demeurent, en dernière instance, le point de résistance majeur à la psychanalyse.

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Texte intégral

« Il est des choses qui doivent être dites plus d’une fois et qui ne peuvent être dites assez souvent. »
S. Freud, L’Homme Moïse et la religion monothéiste.

  • 1  Pour mémoire, et sans viser à l’exhaustivité en la matière, citons, par ordre chronologique : L’av (...)

1Pourquoi reparler, encore aujourd’hui, de la Laienanalyse, de l’analyse profane ou laïque ? Tout n’a-t-il pas déjà été dit à ce sujet, et un relatif consensus ne s’est-il pas instauré à travers les multiples interventions et publications1 qui depuis quinze ans jusqu’à ces derniers mois ont traité de cette question ?

2Unanimité pour reconnaître les ambiguïtés des mots français, « profane » et « laïque », dont tout le monde admet qu’ils ne restituent qu’imparfaitement le champ sémantique du terme allemand Laie choisit par Freud.

3Unanimité pour considérer que le procès fait à Theodor Reik pour exercice illégal de la médecine ne fut que le prétexte de l’intervention freudienne sur La question de l’analyse profane.

4Unanimité pour affirmer que, désormais, cette question n’est pas, n’est plus, plus seulement celle de l’exercice de la psychanalyse par les non-médecins.

  • 2  Lettre à Ferenczi du 27 avril 1929 citée par Ernest Jones, La vie et l’œuvre de Sigmund Freud, Par (...)
  • 3  É. Roudinesco, op. cit., 1999.
  • 4  Sigmund Freud, Préface à la Medical Review of Reviews (1930), Œuvres complètes, vol. XVIII, p. 338 (...)
  • 5  Cf. sur ce point, Brigitte Lemérer, Michel Plon, Erik Porge, Françoise Samson, Contre l’inclusion (...)

5Unanimité ou presque pour constater que, ce qu’en termes politiques on pourrait appeler « l’ennemi principal », et que Freud eut considéré comme « le dernier masque de la résistance à la psychanalyse, et le plus dangereux de tous »2 — il désignait là les psychanalystes eux-mêmes — est constitué par cette psychologie dont Elisabeth Roudinesco fait observer que la psychanalyse pourrait bien en devenir la « bonne à tout faire » après avoir refusé d’être celle de la psychiatrie3, par la psychologie ou par la psychologisation de la psychanalyse et plus encore par cet exercice hybride, ce « méli-mélo » pour user d’une dénomination freudienne4, qui a nom psychothérapie5.

  • 6  J.-B. Pontalis, op. cit., 1985.
  • 7  F. Samson, op. cit., 1998b.

6Unanimité enfin, pour conclure avec Freud, comme l’écrit J.-B. Ponta-lis que « la question de l’analyse profane c’est la question de l’analyse elle-même »6, et pour assurer que le texte freudien est « avant tout, comme le souligne Françoise Samson, un plaidoyer en faveur de l’analyse tout court »7.

7Parler de la Laienanalyse, la défendre, c’est donc défendre la psychanalyse dans sa spécificité. Freud lui-même ne dit pas autre chose lorsqu’il précise que la difficulté essentielle de la tâche qu’il entreprend en 1926 est de faire comprendre à son interlocuteur imaginaire :

  • 8 Sigmund Freud, op. cit., 1985, p. 37.

« ... que l’analyse est un procédé sui generis, quelque chose de nouveau et de spécifique, qui ne peut être saisi qu’à l’aide de vues neuves ou si l’on veut d’hypothèses neuves »8.

  • 9  De cette difficulté, Freud ne fait pas mystère lorsqu’il écrit au pasteur Pfister, le 28 mai 1911  (...)

8Pour autant, tenter « de faire le point sur l’actualité et la validité de la théorie freudienne », ainsi que nous y invitent les attendus de cette rencontre, conduit inévitablement à constater que notre actualité philosophique, politique et sociale ne cesse de mettre en cause, et de toutes les manières possibles, cette spécificité de la psychanalyse. Dans le même temps, un constat parallèle s’impose : la communauté psychanalytique, dont l’ardeur au travail et les avancées théoriques ne sont pas contestables, peine à défendre cette spécificité autrement que sur un mode aux allures incantatoires, au point qu’il y ait lieu de se demander si la dite spécificité, à force d’apparaître aux psychanalystes comme allant de soi, comme évidente, n’en viendrait pas à constituer pour eux un point aveugle9.

9Telles pourraient être les premières raisons, actuelles, de faire retour sur cette question de l’analyse profane pour en chercher, rechercher et redire les contours et les figures.

10Cette spécificité de la psychanalyse apparaît clairement dans ce que l’on peut appeler, sans rougir ni frémir, la politique freudienne de la psychanalyse, laquelle, comme toute politique, ne peut faire l’économie de ces figures de la castration que sont les choix, les séparations, les oppositions et les distinctions. Que l’on se remémore un instant, et parmi d’autres, les conflits et les ruptures avec Jung, avec Rank et avec Ferenczi, on y trouvera toujours, qu’il en aille de la théorie ou de la pratique, la question de la spécificité de la psychanalyse, la question de la psychanalyse profane.

  • 10  Ibid., p. 138.

11Mais en deçà de ce champ de la politique de la psychanalyse, il faut cerner dans le texte de la théorie psychanalytique et dans les diverses modalités de sa réalisation pratique en quoi consistent ce caractère profane, cette spécificité. En somme, très modestement, il faut peut être, une fois de plus, faire « retour à Freud », il faut « continuer à travailler », comme Freud lui-même y invitait Pfister en octobre 1923, ajoutant, « Vous savez que la vérité doit être très souvent dite »10.

  • 11  Sigmund Freud, La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1956.
  • 12  Ibid., p. 267.

12Dans une lettre datée du 8 janvier 190011, Freud dit à Wilhelm Fliess qu’il « ne compte pas être compris tout au moins durant [sa] vie (...) Pour tous ces problèmes obscurs, ajoute-t-il (il s’agit des problèmes du rêve et de son interprétation mais aussi de ceux qui concernent ce qu’il appelle joliment dans une lettre antérieure "les étages inférieurs »12, entendez la sexualité), j’ai affaire à des gens sur lesquels j’ai une avance de dix à quinze ans et qui ne me rattraperont pas ».

13On est parfois tenté de se demander si, toute proportion gardée, les difficultés rencontrées par la psychanalyse et les psychanalystes pour défendre la spécificité de la psychanalyse ne seraient pas de l’ordre de cet obstacle que l’on rencontre parfois dans la clinique avec les enfants, obstacle qui tient en la difficulté pour un puîné à admettre qu’il ne pourra jamais rattraper son aîné en matière d’âge et encore moins le dépasser. En d’autres termes, est-ce que nos difficultés à ne rien céder quant à la spécificité de la psychanalyse, nos difficultés à ne pas se laisser enfermer dans un dilemme qui oppose la solution du sectarisme à celle de l’édulcoration, ne seraient pas à mettre au compte d’une illusion de cette nature, celle qui consisterait à croire que nous aurions, à défaut de l’avoir dépassé, rattrapé Freud en affirmant, par exemple, que la question de la médecine dans sa globalité, avec tout ce qui lui fait cortège du côté d’un déni du transfert, voire le cas échéant de sa banalisation, et d’une mise hors jeu de la sexualité, ne serait plus au cœur de la question de l’analyse profane.

14Formulation brutale et comme telle provocatrice qui n’est là que pour introduire à ce que j’oserai appeler une thèse : à savoir que la question de l’analyse profane demeure centrée sur le rapport à la chose médicale, non seulement dans l’œuvre de Freud tout entière, de la Traumdeutung au Moïse mais aujourd’hui encore, derrière les masques trompeurs de l’actualité, celui de la psychologie notamment.

  • 13  Cf. Le Coq-Héron, 1998, n° 150, op. cit.
  • 14  Cf. B. Lemérer et al., op. cit., 1999. Jacqueline Poulain-Colombier, Changements dans la psychanal (...)

15Dans la célèbre postface à son essai sur l’analyse profane qu’il écrivit dans le frayage du débat13 qui fit suite à la première édition de cet essai, Freud effectue une mise au point importante qui a récemment été reprise par divers auteurs précisément soucieux de cerner quelques aspects de la crise contemporaine de la psychanalyse, à commencer par ceux qui s’expriment par le biais d’une certaine confusion d’appellation14 :

  • 15 Sigmund Freud, op. cit., 1985, p. 152-153.

« Pour des raisons pratiques, écrit Freud, nous avons même dans nos publications, pris l’habitude de distinguer une analyse médicale des applications de l’analyse. Cela n’est pas correct. En réalité, la ligne de démarcation se situe entre la psychanalyse scientifique et ses applications dans les domaines médical et non médical. »15

16La prise en compte de cette « ligne de démarcation », conduit à distinguer entre les formes, parentes mais non identiques, d’existence concrète de la psychanalyse profane dans trois registres.

17Les deux derniers registres constituent les applications de la psychanalyse, applications médicales, dites encore thérapeutiques, d’une part, applications non médicales d’autre part.

  • 16  Cf. Brigitte Lemérer et al., op. cit., 1999.
  • 17  Jacqueline Poulain-Colombier, op. cit., 1999.
  • 18  Notons-le au passage, cette classification freudienne, vieille de plus de soixante-dix ans, rend q (...)

18Dans le cadre limité de cette réflexion, je laisserai très largement de côté ce registre des applications médicales, si ce n’est pour dire que je crois utile d’y distinguer deux versants. Le versant de la pratique thérapeutique d’une part, qui inclut ce que l’on appelle la « technique », versant où la question de la spécificité de la psychanalyse peut être notamment illustrée par le débat qui opposa Freud à Ferenczi à propos de la « technique active » mais aussi bien par celui, contemporain, concernant la différence de la psychanalyse avec les diverses formes de psychothérapies16. Le versant de l’exercice de la psychanalyse d’autre part, versant qui est plus concerné par la dimension professionnelle, sociale et juridique de la pratique psychanalytique : viennent s’inscrire là les questions concernant le fait d’être ou non médecin, celle des diplômes en général, celle du pouvoir médical, mais aussi celle que Jacqueline Poulain-Colombier17 regroupe sous la question du « tiers payant » et qui ouvre aux multiples problèmes, particulièrement actuels, de la psychanalyse en institution18.

  • 19  Cf. Michel Plon, Agora, op. cit., 1999.

19Le deuxième registre des applications de la psychanalyse est constitué par les pratiques non thérapeutiques de la psychanalyse, ensemble longtemps désigné par l’expression ambiguë de « psychanalyse appliquée » qui fut, en France notamment, objet de controverses remarquablement stériles19. Dans ce second registre, la question de l’analyse profane se matérialise par l’existence d’obstacles d’ordre épistémologique qui jalonnent la rencontre et les relations entre la théorie psychanalytique et les divers domaines qui composaient ce qui s’appelait du temps de Freud « les sciences de l’esprit », et qui sont aujourd’hui regroupés sous l’appellation de « sciences humaines et sociales ». Sans entrer à présent dans la discussion détaillée de ces obstacles, il est clair que le maintien de la spécificité de la psychanalyse, la défense de son caractère profane passent par le contournement des mêmes ornières de l’édulcoration d’un côté, du sectarisme de l’autre. Édulcoration, vulgarisation pour une part, sectarisme et hermétisme pour l’autre, autant de dérives qui permettent aux tenants des disciplines constitutives de cet ensemble que sont les sciences humaines de repousser au moindre coût les rencontres avec la psychanalyse.

20Applications médicales et applications non médicales de la psychanalyse constituent donc l’un des versants de cette « ligne de démarcation », l’autre versant étant constitué par ce registre que Freud appelle la « psychanalyse scientifique », celui de la théorie psychanalytique proprement dite. Dans ce cadre, la spécificité de la psychanalyse, la psychanalyse profane, s’exprime prioritairement sur le plan épistémologique, la question essentielle étant celle de la nature de la dite scientificité de la psychanalyse.

21Ce sont les traces épistémologiques de cette scientificité, de sa construction et des rejets qu’elle implique en tant qu’elle est constitutive de la spécificité de la psychanalyse que je me propose de repérer hâtivement, en essayant de faire apparaître leur permanence aujourd’hui, depuis la Traumdeutung jusqu’au Moïse, ouvrage ultime où viennent à se juxtaposer deux aspects de l’analyse profane, celui de la scientificité et ceux, évoqués à l’instant, de l’application non médicale.

  • 20  Cf. Paul-Laurent Assoun, Freud et les sciences sociales, Paris, Armand Colin, 1993.
  • 21  Jacques Lacan souligne, au seuil de son séminaire de 1953, que la perspective historique ne peut s (...)
  • 22  Cf. Jean-Claude Milner, L’œuvre claire, Paris, Seuil, 1995, p. 35, et 70, n. 5 laquelle appellerai (...)
  • 23  C’est la position de Frank J. Sulloway, Freud biologiste de l’esprit (1979), Paris, Fayard, 1998, (...)
  • 24  Position qu’exprime Jean-Claude Milner, in op. cit., 1995, p. 70, n. 3.

22On sait avec quelle insistance Freud a toujours tenu à inscrire sa découverte dans le champ des sciences de la nature (Naturwissenschaften) plutôt que dans celui des sciences de l’esprit (Geistswissenschaften)20. Bien des auteurs n’ont pas manqué de déduire de cette insistance une adhésion de Freud au scientisme de son époque21, certain allant jusqu’à trouver la preuve de cette adhésion dans l’apposition qu’il fit, en 1911, de sa signature au bas d’un manifeste déjà signé par des auteurs tels que E. Mach, D. Hilbert, A. Einstein22. Dans cette perspective, les attitudes peuvent varier, allant de la plus grande bienveillance, celle qui fait observer, non sans une certaine condescendance, qu’il y aurait quelque anachronisme à vouloir, à plusieurs décennies de distance, reprocher à Freud une telle option, jusqu’à la plus extrême sévérité qui consiste à accuser l’inventeur de la psychanalyse d’avoir procédé à une véritable trahison en abandonnant le terrain de la science qui était le sien, au temps notamment de L’esquisse23, en passant par cette sorte de neutralité qui se matérialise par la mise en cause de la connotation insultante dont est fréquemment chargé ce terme de scientisme24. Pour différentes qu’elles soient, ces attitudes semblent avoir en commun d’opérer une confusion lourde de conséquences entre ce que l’on pourrait appeler, d’une part, les positions idéologiques de Freud, au sein desquelles on peut toujours répertorier telle ou telle de ses faiblesses ou de ses erreurs, celles que sa soif de reconnaissance de la part des milieux scientifiques de son temps a pu l’amener à faire, ou encore celles que put guider sa hantise de voir son travail assimilé soit à de la philosophie, soit, pire encore, à quelque littérature charlatanesque et ce qu’il en fut, d’autre part, dans son travail proprement dit, de ses exigences dans le processus de construction de ses objets théoriques, l’appareil psychique, l’inconscient, le rêve parmi d’autres, c’est-à-dire le mode de scientificité qu’il cherchait à mettre en place lorsqu’il parlait de psychanalyse scientifique.

  • 25  Edward Timms (éd.), Fritz Wittels, Freud et ta femme enfant, Paris, PUF, 1999 ; cf. notamment p. 1 (...)

23Si l’on se hasarde à définir hâtivement la conception positiviste de la science qui sous-tend l’idéologie scientiste, démarches auxquelles on ne saurait réduire les diverses approches scientifiques et même la science en général, sauf à s’inscrire dans une position antiscientifique fonctionnant en miroir du scientisme et donc sur le même mode que l’on peut qualifier de religieux, on peut retenir quatre critères. Le tout premier, qui commande les autres, est constitué par l’impératif du mesurable, paramètre sans lequel du scientifique ne saurait exister ; de là, deuxième critère, l’idée d’un objet concret, empirique et comme tel mesurable, mais aussi localisable et donc à même d’être reproduit, miniaturisé, exporté ; troisième critère, relié aux deux premiers, celui constitué par le requisit de l’expérimentation porteur du quatrième, le critère de la preuve. Or, et c’est là un point essentiel, aucun de ces quatre critères n’est jamais pris en compte par Freud lorsqu’il construit et développe sa « psychanalyse scientifique ». Mieux, sous une forme ou sous une autre, chacun de ces critères est explicitement critiqué et rejeté. On pourrait se contenter, pour soutenir cette affirmation, de faire référence aux réflexions de Fritz Wittels qui souligne comment, depuis Freud, « nous avons mieux à faire » que de mesurer la libido et comment une forme d’esprit, celle qui anime notamment la psychologie expérimentale, attachée aux seules « dimensions, à la mesure et à la pesée, aux chiffres et aux statistiques » ne peut qu’être aveugle à cette forme nouvelle de scientificité attachée à explorer l’ordre de la qualité, « cette qualité qui, avant Freud, n’était ressentie que dans la contemplation religieuse, dans l’art et la littérature »25.

24Mais ce serait alors faire bon marché du lent et douloureux processus de gestation de la psychanalyse — bien plus de l’ordre d’une transformation ou d’une mutation que de celui d’une rupture avec ce qu’elle implique de fulgurance et d’immédiateté — qui s’inaugure très tôt, au moins depuis L’Esquisse et les lettres à Wilhelm Fliess, jusqu’à la Traumdeutung dont ces textes constituent les prolégomènes. Le processus, on le sait, n’aura en fait jamais de fin, son déroulement consistant dans le fait de délimiter, pas à pas, l’espace propre de la psychanalyse pour y couler les fondations de sa spécificité, en repoussant vers l’extérieur toutes ces autres approches que sont l’approche neurologique, physiologiste, médicale et psychologique mais aussi philosophique, voire par la suite religieuse, qui prétendent toutes occuper la place au moyen de leurs objets empiriques ou spirituels, ou pire, qui s’efforcent de convaincre que cette place n’existe pas, leur objectif étant invariable, occulter ou invalider l’inconscient tel que Freud commence d’en appréhender les contours.

25L’abandon, en 1897, de la théorie de la séduction est déjà, aussi, celui des rivages rassurants du fait concret que l’on peut référer à des actes bien réels avec ce que cela implique du côté d’une causalité linéaire : c’est d’autre chose qu’il lui faut prendre acte au lendemain de ce retour d’Italie ; Rébecca n’est plus fiancée, il lui faut abandonner sa robe et laisser place à :

  • 26  Op. cit., 1956, p. 191.

« la conviction qu’il n’existe dans l’inconscient aucun indice de réalité de telle sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre la vérité et la fiction investie d’affect »26.

  • 27  Sigmund Freud, L’Homme Moïse et la religion monothéiste (1939), Paris, Gallimard, 1986, p. 79. (...)

26N’y a-t-il pas lieu d’entendre là, déjà là, l’une des lignes de tension fondamentale que l’on retrouvera exprimée telle quelle quarante ans plus tard, dans son « roman historique » lorsqu’il énonce sa crainte que son  « hypothèse faisant de Moïse un Égyptien » ne repose que « sur des vraisemblances psychologiques » auxquelles il manquera « une preuve objective »27. La nécessité impérieuse de devoir abandonner ces confortables rivages de la certitude mais aussi le risque inhérent à la traversée des turbulences du vraisemblable seront ainsi toujours réaffirmés, et ce, jusqu’au dernier instant. Mieux, Freud ne manquera jamais d’identifier les mirages d’un savoir définitivement établi comme étant une forme de résistance à laquelle les psychanalystes sont les plus vulnérables : c’est bien ce qu’il réaffirme au Pasteur Pfister lorsqu’en janvier 1926, alors qu’il lui annonce la prochaine parution de son essai Inhibition symptôme et angoisse, il lui prédit que :

  • 28  Correspondance de Sigmund Freud avec le pasteur Pfister, op. cit., 1967, p. 152.

« Les analystes qui veulent par-dessus tout la paix et la certitude seront peu satisfaits d’être une fois de plus obligés de réviser leurs connaissances. »28

27C’est un départ du même ordre qu’il manifeste à propos d’une toute autre « preuve objective » dans sa réfutation de la mise en rapport que Fliess veut établir entre la bisexualité en tant qu’hypothèse théorique, conceptuelle et la bilatéralité appelée à jouer le rôle de fondement empirique :

  • 29  Op. cit., 1956, p. 215.

« Je ne m’élève, je crois, que contre ton identification de la bisexualité à la bilatéralité. »29

  • 30  Marie Moscovici, Le roman secret, préface à Sigmund Freud, op. cit., 1986, p. 27.

28Pas à pas, au prix de ce que Marie Moscovici, dans sa préface à L’Homme Moïse30, appelle son « audace nécessaire » qui consiste en l’abandon de ces bases solides que pourraient, que devraient être les données historiques et archéologiques pour « se fier tout à fait (...) à la psychanalyse et à ses preuves très particulières », c’est, à l’origine, l’ancrage biologique qui va être délaissé pièce par pièce. A Fliess qui, en mars 1898, voit déjà achevé le livre sur les rêves, il répond sans tarder en laissant échapper ce qui peut être entendu tout à la fois comme un regret et comme une satisfaction :

  • 31 Op. cit., 1956, p. 218.

« Il me semble que l’explication par la réalisation d’un désir donne bien une solution psychologique, mais aucune solution biologique bien plutôt métapsychologique. »31

  • 32 Ibid., p. 260.
  • 33  Ibid., p. 233.

29Alors, s’il faut abandonner des coordonnées aussi rassurantes que celles de la biologie et de la physiologie — ces physiologistes dont il dira, le livre est alors presque achevé, que « quoi qu’il arrive », ils « trouveront bien à redire, mais enfin tant pis ! »32 — peut être la possibilité existe-t-elle de se sentir moins seul, de discerner d’autres points d’appui, par exemple du côté de cette zone frontalière où la philosophie et la psychologie se côtoient. Il trouve ainsi dans les écrits de Lipps, ce philosophe et psychologue qui lui semble avoir « l’esprit le plus lucide » de ceux de son temps, l’exposé de ses propres principes, exposé presque trop parfait, en tout cas « un peu mieux peut être que je ne l’aurais désiré ». N’empêche, en voilà un pour qui les processus psychiques sont « tous inconscients », un avec lequel il y a concordance jusque dans les détails ; « peut être, ajoute-t-il cependant, comme s’il savait bien qu’il ne pourrait pas en rester là, la bifurcation d’où partiront mes idées nouvelles se révélera-t-elle plus tard »33.

30Il ne faudra, en effet, que quelques mois, pour qu’à son tour, ce point d’appui soit balayé par cette tourmente que constitue Die Traumdeutung.

  • 34  « La Traumdeutung, écrit André Bourguignon, est (...) le premier discours scientifique cohérent qu (...)

31Un livre sur les rêves. Un livre consacré à un objet qui n’a aucune existence empirique, qui n’existe que par le récit que peut en donner le rêveur34, base partielle, tronquée, déformée et comme telle on ne peut moins fiable, à l’opposé de ce sur quoi est censée pouvoir se fonder une démarche scientifique digne de ce nom, un objet dont il dira en 1901, dans l’opuscule sur le rêve dont la publication fait suite au livre princeps :

  • 35  Sigmund Freud, Sur le rêve (1901), Paris, Gallimard, 1988, p. 49.

« A ma grande surprise, je découvris un jour que la conception non médicale du rêve, la conception profane, celle qui reste à demi prisonnière de la superstition, se rapproche de la vérité. »35

  • 36  Sigmund Freud, L’interprétation des rêves (1900), Paris, PUF, 1977, p. 435-436.
  • 37  Ibid., p. 46.

32Un objet dont il réaffirme que nous ne le « connaissions pas du tout (...) ou plus exactement [un objet dont] rien ne pouvait nous garantir que nous le connaissions tel qu’il a réellement eu lieu »36. Cette idée, soulignée dans le cadre du célèbre chapitre VII de la Traumdeutung, chapitre à juste titre valorisé par les commentateurs, on la trouve déjà énoncée dès le premier chapitre, chapitre dévalorisé s’il en fut et par son auteur lui-même. C’est aux positivistes qu’il s’en prend alors, à ceux qui, comme Tissié, ne veulent rien savoir de l’origine psychique du rêve et qui affirment « Les rêves d’origine absolument psychique n’existent pas » ou encore « Les pensées de nos rêves nous viennent du dehors ». Cette négation de l’essence psychique du rêve et au-delà, de l’existence possible de ce qu’il a déjà appelé en 1896 l’appareil psychique et dont il va reprendre le développement dans ce chapitre VII, il en souligne tout de suite, et d’une manière propre à nous confirmer la présence déjà, jusque dans les termes, de la question de l’analyse profane, qu’elle ne peut que convenir « aux tendances qui dominent actuellement la psychiatrie »37. Sur ce point, il précise, et à n’en pas douter chacun des termes a été soupesé :

  • 38  Ibid. C’est moi, M. P., qui souligne.

« On insiste sans doute sur la prépondérance du cerveau dans l’organisme mais tout ce qui pourrait indiquer une indépendance de la vie mentale à l’égard de modifications organiques démontrables ou une spontanéité dans les manifestations de cette même vie, effraie aujourd’hui les psychiatres, comme si en reconnaissant ces faits on ramenait les temps de la philosophie de la nature et de l’essence métaphysique de l’âme. La méfiance des psychiatres a mis l’âme en tutelle ; aucun de ses mouvements ne doit laisser deviner en elle un pouvoir propre.38 »

  • 39  Cf. Marcel Gauchet, L’inconscient cérébral, Paris, Seuil, et, pour une évaluation critique de cett (...)

33En d’autres termes, l’espace épistémologique et théorique que Freud est en train de dégager, celui d’une « indépendance de la vie mentale », c’est celui que nie cette alternative qui oppose d’un côté, la science du cerveau, et la psychiatrie en participe alors comme elle en participe à présent au risque de sa propre disparition, à la métaphysique de l’âme. Cette alternative que Freud réfute en 1899 n’est-elle pas très exactement celle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés, qui oppose d’un côté la respectabilité d’une « science cognitive », appendice et porte-parole partiellement autorisé des neurosciences, une « science cognitive » qui peut tout au plus admettre l’idée d’un inconscient pour peu qu’il soit cérébral, et de l’autre côté, les ténèbres de l’obscurantisme, le royaume de la superstition et des croyances populaires, celui des approches religieuses et irrationnelles39.

34Si de 1900 à 1999 le combat pour l’autonomie de la vie psychique, pour « l’indépendance de la vie mentale » est demeuré toujours aussi âpre, il convient de noter qu’en 1939, lors de cette étape intermédiaire de notre parcours que constitue L’Homme Moïse, c’est dans les mêmes termes que la question est encore abordée, lorsque pour justifier de la concordance des processus entre l’étage individuel et celui des masses d’une part, pour palier aux carences de l’histoire et de l’archéologie d’autre part, quant à donner de l’histoire du judaïsme une explication vraisemblable, il lui faut préciser ce qu’il en est de la théorie psychanalytique en ce qu’elle a alors de plus abouti :

  • 40 Sigmund Freud, op. cit, 1986, p. 192.

« J’ajoute une observation, écrit-il en ce point : que la topique psychique développée ici n’a rien à voir avec l’anatomie du cerveau. »40

  • 41  Op. cit., 1977, p. 455. Freud, dans son article métapsychologique L’inconscient, OC, vol. XIII, p. (...)

35Plus les forces extérieures résistent à la percée freudienne, plus la création de cet espace autonome d’une science du psychisme suppose d’ « audace », et plus il faut être exigeant, intraitable sur les idées et sur la manière de les exprimer. Une fois démontré — mais la suite de l’histoire attestera que l’on n’en a jamais fini — que la médecine du cerveau, pour respectable qu’elle puisse être lorsqu’elle demeure sur ses terres, n’est d’aucune aide lorsqu’elle en sort, une fois élaboré cet appareil psychique dont il souligne à loisir qu’il s’agit d’un objet théorique, d’un « lieu psychique », ce qui implique que l’on écarte « aussitôt la notion de localisation anatomique »41, c’est à des voisins plus proches et qui n’en sont pas restés au stade de la superstition qu’il faut se confronter. Pour ce faire, il faut savoir jusqu’où l’on peut aller en compagnie de tel ou tel allié et à quel moment il convient de rompre, de marquer la différence quoi qu’il en coûte. C’est ainsi que l’on retrouve Lipps avec lequel, pour un temps encore, l’entente cordiale est de rigueur :

  • 42 Ibid., p. 519.

« Le problème de l’inconscient en psychologie est, selon les fortes paroles de Lipps, moins un problème psychologique que le problème de la psychologie elle-même. Aussi longtemps que la psychologie s’est contentée d’y répondre que psychique et conscient étaient termes équivalents et que l’expression processus psychique inconscient était un visible non-sens, elle ne pouvait songer à utiliser les observations que le médecin peut faire sur les états psychiques anormaux. Pour que le médecin et le philosophe collaborent, il faut que tous deux reconnaissent dans les mots processus psychique inconscient l’expression appropriée et justifiée d’un fait bien établi. »42

36Un pas de plus avec ce même Lipps, un pas qui permet d’affirmer que :

  • 43 Ibid., p. 520.

« Pour bien comprendre la vie psychique, il est indispensable de cesser de surestimer la conscience. Il faut, comme l’a dit Lipps, voire dans l’inconscient le fond de toute vie psychique (...) L’inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. »43

37Le temps d’après, une demi-page, pas plus, et la séparation sera accomplie : elle se fonde sur la toute simple affirmation de la spécificité de l’inconscient tel que la psychanalyse, désormais définitivement autonome, le conçoit :

  • 44 Ibid., p. 521-522.

« Je dis à dessein dans notre inconscient, car ce que nous appelons ainsi n’est pas l’inconscient des philosophes et n’est pas non plus celui de Lipps (...) Il y a donc deux sortes d’inconscient, que les psychologues n’avaient pas encore distingués. Tous deux sont inconscients, au sens que donne à ce mot la psychologie. Pour nous, l’un des deux, celui que nous appelons inconscient, ne peut en aucun cas parvenir à la conscience. »44

  • 45  Jacques Lacan, intervention à la table ronde organisée par Jenny Aubry, La place de la psychanalys (...)
  • 46  Serge Leclaire, Œdipe à Vincennes Séminaire 69, Paris, Fayard, 1999.
  • 47  J. Lacan, op. cit., 1987.
  • 48  Cf. à ce sujet les remarques de J.-B. Pontalis, Une idée incurable, in Perdre de vue, Paris, Galli (...)
  • 49  Cf. supra, op. cit., 1977, p. 519.
  • 50  Joseph Breuer, Considérations théoriques, in Sigmund Freud, Joseph Breuer, Études sur l’hystérie ( (...)
  • 51  Cf. sur ce point Emilio Rodrigue, Freud, le siècle de la psychanalyse. Paris, Payot, 2000, vol. 1, (...)

38On pourrait ainsi continuer cette lecture, à chaque fois plus passionnante et plus stupéfiante, qui atteste de l’émergence d’un champ de connaissance dont chaque avancée implique la réaffirmation simultanée d’une scientificité spécifique. Ce qu’il importe de souligner ici, au regard de notre recherche de la permanence du souci de l’analyse profane, c’est que ce maître livre est le théâtre d’une double opération. La première, qui s’effectue notamment dans le temps de L’Esquisse et de ses entours et dont on a pu discerner les traces s’agissant de la psychiatrie, consiste à prendre acte de la mutation qui s’est opérée dans la médecine en cette fin du xixe siècle et qui va aller s’accélérant au cours du siècle suivant, le nôtre, qui s’achève. Cette mutation Freud l’a vécue sans pouvoir véritablement la théoriser. C’est Jacques Lacan45, bien plus tard, qui la discerne et la nomme comme étant celle de l’avènement de la fonction scientifique de la médecine au détriment de ce qu’il appelle sa fonction sacrale, celle qui donnait au médecin une place voisine, mais non identique, de celle du prêtre, une place qui impliquait l’écoute du symptôme, une place inscrite dans le champ d’une clinique de la demande à même de prendre en compte, à côté du corps biologique, imbriqué dans ce corps biologique, ce que Serge Leclaire appelait le « corps érogène »46, le corps en tant qu’il est porteur de la « dimension de la jouissance »47. De cette médecine scientifique et de sa domination qui signe l’instauration et l’installation de l’ « âge médical »48, il n’y a rien de bon à attendre quant à une étude de la vie psychique qui ait pour objectif premier d’en respecter l’autonomie. Mais cela ne signifie pas, bien au contraire, un désintérêt de cette médecine pour le psychisme. Pour tenter d’occuper le territoire du psychisme, de faire du psychisme son objet, la médecine scientifique dépêche une sorte de corps expéditionnaire dont la psychologie constitue l’élément essentiel, le fer de lance que suivent à distance les bataillons philosophiques et religieux, corps expéditionnaire dont cette médecine scientifique suit attentivement le déploiement et auquel elle apporte un soutien logistique pour ses opérations. Là se situe, me semble-t-il, l’objet de la seconde opération dont la Traumdeutung est le cadre : opération qui ne consiste en rien moins qu’à démontrer l’impossible coexistence de la psychologie avec l’inconscient, lequel, rappelons-nous, n’est pas « un problème psychologique mais le problème de la psychologie »49. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de constater que Rébecca doit ôter sa robe mais que le roi est nu, que la psychologie n’est qu’un fantôme, un tenant lieu avec lequel il n’y a rien à négocier. Aussi bien lorsque nous disons aujourd’hui, comme si les temps avaient changés, comme si nous avions rattrapé Freud, que la forme contemporaine de résistance à la psychanalyse la plus redoutable n’est plus la médecine mais la psychologie, on est en droit de se demander si nous ne sommes pas en train d’oublier cette deuxième opération effectuée par Freud, c’est-à-dire si nous ne sommes pas, bien loin de le rattraper, en train de céder du terrain en ne voyant que l’arbre psychologie sans voir la forêt que constitue la conception médicale. Dans la bataille pour la psychanalyse, tout démontre que Freud situe la psychologie comme étant de l’ordre d’un cheval de Troie : elle est un leurre, une ruse et c’est à ce titre, à ce titre seulement qu’elle peut retenir notre attention. Leurre, la psychologie l’est parce qu’elle se présente comme la source la plus autorisée pour parler du psychisme, comme la seule modalité de l’expression psychique. Cette « évidence » peut même, au moins dans le cours de la difficile gestation d’une théorisation autonome et spécifique du psychisme, produire de curieux paradoxes repérables notamment dans les Études sur l’hystérie. Depuis des horizons et en des temps différents, de nombreux commentateurs ont noté comment Joseph Breuer, lorsqu’il tente de se dégager de la conception neurophysiologique en affirmant dans ses « Considérations théoriques » que « Pour parler des phénomènes psychologiques, nous utiliserons la terminologie de la psychologie », ajoutant « Comment d’ailleurs agir autrement ? »50, en vient en réalité à « neurologiser » son texte lors même que Freud qui tente encore de s’exprimer en termes physiologistes réalise qu’il expose ses cas cliniques comme autant de fictions psychologiques totalement étrangères à cette psychologie appendice de la physiologie51.

  • 52  Op. cit., 1988, p. 50.
  • 53  Que la psychologie en son essence ne puisse faire autre chose que de s’autodétruire est une caract (...)

39Discours laxiste de la conscience qui, écrit Freud dans le petit ouvrage sur le rêve, « ignore » l’origine des « idées anxieuses et obsédantes (...) de même qu’elle ignore l’origine des rêves »52, bavardage complaisant du moi sur lui-même, la psychologie se heurte à l’obstacle de l’inconscient : elle ne peut ni l’entendre puisque fondée sur cette instance moïque, ou si l’on veut sur le système perception-conscience qui en nie les manifestations, ni y survivre. La psychologie ne peut donc que se résorber53 soit du côté de la littérature, évidemment la plus mauvaise, car la vraie littérature n’a jamais rien eut à faire de la psychologie, occupée qu’elle est avec la langue, soit du côté de certains éléments du continent scientifique dont elle deviendra un agent à ce point encombrant qu’il lui faudra changer d’identité : de psychologie elle deviendra simple composante d’un ensemble somptuairement baptisé « science cognitive » ainsi qu’en attestent très officiellement les découpages académiques des grandes institutions de recherche, le CNRS par exemple, dans lesquels la psychologie, de tête de rubrique qu’elle fut un temps, a été purement et simplement remplacée par un ensemble dont l’intitulé s’énonce comme suit : « Fonctions mentales. Neurosciences intégratives. Comportements ». Paravent, auxiliaire plus ou moins respecté, la psychologie constitue tout au plus le moyen de faciliter l’avancée sur le terrain du psychisme de ces détachements de la fonction scientifique de la médecine que sont certaines retombées de la recherche en génétique ou en biologie moléculaire. Le danger actuel pour la défense de la spécificité de la théorie psychanalytique, ce que Freud appelle la « psychanalyse scientifique », ne serait donc pas tant la psychologie comme telle, que la croyance en son existence, en sa capacité à s’être substituée à l’emprise du modèle médical.

40C’est bien ainsi me semble-t-il que l’on doit entendre l’un des derniers mots qu’en 1928 Freud adresse à Ferenczi sur cette question, l’un des derniers prononcés dans l’ardeur encore vive du débat de 1926 :

  • 54  Lettre du 22 avril 1928 citée par Françoise Samson, Profane ?., Carnets de l’EPSF, 1998, 20.

« Le développement interne de la psychanalyse s’écarte partout, à l’encontre de mes intentions, de l’analyse profane vers une spécialité purement médicale, ce que je considère comme fatal pour l’avenir de la psychanalyse. »54

41Trop brièvement, au moyen de quelques exemples, on s’est ici efforcé de montrer la permanence de la forme que revêtent l’analyse profane et sa défense dans le registre de la psychanalyse scientifique et ce, jusque dans l’œuvre ultime, L’Homme Moïse. Mais ce dernier ouvrage, c’est ce qui a été suggéré au tout début de cette réflexion, est aussi le cadre de l’expression de ce même souci, dans le registre cette fois-ci de l’application non médicale de cette psychanalyse scientifique dont Freud a maintes fois dit, et dès les débuts de l’aventure psychanalytique, qu’elle était appelée à venir occuper une place tout aussi spécifique, tout aussi irréductible dans le champ des sciences de l’esprit qui s’attachent à expliquer, plus souvent à décrire, les modalités sociales, collectives du fonctionnement des hommes.

42Comment rendre compte de la production, du développement et de la transmission de certaines idées, comment analyser la fonction, positive ou négative, l’emprise de ces idées, les idées religieuses notamment ?

  • 55  Sigmund Freud, Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort (1915), in Essais de psychana (...)
  • 56 Sigmund Freud, op. cit., 1986, p. 137.

43Il va lui falloir constater, ce qu’il a fait très tôt, depuis Les considérations actuelles sur la guerre et sur la mort55, que dans ce registre comme dans celui de la scientificité, rien n’est acquis : la psychanalyse va devoir faire face sur ce terrain à toutes les formes de rejet — c’est encore le cas aujourd’hui — elle devra se protéger de toutes les tentatives d’assimilation et de réduction, il lui faudra trouver le courage de nommer les impasses des autres approches, prendre des risques et avoir l’audace d’avancer, ainsi qu’il le dit lui-même dans le Moïse, « comme une danseuse qui fait des pointes »56.

44On se souvient de l’équivalence qu’il faisait valoir auprès du pasteur Pfister entre son texte sur l’analyse profane et cet autre qui lui faisait suite, L’avenir d’une illusion : dans un cas, il s’agissait de protéger la psychanalyse des médecins, dans l’autre, de la protéger des prêtres. Le voici une fois de plus au pied du mur : comment rendre compte de la religion dans son essence, comment se fait-il que les hommes aient produit cette conception du monde et de son histoire, comment se fait-il qu’ils s’y soient à ce point soumis, qu’ils y croient avec autant de force, comment la psychanalyse, science du psychisme humain, peut-elle se confronter à cette obsession collective et universelle ? La psychanalyse peut-elle dire quelque chose de spécifique à propos de ce phénomène ? Mais d’abord, question préalable, le doit-elle ? La réponse, explicite, a été donnée quelques années plus tôt, en 1933, dans cette XXXIVe conférence qui traite des applications et dans laquelle il rencontre de nouveau ce problème du passage de l’individuel au collectif :

  • 57  Sigmund Freud, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse (1933), Paris, Gallimard, 19 (...)

« ... comme rien, écrit-il alors, de ce que les hommes créent ou exécutent n’est compréhensible sans le concours de la psychologie [des profondeurs, c’est-à-dire la psychanalyse] il en est résulté des applications (...) qui s’imposaient et exigeaient d’être élaborées. »57

  • 58  Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation (1930), Paris, PUF, 1978. Rappelons que dans la derniè (...)
  • 59  Que L’Homme Moïse ait été écrit pour partie du fait des circonstances politiques dramatiques que c (...)
  • 60 Sigmund Freud, op. cit., 1986, p. 133.

45Après 1933, le vague espoir d’une possible victoire de la pulsion de vie, exprimé dans les dernières pages du Malaise dans la civilisation58n’est plus de mise. Au-delà de cette religion venue de Moïse, elle-même transmise à travers bien des aléas et en passe d’être à nouveau persécutée, confronté de manière non équivoque à ce qu’il perçoit être une autre forme de religiosité, barbare à l’extrême celle-là et qui l’a contraint de quitter Vienne59, il prend acte, non sans avoir cherché d’autres solutions du côté de l’histoire et de l’archéologie, du fait qu’en définitive, le problème est comparable à celui qu’il avait rencontré quarante ans plus tôt avec cette psychologie qu’il avait écartée : la religion ne peut pas rendre compte autrement que religieusement du phénomène religieux. La chose n’est pas neuve, elle a déjà été dite « en toute clarté il y a un quart de siècle », allusion explicite à Totem et tabou, mais elle « a été oubliée depuis lors, et il ne peut demeurer sans effet de le rappeler aujourd’hui et de l’expliciter d’après un exemple valable pour toutes les fondations de religion »60. C’est donc à la réaffirmation de cette thèse déjà ancienne, réaffirmation à laquelle les circonstances donnent une ampleur sans précédent, qu’il s’attache :

  • 61  Ibid., p. 136-137.

 « ... à savoir que les phénomènes religieux ne sont accessibles à notre compréhension que d’après le modèle des symptômes névrotiques bien connus de l’individu, en tant que retour de processus importants, depuis longtemps oubliés, ayant eu lieu au cours de l’histoire primitive de la famille humaine, qu’ils doivent leur caractère contraignant à cette origine même et donc qu’ils agissent sur les êtres humains en vertu de leur contenu de vérité historique. »61

  • 62  Lou Andreas-Salomé, Correspondance avec Sigmund Freud (1966), Paris, Gallimard, 1970, p. 253.

46Résumant la première version de son Moïse à Lou Andreas-Salomé quelques années auparavant, il avait usé de cette formule choc : « ... ce qui rend la religion forte ce n’est pas sa vérité réelle mais bien l’historique. »62

47Dire sans relâche, sans se décourager, en sachant que l’on n’aura jamais pour cela le réconfort que pourraient constituer des preuves irréfutables, que seule la psychanalyse, théorie du psychisme humain, peut affirmer quelque chose de la « vérité réelle » de la religion, voilà bien qui participe, en 1939 comme en 1999, de la défense de l’analyse que l’on a dans ce cadre encore plus de raisons d’appeler « profane ».

  • 63  Emilio Rodrigué souligne la différence existante entre le fait de « traiter psychanalytiquement le (...)
  • 64  Op. cit., 1986, p. 206.
  • 65  Ibid., p. 207.

48Mais il me semble que soixante ans après sa parution, la lecture, relecture de cet ultime ouvrage de Freud suggère qu’il s’y attaquât à un domaine autre que la seule religion, un domaine, celui de la politique, dont il considéra, même s’il ne put aller très loin en la matière, que la psychanalyse pouvait en appréhender sinon la vérité réelle dans son intégralité, du moins certaines dimensions parmi les plus insistantes et les plus obscures63. C’est notamment dans la seconde partie du troisième essai constitutif de ce livre que Freud en vient à traiter de cette chose politique sous un angle bien particulier, un angle dont il ne cache pas qu’il pourrait sembler constituer une démarche régressive en un temps où les explications dominantes — il ne nomme pas ici le marxisme ou l’utilisation commune qui en est faite mais il est clair qu’il en est là question — privilégient les explications socio-économiques, un angle qui se donne à connaître notamment à travers la figure du grand homme. De cette figure, dont Freud ne cache pas qu’il lui est difficile de lui trouver « un contenu qui soit dépourvu d’ambiguïté64 », car cela, dit-il, « l’entraînerait loin du centre de gravité de son entreprise », il note tout de même, marquant en cela la permanence de sa vigilance à l’égard d’éventuels dérapages métaphysiques et psychologisants — dérapages qui ne manqueront pas de s’effectuer sous la forme par exemple de la psycho-histoire — que ce n’est pas son essence qui doit retenir l’attention du psychanalyste, mais « la question de la manière dont il agit sur les hommes qui l’entourent »65. Pour limités qu’ils soient, et même parfois porteurs d’interprétations un peu hâtives, comme telles clôturantes, qui n’ont pas manqué d’abonder jusqu’à la caricature, je pense à l’assimilation à la figure du père, les quelques développements qui nourrissent ces dernières pages du Moïse me paraissent indicatrices d’un champ de processus que l’on pourrait appeler ceux de la religiosité de la politique et des formes successives du processus de son enreligieusement dont la vérité réelle, pour concerner cette partie de la philosophie qui a fait de la politique son objet et parle ainsi de totalitarisme, relève aussi, et peut être plus, de la spécificité de la théorie psychanalytique.

49Qu’il s’agisse de ce registre des applications non médicales de la psychanalyse, registre encore largement en friche et qui appelle, au moins autant qu’en 1933, à des élaborations nouvelles, ou des deux autres, celui de la psychanalyse scientifique ou celui des applications médicales que j’ai délibérément laissées de côté, le combat pour l’irréductible spécificité de la psychanalyse, pour l’indépendance de la vie mentale, demeure inchangé, actuel comme le prédisait Freud, en 1939, devant les micros de la BBC : « La résistance était forte et incessante. (...) La lutte n’est pas terminée. »

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Notes

1  Pour mémoire, et sans viser à l’exhaustivité en la matière, citons, par ordre chronologique : L’avant-propos de J.-B. Pontalis à la nouvelle traduction du texte freudien, La question de l’analyse profane (1926), Paris, Gallimard, 1985, et l’appendice de Michel Schneider à cette même édition, intitulé La question en débat ; le dossier consacré à l’ « histoire de l’exercice de la psychanalyse par les non-médecins » par la Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, 1990, n° 3 ; les articles et interventions de Françoise Samson, A propos de l’analyse profane, Le Coq-Héron, 1998, n° 150, numéro qui publie les traductions de l’ensemble des interventions sur la question parues dans The International Journal of Psycho-Analysis, vol. VIII, 1927, et, sous le même titre, une intervention dans Essaim, 1998, 1 (1998b) qui résume la position exprimée sur la question par Michael Schröter dans un article de la revue Psyché, 1996, 12, ainsi que des extraits de la correspondance échangée par Freud et Ferenczi à ce sujet entre 1925 et 1927 ; les articles d’Elisabeth Roudinesco, Psychanalyse profane et analyse laïque : variations sur un thème, Essaim, 1999, 4, 17-27, et de Jacqueline Poulain-Colombier, Le mot et le nom, Essaim, 1999, 4, 87-100.

2  Lettre à Ferenczi du 27 avril 1929 citée par Ernest Jones, La vie et l’œuvre de Sigmund Freud, Paris, PUF, 1975, vol. 3, p. 339.

3  É. Roudinesco, op. cit., 1999.

4  Sigmund Freud, Préface à la Medical Review of Reviews (1930), Œuvres complètes, vol. XVIII, p. 338. Ilse Grubrich-Simitis fait observer que Freud reprend dans ce court texte l’essentiel des idées qu’il exposait dans les pages, supprimées par Max Eitingon et par Ernest Jones, de sa postface à son texte sur l’analyse profane. Cf. Ilse Grubrich-Simitis, Freud : retour aux manuscrits (1993), Paris, PUF, 1997, p. 225.

5  Cf. sur ce point, Brigitte Lemérer, Michel Plon, Erik Porge, Françoise Samson, Contre l’inclusion de la psychanalyse dans le champ des psychothérapies, Essaim, 1999, 4, 5-15.

6  J.-B. Pontalis, op. cit., 1985.

7  F. Samson, op. cit., 1998b.

8 Sigmund Freud, op. cit., 1985, p. 37.

9  De cette difficulté, Freud ne fait pas mystère lorsqu’il écrit au pasteur Pfister, le 28 mai 1911 : « Il n’est guère possible d’argumenter publiquement sur la psychanalyse : on ne se trouve pas sur le même terrain et l’on ne peut rien entreprendre contre les affects aux aguets » (Correspondance de Sigmund Freud avec le pasteur Pfister, 1909-1939, Paris, Gallimard, 1967, p. 89).

10  Ibid., p. 138.

11  Sigmund Freud, La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1956.

12  Ibid., p. 267.

13  Cf. Le Coq-Héron, 1998, n° 150, op. cit.

14  Cf. B. Lemérer et al., op. cit., 1999. Jacqueline Poulain-Colombier, Changements dans la psychanalyse et politiques éditoriales, Le mouvement psychanalytique, 1998, I, 1, p. 11-45 ; Michel Plon, A face oculta da analise leiga, Agora, 1999, II, 1, p. 91-108.

15 Sigmund Freud, op. cit., 1985, p. 152-153.

16  Cf. Brigitte Lemérer et al., op. cit., 1999.

17  Jacqueline Poulain-Colombier, op. cit., 1999.

18  Notons-le au passage, cette classification freudienne, vieille de plus de soixante-dix ans, rend quelque peu dérisoire celle, rudimentaire et sommairement bureaucratique, que proposait récemment André Green dans le cadre notamment de son entretien paru dans l’ouvrage de Patrick Froté, Cent ans après, Paris, Gallimard, 1998, p. 148-150.

19  Cf. Michel Plon, Agora, op. cit., 1999.

20  Cf. Paul-Laurent Assoun, Freud et les sciences sociales, Paris, Armand Colin, 1993.

21  Jacques Lacan souligne, au seuil de son séminaire de 1953, que la perspective historique ne peut se contenter « de dire que Freud est apparu en un siècle scientiste » sauf à rater la spécificité d’une démarche qui se donne à entendre dès Die Traumdeutung. Plus avant dans ce même séminaire, Lacan souligne que la recherche qu’entreprend Freud se distingue de toute autre forme de recherche scientifique en cela qu’elle est marquée par la question de la vérité du sujet, recherche de la vérité qui « n’est pas entièrement réductible à la recherche objective, et même objectivante, de la méthode scientifique commune » (Jacques Lacan, Le Séminaire lime I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Seuil, 1975, p. 7 et 29).

22  Cf. Jean-Claude Milner, L’œuvre claire, Paris, Seuil, 1995, p. 35, et 70, n. 5 laquelle appellerait une discussion plus approfondie que cette seule mention.

23  C’est la position de Frank J. Sulloway, Freud biologiste de l’esprit (1979), Paris, Fayard, 1998, présentation par Michel Plon.

24  Position qu’exprime Jean-Claude Milner, in op. cit., 1995, p. 70, n. 3.

25  Edward Timms (éd.), Fritz Wittels, Freud et ta femme enfant, Paris, PUF, 1999 ; cf. notamment p. 165-174.

26  Op. cit., 1956, p. 191.

27  Sigmund Freud, L’Homme Moïse et la religion monothéiste (1939), Paris, Gallimard, 1986, p. 79.

28  Correspondance de Sigmund Freud avec le pasteur Pfister, op. cit., 1967, p. 152.

29  Op. cit., 1956, p. 215.

30  Marie Moscovici, Le roman secret, préface à Sigmund Freud, op. cit., 1986, p. 27.

31 Op. cit., 1956, p. 218.

32 Ibid., p. 260.

33  Ibid., p. 233.

34  « La Traumdeutung, écrit André Bourguignon, est (...) le premier discours scientifique cohérent qui ait été tenu sur le rêve ; (...) Il ne fait appel à aucune autre science que la psychanalyse, car il n’a nul besoin d’aide ni d’apport extérieur pour soutenir ses démonstrations (...) Écrit en 1899, il pourrait l’être encore aujourd’hui, sans le secours des connaissances neurophysiologiques contemporaines » (Fonctions du rêve, Nouvelle Revue de psychanalyse, 1972, 5, p. 181).

35  Sigmund Freud, Sur le rêve (1901), Paris, Gallimard, 1988, p. 49.

36  Sigmund Freud, L’interprétation des rêves (1900), Paris, PUF, 1977, p. 435-436.

37  Ibid., p. 46.

38  Ibid. C’est moi, M. P., qui souligne.

39  Cf. Marcel Gauchet, L’inconscient cérébral, Paris, Seuil, et, pour une évaluation critique de cette alternative ainsi que du cognitivisme en général, cf. Elisabeth Roudinesco, Pourquoi la psychanalyse ?, Paris, Fayard, 1999.

40 Sigmund Freud, op. cit, 1986, p. 192.

41  Op. cit., 1977, p. 455. Freud, dans son article métapsychologique L’inconscient, OC, vol. XIII, p. 213-214, reviendra sur cette question de la localisation, soulignant que sa « topique psychique n’a, provisoirement rien à voir avec l’anatomie (qu’)elle est en relation avec des régions de l’appareil animique, où qu’elles puissent bien être situées dans le corps, et non avec des localités anatomiques ». On pourra sur ce point se reporter aussi au commentaire que fait Jacques Derrida de ces lignes, in Mal d’Archive, Paris, Galilée, 1995, p. 47-49.

42 Ibid., p. 519.

43 Ibid., p. 520.

44 Ibid., p. 521-522.

45  Jacques Lacan, intervention à la table ronde organisée par Jenny Aubry, La place de la psychanalyse dans la médecine (1966), Le Bloc-Notes de la psychanalyse, 1987, 7, p. 9-38. Pour un commentaire de ce texte, cf. Alain Vanier, Lacan et la Laienanalyse, Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, 1990, 3, p. 275-287.

46  Serge Leclaire, Œdipe à Vincennes Séminaire 69, Paris, Fayard, 1999.

47  J. Lacan, op. cit., 1987.

48  Cf. à ce sujet les remarques de J.-B. Pontalis, Une idée incurable, in Perdre de vue, Paris, Gallimard, 1988.

49  Cf. supra, op. cit., 1977, p. 519.

50  Joseph Breuer, Considérations théoriques, in Sigmund Freud, Joseph Breuer, Études sur l’hystérie (1895), Paris, PUF, 1978, p. 146-204.

51  Cf. sur ce point Emilio Rodrigue, Freud, le siècle de la psychanalyse. Paris, Payot, 2000, vol. 1, p. 260-261.

52  Op. cit., 1988, p. 50.

53  Que la psychologie en son essence ne puisse faire autre chose que de s’autodétruire est une caractéristique qui n’avait pas échappé à Freud ; il notait, dans son autobiographie, que le behaviou-risme, qui fut longtemps le courant dominant de cette discipline prompte à s’autoproclamer « psychologie scientifique », « se vante dans sa naïveté d’avoir éliminé purement et simplement le problème psychologique » (Sigmund Freud présenté par lui-même (1925), Paris, Gallimard, 1984a, p. 89).

54  Lettre du 22 avril 1928 citée par Françoise Samson, Profane ?., Carnets de l’EPSF, 1998, 20.

55  Sigmund Freud, Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort (1915), in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981.

56 Sigmund Freud, op. cit., 1986, p. 137.

57  Sigmund Freud, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse (1933), Paris, Gallimard, 19846, p. 195.

58  Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation (1930), Paris, PUF, 1978. Rappelons que dans la dernière édition de cet ouvrage, Freud balaie cet espoir, prenant acte de la montée du péril nazi.

59  Que L’Homme Moïse ait été écrit pour partie du fait des circonstances politiques dramatiques que constituait la montée, puis le triomphe du nazisme, c’est là une thèse difficilement discutable que soutient Ilse Grubrich-Simitis, notamment in op.cit.,1997, p. 239-253, et que l’on peut mettre en parallèle avec celle qui postule que les origines premières de la pulsion de mort sont à rechercher dans le contexte d’horreur de la Première Guerre mondiale. Cf. pour ce dernier point, J.-B. Pontalis, L’éveilleur et le prisonnier, préface à S. Freud, Conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1999, p. VI.

60 Sigmund Freud, op. cit., 1986, p. 133.

61  Ibid., p. 136-137.

62  Lou Andreas-Salomé, Correspondance avec Sigmund Freud (1966), Paris, Gallimard, 1970, p. 253.

63  Emilio Rodrigué souligne la différence existante entre le fait de « traiter psychanalytiquement les questions politiques et le fait de traiter politiquement la psychanalyse », in op. cit., 2000, vol. 2, p. 396.

64  Op. cit., 1986, p. 206.

65  Ibid., p. 207.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Plon, « De la Traumdeutung au Moïse : le souci permanent d’une analyse profane », Revue germanique internationale [En ligne], 14 | 2000, mis en ligne le 30 août 2011, consulté le 20 mai 2013. URL : http://rgi.revues.org/805

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Auteur

Michel Plon

Directeur de recherche au CNRS, psychanalyste, Paris

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