Margaret Hilda Thatcher, Baronne Thatcher, LG OM PC FRS, née Roberts le 13 octobre 1925 à Grantham, est une femme d'État britannique.
Elle est la première et unique femme à avoir dirigé le Parti conservateur, de 1975 à 1990, et également la première – et à ce jour la seule – femme Premier ministre du Royaume-Uni, de 1979 à 1990. Arrivée au pouvoir dans un pays en situation d'instabilité, Margaret Thatcher en redressa l'économie au prix de réformes radicales. Effectuant le plus long mandat (depuis le début du XIXe siècle[1]) sans interruption, de Premier ministre au Royaume-Uni, elle est devenue « par sa personnalité autant que par ses réalisations, la plus renommée des leaders politiques britanniques depuis Winston Churchill[1]. »
Attachée à ses convictions chrétiennes méthodistes, conservatrices et libérales, invoquant la souveraineté britannique, la protection de l'intérêt de ses administrés et les principes de droit, elle mena une politique étrangère marquée par l'opposition à l'URSS, la promotion de l'atlantisme, la guerre des Malouines en 1982 ou la promotion d'une Europe libre-échangiste au sein de la Communauté économique européenne. Sa politique économique, fortement influencée par les idées issues du libéralisme économique, fut marquée par d'importantes privatisations, par la baisse de la pression fiscale, la maîtrise de l'inflation et du déficit et l'affaiblissement des syndicats.
Margaret Thatcher est à la fois l'une des figures politiques britanniques les plus admirées et les plus détestées. Le surnom de « Dame de Fer » que le journal soviétique L’Étoile rouge, organe de l'armée soviétique, lui décerna en janvier 1976 dans le but de stigmatiser son anticommunisme, symbolisa sa fermeté face aux grévistes de la faim de l'IRA provisoire en 1981 ou aux mineurs grévistes en 1984-1985[2]. Elle reste associée à la « révolution conservatrice » des années 1980. En effet, l'influence de son passage au gouvernement du Royaume-Uni est souvent qualifiée de « révolution » sur les plans politique, idéologique, et économique[3],[4],[5],[6].
Au-delà des conservateurs, elle a influencé une partie des travaillistes, notamment Tony Blair[7].
[modifier] Jeunesse et études
Maison natale de Margaret Thatcher à
Grantham.
Plaque commémorative ornant la maison natale de Margaret Thatcher.
Margaret Thatcher naît le 13 octobre 1925 à Grantham, en Angleterre. Elle est issue des classes moyennes[8], voire d'un milieu modeste[9]. Elle est la fille d'Alfred Roberts (en) (1892 – 1970) et de Beatrice Roberts, née Stephenson (1888 – 1960). Sa mère était couturière. Membre du Parti conservateur local, son père était à l'origine un petit épicier de quartier qui va connaître une ascension sociale grâce au travail et à l'épargne[9] au point de devenir brièvement maire de Grantham en 1945-1946, perdant son poste de conseiller municipal lorsque le Parti travailliste remporte pour la première fois les élections municipales en 1950. Sa sœur aînée, Muriel, est née en 1921 dans l'appartement au-dessus de la boutique familiale[10].
Margaret Thatcher va pendant sa jeunesse aider à faire fonctionner l'épicerie, donnant naissance à des intuitions favorables au libre-échange et au marché[9]. Elle suit une éducation rigoureuse et très imprégnée par le méthodisme, pour lequel son père prononce des sermons [11]. La foi de Margaret Thatcher deviendra un des fondements du thatchérisme : sa morale religieuse préconise aux hommes de « travailler dur »[12], afin d'élever leur position sociale par l'épargne et le mérite, dénotant un lien évident avec L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme de Max Weber[13]. Elle découvre très jeune la politique à travers l'engagement de son père[14].
Elle étudie jusqu'au lycée dans la ville, rejoignant la Kesteven and Grantham Girls' School avec une bourse. Elle passe la première partie de la Seconde Guerre mondiale à Grantham, qui est bombardée[15]. En 1943, elle est admise au Somerville College de l'Université d'Oxford, pour un cursus de chimie. Elle est alors la première de sa famille à entrer à Oxbridge[16], qu'elle finance grâce à des bourses[17]. Elle étudie la cristallographie sous la tutelle de Dorothy C. Hodgkin (prix Nobel de chimie en 1964)[18], et effectue des recherches sur la gramicidine B, un antibiotique polypeptidique[19]. Elle sort de l'université avec une licence de chimie. Elle rejoint dès son arrivée l'Oxford University Conservative Association (OUCA), l'association des étudiants conservateurs d'Oxford et, en octobre 1946, elle en devient la présidente, étant la troisième femme à accéder à ce poste[20]. Son origine sociale et son engagement politique en font une personnalité atypique, la plupart des étudiants étant progressistes et de milieu social élevé[9]. Alors qu'elle a une aventure avec un étudiant d'un milieu aristocratique, elle est humiliée par la famille de celui-ci pour son rang social inférieur[9]. Malgré le snobisme ambiant, elle parvient à faire passer le nombre de membres de l'OUCA de 400 à son arrivée à plus de 1 000 durant sa présidence[21]. Dans le même temps, elle participe pour la première fois au congrès national du Parti conservateur britannique à Blackpool.
De 1947 à 1951, elle travaille dans le secteur de la recherche en chimie, dans l'industrie des plastiques, chez BX Plastics. En 1949, désignée candidate conservatrice dans la circonscription de Dartford, elle déménage de Colchester et rejoint J. Lyons and Co.[22].
[modifier] Débuts en politique
Aux élections de 1950, elle tente de se faire élire députée dans le bastion travailliste de Dartford, que le parti lui a assigné, mais elle échoue, réduisant néanmoins de 6 000 voix l'avance travailliste[23]. À 24 ans, elle est la plus jeune femme candidate du pays[24]. Il est à l'époque rare qu'une femme fasse de la politique, ce qui est d'ailleurs généralement mal vu. L'année suivante, elle se représente et prend 1 000 voix supplémentaires à son concurrent travailliste. Ses discours reflètent déjà les idées qui guideront sa politique future, comme ce discours tenu à Dartford[25] :
« Notre politique n'est pas fondée sur la jalousie ou sur la haine, mais sur la liberté individuelle de l'homme ou de la femme. Nous ne voulons pas interdire le succès et la réussite, nous voulons encourager le dynamisme et l'initiative. En 1940, ce n'est pas l'appel à la nationalisation qui a poussé notre pays à combattre le totalitarisme, c'est l'appel de la liberté. »
Margaret Thatcher commence en 1950 des études juridiques, y consacrant ses soirées ou ses weekends durant trois années[26]. Elle rencontre à cette époque Denis Thatcher (1915 – 2003), un divorcé de milieu aisé. Celui-ci recherche une relation stable et sûre, tandis qu'elle recherche un mari qui pourra subvenir à ses besoins pendant qu'elle se consacre à la politique[9]. Ils se marient le 13 décembre 1951. Si leur mariage n'est pas passionnel, leur relation sera extrêmement forte et la mort de Denis, en 2003, l'affectera considérablement[27]. De leur union naissent des jumeaux, en 1953 : Mark et Carol, prématurés de six semaines[28]. Ce mariage marque également une rupture : elle quitte sa ville d'origine et son milieu social, se convertit à l'anglicanisme, religion de son mari[10]. L'année suivante, elle devient barrister spécialisée en droit fiscal[1].
Elle tente à plusieurs reprises d'obtenir l'investiture du parti dans des circonscriptions conservatrices ; en 1958, elle est choisie pour être la candidate conservatrice au Parlement dans la circonscription de Finchley (nord de Londres)[29], qui a la caractéristique d'avoir une forte communauté israélite[30], ce qui aura sans doute des répercussions sur sa politique étrangère future, plutôt pro-israélienne quand la tradition conservatrice était plutôt pro-arabe[9]. Le 8 octobre 1959, elle remporte l'élection avec 29 697 voix contre 13 437 à son adversaire travailliste, et entre pour la première fois à la Chambre des communes. Elle sera élue sans discontinuer aux Communes jusqu'en 1992.
La première loi qu'elle propose, le 5 février 1960, vise à permettre à la presse de relater les délibérations des conseils municipaux[31]. À l'issue de son maiden speech (premier discours donné par un nouveau membre du Parlement britannique), sa proposition de loi est adoptée par 152 voix contre 39 et son talent d'oratrice est salué, tant par ses collègues députés que par la presse, le Daily Express titrant d'elle « une nouvelle étoile est née[32] ». C'est à cette occasion qu'elle rencontre Keith Joseph, qui restera très proche d'elle et l'influencera fortement[33].
À la faveur d'un remaniement, en octobre 1961, elle devient Junior Minister (fonction semblable à celle de sous-secrétaire d'État durant la IIIe République française) auprès du ministre des Retraites et de l'Assurance sociale[34]. À ce poste, elle découvre la lourdeur de l'administration, critique notamment le fait qu'on « paye davantage une femme quand elle est sans-emploi que quand elle travaille », soutient l'instauration de la retraite par capitalisation afin d'augmenter la retraite de base[35]. Elle considère, à titre privé, que son parti a abandonné ses valeurs et notamment la liberté d'entreprendre[36]. Pour The Guardian, « elle paraissait capable de les mettre tous à la retraite et de faire leur job »[36]. Elle conserve ses fonctions jusqu'au départ des conservateurs du pouvoir à l'issue des élections 1964, lors desquelles elle est réélue avec 9 000 voix d'avance sur le candidat du Parti libéral.
Margaret Thatcher soutient alors Edward Heath à la tête du parti tory contre Reginald Maudling. De 1964 à 1970, elle occupe la fonction de porte-parole de son parti à la Chambre des communes[37]. En tant que députée, elle est l'un des seuls conservateurs à soutenir la dépénalisation de l'homosexualité masculine et la légalisation de l'avortement[38]. Parallèlement, elle prend parti contre l'abrogation de la peine de mort et contre l'assouplissement des lois sur le divorce. Lors de discours à la Chambre, elle s'oppose fortement au Parti travailliste et à sa politique fiscale, qu'elle juge être un pas en direction « non seulement du socialisme mais aussi du communisme ».
Réélue à Finchley lors des élections de 1966, elle rejoint en octobre 1967 le « Cabinet fantôme » conservateur d'Edward Heath et se voit confier le ministère de l'Énergie, puis celui des Transports en 1968 et de l'Éducation nationale quelques mois plus tard, à la veille des élections de 1970[39].
[modifier] Ministre de l'Éducation et des Sciences
Lors des élections générales de 1970, elle est réélue dans sa circonscription avec une majorité de plus de 11 000 voix, tandis que les conservateurs l'emportent au niveau national. Elle est sans surprise nommée ministre de l'Éducation et des Sciences par Edward Heath le 20 juin 1970[40].
Sa politique est marquée par la volonté de protéger les « grammar schools » (sélectives et spécialisées), contre les « comprehensive schools » (généralistes)[41], ce qu'elle ne parvient pas à faire, principalement du fait des réticences du Premier ministre, l'opinion publique étant alors majoritairement en faveur des comprehensive schools[42]. Elle défend également l'Open University, système d'enseignement à distance que le Chancelier de l'Échiquier, Anthony Barber, voulait supprimer pour des raisons budgétaires[43].
Devant couper dans les dépenses de son ministère, elle décide de supprimer, en 1971, la distribution gratuite de lait pour les enfants de sept à onze ans[44], prolongeant la politique du Labour qui l'avait supprimée pour les classes secondaires[45]. Cette décision suscite une importante vague de protestations et lui valut le quolibet de « Thatcher Thatcher, Milk Snatcher »[n 1]. En revanche, elle s'oppose à l'introduction de nouveaux frais pour l'accès aux bibliothèques. S'étant considérablement exposée politiquement sans obtenir de gain en contrepartie, elle tirera de cette expérience une leçon politique : n'aller à l'affrontement que pour les combats majeurs[46],[9].
Par ailleurs, Margaret Thatcher instaure la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, lance un grand programme de rénovation des écoles primaires, passablement délabrées, et augmente le nombre de crèches[47]. En ce qui concerne la recherche, Thatcher, à cette époque pro-européenne, investit des sommes substantielles dans le CERN, qui lui doit en grande partie son existence[48].
Après le U-Turn du Premier ministre Edward Heath, qui change radicalement de politique devant la pression de la rue, elle renonce un temps à pratiquer une politique libérale et se conduit de façon aussi dépensière qu'un ministre de l'Éducation habituel[9], ce qui lui permet de gagner en popularité[49]. Plus tard, elle se montrera critique envers son bilan au gouvernement[50].
À la suite de la courte défaite des conservateurs aux élections de février 1974, lors desquelles elle est réélue avec une majorité de 6 000 voix, elle devient shadow ministre de l'Environnement (qui englobe à cette époque le Logement et les Transports[51]).
[modifier] À la tête de l'opposition
Alors que de nombreux conservateurs sont favorables au principe du keynésianisme, Margaret Thatcher se rapproche de Keith Joseph et devient vice-présidente du Centre for Policy Studies, dont elle partage les analyses sur les causes de la défaite des conservateurs : tous deux estiment que le gouvernement Heath a perdu le contrôle de la politique monétaire et s'est discrédité par ses revirements permanents (« U-turns »). Peu à peu, un nombre croissant de conservateurs perçoit que la politique menée a conduit le pays au déclin relatif puis absolu, et recherche une alternative à Edward Heath[9].
De nouvelles élections générales ont lieu en octobre 1974. Margaret Thatcher est au centre de la campagne, principalement du fait de la proposition que Heath lui a demandé de défendre : l'abolition des rates, les impôts locaux[52]. Le 10 octobre 1974, elle est réélue avec une majorité assez étroite (3 000 voix) dans sa circonscription. Au niveau national, le Parti travailliste remporte la majorité des sièges et Harold Wilson devient Premier ministre.
Edward Heath remet son poste de chef du Parti conservateur en jeu. Initialement candidat, Keith Joseph se retire à la suite d'une « gaffe » dans un discours[53],[9]. Margaret Thatcher décide alors de se présenter. Le 4 février 1975, après avoir méthodiquement mené campagne auprès des députés, elle obtient 130 voix et devance à la surprise générale[n 2] Heath (119 voix), qui annonce aussitôt son retrait[10]. Le Daily Mail écrit que « le mot “sensationnel” est à peine adéquat pour décrire l'onde de choc qui secoua Westminster après l'annonce des résultats »[54]. Au second tour, elle recueille 146 voix contre 79 à William Whitelaw[55]. Elle prend la tête du parti le 11 février 1975[56].
À la tête du parti tory, elle adopte une attitude anticommuniste, en particulier lors de discours comme celui de Kensington, le 19 janvier 1976, dans lequel elle accuse les Soviétiques d'aspirer à la domination du monde et de sacrifier le bien-être de leur population à cette fin[57]. Cela lui valut le surnom de « Dame de Fer de l'Occident », donné par le journal du ministère de la Défense soviétique, L'Étoile rouge[58], et popularisé par Radio Moscou ; ce surnom lui restera dès lors attaché. Pour se forger une stature internationale, elle se rend dans trente-trois pays et rencontre de nombreux dirigeants, parmi lesquels Gerald Ford, Jimmy Carter, Valéry Giscard d'Estaing, Anouar el-Sadate, Mohammad Reza Pahlavi, Indira Gandhi, Golda Meir[59]. En 1978, avec la plupart des chefs de partis conservateurs européens, elle participe à la création de l'Union démocrate européenne[60].
Sur le plan intérieur, critiquée par plusieurs figures conservatrices, Margaret Thatcher fait appel aux services d'une compagnie, Saatchi and Saatchi, pour gérer sa campagne, comme cela se fait déjà aux États-Unis, mais pas encore en Europe. Des affiches sont imprimées, représentant une file de chômeurs attendant de la nourriture, illustrées du slogan Labour Isn't Working (« Le travaillisme, ça ne marche pas »)[61]. La presse reprend et diffuse ces affiches, qui n'avaient été imprimées qu'à une trentaine d'exemplaires, offrant à la campagne de Margaret Thatcher un large et nouvel écho[62].
Les difficultés rencontrées par le gouvernement travailliste, obligé de demander trois prêts au FMI comme n'importe quel pays sous-développé[63], relancent les conservateurs, qui attaquent le bilan du gouvernement sur le chômage ou la surrégulation. En outre, l'hiver du mécontentement de 1978-1979, lors duquel des grèves massives paralysent le pays, a des conséquences désastreuses pour l'économie et la population (mise au chômage technique de plus d'un million de personnes, fermetures d'écoles, de crèches, absence de soins pour les malades, coupures régulières d'électricité, etc.)[64]. Margaret Thatcher en profite pour dénoncer le « pouvoir immense des syndicats »[65] et propose, « dans l'intérêt national », son soutien au gouvernement en contrepartie de mesures visant à réduire leur influence[66], mais le gouvernement refuse. Le 31 janvier 1979, Margaret Thatcher déclare[67] :
« Quelques syndicats défient le peuple britannique. Ils défient les malades, ils défient les vieux, ils défient les enfants. Je suis prête à me battre contre ceux qui défient les lois de ce pays. […] Ce sont les tories qui doivent prendre seuls sur leurs épaules les responsabilités […] que ce gouvernement ne veut pas assumer. »
Les conservateurs sont dès lors largement en tête dans les sondages. Le 28 mars 1979, le gouvernement Callaghan est renversé par une motion de censure, ce qui provoque la tenue d'élections.
[modifier] Formation intellectuelle
La politique économique et sociale de Margaret Thatcher, le « thatchérisme », est, avec le « reaganisme », son pendant américain à la même époque, l'un des deux principaux avatars de la « révolution conservatrice » que connaît le monde à la suite de la phase de récession s'ouvrant avec les deux chocs pétroliers et la crise du keynésianisme. C'est dans les années 1970 que le thatchérisme prend forme, sous l'influence des penseurs et think tanks (clubs de réflexion) libéraux. Le thatchérisme se définit par trois caractéristiques fondamentales : le conservatisme politique, le libéralisme économique et le traditionalisme social[68]. Margaret Thatcher se revendique d'Edmund Burke, économiquement libéral mais politiquement conservateur[69].
Margaret Thatcher accorde une grande importance aux valeurs victoriennes du travail, de l'ordre, de l'effort et de self-help, qu'elle reçut dans son éducation et dont elle dit dans ses Mémoires qu'elles jouèrent un grand rôle dans son parcours. Dès ses années d'université, elle se familiarise avec les idées libérales, à travers la lecture de La Société ouverte et ses ennemis de Karl Popper, La Route de la servitude ou, plus tard, La Constitution de la liberté de Friedrich Hayek[70]. Il s'agit là d'une source d'inspiration importante de sa pensée, avec les ouvrages libéraux que lui conseillera Keith Joseph[71]. De façon générale, le thatchérisme puise son inspiration politique et économique dans ces théories et dans celles de l'École monétariste de Chicago, incarnée par Milton Friedman, de l'école de l'offre d'Arthur Laffer et de l'École autrichienne, connue à travers Friedrich Hayek.
Les libéraux classiques, comme Adam Smith, ont aussi eu une importante influence sur Margaret Thatcher, qui était convaincue de la justesse de la métaphore de la « main invisible ». Elle encourage de ce fait les libertés économiques individuelles, car elle les considère comme permettant le bien-être de la société tout entière[72].
Margaret Thatcher mettra en application ces théories en réduisant fortement les dépenses publiques et la pression fiscale, en luttant contre la forte inflation de la fin des années 1970 par des taux d'intérêt élevés et en favorisant l'ouverture économique aux capitaux étrangers, et son corollaire : la fin des subventions aux « canards boiteux » (fermeture des mines non rentables par exemple), ce qui tranche avec le volontarisme des voisins européens pour tenter de sauver l'industrie au cours des années 1980. Nigel Lawson, chancelier de l'Échiquier entre 1983 et 1990, déclare ainsi en 1980 :
« La politique économique du nouveau conservatisme repose sur deux principes : le monétarisme et le libre marché en opposition à l'intervention de l'État et à la planification centralisée »
— Nigel Lawson, Conférence du « Bow Group » en août 1980
Elle revendique également des idées antisocialistes et écrit dans ses Mémoires[73] : « je n'ai jamais oublié que l'objectif inavoué du socialisme – municipal ou national – était d'accroître la dépendance. La pauvreté n'était pas seulement le sol nourricier du socialisme : elle en était l'effet délibérément recherchée ». Dans un discours devant le Conseil central de son parti, en mars 1990, elle déclare[74] : « Le socialisme a l'État pour credo. Il considère les êtres humains ordinaires comme le matériau brut de ses projets de changements sociaux. »
Concernant les vecteurs de transmission de ces idées, on peut souligner le rôle des think tanks libéraux britanniques comme l'Adam Smith Institute, fondé en 1977, l'Institute of Economic Affairs, fondé en 1955, ou le Centre for Policy Studies, fondé en 1974 par Keith Joseph.
[modifier] Premier ministre du Royaume-Uni (1979-1990)
C'est dans un contexte marqué par une crise à la fois économique, sociale, politique et culturelle que Margaret Thatcher mène les conservateurs à la victoire le 3 mai 1979 (43,9 % des voix et 339 élus, contre 36,9 % et 269 élus aux travaillistes). Le lendemain, elle devient la première femme à diriger le gouvernement d'un pays occidental.
Le nouveau Premier ministre apparaît alors relativement novice en politique, puisqu'elle dirige le Parti conservateur depuis seulement quatre années et qu'elle n'a pas occupé de poste véritablement de premier plan auparavant. Se décrivant elle-même comme « une femme de convictions[75] », elle entend mettre en pratique un programme, appuyé sur quelques principes fondamentaux, pour enrayer le déclin du pays. Elle déclare le 10 octobre 1980 que « la dame ne fait pas demi-tour[76] ! », s'affichant ainsi en opposition avec les revirements de l'ancien Premier ministre conservateur Edward Heath.
[modifier] Politique intérieure
[modifier] Économie et redéfinition du rôle de l'État
Margaret Thatcher orchestre une réduction importante du rôle de l'État, accompagnée du renforcement de son autorité sur les domaines qu'il conserve, au détriment des corps intermédiaires[77].
Elle lance ses réformes les plus importantes aux débuts de ses mandats, lorsque sa légitimité démocratique est incontestable[78]. Lors de son premier mandat, elle commence le douloureux assainissement de l'économie et la réduction de la dépense publique, et donc du déficit et de la dette publics. Elle profite de sa triomphale réélection en 1983 (la plus forte majorité conservatrice depuis la guerre[79]) pour lancer un programme de privatisations et réduire le pouvoir des syndicats. Enfin, lors de son troisième mandat, sa volonté de réformer les impôts locaux provoque sa chute[78].
À la fin de son deuxième mandat, elle lance un programme de privatisations, comme celles de British Airways en 1987. Ce transporteur aérien déficitaire devient l'une des meilleures et plus rentables compagnies au monde[80]. L'année suivante, British Steel est privatisée. Sous la présidence d'Ian McGregor, cette compagnie doit s'aligner sur la productivité des industries étrangères : en 1975, elle a en effet une productivité une fois et demie inférieure à la productivité allemande et deux fois et demi inférieure à la productivité américaine. À partir de 1979, elle augmente de 10 % par an[81]. Cette entreprise perdant un milliard de livres par an avant sa privatisation devient ainsi le plus gros producteur d'acier européen.
Cette réduction du rôle de l'État s'accompagne d'une diminution du nombre de corps intermédiaires : on observe la disparition de plusieurs centaines de Quangos (Quasi-Autonomous Non-Government Organisations : organismes paritaires) et plusieurs conseils de comté sont démantelés ou supprimés[82]. À Londres, la suppression fin 1986 de la Greater London Council, dirigée par le populaire leader travailliste Ken Livingstone, est considérée comme une mesure politicienne.
Illustration de cette évolution du rôle de l'État, elle déclare dans un discours en 1975[83] :
« Un homme a le droit de travailler comme il veut, de dépenser ce qu'il gagne, de posséder sa propriété, d'avoir l'État pour serviteur et non pour maître. Ce sont là les héritages britanniques. Ils sont l'essentiel d'une économie libre et de cette liberté dépendent toutes les autres. »
Concernant sa politique fiscale, elle diminue les impôts sur le revenu (la dernière tranche de l'impôt sur le revenu était en 1979 à un taux très important de 83 %[84]), et augmente en échange les impôts sur la consommation (la TVA passe de 8 à 15 %[84]).
En matière de politique monétaire, Geoffrey Howe annonce la première année de son mandat la disparition progressive du contrôle étatique des taux de change[85].
Margaret Thatcher promeut une politique économique qui sera ultérieurement appelée « capitalisme populaire »[84] : elle encourage la classe moyenne à augmenter ses revenus grâce à la Bourse[84] (le nombre de détenteurs d'actions au Royaume-Uni passe de trois millions en 1980 à onze millions en 1990[86]) ; elle permet aussi à ceux qui le souhaitent de devenir propriétaires de leur logement, notamment en autorisant la vente des logements sociaux de l'État à ceux qui les louent[84],[87].
Margaret Thatcher s'occupe également de la question des syndicats, qui disposent d'une influence considérable sur l'économie britannique lors de son arrivée au pouvoir : des responsables syndicaux non élus peuvent en effet provoquer d'importants mouvements de grève paralysant le pays[84], comme ce fut le cas à l'occasion de l'hiver du mécontentement avant l'élection de Thatcher. Cette puissance est pour une part due à leur influence au sein même du Parti travailliste, alors nettement ancré à gauche[88]. Le conflit le plus significatif entre le nouveau pouvoir et les syndicats est la longue grève des mineurs britanniques de 1984-1985, dont Thatcher sort victorieuse[89]. Cette grève, qui dure un an sans s'étendre aux autres activités du pays ou en grève générale, avait pour enjeu direct la question de la fermeture des puits de charbon déficitaires, une perspective catégoriquement rejetée par Arthur Scargill, le chef marxiste du NUM, le syndicat national des mineurs. Les films Billy Elliot et Les Virtuoses évoquent ces grèves.
Durant son passage au pouvoir, cinq lois sur les syndicats sont votées : en 1980, 1982, 1984, 1987 et 1988. Ces lois ont pour objectif premier de mettre fin au « closed shop », qui permet à un syndicat de n'autoriser que les recrutements de travailleurs syndiqués[90].
[modifier] La question irlandaise
La situation en Ulster se dégrade au début de son mandat ; Lord Mountbatten, cousin de la reine et organisateur de l'indépendance de l'Inde, est assassiné par l'IRA le 27 août 1979[91]. Des attentats visent Hyde Park et Regent Street en 1982, faisant 23 morts, puis Harrods en 1983, faisant 9 morts. En octobre 1984, l'explosion d'une bombe à retardement de l'IRA au Grand Hôtel de Brighton, où se tient le congrès annuel du Parti conservateur, manque de provoquer la mort de Margaret Thatcher et de plusieurs membres de son gouvernement[92]. Le sang-froid dont elle fait preuve au cours de cet attentat à la bombe dans le Grand Hôtel de Brighton (en) suscite le respect et l'admiration du peuple britannique[93]. L'attentat fait cinq morts et de nombreux blessés, dont la femme de Norman Tebbit, un des principaux ministres, qui est restée paralysée. Concernant Margaret Thatcher, sa salle de bain est détruite mais pas son bureau, où elle travaillait encore, ni sa chambre, où dormait son mari. En 1987, un attentat de l'IRA à Enniskillen fait onze morts.
En 1980, plusieurs membres de l'Armée républicaine irlandaise provisoire et de l'Irish National Liberation Army incarcérés à la prison de Maze se lancent dans une grève de la faim pour obtenir le statut de prisonniers politiques, qui avait été supprimé en 1976 par les travaillistes, mais dont certains prisonniers continuaient à bénéficier. Elle dure 53 jours, sans que les grévistes obtiennent rien. En 1981, une deuxième grève est organisée par Bobby Sands. Malgré la mort de 10 grévistes de la faim (dont Bobby Sands, élu entre-temps membre du Parlement) au bout de 66 jours de grève et des pétitions envoyées du monde entier, Thatcher se montre inflexible[94],[95], déclarant par exemple à la Chambre des communes que Bobby Sands « a choisi de se donner la mort ; c'est un choix que son organisation ne laissait pas à beaucoup de ses victimes »[10],[n 3].
Le 8 décembre 1981, elle rencontre à Dublin le Premier ministre irlandais Charles James Haughey. À la suite de ces premières discussions, la coopération entre la République d'Irlande et le Royaume-Uni est intensifiée, aboutissant aux accords d'Hillsborough Castle (en anglais, l'Anglo-Irish Agreement), signés le 15 novembre 1985, dans lesquels elle reconnaît la « dimension irlandaise » en échange d'avancées en matière de sécurité, qui ne verront pas le jour[96]. Ils ont cependant été considérés comme un important pas en avant dans la résolution du conflit[97]. À la fureur des Unionistes, l'accord donne des garanties au gouvernement irlandais et aux pacifistes et affirme la nécessité de la règle majoritaire pour toute évolution du statut de la province. Cela ne suffit pas à mettre un terme à la violence qui continue[98].
[modifier] Questions de société
Le Royaume-Uni connait une vague croissante d'immigration après les chocs pétroliers des années 1970, notamment en provenance de ses anciennes colonies aux Caraïbes, mais aussi et surtout du Pakistan, de l'Afghanistan et de l'Inde. De nouveaux types de problèmes sociaux apparaissent dans des quartiers souvent considérés comme des ghettos ethniques, particulièrement touchés par le chômage. C'est également à cette époque que le phénomène des skinheads, mouvement culturel (devenu majoritairement raciste et antisémite dans les années 1980) appelant à l'usage de la violence contre les immigrés, la gauche et l'extrême-gauche, devient relativement important au Royaume-Uni.
Margaret Thatcher, bien conseillée, notamment par le très efficace directeur de presse du Number 10, Bernard Ingham[99], utilise une stratégie de communication efficace. Elle suit notamment des cours de maintien et d’élocution afin de perfectionner son accent Oxbridge (accent de ceux qui sont passés par les universités de Cambridge ou Oxford) et faire passer une image de fermeté et d'assurance qui assure sa crédibilité dans les médias audiovisuels. Ses rapports avec la BBC furent houleux avec notamment une polémique éclatant au grand jour en 1986[100]. En revanche, la « Dame de fer » entretient de bonnes relations avec certains journaux, majoritairement en faveur de sa politique, tout particulièrement ceux de Rupert Murdoch[101]. Les tribunes du Guardian et de The Independent étaient en revanche largement ouvertes à ses opposants politiques[102].
En 1983, le gouvernement Thatcher augmenta les frais d’inscription pour les étudiants étrangers[103][réf. insuffisante] ouvrant ainsi la voie à l’augmentation ultérieure des frais d’inscription pour tous les étudiants, étrangers ou non, et incitant certaines universités à construire des cursus spécifiques destinés à attirer des étudiants fortunés américains, japonais ou des pays du Golfe. Le troisième gouvernement de Thatcher (1987-1990) vit l'introduction d'une législation (Education Reform Act de 1988) qui modifie considérablement le système de financement des universités. Le financement de l’enseignement est distingué de celui de la recherche (régulièrement évalué) et le Universities Funding Council (Conseil du Financement Universitaire, composé notamment de non-universitaires, acteurs de la sphère économique) est créé pour superviser l’utilisation des fonds publics par les universités. Un système de contractualisation des universités est mis en place : pour recevoir des fonds publics les universités doivent répondre aux appels d’offres du Ministère et se conformer aux critères imposés par celui-ci. Une concurrence entre les universités est mise en place pour l’obtention des fonds publics. Les universitaires perdent la sécurité d’emploi et passent au régime général de contrats à durée déterminée.[réf. nécessaire]
Le Local Management of Schools Act accorde aux conseils d'administration des établissements d'enseignement (composés pour moitié de personnel enseignant, pour l'autre de parents d'élèves) une liberté totale des ressources financières et de leur utilisation[104]. En pratique, le salaire des enseignants pouvait être modulé au mérite, ce qui irrita fortement les syndicats enseignants[105]. Cette mesure fut en revanche plébiscitée par les parents d'élèves, puisqu'en 1993, 75 % des écoles choisirent la rémunération au mérite[105].
Margaret Thatcher fait aussi adopter le National Curriculum, qui unifie le niveau de connaissance des élèves, indépendamment de leur comté, le « socle commun » étant le même pour tous jusqu'à 16 ans[106].
[modifier] Politique étrangère
Sa politique étrangère fut guidée par plusieurs idées fortes, notamment l'anticommunisme, l'atlantisme et l'euroscepticisme.
[modifier] Guerre des Malouines
Après plusieurs années de conflit larvé, l'Argentine, alors dirigée par les généraux, attaqua le 2 avril 1982 deux petits archipels britanniques dans l'Atlantique Sud : les Malouines ou Falkland et la Géorgie du Sud. Thatcher décide rapidement de recourir à la force contre cet acte de guerre. Dès le 5 avril, une flotte dirigée par l'amiral Sandy Woodward appareille pour l'Atlantique Sud et la Géorgie du Sud est reprise le 25 avril. La reconquête des Malouines prit trois semaines (21 mai-14 juin) et fit 293 morts britanniques contre 712 argentins[107].
La guerre des Malouines se solda par la défaite de l'armée argentine qui précipita la chute de la dictature militaire. L'inflexibilité de Margaret Thatcher dans ce conflit a partiellement contribué à son surnom de Dame de Fer ; alors que sa popularité était au plus bas avant le conflit[108][réf. insuffisante], l'élan de patriotisme puis le succès militaire contribuèrent à sa première réélection. Parallèlement, elle augmente l'effort militaire jusqu'au milieu des années 1980, dans un contexte de « guerre fraîche » entre les deux blocs.
La relation avec le Chili sera l'occasion d'une controverse beaucoup plus tard. Elle remerciera en effet le général Augusto Pinochet pour le soutien qu'il avait apporté à l'armée britannique durant le conflit en mettant à sa disposition les radars chiliens et en recueillant les blessés. L'Argentine et le Chili, tous deux gouvernés par des dictatures militaires, entretenaient en effet des relations tendues en raison d'un conflit territorial. Le conflit du Beagle avait manqué de déclencher une guerre entre les deux pays du Cône Sud. Thatcher remerciera encore publiquement et personnellement Pinochet en 1999, après sa mise en résidence surveillée au Royaume-Uni suite à un mandat d'arrêt international lancé par le juge espagnol Baltasar Garzón pour les violations des droits de l'homme commis sous son gouvernement. S'exprimant en faveur de sa libération, elle déclara alors : « je suis bien consciente que vous êtes celui qui a amené la démocratie au Chili, vous avez établi une constitution appropriée à la démocratie, vous l'avez mise en œuvre, des élections ont été tenues, et enfin, conformément aux résultats, vous avez quitté le pouvoir »[109]. Selon l’écrivain chilien Ariel Dorfman, cette affirmation est aussi « absurde » que si l’on disait « qu’elle a apporté le socialisme à la Grande-Bretagne »[110].
[modifier] Politique européenne
Eurosceptique, elle demanda que le Royaume-Uni puisse ne pas payer plus que ce qu'il reçoit de l'Europe. Elle fait cette déclaration célèbre : « We are simply asking to have our own money back »[111] (Nous voulons récupérer notre argent). Le Royaume-Uni, alors en pleine récession, paie en effet beaucoup plus que ce qu'il reçoit. Le 18 octobre 1984, elle justifie sa position par un discours dans lequel elle déclare : « La Grande-Bretagne ne peut accepter la situation actuelle du budget. [...] Je ne peux jouer les Père Noël de la Communauté alors que mon propre électorat est prié de renoncer des améliorations dans le domaine de la santé, de l'éducation [...] et ainsi de suite[112]. » Elle obtient gain de cause en 1984[1], avec ce qu'on appelle le « rabais britannique ». Ses relations avec le président de la Commission européenne, le socialiste français Jacques Delors, sont exécrables[113]. Il est en faveur d'une Europe fédérale et administrée, ce qui est en opposition complète avec les idées de Thatcher, et a des répercussions sur la politique européenne du Royaume-Uni[114].
Dans son fameux discours de Bruges du 20 septembre 1988, elle réaffirme son opposition à une Europe fédérale et déléguant plus de pouvoirs à Bruxelles[115] tout en défendant sa vision de l'Europe, une Europe des patries[116]. Son discours de Bruges défend donc trois idées fondamentales : l'Europe doit fonctionner selon la méthode coopérative, elle doit être l'outil de la création du marché commun[117] et les États-membres doivent se placer dans une logique internationaliste. Elle s'est également opposée à ce que la Communauté européenne dispose de ressources propres.
Margaret Thatcher avait approuvé l'adhésion à la Communauté économique européenne (CEE)[118] et considérait que celle-ci ne devait être qu'un moyen de mettre en place le libre-échange et de garantir la concurrence. Elle déclara ainsi : « Nous n'avons pas réussi à repousser les frontières de l'État avec succès en Grande-Bretagne pour nous les voir réimposées au niveau européen, avec un super-État européen exerçant une nouvelle domination depuis Bruxelles[119]. » Le discours, très critiqué par les autres Européens, révéla les divisions des conservateurs sur la question européenne[1]. C'est d'ailleurs l'Europe qui accéléra la chute de son cabinet avec la démission de l'europhile Geoffrey Howe.
[modifier] Relation avec les États-Unis
Les Thatcher et les Reagan à la
Maison Blanche, avant un dîner officiel, le 16 novembre 1988.
L'amitié avec un dirigeant étranger qui marque le plus son mandat est celle avec le président américain Ronald Reagan, qu'elle connaît depuis 1975, et dont elle partage les principes, notamment l'anticommunisme et le libéralisme économique. Ronald Reagan la surnommait « the best man in England », alors qu'elle le qualifiait de deuxième homme le plus important de sa vie[120]. Les deux dirigeants s'étaient rencontrés en 1975 alors que Reagan n'était encore que gouverneur de Californie[121]. Les deux dirigeants s'apporteront à maintes occasions un soutien réciproque inébranlable.
Avant même l'arrivée de Reagan au pouvoir, Thatcher entreprit de resserrer les liens avec les États-Unis. Sur le plan du nucléaire, elle confirma, notamment par un échange de lettres avec le président Carter, les accords de Nassau signés par MacMillan en 1962 alors que les travaillistes avaient un temps envisagé un rapprochement avec la France sur cette question[122],[123].
Elle montrera tout au long de sa carrière un attachement profond à la doctrine de la dissuasion nucléaire. En 1986, lors du sommet de Reykjavik, elle convainc ainsi Ronald Reagan de décliner la proposition de Gorbatchev d'éliminer l'ensemble des systèmes offensifs soviétiques et américains à moyenne portée.
Malgré de nombreux points de convergence, les deux chefs d'État seront en désaccord sur quelques points ponctuels. Concernant la guerre des Malouines, les intérêts américains penchaient originellement du côté argentin. Alors que les États-Unis tenteront dans un premier temps de trouver un compromis susceptible de sauver la face de leur protégé Galtieri, ils fourniront finalement au Royaume-Uni une importante aide logistique et militaire (en particulier les missiles Sidewinder qui feront changer le déroulement du conflit).
Concernant la politique de sanctions contre la Pologne réprimant le syndicat Solidarité, Margaret Thatcher reprocha aux Américains d'avoir unilatéralement décrété des sanctions qui affectaient les économies de ses alliés occidentaux bien plus que la leur[124]. Leur relation bilatérale n'en sera cependant pas affectée.
Margaret Thatcher adopta une politique opposée à l'URSS et à ses satellites, et soutient activement l'OTAN et la capacité de dissuasion nucléaire indépendante britannique[1]. En 1979, elle condamne l'invasion par l'Armée rouge de l'Afghanistan. En 1980, à la suite de cette invasion, le Royaume-Uni fait partie des 50 pays qui boycottent les Jeux olympiques de Moscou en y participant sous la bannière olympique. Jusqu'en 1985, elle renforce les moyens militaires britanniques, avec une hausse du budget de la défense de 21,3 % entre 1979 et 1985[98]. Avec la détente et l'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev, les relations s'améliorent et les dépenses militaires décroissent à nouveau.
[modifier] Relations avec le Commonwealth
Margaret Thatcher passant en revue les troupes des
Bermudes, le 12 avril 1990.
Thatcher s'intéresse assez peu aux vestiges de l'Empire durant ses mandats ; les intérêts du Royaume-Uni étant sa priorité[125].
Dès son entrée en fonction en 1979, elle imprime sa marque en réglant en un peu plus de six mois le problème rhodésien vieux de 15 ans avec les accords de Lancaster House[126].
La Grenade, ancienne possession britannique membre du Commonwealth depuis son indépendance en 1974, est envahie par les troupes américaines en 1983. Margaret Thatcher se déclara alors « consternée et trahie »[122]. Son soutien au régime grenadais ne se traduisit cependant que par quelques protestations devant l'Assemblée générale des Nations unies.
Elle s'oppose à de dures sanctions contre le régime sud-africain qui pratique l'apartheid, les jugeant nocives aux intérêts britanniques, voire dangereuses pour la stabilité de la région[127]. Elle convainc ses partenaires du Commonwealth d'accepter les mesures graduées et moins radicales de la Communauté européenne juin 1986[128]. Ses prises de position relatives à l'apartheid ont été critiquées et ont créé des tensions au sein du commonwealth. Le premier ministre français de l'époque, Laurent Fabius, s'est même déclaré lors d'un entretien tout à la fois fasciné et épouvanté par les vues qu'elle lui avait exposées lors d'un repas[129]. Dans ses Mémoires, Thatcher soutient qu'une abolition immédiate de l'apartheid, sans compromis (et donc propre à pousser l'establishment à l'obsidionalité) et imposée de l'extérieur (et donc ignorante des contraintes locales telles que les différences ethniques), aurait produit l'anarchie dont les noirs comme les blancs auraient pâti[130]. Pour le diplomate américain John Campbell, les positions de Margaret Thatcher étaient bien plus fondées sur les principes que ses détracteurs ne l'admettaient mais il estime qu'elle a fait erreur en ne percevant pas que l'ANC était attaché aux valeurs démocratiques et humanistes[131]. Margaret Thatcher et Nelson Mandela se rencontrent finalement à Downing Street en avril 1990, en dépit de l'opposition de la direction de l'ANC[132].
Après des négociations sino-britanniques très difficiles, et l'affirmation par Deng Xiaoping du principe « un pays, deux systèmes »[133], elle signe le 19 décembre 1984 la déclaration commune sino-britannique sur la question de Hong Kong qui prévoit la restitution à la Chine populaire de l'île de Hong Kong et de la presqu'île de Kowloon (cédées à perpétuité par les traités de 1842 et 1860), conjointement avec les Nouveaux Territoires (loués en 1898 pour 99 ans), avec effet au 1er juillet 1997[134].
Les électeurs britanniques lui donnèrent la majorité à trois reprises, lui confiant le plus long mandat de Premier ministre au Royaume-Uni depuis le XVIIIe siècle[1].
En 1982, sa situation était difficile et sa popularité faible. La guerre des Malouines restaura cependant son autorité morale et le Falkland Factor (Facteur des Malouines) joua un rôle important (mais non primordial) dans sa réélection. Elle est alors un personnage charismatique, à l'aura semblable à celui du général de Gaulle selon l'historienne Monica Charlot[135]. Néanmoins, pour l'historien Philippe Chassaigne, c'est surtout l'amélioration de la situation économique qui explique cette réélection[136]. Les tories obtiennent finalement 397 députés sur 635 en 1983[4].
En 1987, les tories remportent à nouveau la victoire mais avec une moindre avance puisqu'ils gagnent 375 sièges sur 650[4]. Les travaillistes sont à chaque fois distancés, en nombre de sièges mais surtout sur le terrain des idées.[Quoi ?] Michael Foot, le dernier « archéo-travailliste »[À attribuer], laisse la place à des dirigeants plus modérés en 1983[137].
Les dissensions au sein du parti se multiplient néanmoins, en partie à cause de son autoritarisme, qui suscite des brouilles avec Francis Pym, Geoffrey Howe ou Nigel Lawson.
Margaret Thatcher, en 1990.
En 1990, l'instauration d'un nouvel impôt local supprimant la taxe d'habitation, la poll tax – très impopulaire, au point d'entraîner des émeutes[138] –, sa politique monétaire (taux d'intérêt de la Banque d'Angleterre à 15 % en 1989[139]) et sa réserve face à l'intégration du Royaume-Uni dans les Communautés européennes la mirent en minorité dans son propre parti, alors très divisé sur ces sujets. Elle accepta cependant l'entrée du Royaume-Uni dans le SME en 1990.
Le 31 octobre 1990, son ministre Geoffrey Howe, l'un de ses plus anciens alliés mais europhile, démissionna pour protester contre sa politique européenne[140]. Il en appela à quelqu'un de nouveau pour mener une nouvelle politique[141]. L'ancien ministre de la Défense Michael Heseltine fit alors acte de candidature pour diriger le Parti conservateur, défiant alors Margaret Thatcher. De deux voix seulement, sur les 356 exprimées, il reçut suffisamment de suffrages pour mettre en ballotage le Premier ministre[142].
Le 22 novembre 1990, de retour d'une conférence à Paris, elle annonça qu'elle refusait de se soumettre à un second tour et par conséquent, annonça son retrait et sa démission du leadership conservateur[1]. Elle se justifia en invoquant la nécessité de choisir quelqu'un de nouveau qui pourrait mener les conservateurs à la victoire dès l'échéance électorale suivante. Elle apporta son soutien à son ancien dauphin John Major, qui gagna la primaire conservatrice par 185 voix contre 131 pour Heseltine[143], et qui lui succéda donc au poste de Premier ministre dès le 28 novembre.
Elle reste à ce jour le Premier ministre à avoir tenu le plus longtemps les rênes du pouvoir au Royaume-Uni depuis Lord Salisbury[144] : 11 ans et six mois.
[modifier] Retrait de la vie publique
Après avoir démissionné, en novembre 1990, du 10, Downing Street, elle est nommée pair du Royaume-Uni, en 1992, comme baronne « Thatcher of Kesteven in the County of Lincolnshire[144]», sur proposition de son successeur John Major, et siège depuis lors à la Chambre des Lords[144]. En 1995, on l'honore de l'Ordre de la Jarretière, plus haute distinction britannique[144].
Le 6 septembre 1997, elle assiste, en compagnie de son époux et de plusieurs autres personnalités, aux funérailles de Lady Diana Spencer à l'abbaye de Westminster.
Après plusieurs petites attaques cérébrales et sur avis de ses médecins, elle se retire de la vie publique en 2002, tout en restant impliquée dans la politique[18]. Très affectée par le décès de son époux en 2003, Margaret Thatcher continue néanmoins à faire quelques apparitions publiques. Elle tient ainsi à assister aux funérailles de son grand ami, l'ancien président américain Ronald Reagan, qui ont lieu le 11 juin 2004 en la cathédrale nationale de Washington. Pour les cinq ans de l'anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, elle se rend au Pentagone à Washington, en compagnie de la Secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice, pour rendre hommage aux victimes étrangères[n 4]. Le 21 février 2007, elle assiste à l'installation de sa statue à la Chambre des communes, aux côtés des effigies de Winston Churchill, Lloyd George et Clement Attlee ; premier chef de gouvernement britannique à avoir sa statue de son vivant, elle déclare à cette occasion : « J'aurais préféré une statue en fer, mais le bronze me convient. Elle ne rouillera pas[145]. »
Le 10 juin 2007, le Sunday Telegraph publie des extraits d'un entretien exclusif accordé par la « Dame de fer » à la chaîne de télévision BBC, qui a été depuis diffusé le 19 juin : il s'agit de sa première interview depuis presque cinq ans. Peu avant le 10e anniversaire de la rétrocession de Hong Kong, elle évoque la journée du 30 juin 1997, lorsque le Royaume-Uni rétrocéda Hong Kong à la Chine. Elle déclare que ce jour-là, elle ressentit de la tristesse, affirmant qu'elle aurait souhaité que Hong Kong restât sous contrôle de l'administration britannique.
Sa fille Carol indique dans un livre qu'elle publie et qui sort le 4 septembre 2008 que sa mère souffre de troubles importants de la mémoire depuis sept ans[146]. Elle présente des troubles cognitifs importants secondaires à une démence vasculaire, consécutive à plusieurs accidents vasculaires cérébraux. Elle s'est fait hospitaliser à plusieurs reprises depuis[147].
Le 5 mai 2009, elle fête, au Carlton Club, le 30e anniversaire de son élection en tant que première femme Premier ministre du Royaume-Uni, puis rencontre le pape Benoît XVI au Vatican le 27 mai suivant[148], après s'être recueillie devant la tombe de Jean-Paul II, sur laquelle elle a déposé un bouquet de roses blanches et une dédicace : « à un homme de foi et de courage ». Le 23 novembre 2009, elle participe à une réception donnée par le Premier ministre Gordon Brown en compagnie du chef du Parti conservateur David Cameron, au 10 Downing Street, pour l'inauguration d'un portrait de l'artiste Richard Stone la représentant ; elle est la première parlementaire à être honorée de son vivant par un portrait à Downing Street et le troisième chef de gouvernement après Winston Churchill et David Lloyd George[149]. Elle effectue une visite à Downing Street le 8 juin 2010, à l'invitation du nouveau chef du gouvernement, David Cameron, qui a mis fin le mois précédent à une période de treize années dans l'opposition pour le Parti conservateur. Margaret Thatcher avait également rendu visite aux Premiers ministres travaillistes Tony Blair et Gordon Brown peu après leur prise de fonctions, respectivement en 1997 et 2007[150]. En raison de son état de santé, elle décline ensuite plusieurs invitations, et n'assiste pas au mariage du prince William et de Catherine Middleton le 29 avril 2011[151].
En septembre 2011, elle participe à la fête d'anniversaire donnée pour le 50e anniversaire du secrétaire d'État à la Défense, Liam Fox, dans son appartement à Admiralty House. Liam Fox déclare alors « être ravi d'avoir deux Premiers ministres (Margaret Thatcher et David Cameron) de son parti pour son 50e anniversaire ».
[modifier] Bilan du thatchérisme
Margaret Thatcher mit en application les théories libérales en luttant contre l'inflation forte de la fin des années 1970 par des taux d'intérêt élevés et en favorisant l'ouverture économique aux capitaux étrangers ; elle réduisit également les impôts et les dépenses publiques. Pour atteindre ce dernier objectif, elle mit fin à la participation financière de l'État qui soutenait l'activité de plusieurs industries « historiques », notamment des mines déficitaires, attitude qui tranche avec le volontarisme des voisins européens du Royaume-Uni dans leur tentative de sauvetage de l'industrie au cours des années 1980.
Elle laisse à son départ une situation économique jugée globalement « assainie »[152], et qui peut être caractérisée par quatre éléments : une inflation qui reste forte malgré une baisse au milieu des années 1980[n 5], une croissance économique importante[153], un État dont la place dans l'économie s'est réduite, et un chômage qui atteint 6,8 % lors de la dernière année au pouvoir de Thatcher, en 1990[154],[155]. La proportion de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté (50 % du salaire moyen) est passée de 8 % en 1979 à 22 % en 1990 selon l'hebdomadaire The Economist en 1994. Les inégalités de revenus se sont creusées : entre 1980 et 1990, la part des 10 % les plus pauvres de la population a un revenu moyen en baisse de 10 %, tandis que les moyennes des revenus de tous les autres déciles augmentent, d'autant plus fortement que les revenus sont élevés, ainsi celle du deuxième décile a augmenté de 4 % et celle du dernier décile a augmenté de près de 60 %[156].
Le développement de la propriété privée, en particulier grâce à la vente des logements sociaux à leurs occupants, fait partie des conséquences directes de la politique de Margaret Thatcher, conformément à sa volonté affichée de faire du Royaume-Uni une « société de propriétaires » : la proportion de propriétaires-occupants dans la population totale est passée de 55 à 67 % entre 1979 et 1989[157]. De même, elle a favorisé le développement de l'actionnariat : si trois millions de foyers détiennent des actions en 1979, ils sont trois fois plus nombreux en 1987[158]. La City au centre de Londres, devient sous son gouvernement, l'un des centres financiers les plus importants de la planète[159]. Les banques de Londres prospèrent notamment grâce au développement des crédits à destination des pays du Tiers-Monde destinés à financer des projets industriels dans ces pays (exploitation pétrolière, exploitation minière, monocultures extensives telles que le coton…) ainsi qu'au Trading en plein essor dans les années 1980.[réf. nécessaire]
Si au cours des années 1980 le niveau de vie britannique a augmenté en moyenne, les inégalités de revenu se sont en revanche creusées[n 6] ; plus largement, les conséquences sociales et le « style abrasif »[160] de Margaret Thatcher ont suscité de nombreuses critiques. On a notamment attaqué son bilan en matière de protection sociale, même si le National Health Service n'a pas été réformé sous son gouvernement[n 7].
[modifier] Détail des mandats et fonctions
[modifier] Héritage politique
[modifier] Reconnaissance nationale
Margaret Thatcher reçoit de nombreux honneurs et décorations : elle est par exemple faite en 1991 Citoyenne d'honneur de la ville de Westminster, un honneur qui n'avait été accordé qu'à Churchill[161].
Le blairisme du Premier ministre Tony Blair, qui prend la suite du conservateur John Major en 1997, marque un prolongement du thatchérisme pour sa trame libérale, mais avec des infléchissements[7] : une reconsidération de la question des inégalités, la renationalisation d'entreprises d'intérêt général en déroute, ou encore une attitude moins isolée vis-à-vis de l'Union européenne, sans pour autant remettre fondamentalement en cause l'atlantisme traditionnel dans le pays.
Son influence culturelle sur la revitalisation des idées d'économie de marché lui a été reconnue par ses adversaires politiques ; Peter Mandelson, député travailliste, écrivit ainsi dans une tribune libre publiée le 10 juin 2002 dans The Times : « Nous sommes tous des thatchériens »[8]. Elle conserve aujourd'hui une aura importante dans le pays et est considérée par les britanniques comme leur plus grand Premier ministre de l'après-guerre[162]. En 2011, un sondage mené par Ipsos Mori montre que les Britanniques considèrent Margaret Thatcher comme étant le Premier Ministre le plus compétent du pays ces 30 dernières années[163]. Elle demeure néanmoins critiquée par plusieurs personnalités politiques[Lesquelles ?], parmi lesquelles le député de la région de Rotherham Denis MacShane, qui affirme en 2008 « qu'elle a condamné [la population de sa région] à un niveau de vie indigne pendant près de quinze ans [qui lui voue encore] une haine viscérale »[164].
Margaret Thatcher est une des très rares personnalités politiques à avoir donné son nom à une doctrine - le thatchérisme - et à avoir polarisé la vie politique du pays autour d'elle. Plus de 15 ans après son départ, l'intention prêtée en juin 2006 à Tony Blair de lui préparer des obsèques nationales a entraîné de nombreuses réactions ; le Daily Telegraph a consacré le 9 août sa une aux remous de l'affaire au sein du Parti travailliste. Plusieurs membres du parti du Premier ministre évoquent la possibilité de quitter le parti si cette information était confirmée. Les obsèques nationales sont normalement réservées à la famille royale britannique[165]. Mais il existe certaines exceptions, comme en 1965 lors du décès de Winston Churchill, qui avait dirigé le pays pendant la Seconde Guerre mondiale. Devant cette perspective, qui coûterait trois millions de livres, une pétition stipulant que, « en conformité avec son héritage, les funérailles devraient être financées et organisées par le secteur privé afin d'offrir le meilleur choix et rapport qualité-prix aux usagers et autres parties prenantes », reçoit plus de 25 000 signatures en deux mois sur le site officiel du gouvernement britannique ; si le seuil des 100 000 signataires est atteint avant l'automne, cette pétition pourra faire l'objet d'un débat parlementaire[166],[167].
[modifier] Reconnaissance internationale
Margaret Thatcher a reçu de nombreuses reconnaissances, britanniques ou étrangères. Elle a ainsi été décorée au Royaume-Uni de l'Ordre de la Jarretière et de l'Ordre du Mérite ; elle fait partie de la Royal Society et du Conseil privé de la Reine Elizabeth II.
Elle a été également décorée de la Médaille présidentielle de la liberté américaine, du Ronald Reagan Freedom Award et est membre honoraire de la Heritage Foundation. Le magazine libertarien américain Reason l'a célébrée comme « héros de la liberté »[168].
D'après un sondage réalisé en décembre 1999 par l'institut de sondage Gallup, elle était la 18e personnalité la plus admirée par les Américains[169].
Plusieurs lieux portent son nom dans les Malouines, en souvenir du conflit de 1982 : Thatcher drive à Port Stanley ou la péninsule de Thatcher en Géorgie du Sud. Le 10 janvier est un jour férié dans les Malouines, le « Margaret Thatcher Day ».
[modifier] Culture populaire
Margaret Thatcher est une source inépuisable de représentations culturelles (cinéma, théâtre, musique, etc.)[170], étant bien plus présente dans les médias et la culture populaire que n'importe quel autre dirigeant politique européen actuel ou passé[170]. Son image dans la culture populaire outre-manche est néanmoins très biaisée[170], car niant les succès de sa politique[170] ou la représentant comme hystérique[170].
Plusieurs chanteurs lui ont consacré des chansons, comme Renaud en 1985 avec Miss Maggie dans l'album Mistral gagnant. D'abord écrite pour stigmatiser la catastrophe du Heysel, la chanson prend la forme d'un hymne pour les femmes et est une charge féroce contre Margaret Thatcher (« Moi je me changerai en chien si je peux rester sur la terre, et comme réverbère quotidien je m'offrirai Madame Thatcher »). La chanteuse française Sapho, dans son album de 1982 intitulé "Passage d'enfer" interprète également une chanson relative à Margaret Thatcher : "Thatcher Murderer". En 1982, Roger Waters (chanteur, bassiste et compositeur de Pink Floyd) publie un concept-album, The Final Cut, où il est plusieurs fois question de Margaret Thatcher. Il y critique largement sa politique de l'époque (l'album a pour point de départ notamment la guerre des Malouines), son nom est mentionné à plusieurs reprises : « Oh, Maggie, Maggie, what have we done?, […] Galtieri took the Union Jack / And Maggie over lunch one day took a cruiser with all hands, apparently to make'em give it back ».
Le nom du groupe de heavy metal britannique Iron Maiden, bien que désignant un instrument de torture (la vierge de fer), n'est pas sans rappeler le surnom de Dame de fer. Ils publient en 1980 le single Sanctuary, dont la pochette représente Margaret Thatcher poignardée par Eddie (la mascotte du groupe) pour avoir arraché une de leurs affiches de concert. Sur l'illustration de la première édition, les yeux sont masqués par un bandeau noir afin de faire croire à une décision de censure[n 8]. L'année suivante paraît le single Women In Uniform où apparaît à nouveau le Premier ministre du Royaume-Uni, cette fois armée d'un fusil d'assaut et guettant Eddie.
La chanson Shipbuilding dont les paroles ont été écrites par Elvis Costello est un pamphlet à l'encontre de Margaret Thatcher et de « sa » guerre des Falkland Islands. Selon la chanson, la guerre donne du travail dans les chantiers navals abandonnés. Mais, à peine construits, les bateaux conduiront les jeunes ouvriers au combat pour s'y faire tuer[171]. Shipbuilding a été créée en 1983 par Robert Wyatt avant d'être reprise par Elvis Costello, lui-même alors accompagné par Chet Baker.
En 1988, Morrissey lui consacre également une chanson, Margaret on the guillotine, dans son premier album solo Viva Hate. Dans cette chanson, Morrissey s'adresse à Thatcher et lui demande quand elle va mourir (« When will you die? »), car les gens comme elle l'épuisent et le font se sentir mal.
C'est également à cette époque qu'apparaît la Cold Wave, littéralement vague froide, référence mortifère à des tonalités froides et torturées avec des groupes tels que Joy Division.
Le mouvement gothique à l'esthétique sombre et macabre et la new wave naîssent au Royaume-Uni et développent un style autant musical que vestimentaire, d'une excentricité mélancolique parfois provocatrice, dominée par le noir et le métal et s'inspirant du romantisme sombre. Citons groupes tels que The Cure, Paradise Lost, les Tears for Fears, Depeche Mode ou Killing Joke.
On assiste également à l'avènement de la musique techno (la House music).
Margaret Thatcher mène une politique obligeant les clubs de musique comme les pubs à fermer plus tôt, à 2 heures du matin, poussant les clubbers à continuer leurs fêtes de façon clandestine via les raves party, permettant l'émergence de ce qui deviendra la free party.
L'Angleterre des laissés pour compte de l'ère Thatchérienne est le sujet de nombreux films. Notamment My Beautiful Laundrette (1985) de Stephen Frears, Les Virtuoses (1997) de Mark Herman, The Full Monty (1997) de Peter Cattaneo, Trainspotting (1995) de Danny Boyle, Billy Elliot (2000) de Stephen Daldry ou encore Raining Stones (1993), de Ken Loach.
En 2011, sort un film biographique, La Dame de fer, avec Meryl Streep dans le rôle de Margaret Thatcher, et Jim Broadbent dans celui de Denis Thatcher. Si ce film est salué de manière quasi-unanime pour son jeu d'acteurs par la critique, il n'en est pas de même pour la représentation de la politique et du portrait personnel de la « Dame de Fer » qui en ressortent. Ainsi, certains journaux, tels que The Guardian, The Telegraph, The Times ou encore The Spectator, estiment qu'il ne témoigne pas ou mal des années Thatcher et du thatchérisme[172]. Plusieurs personnalités politiques, notamment parmi les anciens ministres de Margaret Thatcher, insistent sur le côté « très émotionnel » du film, soit en saluant la performance de Meryl Streep, comme Nigel Lawson, soit, au contraire, en condamnant l'image « à moitié hystérique » qui en ressort, comme Norman Tebbit[173]. David Cameron, dans une interview à la BBC, a reproché au film d'être « vraiment un film concernant davantage l'âge, la démence plutôt que l'action d'un ex-premier ministre extraordinaire. »[174].
[modifier] Notes et références
- ↑ On pourrait traduire approximativement par « celle qui arrache le lait aux enfants »
- ↑ Y compris à la sienne, disant elle-même qu'elle n'aspirait à l'origine qu'à devenir ministre des Finances.
- ↑ Le journaliste français Roger Faligot rapporte que « selon des informations convergentes, » elle aurait donné son aval à une série d'assassinats de républicains irlandais en 1980-1981, commis par l'intermédiaire de paramilitaires loyalistes : l'assassinat de la présidente du Parti socialiste républicain irlandais Miriam Daly en juin 1980 ou encore la tentative d'assassinat de Bernadette Devlin et de son mari en janvier 1981. Ces assassinats auraient été destinés à affaiblir les mouvements de soutien aux prisonniers grévistes de la faim. cf Roger Faligot, La résistance irlandaise (1916-2000), Éditions Terre de Brume, 1999, pages 255-256. Ces accusations n'ont cependant été reprises par aucun autre auteur ni aucune biographie de Margaret Thatcher, et n'ont pas donné lieu à des enquêtes ni à des mises en cause officielles de l'ancienne premier ministre britannique.
- ↑ La secrétaire d'État américaine a rendu, à cette occasion, un hommage particulier à Margaret Thatcher, en déclarant : « Je vous remercie d'avoir inspiré autant de monde, y compris moi-même, parce que vous vous êtes toujours tenue du côté de ce qui était juste ».
- ↑ L'inflation atteint des niveaux élevés au début de son mandat puis diminue fortement pour atteindre 4,5 % en 1983 et remonter à 8 % en 1990, avec les tensions sur le marché du travail et des salaires en hausse de près de 10 %. Hervé Monet & Jean-Jacques Santini, L'Économie britannique, Nathan, 1992, p. 57 .
- ↑ Le décile inférieur a vu ses revenus baisser d'environ 10 % alors que les revenus de tous les autres déciles ont augmenté : +4 % pour le deuxième décile, + 60 % pour le premier décile. Roland Marx, Philippe Chassaigne, Histoire de la Grande-Bretagne, Librairie académique Perrin, Paris, 2004.
- ↑ De fait, les effectifs du NHS ont plutôt augmenté pendant la période, en hausse de 6 % alors que le reste de la fonction publique diminue de 12,5 %. Delas, ibid, p.159
- ↑ « La controverse sur ce single fut montée de toutes pièces par le management du groupe. Ils mirent ce bandeau noir sur les yeux de la victime et crièrent à la censure, alors qu'il n'y en avait aucune. Toute cette controverse fut inventée afin de faire la publicité au groupe. C'est un vieux truc et ça fait vendre des disques presque à chaque fois… » (Derek Riggs, auteur de l'illustration concernée)
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: Ouvrage ou article utilisé comme source pour la rédaction de cet article
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