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THEMA Des choses, des gestes, des mots – Repenser les dynamiques culturelles

Dénouer les ficelles du métier

Pour connecter les savoirs formels et informels
Tricks of the Trade
Marcelle Stroobants
p. 164-179

Résumés

La qualification professionnelle et les critères qui lui sont associés ont été fortement dépréciés, depuis une vingtaine d’années, sur le marché de l’emploi et dans les milieux de la formation, au nom de compétences « informelles », mobilisées au travail. Celles-ci sont vantées par opposition à la « simple » transmission des connaissances. Sur le terrain, les gens de métiers continuent à affirmer que le savoir-faire ne s’apprend pas ou pas « comme ça », qu’il s’apparente à un don se développant par la pratique. Des stratégies managériales, des préoccupations pédagogiques, des enquêtes sociologiques, des témoignages des principaux intéressés concourent donc à renforcer l’opposition entre savoirs formels et informels. Encore faut-il envisager le processus qui aboutit à distinguer ces deux catégories de savoirs. Car si le savoir-faire résiste à la formalisation, le savoir formel ne résiste pas forcément au savoir-faire. Certaines recherches suggèrent ainsi que la formation scolaire peut ouvrir l’accès à la pratique. Quant aux connaissances académiques, elles ne se mettent pas en œuvre non plus sans cultiver un art implicite. Ni l’inculcation ni l’application d’un mode d’emploi ni même la simple immersion ne suffisent à générer du savoir-faire. Au-delà de l’alternative entre un don ou bien une transmission par instruction, l’apprentissage semble demander une intense activité de mise en compatibilité entre des ingrédients disparates. Le milieu social, l’environnement professionnel, la situation de travail sont riches de ressources techniques susceptibles d’être convoquées dans ce processus. Malgré l’intensité de cette activité, un tel apprentissage ne laisse pas plus de souvenir que des premiers pas ou des premiers mots, lorsque cette transformation va sans dire. En l’absence d’enjeu social explicite, la connaissance semble s’évanouir comme un savoir nul et non avenu. En revanche, les épreuves sociales, les évaluations, les qualifications constituent autant de repères susceptibles de garder la mémoire de tels épisodes et d’intervenir dans leur déroulement. Ainsi construite, la distinction formel/informel pourrait - si elle est présentée comme un ingrédient naturel - perturber la formation de compétences.

Tricks of the Trade

For approximately twenty years, qualification criteria have been strongly underestimated, on the labour market and in training, in the name of « informal » competencies, required on the job. These are praised in contrast with « simple » knowledge transmission. On the field, professionnals themselves keep claiming that skills are growing by practice, like a gift not really learned. Managerial strategies, sociological studies, educational concerns and direct witnesses are thus all strengthening the opposition between formal and informal knowledges. Yet, one should consider the process leading to this distinction. If know-how resists to formal expression, the reverse is not necessarily true. Some researches show, for instance, that education opens access to practice ; even academic knowledge, put into practice, is nurturing an implicit art. Neither guidelines nor a simple immersion are sufficient for generating know-how. Beyond the alternative between gift and instructions, learning process is requiring an intense activity to create compatibility between heterogeneous ingredients. Social background, professional environment, working situation are rich in technical resources available for this process. In spite of its intensity, this type of learning does not seem to be remembered anymore than one’s first steps or first words, when it is implicit. Whitout any direct social issue, knowledge seems to vanish. On the other hand, social tests, assesments, qualifications are landmarks susceptible to influence learning processes and to preserve the memory of such episodes. The formal/informal distinction, being constructed, could become rather disturbing when presented as a natural input of training.

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Note de l’auteur

À l’école ou à l’atelier, où apprend-on les savoirs nécessaires au travail ? Et ces savoirs, tellement incorporés que leur origine est oubliée, comment les mesurer et avec quels effets ?

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© Théâtre des Ombres

Les connaissances impliquées dans l’action paraissent toujours en partie insaisissables, inaccessibles directement. Elles ne semblent pouvoir être évoquées que par la négative, comme second terme d’oppositions telles que savoir/savoir-faire, connaissance explicite/tacite, savoir formel/informel, théorie/pratique, etc. Ces catégories, à première vue incontournables, s’avèrent aussi encombrantes que discutables et ouvertes à la naturalisation.

Le chercheur – anthropologue ou sociologue – n’a pas à juger de la pertinence de telles catégories ; pour lui, il s’agit de comprendre ce qu’elles recouvrent, comment elles ont été fabriquées, comment elles se transforment, quels en sont les enjeux et les effets. Dans les situations de compétition, sportive, artistique, scolaire ou professionnelle, dès lors qu’une évaluation est en jeu, ces oppositions deviennent stratégiques. Rarement symétriques, elles sont souvent utilisées dans la perspective de valoriser un terme par r (...)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marcelle Stroobants, « Dénouer les ficelles du métier », Techniques & Culture [En ligne], 51 -2008/2 | 2009, mis en ligne le 15 juin 2011, Consulté le 09 juillet 2010. URL : http://tc.revues.org/4625

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