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Autour des événements de Tunisie…..

Il pourrait être intéressant d’amorcer ici un échange sur les émeutes en Tunisie.
Voici, à mon avis quelques thèmes qui pourraient structurer pas forcément la compréhension mais au moins la mise en forme pensée de ces événements.

1)Première question : le caractère semble-t-il interclassiste de ces émeutes, mais comment selon les différences sociales les gens y prennent part ? Cela va des classes moyennes (avocats, enseignants…) aux masses de chômeurs structurels en passant par les fonctionnaires, travailleurs au noir et économie informelle, travailleurs occasionnels, paysans ayant abandonné leur terre et réfugiés dans les bourgs de l’intérieur du pays, jeunes diplômés sans emploi (là-dessus, attention, la baisse de la natalité en Tunisie est réelle mais elle est une baisse moyenne, elle n’a que peu touché l’intérieur du pays) et les ouvriers (il semble que contrairement à l’Algérie les émeutes ne sont pas concomitantes de grèves : ports, santé, habitat-bâtiment).
Il y a là une question importante dans une perspective de compréhension communisatrice des luttes actuelles : rapport du prolétariat aux classes moyennes, dissolution de celles-ci dans les luttes en même temps qu’elles font entendre leur musique propre (mouvement politique responsable et revendicatif liberté d’expression et d’organisation, question de la représentation).
De ce point de vue également s’interroger sur les cibles : bâtiments publics, bâtiments représentant le parti au pouvoir – ce n’est peut-être pas exactement pareil -, commissariats, grandes surfaces et petits magasins. Est-ce que l’on peut inclure, sans autre forme de procès, l’attaque des commissariats et celle des autres bâtiments publics ? Ce sont deux définitions différentes de l’Etat qui sont pratiquement produites dans l’assimilation ou la distinction et qui désignent des fractures dans le mouvement

2) Que signifie la concomitance de la destruction de tout ce qui représente le pouvoir (avec les questions précédentes) et les pillages. On ne peut, me semble-t-il, se contenter de dire (comme pour les émeutes en France de 2005) : « ils ont attaqué tout ce qui les définit et les maintien dans une condition qu’ils remettent en cause » (remise en cause de sa propre définition sociale) . En effet on ne peut passer par-dessus la grande diversité sociale des acteurs, c’est justement là où les choses sont intéressantes. Il faut croiser diversités des cibles et diversités des acteurs non pour attribuer un type de cible à un type d’acteurs (ce qui peut exister mais n’est pas très intéressant) mais plutôt pour voir comment pour les uns la diversité est dépassée (tous les éléments ne font qu’un dans leur situation) et pour d’autres cette diversité des cibles est pertinente (certaines bonnes, d’autres « contre-productives » selon cette expression idiote) elle est même produite (même si leur action peut en viser plusieurs). On a là toute une dynamique interne à l’action, dynamique médiée pour cette action et ces acteurs par un tiers qui est le pouvoir capitaliste en face et toute ses instances. Le but de la réflexion là dessus n’est pas de faire une sociologie des émeutes et des émeutiers mais de réfléchir sur ce qu’est la dissolution du prolétariat dans sa lutte contre le capital, réflexion sur ce qu’est le prolétariat comme classe communisatrice et les contradictions de son processus constitutif (bien sûr en l’absence de mesures communisatrices, la réflexion à ce propos ne peut être que très limitée et un peu spéculative, mais si on fait pas ça autant écrire des recettes de cuisine)

3) Les formes de mobilisation : pas d’appel, pas d’organisation, l’UGTT semble essayer de recadrer cela, mais sans grand succès (les tentatives de l’UGTT sont-elles accessoires ou présage-t-elle d’une scission à venir entre les acteurs ?). Multiplicité des lieux d’action (de ce point de vue cela rappelle la Grèce), occupation de territoires sans en revendiquer la possession, extrême proximité personnelle des émeutiers entre eux, utilisation des téléphones mobiles et des « réseaux sociaux » (ne pas fantasmer cependant car si les Etats-Unis avaient voulu bloquer, c’était le black out, je ne pense pas comme le pensait Lénine que les capitalistes nous vendrons la corde pour les pendre). Chacun est là à titre personnel et collectif, peut-on alors parler d’auto-transformation des prolétaires dans la lutte. La question est compliquée, elle rejoint celle du prolétariat agissant comme classe distincte et simultanément, par là, se dissolvant par assimilation et prolétarisation forcée (par les actions entreprises) des autres catégories participants au mouvement. L’auto-transformation c’est cette dissolution dans la mesure seulement où la classe fait valoir ses intérêts, sa stratégie propre et sa compréhension de l’ennemi.

4) Depuis un mois, fait exceptionnel dans un mouvement de cette ampleur et de cette durée, aucun représentant individuel ou organisationnel n’émerge, ni même un discours anonyme (sans sujet repérable distinctement). Le dernier point est vrai mais pas si évident car en partie un discours sans représentant existe, celui de l’injustice, de la corruption et de la morale. Il est à la fois le discours minimal, général et ambivalent. Son ambivalence rejoint la diversité des acteurs et des cibles, leur unification ou leur distinction selon les acteurs et les pratiques. Le mouvement est politique au sens où il fait de l’Etat (pas seulement comme appareil répressif) sa cible, mais sans le devenir pour lui-même (même si ce devenir politique pour lui-même est potentiel dans sa diversité). L’absence de représentation et de devenir politique pour lui-même sont, de façon on ne peut plus terre à terre, la disparition de toute existence en soi du prolétariat différente de son rapport contradictoire (ici rapport de luttes – je ne sais pas si on peut inventer ce néologisme conceptuel). La représentation, l’auto-compréhension politique du mouvement seraient le rétablissement de deux sujets (prolétariat / capital) existant pour eux-mêmes et se rencontrant conflictuellement. L’idéologie convoque matériellement les protagonistes comme sujets. A la suite de la grande manifestation pacifique du vendredi 14 janvier, les démocrates politiques sont sur la ligne de départ alors que les pillages gagnent les villes touristiques de la côte, il leur faudra rétablir l’ordre. Juin 48 n’est jamais loin de février.

5) Faillite d’un type de développement économique qui, sans tirer des plans sur la comète, pourrait nous en dire long sur la fin d’un certain type de mondialisation auquel répondrait à un tout autre niveau ce qui n’est encore que des velléités de développement d’un marché intérieur chinois ou brésilien. Il est vrai que la Tunisie n’a pas, dans tous les sens du terme, la même « surface ». On peut comprendre la diversité pour l’instant encore plus ou moins symphonique du mouvement de par cette place de la Tunisie dans la mondialisation avec son zonage et sa mise en abimes de toutes les situations sociales.

6) Absence de revendication. Il ne faut pas confondre les causes de la révolte et la revendication. La révolte a des causes, mais le mouvement n’est pas pour autant automatiquement la revendication de l’abolition ou de l’amélioration de ses causes. Si les choses se réduisaient à leurs causes, il n’y aurait jamais d’événements. La lutte de classe a des causes, elle est même à elle-même sa propre cause, c’est pour cela qu’elle est aussi productrice d’effets de cliquet. Est-ce que cette absence pour l’instant de revendications est le signe de la prédominance prolétarienne parmi les émeutiers et de la coloration qu’elle donne aux événements, comme l’éther dans lequel ils baignent. Ben sûr, il y a la connaissance spontanée de l’illégitimité de ce qui pourrait être revendiqué. Cette illégitimité de la revendication, c’est, en Tunisie, pour les émeutiers, une connaissance intime d’eux-mêmes : l’illégitimité pour les émeutiers de leur propre existence pour l’Etat et la reproduction du capital. Il y a affrontement entre des ennemis qui se reconnaissent mutuellement comme radicalement étrangers l’un à l’autre : l’Etat est une coterie népotique et corrompue ; les émeutiers sont des inutiles (différence avec les émeutes des régions minières il y a quelques années). Quand l’illégitimité de la revendication devient l’illégitimité de l’existence elle prend une tout autre tournure. Il ne faut jamais négliger l’auto-construction idéologique dans laquelle existe la lutte de classe (et même peut-être la révolution communiste…). « Injustice accablante », « corruption », ce sont des faits mais aussi une lecture idéologique de ces faits au travers de laquelle ils deviennent des pratiques et des conflits. Idéologie car les faits deviennent porteur d’une axiologie (une critiques des valeurs). Quand la rumeur court que le fameux gendre affairiste de Ben Ali s’envole pour le Canada, la foule se précipite à l’aéroport pour l’empêcher de partir, il y a une haine individualisée des structures qui descend dans la rue.
L’étrangeté radicale est une construction idéologique, mais c’est par elle qu’existe une pratique clivante à l’intérieur des émeutiers et de leurs actions, elle est la pratique qui globalise les cibles. Il est facile de dire que de la succursale automobile au siège du parti au pouvoir en passant par une poste ou une école tout ça c’est le capital, mais les choses ne se présentent jamais ainsi et il n’est pas sans intérêt de comprendre pourquoi. La crise de l’implication réciproque entre les classes, dans ses formes toujours particulières, précisément parce qu’elle est la crise de l’implication réciproque contraint à une auto-compréhension à la fois fausse (inadéquate) et nécessaire dans son inadéquation même comme existence de la lutte. Les protagonistes sont convoqués comme « sujets », c’est l’idéologie nécessaire. Des formes toujours particulières, ici : le moment coercition de la reproduction du capital comme société (cf. Le plancher de verre dans Les émeutes en Grèce).

Dernière heure (en fait développement du point 4)
J’avais écrit ces notes ce matin (14 janvier), après l’annonce du départ de Ben Ali ce soir, je viens d’entendre à la radio le président de la « Ligue des droits de l’homme tunisienne » se déclarer satisfait de l’intervention de l’armée : « le clan Ben Ali s’était approprié l’Etat ». Plus que le départ de Ben Ali, le grand soulagement c’est en résumé : « surtout que les prolétaires rentrent chez eux ». En même temps que se déroulait la manifestation pacifique de vendredi, celle de l’avenue Bourguiba, les sièges de banques étaient attaqués dans le centre de Tunis. Ils sont les vrais défenseurs de l’Etat capitaliste comme les Etats-Unis considérant l’équipe au pouvoir comme une « quasi mafia ». Il semble évident que l’armée à poussé Ben Ali dehors et même préparé son départ en occupant l’aéroport. Tout cela est dans la droite ligne des considérations sur l’Etat dans le livre sur l’Iran (De la politique en Iran, pp148 et sq). L’Etat doit être préservé hors de la lutte de classe pour être l’Etat de la classe capitaliste. Le grand crime de Ben Ali est d’avoir fait de l’Etat une affaire privée et un quantum de capital parmi d’autres, d’avoir menacé la transformation de la violence brute des rapports de production en violence légale et légitime (il a pu exister des oppositions entre la police et l’armée). Il faut sauver l’Etat : état d’urgence, couvre feu, interdiction de tout rassemblement, autorisation de tirer. On en était arrivé au point où la transformation de la violence des rapports sociaux capitalistes ordinaires en violence légitime organisée de l’Etat (c’est le fonctionnement de la machine qu’est l’Etat) était menacée.

14 janvier

R.S

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  1. pepe
    15/01/2011 à 10:20 | #1

    « L’absence de revendications » me parait, au moins, a considérer de près. Les blogs, les interviews, les reportages parlent tous de l’exigence du pain, de travail, de liberté d’expression. Cela ressemble à un « plus petit dénominateur commun » entre les émeutiers mais il parait rapide d’en faire une vraie abscence…
    Que penser de l’omni présence de drapeau rouge… et blanc tunisien dans toutes les manifs et affrontements?
    Le plus assourdissant est effectivement l’abscence absolue de tout représentant politique alternatif dans les manifs ou émeutes ou même dans les médias….

  2. Norman
    15/01/2011 à 12:17 | #2

    bien qu’il soit encore un peu tôt pour le savoir,une analyse de la situation en Tunisie ne peut pas faire l’impasse sur cette question:
    « la divulgation des câbles wikileaks sur la corruption et la mafia dans la famille présidentielle »a t-elle, oui ou non, joué un rôle prépondérant dans le soulèvement ?

    si la réponse est oui, la seconde question est alors: »wikileaks agent subversif ou manipulation étasunienne ? »

  3. Patlotch
    15/01/2011 à 17:58 | #3

    1 « Est-ce que l’on peut inclure, sans autre forme de procès, l’attaque des commissariats et celle des autres bâtiments publics ? Ce sont deux définitions différentes de l’Etat qui sont pratiquement produites dans l’assimilation ou la distinction et qui désignent des fractures dans le mouvement. »

    L’Etat comme outil quotidien de la reproduction – domination étatique du capital -, et l’Etat directement répressif (la police)… dire qu’elle désignent des fractures dans le mouvement, n’est-ce pas copier-coller la situation du démocratisme radical (à l’occidentale) avec ses marges « anti », anti-démocratique, anti-sociétale, anti-capitalistes ? L’aspiration démocratique (les « libertés ») qui s’exprime ne semble ni bourgeoise (89 contre la monarchie, 48 contre le prolétariat), ni radicale anti-capitaliste. Tout indique qu’ils pourraient se passer de cette étape, mais rien qu’ils pourraient la dépasser.

    RS 2) « Que signifie la concomitance de la destruction de tout ce qui représente le pouvoir (avec les questions précédentes) et les pillages. »

    Ceux qui pillent pour manger, comme à Haïti, à la Nouvelle-Orleans et ailleurs, attaquent le pouvoir qui, pour eux, les a affamés, à quoi répond l’Etat d’Urgence, et le fait que dans l’immédiat, revendiquer la démocratie est le cadet de leurs soucis. Je ne vois pas, à ce stade, de fracture dans une perspective d’écart, de remise en cause de l’appartenance de classe, y a-t-il vraiment une rupture de continuité à décrypter à travers les cibles et les motivations des acteurs, qui dit qu’ils ne passent pas des unes aux autres ? Très immédiatement, un entre-deux février-juin 48 en pire (le prince s’enfuie à Varennes, on n’arrête pas un avion comme une voiture à cheval, le premier ministre du Même assure l’intérim, même pas un « gouvernement provisoire » d’une opposition sans perspective de stabilité démocratique correspondant aux espoirs d’une classe moyenne pré-cocue, paysanne-étudiante… qui ne semble pas prête à reconnaître sa prolétarisation. Un rêve investi dans la promesse démocratique (législatives), auquel personne ne croit mais fait comme si, avec la méthode coué des vieux bourguibistes de retour et les syndicalistes distribuant leurs cachets de médiator contre la rage, dans la cage de la représentation toutes portes ouvertes. Les émeutiers ne rêvent pas.

    RS « 4) Depuis un mois, fait exceptionnel dans un mouvement de cette ampleur et de cette durée, aucun représentant individuel ou organisationnel n’émerge »

    Yavait pas de représentant avant parce qu’il n’y avait pas de média-démocratie formelle. La dictature faut bien que ça serve à quelque chose. Ils ont été pris de court, ça va venir, la Tunisie aura bien mieux qu’un Ouattara, par les mêmes qui offriront à Gbagbo et Ali un jeu d’échecs en or noir. Ça va venir parce que toutes les couches sociales qui ont quelque chose à défendre/espérer n’attendent que ça, qui n’a aucune chance de correspondre à leurs attentes, qu’elles soient politiques ou économiques. La phase démocrate radicale est court-circuitée d’avance, parce que la question qui a fait exploser la politique est immédiatement sociale, sans horizon ni politique, ni économique.

    RS « Est-ce que cette absence pour l’instant de revendications est le signe de la prédominance prolétarienne parmi les émeutiers et de la coloration qu’elle donne aux événements, comme l’éther dans lequel ils baignent. »

    Ils ont fait le sale boulot pour le magmat démocratique qui en profitera sur leur dos. Il n’y avait jusque-là pas de table de jeu pour négocier, ils ne peuvent être qu’en-deça de la revendication, mais ils n’ont pas fait l’expérience des émeutiers français de 95 pour qui revendiquer ou faire de la politique ne veut plus rien dire. On verra.

  4. Patlotch
    15/01/2011 à 23:57 | #4

    Je n’ai pas la tête assez théoricienne pour ne pas me poser des questions triviales, et je ne sais pas les formuler théoriquement « dans une perspective de compréhension communisatrice des luttes actuelles ». Je suis incapable de me poser des questions spécifiquement tunisiennes, et si j’y vois « un événement mondial », c’est davantage dans la similarité de situations des pays voisins et ailleurs dans le monde, où l’on ne manquera pas d’y voir une première, un exemple à suivre ? La solidarité arabe de la rue par delà les frontières me semble plus prometteuse que les introuvables convergences des « peuples » européens autour de la note AAA.

    On voit surgir en quelques jours une révolution politique que personne n’attendait, sans doute pas même les Tunisiens, dans cette période de la globalisation capitaliste où toute solution nationale semble dérisoire – « l’omni-présence du drapeau tunisien » est peut être davantage l’emblème du fantasme de « la liberté » que d’un nationalisme tunisien. « Liberté » qu’un monde croyant l’avoir est en train de perdre, quand celui qui ne l’a pas demande plutôt du blé (argent / pain)… ça m’évoque le rêve de l’identité ouvrière perdue dans le mouvement de l’automne français. Sur quoi peut déboucher le fantasme de la liberté dans un pays où, si l’on soulève à peine le pouce du tuyau, ne peut sortir qu’un flot de sang et de balles ? Un état d’urgence qui s’impose de façon permanente pour une forme d’Etat démocratique à bricoler dans l’urgence adéquatement à la restructuration, vers un modèle politique d’Etats plus conforme aux besoins de la reproduction mondiale dans la crise ?… Les leaders potentiels expatriés vont rentrer, familiers de la vraie démocratie occidentale, alors que ces modèles historiques sont de plus en plus confrontés à la caducité de leur modèle… Les Américains et les Français ont visiblement préféré laisser faire afin d’avoir une plus grande marge d’intervention dans la suite des événements, pour des raisons de politique intérieure certes, mais pour des raisons économiques davantage que politiques vis-à-vis de la Tunisie, d’autant que sauf erreur c’est un pays sans rente pétrolière ou minière.

  5. Patlotch
    16/01/2011 à 15:55 | #5

    J’essaye de reprendre quelques questions de RS (des questions qu’il pose dans ses questions numérotées)

    dans 1) « le caractère semble-t-il interclassiste de ces émeutes, mais comment selon les différences sociales les gens y prennent part ? » plus loin « Il y a là une question importante dans une perspective de compréhension communisatrice des luttes actuelles : rapport du prolétariat aux classes moyennes, dissolution de celles-ci dans les luttes en même temps qu’elles font entendre leur musique propre… »

    Il me semble que le mouvement dans sa généralité veut la fin de la dictature, la démocratie, et que cela recoupe l’émeute de « la faim », qui s’exprime en elle-même par les pillages, et politiquement contre l’Etat, sans croire à la démocratie, ou que la démocratie résoudra la question. Les émeutiers créent une dynamique qui est prise dans les limites du mouvement d’ensemble, et d’ailleurs abouti à sa « victoire », qui n’est pas la leur (Ben ali est retiré comme le CPE). J’ai du mal à passer de cette situation à celle qui serait créée dans une lutte de communisateurs dans leurs rapport aux couches moyennes. La démocratie revendiquée par la majorité est assez classiquement représentative, elle ne semble pas se poser comme alternative au capitalisme, il n’y a pas une revendication de démocratie directe, telle qu’elle se s’opposerait dans la communisation à des mesures communisatrices. S’il y a un « écart », il ne me semble pas évident de le voir, sauf très marginalement, comme manifestation de l’appartenance de classe comme contrainte extérieure. Bref, cette histoire de dictature vs démocratie vient boucher, faire écran, à l’émergence d’enjeux tels que nous pouvons les voir dans les luttes exprimant l’écart. Autrement dit je ne vois pas le rapport prolétariat/classes moyennes, pour simplfier, se poser dans des termes qui nous disent quelque chose sur la perspective communisatrice.

    dans 3) « Chacun est là à titre personnel et collectif, peut-on alors parler d’auto-transformation des prolétaires dans la lutte ? La question est compliquée, elle rejoint celle du prolétariat agissant comme classe distincte et simultanément, par là, se dissolvant par assimilation et prolétarisation forcée (par les actions entreprises) des autres catégories participants au mouvement. L’auto-transformation c’est cette dissolution dans la mesure seulement où la classe fait valoir ses intérêts, sa stratégie propre et sa compréhension de l’ennemi »

    Je répondrais doublement non dans cette phase qui a produit l’explosion politique. D’une part les émeutiers ne me semblent pas arriver au point de leur remise en cause consciente comme prolétaires (« compréhension de l’ennemi »), et partant, non seulement ils ne peuvent engager leur auto-transformation, ni à « l’assimilation et prolétarisation forcée des autres catégories ». En tout cas, si c’était le cas, c’est maintenant que nous devrions le voir dans la suite des événements (en attendant juin).

    dans 4) « Depuis un mois, fait exceptionnel dans un mouvement de cette ampleur et de cette durée, aucun représentant individuel ou organisationnel n’émerge, ni même un discours anonyme »

    J’ai répondu un peu facilement qu’ils n’en avaient eu ni la possibilité ni le temps. La genèse et le déroulement, avec son résultat imprévisible, ne pouvait en poser la nécessité, s’il est vrai que l’objectif de renverser le gouvernement n’a été produit que dans les derniers jours. Là de même, c’est maintenant que l’on va voir se structurer politiquement, et anti-politiquement, les ruptures, la représentation des différentes strates sociales sur leurs intérêts, et leurs affrontements dans l’Etat et/ou contre lui.

    « 5) Faillite d’un type de développement économique qui, sans tirer des plans sur la comète, pourrait nous en dire long sur la fin d’un certain type de mondialisation »

    Je suis assez d’accord, je l’ai évoqué plus haut… la forme de ce type d’Etat est-elle un obstacle aux nécessités de la fluidité de l’exploitation globale d’une force de travail mondialisée ?

    6) « Absence de revendications » ma réponse plus haut en est-elle une ? « ils ne peuvent être qu’en-deça de la revendication » parce que ce régime interdisait l’expression de la revendication ? Leur situation ne va pas changer, mais c’est dans la suite qu’on pourra seulement voir ce qu’il en est, dans les conditions de la démocratie impossible.

    Voilà, mes réponses sont un peu normandes, mais j’ai franchement du mal à prendre les questions – et pour certaines leur pertinence – en arrêtant les événements au 15 janvier, leur compréhension ne pouvant se faire que rétrospectivement, dans la période qui s’ouvre.

  6. R.S
    16/01/2011 à 16:22 | #6

    La remarque de Pepe sur « l’absence de revendications » est pertinente mais ne me convainc pas vraiment. Ce sont des revendications d’une telle généralité qu’il devient difficile de les considérer comme telles. Cela revient à dire « on veut vivre », elles sont une forme disons plus concrète de « l’injustice » ou de la fameuse « hogra ». On en reviendrait alors aux causes qui je pense ne peuvent être assimilées à des revendications. « Je veux une autre vie », est-ce que c’est une revendication ? Je pense, sans que l’on puisse assimiler les deux situations, à la phrase du jeune algérien : « je ne suis pas sorti pour l’huile et le sucre ». Cela dit, c’est vrai, elles existent, mais il leur manque, en tant que revendications quelque chose d’important, être quelque chose que l’on présente à un interlocuteur reconnu et que l’on reconnait comme tel. Ici, il me semble que l’on est plutôt dans la situation : « on n’a pas de pain », « on n’a pas de travail », « on ne peut pas parler » : « yen a marre ». Cela renvoie à un point de mes notes : des ennemis qui se reconnaissent mutuellement comme absolument étrangers. Cela n’est pas forcément le cas pour tous les participants au mouvement, c’est là dessus aussi que j’ai voulu insister.
    Une revendication ça existe aussi par des représentants, c’est une mise en forme, c’est le résultat de tout un travail social la plupart du temps effectué spontanément sans même y prendre garde, mais pas toujours : par exemple, BA dans sa brochure sur 68 expose bien tout ce travail de production des revendications.
    Je ne veux pas faire passer à toute force une interprétation « radicaliste » de ces émeutes, mais je ne pense pas que l’on puisse utiliser la notion de revendication de façon simple pour ces événements. Mon « absence de revendication » est certainement tout aussi simpliste dans l’autre sens.
    Si on accepte l’idée de revendications, il faut considérer que, dans le moment même où elles sont énoncées, elles dénient à l’Etat auquel elles s’adressent la qualité d’interlocuteur de ces revendications. Des revendications sans interlocuteurs signifie soit que « revendiquer ne veut plus rien dire » (comme dit Patlotch à propos des émeutiers de 2005, mais en Tunisie le jeune qui s’est fait brûler – et la chose s’est répétée – cela ne veut pas rien dire), soit qu’il faut mettre en place un interlocuteur (les drapeaux). Je pense que si l’on parle de « revendications » dans ce mouvement il faut en parler comme de quelque chose qui s’est scindée. Je pense que le cours des événements a constamment signifié cette ambivalence jusqu’à la prédominance démocratique finale. Je reviens sur l’idée que les modes d’actions, les cibles ont constamment signifié une diversité, des fractures, que l’on peut étendre à la revendication si on accepte que « absence de revendication » est un peu rapide et simpliste. Il serait rapide de simplement parler d’un « volet politique » des revendications, la formulation politique doit être effectuée, doit être produite et cette formulation vient montrer qu’elle ne coule pas naturellement des « revendications ». La question de l’interlocuteur (le volet politique) fait de la protestation une revendication mais en même temps montre que la protestation n’était pas déjà en soi « revendications ».

    Quand je propose une distinction entre les commissariats et les autres établissements publics je ne fais aucune référence au « démocratisme radical ». « L’aspiration démocratique » (Patlotch) c’est l’aspiration à la restauration de l’Etat (dont Ben Ali avait menacé l’existence) de la part de toutes les catégories de l’encadrement social de la reproduction du capital, d’une partie de la clase capitaliste locale et de capitalistes étrangers (les « investisseurs ») qui en ont assez de se faire racketer. Il faut, avec beaucoup de prudence, peut être inscrire cela dans une recomposition mondiale de la mondialisation dont on assiste à quelques balbutiements. Plus que la police, l’armée est une instance de l’Etat qu’il est structurellement plus aisé de maintenir « hors lutte des classes » (elle est moins présente dans chaque moment ordinaire de la reproduction sociale).
    Je ne crois pas que cela puisse être pensé en termes « d’étapes ». La classe moyenne va être le cocu de l’affaire, OK, rien de nouveau, l’intéressant sera de suivre le sort des dépouilles économiques du clan Ben Ali. Que va-t-il advenir du RCD ?
    Que la table rase politique effectuée par Ben Ali n’ait pas facilité l’émergence d’une représentation, d’accord. Mais on a souvent vu des représentations produites dans le cours même de l’événement (encore une fois je n’envisage aucune étape « démocrate radicale »). La phase démocrate radicale n’est pas court-circuité d’avance, c’est une question que l’on ne se pose même pas. Et puis je ne comprends pas bien cette histoire de « phases ».

    « Ce qui pillent (…) attaquent le pouvoir ». Dans l’absolu c’est juste, mais cela ne nous dit pas grand-chose sur la réalité du cours des luttes de classes. J’ai voulu montrer justement que la globalisation des cibles la production de leur unité était le fait d’une pratique que cela ne pouvait être considéré comme simplement un a priori objectif n’attendant que de se manifester et que cette globalisation n’allait pas de soi pur l’ensemble des acteurs de ce mouvement. Je ne parle à aucun moment dans ces notes d’écart ou de production d e l’appartenance de classe comme contrainte extérieure. Je ne voyais pas la chose dans ce mouvement même avec « l’absence de revendication ». Paradoxalement, c’est en corrigeant cette vision « radicaliste » que l’on pourrait avancer le concept d’écart.

    Un dernier point. Les cables de Wikileaks ont certainement joué un rôle dans le cadre de la morale comme facteur objectif du mouvement, de là à dire « prépondérant »… Quant à Wikileaks : ni l’un (« subversif »), ni l’autre (« manipulation »). La démocratie est constamment agitée par ce genre de trucs qui ne plaisent pas forcément sur le moment mais qu’on parvient toujours à digérer et parfois à utiliser. Des décennies de « Canard enchainé » n’ont jamais mis en péril l’Etat français.

    R.S
    Le mouvement a été si surprenant qu’il a laissé Ben Ali baba (et les quarante …).

  7. pepe
    16/01/2011 à 17:19 | #7

    Répondre à chaud c’est toujours prendre un gros risque de dire des conneries. Tant pis, je dis comme je pense.
    Aussi surprenant que la victoire de la rue sur la famille Traboulsi et allié, il ya a le retour à un calme précaire et militarisé. Tout se passe comme si, sans signes précurseurs, les Etats Munis et l’armée tunisienne avaient réagis au quart de tour pour pouvoir, très vite et sans à coup, laisser chasser un dictateur qui finissait par entraver le développement économique de la Tunisie. Comme si les intérêts de la révolte « du peuple » (et pas du prolétariat) rencontraient d’emblée ceux des plus lucides dans le camp du capital. Bien sur, on parle déja sur les antennes de quelque chose qui ressemble à un coup d’Etat militaire (version compirationniste) alors qu’il semble plus s’agir d’une récupération intelligente et rapide de la dynamique de la rue pour donner un coup de jeune à une dictature qui finissait par devenir ringarde (après avoir été montrée en exemple par toute la classe politique française (entre autre), bien que de moins en moins ouvertement ces dernières années). En tout cas,c’est rare de voir une poussée émeutière aussi forte, aussi généralisée, aussi déterminée sur tout un pays et aussi rapidement ramenée à l’ordre….. Par ailleurs, le vendredi 14 janvier, jour du départ de Ben Ali Baba (elle est bonne , celle là!!!), c’est le jour ou l’UGTT appelle à une grève générale; le jour ou, donc, les prolétaires de la production allaient entrer en jeu à leur tour de façon officielle…..
    Dernière remarque, « ne pas fantasmer cependant car si les Etats-Unis avaient voulu bloquer, c’était le black out, « RS. Je ne pense pas que l’on puisse considérer aujourd’hui que les réseaux sociaux soient à ce point « blocables » par quiconque, au sens ou ils sont devenus un outil tellement central pour le capital que plus personne n’en contrôle vraiment le fonctionnement….

  8. Patlotch
    16/01/2011 à 20:13 | #8

    J’essaye de suivre…

    Quand revendiquer devient impossible, parce qu’illégitime (asytémique) pour le capital, et vain pour le prolétariat, celui-ci peut envisager la remise en cause de la règle du jeu, l’exploitation. Il n’y a pas transcroissance, continuité, de la lutte revendicative à la révolution, mais rupture. BL écrit « La question de la revendication et son illégitimité ( son caractère devenu non-systèmique dans le MPC) [est] essentielle tout simblement parce que la révolution (excusez du peu) est dépassement PRATIQUE de la revendication, l’emparement des éléments constituant la société capitaliste les abolissant par là en tant qu’éléments d’une société. » http://dndf.org/?p=8137&cpage=1#comment-1769

    Une situation où « ce sont des revendications d’une telle généralité qu’il devient difficile de les considérer comme telles » (RS), où elles ne trouvent pas d’interlocuteurs à qui les adresser pour être à proprement parler des revendications… mais où il n’y a pas non plus « dépassement pratique de la revendication » ne s’inscrirait donc pas dans ce cadre explicatif, linéairement, sur la seule base de sauter de « revendiquer » à « communiser ». Ou bien cela créerait-il un entre-deux, un pas suspendu ?… Une forme différente d’abandon de la revendication ? Pour en faire quoi ? Ce n’est pas la première fois qu’on est confronté à revendicatif / non-revendicatif / anti-social (émeutes 95)… mais en Tunisie ça ne s’est pas présenté du tout comme dans les pays démocratiques, où les prolétaires enragés ont fait le tour des réponses de la démocratie. Je n’ai pas parlé de « phase démocrate radicale » (avec ses accompagnements alternativistes) comme étape obligée entre luttes actuelles et la révolution, stade par lequel devraient passer les prolétaires de tous les pays, mais parce que c’est la situation dans laquelle ont été produits nombre d’écarts observés jusque-là; et parce qu’en Tunisie l’issue espérée est semble-t-il très majoritairement une démocratie même pas radicale.

    Tout se passe comme si (comme dit Pepe) tout le monde avait voulu la démocratie (l’Etat), les manifestants non émeutiers, l’armée, le capital aussi, à l’intérieur (sauf les mafieux) comme à l’extérieur (« investisseurs »), tout le monde sauf une partie des émeutiers, mais RS « ne parle à aucun moment dans ces notes d’écart ou de production de l’appartenance de classe comme contrainte extérieure [] même avec « l’absence de revendication ». Paradoxalement, c’est en corrigeant cette vision « radicaliste » que l’on pourrait avancer le concept d’écart. »

    Si je comprends bien, je suis assez d’accord avec la nécessité de cette correction, comme avec par ailleurs (elle ne se pose pas non plus ici, ou pas encore) celle de la notion englobante de « syndicalisme de base » (qui suppose l’expression revendicative adressée à un interlocuteur qu’on légitime pour la satisfaire).

    Ce que je ne comprends pas, même en retenant la question de la production de « l’unité… globalisation qui ne va pas de soi pour l’ensemble des acteurs », c’est comment dans ces conditions, et vue qu’elle se fait réalise massivement, in fine, sur une exigence (revendication politique) de la démocratie, cela interroge l’auto-transformation et la dissolution des couches moyennes dans une prolétarisation forcée… Je trouve la question assez formelle, rapportée à l’absence d’écart, sauf effectivement à corriger la vision « radicaliste », où à trouver une formulation conceptuelle pour ce type d »absence de revendication » (qui est au demeurant une caractéristique assez générale des émeutes).

  9. Norman
    16/01/2011 à 20:57 | #9

    @Patlotch
    « Tout se passe comme si (comme dit Pepe) tout le monde avait voulu la démocratie (l’Etat), les manifestants non émeutiers, l’armée, le capital aussi, à l’intérieur (sauf les mafieux) »

    sauf que l’organisation mafieuse est à la base de toute democratie
    Debord ne disait pas que des conneries

  10. AD
    17/01/2011 à 15:22 | #10

    « L’étrangeté radicale est une construction idéologique, mais c’est par elle qu’existe une pratique clivante ( A.D. « fractions » ) à l’intérieur des émeutiers( A.D. : « des prolétaires ») et de leurs actions, elle est la pratique qui globalise les cibles. Il est facile de dire que de la succursale automobile au siège du parti au pouvoir en passant par une poste ou une école tout ça c’est le capital, mais les choses ne se présentent jamais ainsi et il n’est pas sans intérêt de comprendre pourquoi. La crise de l’implication réciproque entre les classes, dans ses formes toujours particulières, précisément parce qu’elle est la crise de l’implication réciproque contraint à une auto-compréhension à la fois fausse (inadéquate) et nécessaire dans son inadéquation même comme existence de la lutte. Les protagonistes sont convoqués comme « sujets », c’est l’idéologie nécessaire.  » R.S.

    Le confermeur de la ballade.

    L’idéologie nécessaire, ou  » la haine individualisée », la construction idéologique, etc…
    C’est, me semble -t-il, là ou le bât blesse : la critique théorique de ces (ou des) idéologies (rebelles, insurrectionnalistes, anti-répressives, anti-autoritaires…) n’est pas possible en tant que telle, cette critique est également une idéologie (ou idéologique), surplombante, ou qui se veut telle, car pensée en articulation avec une pratique théoricienne. Mais pour critiquer l’idéologie X, on endosse l’idéologie Y.
    Pas moyen d’y surseoir : il n’y a pas de critique communiste, ni communisatrice, de l’ »idéologie nécessaire », en tant que théorie et praxis la communisation est l’obligation de dépasser ce qui porte les idéologies » inadéquates », mais indispensables. C’est ce que j’appelle « son projet ».
    Car,  » le plus con des rebelles des cités » , ou bien « Don Quichotte », je ne puis qu’assumer ces idéologies inadéquates. Se lancer contre les moulins à vents, c’est cela l’inadéquation : quelle sagesse, quelle théorie me sera opposée ?

    « Il ne faut jamais négliger l’auto-construction idéologique dans laquelle existe la lutte de classe (et même peut-être la révolution communiste…). « Injustice accablante », « corruption », ce sont des faits mais aussi une lecture idéologique de ces faits au travers de laquelle ils deviennent des pratiques et des conflits. Idéologie car les faits deviennent porteur d’une axiologie (une critiques des valeurs).  » R.S.

    Question pour un genre :  » C’est la coiffeuse qui commande » , lançaient certain(e)s manifestant(e)s aux forces de police…La coiffeuse, c’est bien sûr la femme de Ben Avi, la Trabelsi…Le khalife et le vizir ne sont pas loin, le prince mal conseillé, etc…Mais la coiffeuse c’est aussi l’ignorante de basse extraction, l’arriviste sans scrupule, la femme et ses mille et une …ruses.

  11. Patlotch
    17/01/2011 à 15:29 | #11

    @Norman

    Debord ne disait pas « que l’organisation mafieuse est à la base de toute democratie »

    Denis Robert « En 1967, Guy Debord expliquait déjà que la mafia et l’Etat était associée : La mafia n’est pas étrangère dans ce monde, elle y est parfaitement chez elle. Elle règne en modèle de toutes les entreprises commerciales avancées. » Source http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/extraits-d-ouvrages/article/les-vrais-mafieux-lisent-le-45136 Ce que dit Debord à l’époque ne concerne pas l’Etat en tant que mafieux.

    Dans « Commentaires sur la société du Spectacle », 1988, http://1libertaire.free.fr/DebordCommentaires.html Debord, en pleine restructuration/mondialisation du capital et donc du nouveau rôle des Etats (du Welfare au Workfare), Debord, qui a raté depuis 15 ans la mort du programmatisme, est certes littéralement (et littérairement) obsédé par les pratiques secrètes des Etats (avec sa vision tordue des années de plomb italienne) Cf XXI « Le secret domine ce monde, et d’abord comme secret de la domination etc. » Mais sauf erreur, il n’analyse pas l’Etat, la démocratie, comme mafieux. Il dit que Mafia et démocratie font bon ménage.

    Même si les interpénétrations sont réciproques entre vraies mafias, entrepreneurs et politiciens (Cf Le monde des mafias. Géopolitique du crime organisé, Jean-François Gayraud, 2005), cela n’aboutit pas à une transformation mafieuse de l’Etat. Et ne doit surtout pas aboutir à ça, puisque l’Etat y perdrait sa fonction pour le Capital dans la lutte de classes.

    Pour revenir à la Tunisie, et comme le dit RS, « [Les sièges des banques] les vrais défenseurs de l’Etat capitaliste comme les Etats-Unis considérant l’équipe au pouvoir comme une « quasi mafia ». Il semble évident que l’armée à poussé Ben Ali dehors [...]L’Etat doit être préservé hors de la lutte de classe pour être l’Etat de la classe capitaliste. Le grand crime de Ben Ali est d’avoir fait de l’Etat une affaire privée et un quantum de capital parmi d’autres… »

    Autrement dit le caractère « mafieux » du régime non démocratique était au contraire (devenu) un obstacle à la poursuite des affaires.

  12. Patlotch
    17/01/2011 à 16:04 | #12

    @AD

    Analyser les limites de la lutte dans sa dynamique même, ce n’est pas « dénoncer » mais comprendre ces pratiques comme « nécessaires », dans le sens d’opposé à contingent (La nécessité et la contingence sont des catégories modales, tout comme la possibilité et l’impossibilité. La contingence est le fait de ne pas être nécessaire tout en pouvant être déterminé, ce n’est pas une négation de la causalité. La nécessité, est ce qui ne peut pas ne pas être. » Wikipédia). Elles n’en sont pas moins porteuses et portées par une idéologie, mais celle-ci n’est pas relative à une norme de luttes idéales d’ici à la communisation, ce serait là faire de la théorie une idéologie, et un programme, un projet… Hors, contre toutes tes affirmations, TC ne le fait pas. Mais comme tu le dis, on peut parfaitement « assumer ces idéologies inadéquates » (bien que ce ne soit pas une question de choix individuel), dans la mesure où elles expriment ce qui peut annoncer le dépassement, non en tant qu’idéologies, mais que manifestation de la dynamique que produit la limite, l’impossibilité de la dépasser immédiatement.

    Quand tu écris « en tant que théorie et praxis la communisation est l’obligation de dépasser CE QUI porte les idéologies” inadéquates”, mais indispensables.  » on devrait dire plutôt « la théorie exprime la nécessité (dans le sens précisé plus haut, non comme impératif militant)du dépassement QUE PORTENT les idéologies ».

    Tu remontes la citation pour ta démonstration d’une dénonciation des « rebelles », dont il n’est pas question ici. RS n’écrit pas « idéologies « inadéquates » mais « auto-compréhension à la fois fausse (inadéquate) et nécessaire dans son inadéquation même ». L’idéologie est toujours adéquate, par définition.

  13. AD
    17/01/2011 à 22:36 | #13

    « Et ne doit surtout pas aboutir à ça, puisque l’Etat y perdrait sa fonction pour le Capital dans la lutte de classes. » Patlotch
    … et le Mexique ou l’Afghanistan ? enfin c’est vraiment un détail, car je considère que les politiciens sont de toutes façons un clan, mafiosi ou pas, m’en fiche.

    « Elles n’en sont pas moins porteuses et portées par une idéologie, mais celle-ci n’est pas relative à une norme de luttes idéales d’ici à la communisation, ce serait là faire de la théorie une idéologie, et un programme, un projet… Hors, contre toutes tes affirmations, TC ne le fait pas.  » Patlotch
    Mais ce n’est pas ce que je dis : ce que je dis c’est que la théorie de TC ne peut pas servir ‘(n’a pas vocation à) soutenir une position hors celle -théorique, mais est-ce alors une « position » ?- contenue explicitement dans TC. Je fais référence non seulement aux rebelles vus par pepe, mais également à quelques textes parus sur Meeting, y compris un de RS à propos de la xénophobie, et un autre, dont l’auteur m’échappe (ach!) au sujet de « voter ou pas ». Je pense que de ces textes émane une idéologie -nec plus ultra de la radicalité, parce que adossée à une théorie- c’est le sens de mon intervention couscoussière de Tunisie

    « .RS n’écrit pas “idéologies “inadéquates” mais “auto-compréhension à la fois fausse (inadéquate) et nécessaire dans son inadéquation même”. L’idéologie est toujours adéquate, par définition. » P.
    Oui, mais ça ne change rien, d’autre part comment séparer la « nécessité », l »impératif militant » et « choix individuel » ?

  14. Patlotch
    18/01/2011 à 00:20 | #14

    Enfin, AD, dès lors que le capital s’impose comme affrontement de classes, et non entre individus, ou collections d’individus, qui femme, qui gay, qui prolo, qui bobo, qui travaillant, qui sdf, qui sans ceci sans cela ou même avec – tels qu’il les a produit, les exploite, les aliène, les domine, les étouffe et + si affinités – le choix individuel, rebelle, poète, est tout simplement hors sujet, ne nous en déplaise, à toi comme à moi. That is the question.

    AD Mais ce n’est pas ce que je dis : ce que je dis c’est que la théorie de TC ne peut pas servir ‘(n’a pas vocation à) soutenir une position hors celle -théorique, mais est-ce alors une “position” ?- contenue explicitement dans TC.

    ça ne veut rien dire (pour le lecteur lambda, c’est tautologique)

    AD Je fais référence non seulement aux rebelles vus par pepe, mais également à quelques textes parus sur Meeting, y compris un de RS à propos de la xénophobie, et un autre, dont l’auteur m’échappe (ach!) au sujet de “voter ou pas”.

    Faire référence à quelque chose qui m’échappe, ça m’arrive si souvent que je ne saurais t’en blâmer, mais avouons que ça communique encore moins que ça communise. D’autant que ça éloigne de la Tunisie. Pendant ce temps-là, le gouvernement provisoire est merveuillé. L’armée veille à que pas trois prolos descendent la structure dans la structure. La rue est stricte. Le citoyen chasse le milicien. L’économiste est confiant pour tous. L’Arabe est beau plus que jamais, sauf partout. Amen ! (Juppé parfait, le meilleur d’entre nous, disait Chirac; Mitterand est gay, dans le genre « la bourgeoise », à vomir, à ah ah abolir).

    Au sujet du poids de Wilicuistre & FesseBook in the « révolution », un lien : http://www.lepost.fr/article/2011/01/17/2373649_bien-comprendre-les-evenement-tunisiens-blog-dupin-antoine-blog-tunisien.html

    PS : Pepe & Cie réunis sont l’idéal de DNDF, et tant pis pour l’idéologie. L’idée au logis, c’est le genre abomi, le genre beau à miner, l’abominable à ah ah abolir. Que t’as beau lire que t’en nez pas plus zavancé, comme dirait les Le Pen à un sémite de choix.

  15. R.S
    18/01/2011 à 12:36 | #15

    Il y a eu une erreur de chronologie dans la publication des commentaires. Mon commentaire classé 6 a été envoyé antérieurement au commentaire de Patlotch classé 5, ce qui explique que je n’en tienne pas compte. Ce que je vais faire maintenant.
    « Il me semble que le mouvement dans sa généralité veut la fin de la dictature, la démocratie, et que cela recoupe l’émeute de la faim qui s’exprime en elle-même par les pillages, et politiquement contre l’Etat sans croire à la démocratie, ou que la démocratie résoudra la question. Les émeutiers créent une dynamique qui est prise dans les limites du mouvement d’ensemble » (Patlotch)
    Je pense que nous ne comprenons pas de la même façon « le mouvement d’ensemble ». La dynamique créée par les émeutiers n’est pas « prise dans les limites du mouvement d’ensemble ». Comment à ce moment là pourrions-nous parler de limites ? Si le mouvement dans sa généralité est mouvement pour la démocratie, celle-ci n’est pas sa limite. Les émeutes « de la faim » pour reprendre cette expression ont créé leur limite, elles n’ont pas été « prise dans les limites » comme si elles étaient un corps différent du mouvement d’ensemble. Le mouvement d’ensemble est différencié, conflictuel, mais il n’est pas une rencontre dans laquelle un élément (les émeutes) serait pris dans les limites générales qui ne seraient pas les siennes.
    Il faut en revenir à la question des revendications. En déniant à l’Etat tel qu’il est sa qualité d’interlocuteur tout en étant des revendications, elles postulent la nécessité d’un autre Etat, un Etat qui soit un interlocuteur, un Etat démocratique. C’est dans leur propre mouvement que les émeutes (si l’on accepte leur détermination de revendicatives) produisent leurs propres limites. Mais il faut aller plus loin. En effet cela ne suffirait pas à qualifier de limite le postulat d’un interlocuteur : une revendication a besoin d’un interlocuteur. Là où ce postulat devient limite c’est qu’il impulse, dans la société tunisienne, un « mouvement d’ensemble » interclassiste et que dans celui-ci ce qui n’était que la condition d’une activité revendicative va devenir le but même du mouvement contre les revendications elles-mêmes. Et finalement, c’est la tournure que semble présentement prendre les choses, et les émeutiers et les démocrates sont bernés. Les premiers parce que leur propre mouvement à partir de lui-même s’est abimé dans la nécessité d’un interlocuteur, la démocratie, les seconds parce que ayant absorbé dans la prédominance de la démocratie pour elle-même la raison d’être des émeutes ont vidé de toute substance et de toute pugnacité leur projet politique.
    Qu’est-ce que cela nous dit sur la perspective communisatrice, pour reprendre l’interrogation de Patlotch. En effet, cela ne pouvait rien nous dire si on considérait le mouvement émeutier comme « pris dans les limites du mouvement d’ensemble ». En partant toujours de ces intérêts propres, le prolétariat porte un tel coup à l’autoprésupposition des rapports capitalistes qu’il met en mouvement une grande partie de la société, ces classes moyennes que l’on peut définir fonctionnellement comme classes de l’encadrement et de la reproduction sociale des rapports capitalistes, à la fois son action les menace dans leur rôle et simultanément paraît les libérer de la tutelle du capital et les émanciper comme simple gestion publique de nécessités de toute société. Ce que nous montre le mouvement tunisien, c’est que le prolétariat entraîne les classes moyennes dans son propre mouvement et que c’est alors une détermination de son propre mouvement (l’interlocuteur) qui confère à ces classes la possibilité d’être les agents de la limite de son action.
    Dans un mouvement communisateur, cela pourra être des formes naturellement beaucoup plus radicales de démocratie, des fixations gestionnaires territoriales ou toutes autres choses que nous ne pouvons imaginer. C’est dans le fait même d’entraîner dans sa lutte les classes moyennes, ce qui sera inévitable (et même devra être recherché, il faudra dissoudre le terrible bloc de la trouille que ne manquera de susciter la révolution), que le prolétariat pose une limite interne à la communisation. C’est un conflit interne à son propre mouvement de communisation. Il n’y a pas eu de mesures communistes en Tunisie, tout le monde en convient, mais l’intérêt de ce qu’il s’est passé est de nous avoir montré la chose (embarquement conflictuel des classes moyennes) dans un mouvement revendicatif ayant beaucoup de mal à se constituer comme tel, c’est-à-dire au bord du basculement. Le mouvement tunisien nous permet de comprendre l’embarquement des classes moyennes comme un problème ne venant pas seulement de ces classes mais en tant que tel (et cet embarquement ne pourra pas ne pas être dans un mouvement révolutionnaire) comme expression d’une limite créée dans le mouvement lui-même. Ce n’est pas seulement « on aura affaire avec eux » comme si cela était quelque chose d’extérieur. Ce que montre la Tunisie, et que l’on peut extrapoler à la communisation, c’est qu’il s’agit d’une limite interne du mouvement du prolétariat (emparement et socialisation), qui s’exprime dans l’embarquement des classes moyennes.

    En ce qui concerne « l’autotransformation », je suis d’accord avec ce que dit Patlotch. Ce que je voulais souligner c’est qu’à mon avis il n’y a pas de contradiction entre faire valoir ces intérêts propres de classe et se dissoudre comme classe. L’autotransformation c’est cette autodissolution. En fait ce qui m’intéresse le plus dans le mouvement tunisien, c’est d’aller à partir de lui le plus loin possible dans l’interrogation du processus révolutionnaire qui sera le prolétariat se dissolvant dans l’assimilation et la prolétarisation forcée de nombreuses couches de la société, au travers des mesures communisatrices. Interrogation du caractère interclassiste. Nous n’avons pas énormément de cas, auparavant il y eu avec d’autres aspects le mouvement argentin, dans une tout autre période historique mais pouvant tout de même servir pour comprendre la différence sur cette question entre la période actuelle et la révolution programmatique, il y a la révolution allemande et sa focalisation sur les usines et l’appartenance à une communauté de travail avec l’exclusion de la participation aux Conseils des femmes et de catégories sociales qui dans une révolution qui n’est pas communisation ne pouvaient être prolétarisée (vu le contenu de sa révolution, le prolétariat avait raison de les exclure, « le prolétariat seul » Gorter). Les mesures communisatrices sont prolétarisation forcée de couches sociales amenées sur les bases de luttes du prolétariat, et dissolution révolutionnaire du prolétariat.

    Je ne comprends pas bien la question soulevée par le commentaire suivant de Patlotch (commentaire 8). Jusqu’à maintenant on a pu avoir écart, production de l’appartenance de classe comme contrainte extérieure dans cet écart et défaite. Il ne faut pas oublier que l’écart est un écart à l’intérieur de la limite : agir en tant que classe. En cela le dépassement des activités d’écart ce sont les mesures communisatrices, dépassement de l’appartenance de classe comme contrainte extérieure en tant qu’écart. Il est possible de parler d’écart aussi bien pour une lutte revendicative que pour une qui ne l’est pas (les ouvrières du Bengladesh, les émeutiers de banlieues en 2005). La révolution est dépassement pratique de la revendication, mais cela ne signifie pas que de l’absence de revendication on passe nécessairement à la révolution. Une telle lutte peut être écrasée, s’éteindre simplement parce qu’elle ne peut déboucher de par ses caractéristiques sur des mesures communisatrices (Grèce). Il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas seuls et que donc rien ne se présente comme linéaire à partir des seules formes de luttes du prolétariat. En ce qui concerne la Tunisie, je suis revenu sur « l’absence de revendication » et dans ce commentaire j’essaie d’expliciter le rapport de cette revendication qui a beaucoup de mal à se constituer comme telle avec la démocratie.
    Est-ce que comme dit Pepe cela sera « aussi rapidement ramenée à l’ordre », nous verrons bien. La constitution annoncée aujourd’hui (lundi) du nouveau gouvernement me semble une énorme bourde politique (ne même pas avoir changé le ministre de l’intérieur… je comprends pas). Quand à ces « milices qui terrorisent la population », sans être particulièrement conspirationniste : rien ne vaut un bon petit climat de peur pour ramener tout le monde sous la protection de l’Etat et mettre dans le même sac tous ceux qui pouvaient continuer à s’agiter.

    R.S
    J’essaierai de répondre dans un autre courrier aux remarques d’AD sur l’idéologie.

  16. Patlotch
    18/01/2011 à 15:49 | #16

    Bon, je crois avoir saisi ce que j’avais pas compris, et pourquoi. J’ai confondu la limite qu’est la démocratie, au sens courant de limite, avec le concept de limite articulé à celui de dynamique dans la lutte de classes telle qu’elle pose ses enjeux actuels. D’où mon renversement, « la dynamique créée par les émeutiers prise dans les limites du mouvement d’ensemble », où l’on ne peut effectivement plus parler de limite. Du coup, le reste s’ensuit, je peux reprendre à mon compte « En effet, cela ne pouvait rien nous dire [sur la perspective communisatrice] si on considérait le mouvement émeutier comme « pris dans les limites du mouvement d’ensemble ». Cela répond à ce que je ne comprenais pas dans le raisonnement de RS, que je jugeais formel, sans base dans cette situation, concernant le rapport prolétariat-couches moyennes.

    Reste une question (entre autres) « C’est dans leur propre mouvement que les émeutes (si l’on accepte leur détermination de revendicatives) produisent leurs propres limites. » Il me semble prématuré de pouvoir trancher sur la détermination de revendicatives des émeutes, c’est sûrement un peu embrouillé selon les acteurs et les cibles. Peut-être qu’on y verra plus clair dans la suite, encore que pour un temps, et vu le choix politique de la constitution de ce gouvernement, on va encore avoir un sac de noeuds entre partisans de la vraie démocratie, revendications et attaques des cibles étatiques et/ou marchandes.

    RS « Il est possible de parler d’écart aussi bien pour une lutte revendicative que pour une qui ne l’est pas (les ouvrières du Bengladesh, les émeutiers de banlieues en 2005). La révolution est dépassement pratique de la revendication, mais cela ne signifie pas que de l’absence de revendication on passe nécessairement à la révolution. » Je me demandais s’il n’y avait pas, dans TC, des formulations où cette affirmation n’est pas si nette, l’idée que jusqu’au bout les luttes seront revendicatives avant de basculer, mais c’est peut-être d’une époque où l’on n’avait pas sous les yeux d’écart dans les luttes, et donc pas de théorie de l’écart.

    Je m’explique la « bourde politique » en me disant qu’ils ont cru bien préparer leur coup, pour une transition qui leur coûterait le moins de changements possibles, juste faire sauter le verrou Ben Ali, à quoi correspondrait la grande intelligence de l’armée, et l’embarquement citoyen dans la chasse aux méchants bénalistes. En fait, jusqu’à preuve du contraire, le « peuple tunisien » n’aura le droit (et son Etat de droit) d’exprimer que ce qui est utile à la reprise des affaires. Le « même sac » pour tout ce qui déborde et noyer le poisson (le prolétariat est un bébé poison dans l’eau du bain démocratique), c’est ce qui ressort des déclarations du « nouveau » premier ministre et de la quasi totalité des soutiens extérieurs au « peuple tunisien » dans sa sagesse, qu’elles viennent de Paris, de Moscou, de Pékin, ou du monde arabe.

  17. BL
    18/01/2011 à 17:46 | #17

    Salut
    Pas la peine de conspiration pour comprendre les attaques et attentats actuels, ce sont les membres de la garde présidentielle qui sont terrorisés et en rage, ça tombe bien pour le « nouveau » gouvernement pour pouvoir être un peu nouveau parce que vraiment ils ont fait fort ( je pense que ça va changer assez vite).
    Oui le mouvement des prols entraine tout le monde et met en crise le système de reproduction du rapport des classes sur les plans étatique et idéologique. Ici donc c’est la démocratie et la laïcité qui sont la forme qui exprime cet entrainement :la création de « l’interlocuteur » c’est à dire bien sûr la « représentation » ( le symbole) d’une implication réciproque dont il n’est pas sûr qu’il n’en soit pas que le symbole!
    - c’est pourquoi d’ailleurs ce gouvernement ne peut que changer vite il faut un peu de wellfare vite!
    Concernant la communisation il est évident que le délitement de l’Etat passe par des tentatives de réformes et de « double pouvoir » (les comités de quartiers actuels en sont une sorte de « caricature » – excusez de normativisme mais quand même)
    Il est très probable que ce genre de soulevements devraient se multiplier dans la zone intermédiaire à 50/50 -enclaves hautement capitalistiques et ghettos-poubelles- de ce point de vue la Grèce est un intermédiaire entre ces intermediaire vrais et la zone centrale à laquelle elle est directement rattachée par l’UE idem pour le Portugal (l’UPM l’Union pour la Méditerranée de Sarko n’a pas marché les allemands s’en foutant)
    En effet le « monde arabe » a du souci à se faire et aux dernière nouvelles achète du blé et subventionne les « produits de base » huile sucre …
    Je pense que le « moment islamiste » est passé il représentait quand-même une certaine stabilisation de la reproduction ( visant + ou – le modèle iranien) ça implique des marges pour le welfare qui n’est possible que grâce au pétrole. l’Algérie étant déjà bien saignée de cette « maladie » le risque est sur l’Arabie ( largement chiite)
    Finalement il nous faut bien considérer que dans le développement de la crise du cycle toutes les structurations idéologico-politiques entrent en crise, la crise générale du rapport passe par les écarts et les crises partielles et locales de la mondialisation en abîme issue de la restructuration

  18. BL
    18/01/2011 à 18:05 | #18

    Suite
    Je ne croyais pas si bien dire, à peine avais-je posté le dernier message que je vois sur le net que les 3 ministres de l’UGTT ont quité le gouvernement pour protester conre sa déclaration express sans qu’onexplore d’autres possibilités, les heures du gouvernement « para-benaliste » semblent comptées.
    Que feront les démocrates pur jus ( les 3 partis légaux n’ont pas quittés le gouvernement pour le moment) et pourquoi pas les comités de quartiers.

    Il faut une vrai interlocuteur et l’uggt est bien placée pour le savoir et ne peut pas l’être elle seule par l’intermédiaire de ses seuls ministres

  19. Patlotch
    18/01/2011 à 19:13 | #19

    Parmi les « les vrais défenseurs de l’Etat capitaliste comme les Etats-Unis considérant l’équipe au pouvoir comme une « quasi mafia » », notre patronne des patrons (dans les genres qui n’ont pas envie de s’abolir, les deux font la paire) :

    De Backchich/Satire juste « Tunisie : Parisot n’a aucun mal à retourner sa tunique »

    « J’ai beaucoup d’espoir, il y a potentiel très grand qui était complètement entravé par le népotisme et la corruption », s’est réjouie Laurence Parisot mardi matin en commentant la chute du clan Ben Ali-Trabelsi. Jamais trop prudente, la patronne du Medef, a, à l’instar du régime sarkozyen attendu le dernier moment pour saluer la chute d’un « système épouvantable ».

    En août 2008, elle n’avait pas eu autant de virulence pour accueillir lors d’une « plénière exceptionnelle » de l’université d’été du Medef un certain Mohamed Ghannouchi, alors premier ministre. La patronne des patrons déroulait alors le tapis rouge à ce « pays avant-gardiste sur les enjeux économiques comme sur les enjeux de société ».

    Bien vu, en tous cas Parisot a eu le flair de miser sur un homme d’avenir Ghannouchi étant devenu président par intérim.» [il ne fait aucun doute que Parisot aime l'intérim, surtout les intérimaires]

    Sauf que ça tire pas si juste que ça. Parisot n’a rien eu à retourner. Elle a ajouté « J’ai eu des discussions à une certaine époque avec des grandes entreprises françaises qui souhaitaient s’implanter en Tunisie et qui n’ont pas pu car elles ont clairement refusé des choses qu’il fallait refuser » (La France est le premier partenaire commercial de la Tunisie).

  20. Norman
    20/01/2011 à 16:59 | #20

    le Canard Enchaîné en remet une couche… Le Canard Enchaîné qui cite la ministre à propos de la Tunisie : « nous sommes restés tout le temps dans un brouillard total. (…) Ce sont les Américains qui ont pris les choses en main. Les militaires américains ont parlé avec leurs homologues tunisiens, et Ben Ali a été prié de quitter, sans plus attendre, le territoire. » C’est ce qu’aurait donc affirmé Michèle Alliot-Marie en début de semaine. Commentaire du Canard : la ministre « n’a pas cherché à cacher l’impéritie de la diplomatie française. Laquelle n’a rien vu venir quant à la révolution tunisienne et la fuite en catastrophe de Ben Ali. »

  21. Patlotch
    20/01/2011 à 18:30 | #21

    « Maghreb : les raisons de cette «poudrière sociale»
    La révolution tunisienne démontre une fois de plus qu’économie et politique sont étroitement liées » > http://trends.rnews.be/fr/economie/opinion/chronique-economique/maghreb-les-raisons-de-cette-poudriere-sociale/opinie-1194928021534.htm#

    Cet article est intéressant, en lien avec la question 5) de RS, Faillite d’un type de développement économique… en ce qu’il montre la potentialité d’un intérêt commun entre « une jeunesse de plus en plus diplômée mais sans emploi et donc sans espoir. Les jeunes diplômés tunisiens souffrent en effet d’un taux de chômage proche de 30 % » et « la faible intégration de la Tunisie dans l’économie mondiale, c’est le fait que l’économie tunisienne reste centrée sur elle-même et peu ouverte aux investisseurs étrangers. »…

    Cet « intérêt commun » est parfaitement compatible avec une issue démocratique permettant la reprise « normale » des affaires, et l’adaptation progressive, par une politique différente de celle de Ben Ali, de l’économie tunisienne à cette nouvelle donne mondiale.

    Cette question confirme la diversité des motivations y compris dans la jeunesse enragée, ce ras-le-bol des diplômés n’étant sûrement pas de même nature que celui des jeunes prolos émeutiers.

    L’article indique que l’ « on retrouve 38 entreprises françaises du Cac 40 au Maroc, alors qu’elles ne sont que trois ou quatre en Tunisie « , ce qui explique assez bien le « retournement de tunique » de Parisot (voir #19), et les bons services attendus de notre « Président des riches » par ses potes Cac40 du Fouquet’s. Gageons qu’ils sauraient démocratiquement rentabiliser les jeunes cerveaux tunisiens libérés.

  22. R.S
    23/01/2011 à 02:43 | #22

    Il est intéressant de suivre les activités de l’UGTT qui pourrait devenir à la fois la mise en forme et la représention de la revendication et l’interlocuteur officiel étatiquement légitime de celle-ci.
    R.S

  23. norman
  24. Patlotch
    24/01/2011 à 21:23 | #24

    Par rapport à RS #22, le lien de Norman #23 donne ça : « Le syndicat UGTT et un collectif d’avocats manifestent scellant sans en avoir conscience l’alliance entre classes populaire et bourgeoisie autour d’une organisation structurée. » * Au-delà des faits, je passe sur les obsessions anti-américaines du Réseau Voltaire

    Il faut s’attendre à ce que le syndicat UGTT, après son pas de deux avec le gouvernement transitoire, se redéfinisse dans la nouvelle donne « démocratique ». Il peut se scinder, exploser en courants plus ou moins proches du nouveau pouvoir, comme on peut assister à la création de syndicats nouveaux, voire d’une syndicalisme de base, pour représenter la diversité des intérêts du prolétariat plus ou moins stable, des couches moyennes, des étudiants et lycéens – diversité évoquée plus haut. Comme on peut assister, si certains courants ne sont pas proprement revendicatifs, à l’émergence de luttes qui voudront aller plus loin. Je persiste à considérer que la démocratie ploitique ne trouvera aucune stabilité dans le moment actuel, et que la période s’annonce très chaotique.

  25. 24/01/2011 à 22:43 | #25

    je vous fais part d’ une analyse intéressante de mohammed bamyeh vue sur libcom.org en anglais ca serait bien de la traduire.

    merci et salutations depuis la grece.

    http://libcom.org/library/tunisian-revolution-initial-reflections-mohammed-bamyeh

  26. A.D.
    25/01/2011 à 00:32 | #26

    @Patlotch
    « L’inflation induite par les Quantitative Easing américain, britannique et japonais et les mesures de stimulation des mêmes, des Européens et des Chinois va être l’un des facteurs déstabilisant de 2011 (14). Nous y revenons plus en détail dans ce GEAB N°51. Mais ce qui est désormais évident au regard de ce qui se passe en Tunisie (15), c’est que ce contexte mondial, notamment la hausse des prix des denrées et de l’énergie, débouche dorénavant sur des chocs sociaux et politiques radicaux (16). L’autre réalité que dévoile le cas tunisien, c’est l’impuissance des « parrains » français, italien ou américain pour empêcher l’effondrement d’un « régime-ami » (17). »
    De LEAP 2020, N° 51 -15 01 2011.
    Très géopolitique, et Europhile ce Laboratoire…et assez étatsunisphobe. Mais le chaos est au rendez-vous, selon eux aussi ( je me demande quelles sont les investissements conseillés par ce Labo…), ni plus ni moins. chaotique très…

  27. Patlotch
    25/01/2011 à 12:39 | #27

    @A.D.

    Quoi qu’il en soit des talents prévisionnistes du LEAP, je ne crois pas que l’on puisse parler de « l’impuissance des « parrains » français, italien ou américain pour empêcher l’effondrement d’un « régime-ami » ». Ce qui est apparu d’abord comme une « impuissance », ou une « sous-estimation » (c’est l’excuse française) fut très vite saisi comme une opportunité de rendre le système politique, et par suite économique, de la Tunisie, plus conforme aux exigences des grands groupes capitalistes, pour faciliter leur implantation dans ce pays. Concernant la France, voir plus haut les déclarations de Parisot (#19) et la faible présence des Cac40 voleurs (#21).

    Le lien pour le GEAB 51
    http://www.leap2020.eu/GEAB-N-51-est-disponible-Crise-systemique-globale-2011-L-annee-impitoyable-a-la-croisee-des-trois-chemins-du-chaos_a5769.html
    Les notes concernant la Tunisie :

    (15) Pour rappel, dans le GEAB N°48, du 15/10/2010, nous avions classé la Tunisie dans les « pays à risques importants » pour 2011.

    (16) Nul doute d’ailleurs que l’exemple tunisien génère une salve de réévaluation parmi les agences de notation et les « experts en géopolitiques » qui, comme d’habitude, n’ont rien vu venir. Le cas tunisien illustre également le fait que ce sont désormais les pays satellites de l’Occident en général, et des Etats-Unis en particulier, qui sont sur le chemin des chocs de 2011 et des années à venir. Et il confirme ce que nous répétons régulièrement, une crise accélère tous les processus historiques. Le régime Ben Ali, vieux de vingt-trois ans, s’est effondré en quelques semaines. Quand l’obsolescence politique est là, tout bascule vite. Or c’est l’ensemble des régimes arabes pro-occidentaux qui est désormais obsolète à l’aune des évènements de Tunisie.

    (17) Nul doute que cette paralysie des « parrains occidentaux » va être soigneusement analysée à Rabat, au Caire, à Djeddah et Amman par exemple.

  28. AD
    26/01/2011 à 13:00 | #28

    « . Ce qui est apparu d’abord comme une “impuissance”, ou une “sous-estimation” (c’est l’excuse française) fut très vite saisi comme une opportunité de rendre le système politique, et par suite économique, de la Tunisie, plus conforme aux exigences des grands groupes capitalistes, pour faciliter leur implantation dans ce pays. »

    Ah, bon, et ça donne quoi cette « saisie » ?
    Rendre le « système politique, et par suite économique »…?
    Impossible d’avoir une lecture de cet ordre, tout cela me semble un peu marxiste avec y compris les »grands groupes », c’est-à-dire : le grand Capital, etc…de toutes manières le mouvement révolutionnaire n’est pas terminé en Tunisie.. et je pense que c’est le fait de n’y comprendre pas grand chose qui pousse à des interprétations mécaniques-marxiste ( en poussant juste un chouya -un peu- : en Algérie, au Maroc, pour s’en tenir au Mahgreb : pas de révolution parce que le Cac 40 est présent ?)
    Le fait est que à chaque mouvement d’ampleur (Grèce, Tunisie), le monde est pris de court…Les analystes, les pronostiqueurs…cela fait réfléchir quand aux projections théoriques, non ?

  29. Patlotch
    26/01/2011 à 13:52 | #29

    @AD

    AD ça donne quoi cette « saisie »

    Ça donne que même surpris, Américains, Français, grands patrons du Cac40 (tout sauf des grands groupes capitalites) se sont vite resaisis. Ça donne (Parisot) “J’ai eu des discussions à une certaine époque avec des grandes entreprises françaises qui souhaitaient s’implanter en Tunisie et qui n’ont pas pu car elles ont clairement refusé des choses qu’il fallait refuser”, et le gap à combler : “on retrouve 38 entreprises françaises du Cac 40 au Maroc, alors qu’elles ne sont que trois ou quatre en Tunisie “. Ça donne la concurrence entre Américains, Français, Japonais, Chinois… pour s’implanter (comme partout et notamment en Afrique), alors que des milliers de bras tunisiens leurs sont tendus pour satisfaire leurs besoins de travailler pour survivre ou leurs appétits divers (yen a plein les articles et les blogs des « révolutionnaires »). Ça donne l’UGTT qui se repositionne pour mettre l’huile de la représentation démocratique entre travailleurs, patrons et gouvernement, etc. Tout ce meilleur monde possible qui  » n’y comprend pas grand chose [...] pousse à des interprétations mécaniques-marxistes ». « Pronostics », ou météo en temps réel ?

    AD de toutes manières le mouvement révolutionnaire n’est pas terminé en Tunisie…

    Certes, mais la révolution de qui pour qui et quoi ? L’histoire se répèterait en couleurs, 89 et 48, de février à juin ?… une première fois en blanc, une deuxième en beur… une troisième en rouge ? Euh, qui prendrait des paris ? Combien de bastilles encore debout, et de murs sans frontières ?

    AD cela fait réfléchir quand aux projections théoriques, non ?

    Cela fait réfléchir, mais la théorie ne fait pas de projections.

  30. Norman
    26/01/2011 à 14:00 | #30

    @Patlotch
    « je passe sur les obsessions anti-américaines du Réseau Voltaire »

    je n’ai pas de sympathies particulières pour le réseau voltaire,mais il ne m’apparait pas absurde de considérer l’histoire des États- unis comme une accumulation de « haine du communisme ».
    a commencer par la destruction des communautés indiennes,en passant par la guerre froide (pour obtenir un visa il fallait jurer de ne pas être communiste),à la subvention de l »islamisme »
    (qui se souvient aujourd’hui qu’il y a trente ans l’Afghanistan était un pays moderne et laïque ?).
    Aujourd’hui le discours officiel est « mieux vaut un dictateur que l’islamisme » mais le discours refoulé est « l’islamisme est encore preferable au communisme ».
    info intéressante non relayée par la presse:le dernier rapport de Europol: sur 300 attentats en Europe en 2009,un seul est d’origine islamiste.C’est assez édifiant pour montrer de quoi on essaye de nous faire peur.
    S’il est trop tôt pour deviner ce qu’il va se passer en Tunisie,on peut d’ores et déjà prévoir que « la haine du communisme » sera un facteur important dans les choix stratégiques.

  31. Patlotch
    26/01/2011 à 21:37 | #31

    @Norman

    Il ne faut quand même pas réduire l’histoire d’un pays, et les opinions de ses différentes classes, à la politique de son gouvernement, que ce soit les Etats-Unis ou l’Afghanistan.

    Pour les visas d’entrée aux USA, on cochait encore une case « pas coco » dans les années 70-80, à la fin de la « coexistence pacifique ». Maintenant le monde entier coexiste sans « communistes », alors à quoi bon ?

    Aujourd’hui, « le discours officiel est “mieux vaut un dictateur que l’islamisme” » ne passe pas, et la démocratie tunisienne peut fort bien s’accommoder, laïquement, d’une dose d’islamisme contenu. Le repoussoir des dictatures islamistes est aux frontières; elles ont tout de comparable au régime Ben Ali. Les Tunisiens peuvent même donner à la France réublicaine et laïque des leçons de laïcité. Elle interdit le voile, mais son administration d’Etat invitent les fonctionnaires à « partager la galette des rois ». En 1789, les révolutionnaires leur coupaient la tête, même sur les églises.

    Les gouvernements Occidentaux ont beau obséder d’islamisme leurs populations, celles-ci et les prolétaires de ces pays mêmes croient d’abord à ce qu’ils ont dans le porte-monnaie.

  32. A.D.
    26/01/2011 à 23:45 | #32

    @Patlotch
    Parisot, oui, elle jase, maintenant, mais du temps Ben Aliste, elle jasait croissance et progrès tunisiens…La concurrence entre Chinois, USA, Européens ? Bien sûr, mais toujours, cela change la donne, en partie et je n’aperçois pas l’immensité des possibilités offertes par la Tunisie, des bras ? mais en a-t-on seulement besoin…D’autre part le Maroc et l’Algérie ont trois fois plus d’habitants que la Tunisie, en Algérie une industrie extractive et une armée hypertophiées, cela nécessite beaucoup plus de partenaires, et implique beaucoup plus de consommation…de présence des exploiteurs de France et d’ailleurs d’ailleurs.

  33. Patlotch
    27/01/2011 à 10:57 | #33

    Des contre-tendances à l’implantation française ?

    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/01/26/04016-20110126ARTFIG00767-en-tunisie-les-entreprises-francaises-dans-l-incertitude.php

    Selon la chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) « Les milieux d’affaires tunisiens comme les consommateurs pourraient à l’avenir boycotter les entreprises françaises », mais les entreprises françaises qui n’avaient pu, ou renoncé, à s’installer en Tunisie, peuvent se prévaloir d’avoir ‘gardé les mains propres’, ayant « clairement refusé des choses qu’il fallait refuser ». Ces propos de Parisot sont confirmés par la CFTCI : «De nombreuses entreprises françaises désireuses d’investir sur le marché local étaient dissuadées par ces pratiques».

  34. BL
    27/01/2011 à 17:00 | #34

    Aux dernières nouvelles, c’est l’UGTT qui tient la dragée haute aux autres courants pour la formation du gouvernement, après avoir très vite retiré ses 3 représenatants et provoqué la crise, car c’est la seule organisation tant politique que sociale à exister réellement dans tout le pays ( à par l’ex-parti d’ Etat le RCD maintenant disparu de fait). Il est certain que, pour l’UGTT, la question de « l’interlocuteur » est fondamentale. On peut penser qu’à la fois elle ne veut pas être directement en charge du ministère du travail ou de l’économie et être ainsi son propre interlocuteur mais ne veut pas non plus que le gouvernement soit un interlocuteur inépendant d’elle, c’est complexe!
    D’autant plus que d’un côté, vis à vis des « investisseurs », il lui faudra à la fois garantir la paix sociale et obtenir des conditions salariales présentables et de l’autre gérer tant bien que mal un welfare minimal des chômeurs diplômés ainsi dans l’intérieur misérable du pays( il paraît que c’est elle qui aurait organijsé « La caravane de la liberté venue à Tunis mettre le siège devant le gouvernement »).
    D’une certaine façon il y a en ce moment en Tunisie un double pouvoir avec l’administration d’un côté et l’UGTT de l’autre, l’armée cherchant à rester neutre pour le moment.

  35. pepe
    28/01/2011 à 13:07 | #35
  36. Patlotch
    28/01/2011 à 13:22 | #36

    @pepe

    Je n’ai rien en général contre la définition d’un « bras de fer [...] entre le mouvement révolutionnaire d’une part, et le camp de la contre-révolution d’autre part [...] momentanément gagné par ce dernier. », mais signé du président d’Attac Tunisie, cela renvoie à un contenu des deux assez différent de celui que peut espérer « le courant communisateur », même s’il correspond effectivement à celui des événements actuels en Tunisie.

  37. pepe
    28/01/2011 à 13:44 | #37

    Patloch.
    je suppose que ton dernier commentaire relève le fait qu’on donne ici une tribune à un courant… »ennemi », osons le mot. Ce qui est intéressant dans ce lien avec le juralibertaire c’est la description de la mise en place de la gestion de la crise par l’UGTT. Le commentaire et le point de vue d’ attac n’ont aucun intérêt par ailleurs…bien entendu!

  38. Patlotch
    28/01/2011 à 14:16 | #38

    @pepe

    Je ne tenais pas tant à relever le fait que JuraLibertaire – courant que n’affublerais pas d’ »ennemi » – relaie ce point de vue altermondialiste, qu’à interroger le sens de « révolution » et « contre-révolution » chez ces démocrates alternativistes, anti-capitalistes qui n’ont jamais fait preuve d’une passion révolutionnaire, même si Attac Tunisie s’avérait plus radical que nos mondains diplomatiques.

    Ce qui est effectivement atypique, c’est cette double nature, syndicale et politique, de l’UGTT, plus qu’une courroie de transmission, voulant assurer elle-même, comme relevait BL #34, une fonction syndicale de représentation et peser de tout son poids dans les choix politiques y compris en terme de composition gouvernementale. Une telle transparence du lien profond entre la fonction syndicale dans « la société civile » et la représentation politique comme son interlocuteur d’Etat, médiation capitaliste, est pour moi assez déroutante. Je ne crois pas que ce grand écart des marchands de sable puisse jeter longtemps sa poudre aux yeux ouverts des prolos tunisiens.

    L’armée, les intérêts économiques intérieurs et extérieurs, l’UGTT, quel couvercle sur la marmite… Vivement l’ébullition !

  39. pepe
    28/01/2011 à 14:44 | #39

    « …ennemi… » Il s’agissait d’Attac, bien sur, pas de juralibertaire!!!!!

  40. Patlotch
    28/01/2011 à 14:52 | #40

    @pepe

    Au temps pour moi. « La gauche travaille » est impayable, et « j’aime à prendre mes adversaires pour témoins » Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, 1845

  41. Patlotch
    28/01/2011 à 16:37 | #41

    Ouf, on respire… Pas de syndicaliste dans le nouveau gouvernement transhistoire (mais pas sans histoire), mais d’authentiques « interlocuteurs », comme on les aime aussi en Sarkosie :

     » Parmi les douze ministres nouveaux entrants figure également Mehdi Houas. Nommé ministre du commerce et du tourisme, il est né à Marseille et a créé en 2002 une entreprise en informatique, Talan, spécialisée dans les nouvelles technologies de l’information.

    Yacine Brahim, nouveau ministre des transports, est lui aussi un chef d’entreprise réputé dans le domaine de l’informatique.

    Enfin, Jelloul Ayed, nouveau ministre des finances, est un banquier mélomane, grand amateur d’opéras, qui résidait au Maroc où il dirigeait l’une des principales banques, la BMCE. »

    Source http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2011/01/28/tunisie-un-universitaire-et-des-chefs-d-entreprise-entrent-au-gouvernement_1472037_1466522.html

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