Voir la rivière gelée, vouloir être un printemps.
Voir la terre brûlée et semer en chantant.
Voir que l'on a vingt ans, vouloir les consumer.
Voir passer un croquant et tenter de l'aimer.
Voir une barricade et la vouloir défendre.
Voir périr l'embuscade et puis ne pas se rendre.
Voir le gris des faubourgs, vouloir être Renoir.
Voir l'ennemi de toujours et fermer sa mémoire.
Voir que l'on va vieillir et vouloir commencer.
Voir un amour fleurir et s'y vouloir brûler.
Voir la peur inutile, la laisser aux crapauds.
Voir que l'on est fragile et chanter à nouveau.
Voilà ce que je vois, voilà ce que je veux
On est deux mon amour et l'amour chante et rit
Mais à la mort du jour, dans les draps de l'ennui
On se retrouve seul.
On est dix à défendre les vivants par des morts
Mais cloués par leurs cendres au poteau du remords
On se retrouve seul.
On est cent qui dansons au bal des bons copains
Mais au dernier lampion, mais au premier chagrin
On se retrouve seul.
On est mille contre mille à se croire les plus forts
Mais à l'heure imbécile où ça fait deux mille morts
On se retrouve seul.
On est million à rire du million qui est en face
Mais deux millions de rires n'empêchent que dans la glace
On se retrouve seul.
On est mille à s'asseoir au sommet de la fortune
Mais dans la peur de voir tout fondre sous la lune
On se retrouve seul.
On est cent que la gloire invite sans raison
Mais quand meurt le hasard, quand finit la chanson
On se retrouve seul.
On est dix à coucher dans le lit de la puissance
Mais devant ces armées qui s'enterrent en silence
On se retrouve seul.
On est deux à vieillir contre le temps qui cogne
Mais lorsqu'on voit venir, en riant, la charogne
Quand on n'a que l'amour à s'offrir en partage
Au jour du grand voyage qu'est notre grand amour
Quand on n'a que l'amour, mon amour toi et moi
Pour qu'éclatent de joie chaque heure et chaque jour
Quand on n'a que l'amour pour vivre nos promesses
Sans nulle autre richesse que d'y croire toujours
Quand on n'a que l'amour pour meubler de merveilles
Et couvrir de soleil la laideur des faubourgs
Quand on n'a que l'amour pour unique raison
Pour unique chanson et unique secours
Quand on n'a que l'amour pour habiller matin
Pauvres et malandrins de manteaux de velours
Quand on n'a que l'amour à offrir en prière
Pour les maux de la terre en simple troubadour
Quand on n'a que l'amour à offrir à ceux-là
Don't l'unique combat est de chercher le jour
Quand on n'a que l'amour pour tracer un chemin
Et forcer le destin à chaque carrefour
Quand on n'a que l'amour pour parler aux canons
Et rien qu'une chanson pour convaincre un tambour
Alors sans avoir rien que la force d'aimer
On se marie tôt à vingt ans et l'on n'attend pas des années
Pour faire trois ou quatre enfants qui vous occupent vos journées.
Entre les courses la vaisselle, entre ménage et déjeuner
Le monde peut battre de l'aile, on n'a pas le temps d'y penser.
Faut-il pleurer, faut-il en rire? Fait-elle envie ou bien pitié?
Je n'ai pas le cœur à le dire, on ne voit pas le temps passer.
Une odeur de café qui fume et voilà tout son univers.
Les enfants jouent, le mari fume, les jours s'écoulent à l'envers.
À peine voit-on ses enfants naître qu'il faut déjà les embrasser
Et l'on n'étend plus aux fenêtres qu'une jeunesse à repasser.
Faut-il pleurer, faut-il en rire? Fait-elle envie ou bien pitié?
Je n'ai pas le cœur à le dire, on ne voit pas le temps passer.
Elle n'a vu dans les dimanches qu'un costume frais repassé
Quelques fleurs ou bien quelques branches décorant la salle à manger.
Quand toute une vie se résume en millions de pas dérisoires
Prise comme marteau et enclume, entre une table et une armoire.
Faut-il pleurer, faut-il en rire? Fait-elle envie ou bien pitié?
On n'oublie rien de rien, on n'oublie rien du tout.
On n'oublie rien de rien, on s'habitue, c'est tout.
Ni ces départs, ni ces navires, ni ces voyages qui nous chavirent
De paysages en paysages et de visages en visages.
Ni tous ces ports, ni tous ces bars, ni tous ces attrape-cafard
Où l'on attend le matin gris au cinéma de son whisky.
Ni tout cela, ni rien au monde ne sait pas nous faire oublier
Ne peut pas nous faire oublier, qu'aussi vrai que la terre est ronde.
On n'oublie rien de rien, on n'oublie rien du tout.
On n'oublie rien de rien, on s'habitue, c'est tout.
Ni ces "jamais" ni ces "toujours", ni ces "je t'aime" ni ces amours
Que l'on poursuit à travers coeurs, de gris en gris, de pleurs en pleurs.
Ni ces bras blancs d'une seule nuit, collier de femme pour notre ennui
Que l'on dénoue au petit jour, par des promesses de retour.
Ni tout cela, ni rien au monde ne sait pas nous faire oublier
Ne peut pas nous faire oublier, qu'aussi vrai que la terre est ronde.
On n'oublie rien de rien, on n'oublie rien du tout.
On n'oublie rien de rien, on s'habitue, c'est tout.
Ni même ce temps où j'aurais fait mille chansons de mes regrets.
Ni même ce temps où mes souvenirs
Prendront mes rides pour un sourire.
Ni ce grand lit où mes remords ont rendez-vous avec la mort.
Ni ce grand lit que je souhaite, à certains jours, comme une fête.
Ni tout cela, ni rien au monde ne sait pas nous faire oublier
Ne peut pas nous faire oublier, qu'aussi vrai que la terre est ronde.
On n'oublie rien de rien, on n'oublie rien du tout
Que ce soit dimanche ou lundi, soir ou matin, minuit, midi
Dans l'enfer ou le paradis, les amours aux amours ressemblent.
C'était hier que je t'ai dit, nous dormirons ensemble.
C'était hier et c'est demain, je n'ai plus que toi de chemin.
J'ai mis mon cœur entre tes mains avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain, nous dormirons ensemble.
Mon amour ce qui fut sera, le ciel est sur nous comme un drap.
J'ai refermé sur toi mes bras et tant je t'aime que j'en tremble
Ne me quitte pas, il faut oublier, tout peut s'oublier qui s'enfuit déjà
Oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment
Oublier ces heures qui tuaient parfois
À coups de pourquoi le cœur du bonheur.
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas.
Moi, je t'offrirai des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas.
Je creuserai la terre jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton corps d'or et de lumière.
Je ferai un domaine où l'amour sera roi
Où l'amour sera loi, où tu seras reine.
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas.
Ne me quitte pas, je t'inventerai des mots insensés que tu comprendras.
Je te parlerai de ces amants-là
Qui ont vu deux fois leurs cœurs s'embraser.
Je te raconterai l'histoire de ce roi mort de n'avoir pas pu te rencontrer
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas.
On a vu souvent rejaillir le feu
De l'ancien volcan qu'on croyait trop vieux.
Il est paraît-il, des terres brûlées
Donnant plus de blé qu'un meilleur avril.
Et quand vient le soir pour qu'un ciel flamboie
Le rouge et le noir ne s'épousent-ils pas?
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas.
Ne me quitte pas, je n'vais plus pleurer.
Je n'vais plus parler, je me cacherai là
À te regarder danser et sourire et à t'écouter chanter et puis rire.
Laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main, l'ombre de ton chien mais
Du plus loin, que me revienne, l'ombre de mes amours anciennes
Du plus loin, du premier rendez-vous
Du temps des premières peines, lors, j'avais quinze ans, à peine
Cœur tout blanc, et griffes aux genoux
Que ce furent, j'étais précoce, de tendres amours de gosse
Ou les morsures d'un amour fou
Du plus loin qu'il m'en souvienne, si depuis, j'ai dit "je t'aime"
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
C'est vrai, je ne fus pas sage et j'ai tourné bien des pages
Sans les lire, blanches, et puis rien dessus
C'est vrai, je ne fus pas sage et mes guerriers de passage
A peine vus, déjà disparus
Mais à travers leur visage, c'était déjà votre image
C'était vous déjà et le cœur nu
Je refaisais mes bagages, et poursuivais mon mirage
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
Sur la longue route, qui menait vers vous
Sur la longue route, j'allais le cœur fou
Le vent de décembre, me gelait au cou
Qu'importait décembre, si c'était pour vous.
Elle fut longue la route, mais je l'ai faite, la route
Celle-là, qui menait jusqu'à vous
Et je ne suis pas parjure, si ce soir, je vous jure
Que, pour vous, je l'eus faite à genoux
Il en eut fallu bien d'autres, que quelques mauvais apôtres
Que l'hiver ou la neige à mon cou
Pour que je perde patience et j'ai calmé ma violence
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
Les temps d'hiver et d'automne, de nuit, de jour, et personne
Vous n'étiez jamais au rendez-vous
Et de vous, perdant courage, soudain, me prenait la rage
Mon Dieu, que j'avais besoin de vous
Que le Diable vous emporte, d'autres m'ont ouvert leur porte
Heureuse, je m'en allais loin de vous
Oui, je vous fus infidèle, mais vous revenais quand même
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
J'ai pleuré mes larmes, mais qu'il me fut doux
Oh, qu'il me fut doux, ce premier sourire de vous
Et pour une larme qui venait de vous
J'ai pleuré d'amour, vous souvenez-vous?
Ce fut, un soir, en septembre, vous étiez venus m'attendre
Ici même, vous en souvenez-vous?
A vous regarder sourire, à vous aimer, sans rien dire
C'est là que j'ai compris, tout à coup
J'avais fini mon voyage, et j'ai posé mes bagages
Vous étiez venus au rendez-vous
Qu'importe ce qu'on peut en dire, je tenais à vous le dire
Ce soir je vous remercie de vous
Qu'importe ce qu'on peut en dire, je suis venue pour vous dire
Les vieux ne parlent plus ou alors, seulement parfois du bout des yeux.
Même riches, ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions
Et n'ont qu'un coeur pour deux.
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris, on vit tous en province
Quand on vit trop longtemps.
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier?
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent les paupières?
Et s'ils tremblent un peu, est-ce de voir vieillir lla pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non
Qui dit "Je vous attends"?
Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent
Leurs pianos sont fermés,
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter.
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides
Leur monde est trop petit.
Du lit à la fenêtre puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit.
Et s'ils sortent encore bras dessus, bras dessous, tout habillés de raide
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux
L'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non et puis qui les attend.
Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour
Et dorment trop longtemps.
Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre eet se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère.
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer.
Vous le verrez peut-être, vous le verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent, en s'excusant déjà de n'être pas plus loin.
Et fuir devant vous, une dernière fois, la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non
Qui leur dit "Je t'attends"
C'en est bien fini, nous ne verrons plus de l'Andalousie, les gitans venus
La chemise ouverte sur leur peau brûlée
Les roulottes vertes au milieu des blés
Et coquelicot, pavot arraché, les grands calicots place du marché.
Le ciel se fait lourd, les roses se fanent.
Nous vivons le temps des derniers Tziganes.
Disparus l'enfant, voleur de cerceaux
Les chevaux piaffants de tous leurs naseaux.
Disparus les ânes avec leurs paniers
Les belles gitanes sous les marronniers.
En ce temps qui va, qui va dévorant
On n'a plus le droit d'être différent.
Le ciel se fait lourd, les roses se fanent.
Nous vivons le temps des derniers Tziganes.
Plus de feux de camp près des HLM
Révolu le temps des anciens bohèmes.
Finis l'esplanade et les tambourins
Les derniers nomades claquent dans leurs mains
Et la liberté, femme de gitan, tombe poignardée sous l'effet du temps.
Le ciel se fait lourd, les roses se fanent.
Vérone, qu'as-tu fait des deux amants si beaux
Qui s'appelaient, je crois, Juliette et Roméo?
Les amants de Vérone sont à jamais couchés
Est-ce donc pour mourir qu'ils se sont tant aimés?
Plus de baisers donnés, plus de corde au balcon
Le temps qui brise tout n'a laissé que de l'ombre.
L'alouette qui chante pour annoncer le jour
Ne verra plus s'enfuir l'amoureux et l'amour.
Vérone, qu'as-tu fait des deux amants si beaux
Qui s'appelaient, je crois, Juliette et Roméo?
Les amants de Vérone n'iront plus au jardin.
L'iris bleu de la nuit peut refleurir en vain.
Si parfois, deux colombes inclinent un peu le cou
C'est que le vent murmure quelque chose de fou.
Mais leurs coeurs apaisés ne craignent plus l'aurore
Et dans leurs mains trouées, la rose brûle encore.
Vérone, qu'as-tu fait des deux amants si beaux
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes, cette chanson était la tienne
C'était ta préférée, je crois qu'elle est de Prévert et Kosma.
Et chaque fois, "Les Feuilles Mortes" te rappellent à mon souvenir.
Jour après jour, les amours mortes n'en finissent pas de mourir.
Avec d'autres, bien sûr, je m'abandonne
Mais leur chanson est monotone.
Et peu à peu, je m'indiffère, à cela, il n'est rien à faire
Car chaque fois, "Les Feuilles Mortes" te rappellent à mon souvenir.
Jour apès jour, les amours mortes n'en finissent pas de mourir.
Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l'indifférence?
Passe l'automne, vienne l'hiver et que la chanson de Prévert
Cette chanson, "Les Feuilles mortes" s'efface de mon souvenir.
Et ce jour-là, mes amours mortes en auront fini de mourir.
On a beau faire, on a beau dire qu'un homme averti en vaut deux.
On a beau faire, on a beau dire, ça fait du bien d'être amoureux.
Je sais, je sais que ce prochain amour
Sera pour moi la prochaine défaite.
Je sais déjà, à l'entrée de la fête
La feuille morte que sera le petit jour.
Je sais je sais sans savoir ton prénom
Que je serai ta prochaine capture.
Je sais déjà que c'est par leur murmure
Que les étangs mettent les fleuves en prison.
Mais on a beau faire, on a beau dire qu'un homme averti en vaut deux.
On a beau faire, on a beau dire, ça fait du bien d'être amoureux.
Je sais, je sais que ce prochain amour ne vivra pas jusqu'au prochain été
Je sais déjà que le temps des baisers
Pour deux chemins ne dure qu'un carrefour.
Je sais, je sais que ce prochain bonheur
Sera pour moi la prochaine des guerres.
Je sais déjà cette affreuse prière
Qu'il faut pleurer quand l'autre est le vainqueur.
Mais on a beau faire, on a beau dire qu'un homme averti en vaut deux.
On a beau faire, on a beau dire, ça fait du bien d'être amoureux.
Je sais, je sais que ce prochain amour
Sera pour nous de vivre un nouveau règne
Don't nous croirons tous deux porter les chaînes
Don't nous croirons que l'autre a le velours.
Je sais, je sais que ma tendre faiblesse
Fera de nous des navires ennemis.
Mais mon cœur sait des navires ennemis
Partant ensemble pour pêcher la tendresse.
Car on a beau faire, car on a beau dire qu'un homme averti en vaut deux.
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et les vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse.
Avec infiniment de brumes à venir.
Avec le vent de l'est, écoutez-le tenir le plat pays qui est le mien.
Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décochent les nuages.
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir.
Avec le vent d'ouest, écoutez-le vouloir le plat pays qui est le mien.
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu.
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité.
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu.
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner.
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler.
Avec le vent du nord, écoutez-le craquer le plat pays qui est le mien.
Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut.
Avec Frida la blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de Novembre nous reviennent en Mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous Juillet
Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé.
Que sais-tu des plus simples choses? Les jours sont des soleils grimés.
De quoi la nuit rêvent les roses? Tous les feux s'en vont en fumée.
Que sais-tu du malheur d'aimer?
Je t'ai cherchée au bout des chambres, où la lampe était allumée.
Nos pas n'y sonnaient pas ensemble, ni nos bras sur nous refermés.
Que sais-tu du malheur d'aimer?
Je t'ai cherchée à la fenêtre, les parcs en vain sont parfumés.
Où peux-tu où peux-tu bien être, à quoi bon vivre au mois de mai?
Que sais-tu du malheur d'aimer?
Que sais-tu de la longue attente et ne vivre qu'à te nommer?
Dieu, toujours même et différente, et de toi, moi seul à blâmer.
Que sais-tu du malheur d'aimer?
Que je m'oublie et je demeure, comme le rameur sans ramer.
Sais-tu ce qu'il est long qu'on meure à s'écouter se consumer?
Elle chante au milieu du bois, la source, et je me demande
S'il faut croire à cette légende d'une fille qu'on y trouva.
Elle était blonde, elle était douce, elle aimait a se reposer
Dans le bois, couchée sur la mousse, écoutant les oiseaux chanter.
Un jour qu'elle allait à la ville, par le bois où elle passait
Elle vit soudain, immobiles, trois hommes qui la regardaient.
Trois homes qui la regardaient.
Elle chante au milieu du bois, la source, et je me demande
S'il faut croire à cette légende d'une fille qu'on y trouva.
Ils étaient là, trois à l'attendre, trois hommes-loups, cette brebis
Elle avait la chair bien trop tendre, ils avaient bien trop d'appétit.
Elle ne savait pas défendre le souffle léger de sa vie.
Elle tomba sur l'herbe tendre, comme un oiseau tombé du nid.
Comme un oiseau tombé du nid.
Elle chante au milieu du bois, la source, et je me demande
S'il faut croire à cette légende d'une fille qu'on y trouva.
Quand on l'a soulevé de terre comme une grande fleur coupée
Sa robe blanche et la lumière, on aurait dit une mariée.
Quand on l'a soulevée de terre, on aurait dit comme un grand lit.
Entre les feuilles, entre les pierres, une claire source a jailli.
Une claire source a jailli.
Elle chante au milieu du bois, la source, et je me demande
S'il faut croire à cette légende d'une fille qu'on y trouva.
Nous étions deux amis et Fanette m'aimait.
La plage était déserte et dormait sous juillet
Si elles s'en souviennent, les vagues vous diront
Combien pour la Fanette, j'ai chanté de chansons.
Faut dire, faut dire qu'elle était belle comme une perle d'eau.
Faut dire qu'elle était belle et je ne suis pas beau.
Faut dire, faut dire qu'elle était brune, tant la dune était blonde
Et tenant l'autre et l'une, moi je tenais le monde.
Faut dire, faut dire que j'étais fou de croire à tout cela.
Je le croyais à nous, je la croyais à moi.
Faut dire qu'on ne nous apprend pas à se méfier de tout.
Nous étions deux amis et Fanette m'aimait.
La plage était déserte et mentait sous juillet.
Si elles s'en souviennent, les vagues vous diront
Comment pour la Fanette, s'arrêta la chanson.
Faut dire, faut dire qu'en sortant d'une vague mourante
Je les vis s'en allant comme amant et amante.
Faut dire, faut dire qu'ils ont ri quand ils m'ont vu pleurer.
Faut dire qu'ils ont chanté quand je les ai maudits.
Faut dire que c'est bien ce jour-là, qu'ils ont nagé si loin
Qu'ils ont nagé si bien qu'on ne les revit pas.
Faut dire qu'on ne nous apprend pas, mais parlons d'autre chose.
Nous étions deux amis et Fanette l'aimait.
La plage est déserte et pleure sous juillet.
Et le soir quelquefois, quand les vagues s'arrêtent
Je ne sais pas pourquoi la pluie quitte là-haut ses oripaux
Que sont les lourds nuages gris pour se coucher sur nos coteaux.
Je ne sais pas pourquoi le vent s'amuse dans les matins clairs
À colporter les rires d'enfants, carillons frêles de l'hiver.
Je ne sais rien de tout cela mais je sais que je t'aime encore.
Je ne sais pas pourquoi la route qui me pousse vers a cité
A l'odeur fade des déroutes, de peuplier en peuplier.
Je ne sais pas pourquoi le voile du brouillard glacé qui m'escorte
Me fait penser aux cathédrales où l'on prie pour les amours mortes.
Je ne sais rien de tout cela mais je sais que je t'aime encore.
Je ne sais pas pourquoi la ville s'ouvre ses remparts de faubourgs
Pour me laisser glisser fragile, sous la pluie parmi ses amours.
Je ne sais pas pourquoi les gens, pour mieux célébrer ma défaite
Pour mieux suivre l'enterrement, ont le nez collé aux fenêtres.
Je ne sais rien de tout cela mais je sais que je t'aime encore.
Je ne sais pas pourquoi ces rues s'ouvrent devant moi, une à une
Vierges et froides froides et nues, rien que mes pas et pas de lune.
Je ne sais pas pourquoi la nuit, jouant de moi comme guitare
M'a forcé à venir ici pour pleurer devant cette gare.
Je ne sais rien de tout cela mais je sais que je t'aime encore.
Je ne sais pas à quelle heure part ce triste train pour Amsterdam
Qu'un couple doit prendre ce soir, un couple don't tu es la femme.
Et je ne sais pas pour quel port part d'Amsterdam, ce grand navire
Qui brise mon corps et coeur, notre amour et mon avenir.
Je ne sais rien de tout cela mais je sais que je t'aime encore.
Heureux qui chante pour l'enfant et qui sans jamais rien lui dire
Le guide au chemin triomphant, heureux qui chante pour l'enfant.
Heureux qui sanglote de joie pour s'être enfin donné d'amour
Ou pour un baiser que l'on boit, heureux qui sanglote de joie.
Heureux les amants séparés et qui ne savent pas encore
Qu'ils vont demain se retrouver, heureux les amants séparés.
Heureux les amants épargnés et don't la force de vingt ans
Ne sert à rien qu'à bien s'aimer, heureux les amants épargnés.
Heureux les amants que nous sommes et qui demain, loin l'un de l'autre
Fils de bourgeois ou fils d'apôtres
Tous les enfants sont comme les vôtres.
Fils de César ou fils de rien, tous les enfants sont comme le tien.
Le même sourire, les mêmes larmes
Les mêmes alarmes, les mêmes soupirs.
Fils de César ou fils de rien, tous les enfants sont comme le tien.
Ce n'est qu'après, longtemps après.
Mais fils de sultan, fils de fakir, tous les enfants ont un empire
Sous voûtes d'or, sous toits de chaumes
Tous les enfants ont un royaume
Un coin de vague, une fleur qui tremble
Un oiseau mort qui leur ressemble.
Fils de sultan, fils de fakir, tous les enfants ont un empire.
Ce n'est qu'après, longtemps après.
Mais fils de bon fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers.
Fils de l'amour, fils d'amourettes, tous les enfants sont des poètes.
Ils sont bergers, ils sont rois mages, font des nuages pour mieux voler
Mais fils de bon fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers, ce n'est qu'après, longtemps après.
Mais fils de bourgeois ou fils d'apôtres
Tous les enfants sont comme les vôtres.
Fils de César ou fils de rien, tous les enfants sont comme le tien.
Le même sourire, les mêmes larmes
Les mêmes alarmes, les mêmes soupirs.
La mer sans arrêt roulait ses galets.
Les cheveux défaits, ils se regardaient
Dans l'odeur des pins, du sable et du thym qui baignaient la plage.
Ils se regardaient tous deux sans parler
Comme s'ils buvaient l'eau de leur visage.
Et c'était comme si tout recommençait.
La même innocence les faisait trembler
Devant le merveilleux, le miraculeux voyage de l'amour.
Dehors, ils ont passé la nuit, l'un contre l'autre, ils ont dormi.
La mer longtemps les a bercés et quand ils se sont éveillés
C'était comme s'ils venaient au monde
Dans le premier matin du monde.
La mer sans arrêt roulait ses galets.
Quand ils ont couru dans l'eau, les pieds nus
À l'ombre des pins, se sont pris la main et sans se défendre
Sont tombés dans l'eau comme deux oiseaux
Sous le baiser chaud de leurs bouches tendres.
Et c'était comme si tout recommençait.
La Vie, l'Espérance et la Liberté