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Tayyip casse-toi!

category grèce / turquie / chypre | luttes dans la communauté | article de fond author Tuesday June 04, 2013 15:30author by Aurélie Report this post to the editors

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« Tayyip casse-toi, démissionne ! », tel est le slogan adressé au premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan que l’on peut entendre dans les rues d’Istanbul, Izmir, Ankara, Adana et dans la plupart des grandes villes du pays, depuis quelques jours.

Mais le problème actuel n’est pas les arbres du parc Gezi : ils trouve sa source dans de multiples situations antérieures. C’est la raison pour laquelle des militants d’extrême gauche, des anarchistes, des kémalistes, des islamistes, et des individus issus de tous les horizons possibles défilent côte-à-côte dans les rues, pour des raisons multiples et personnelles mais qui débouchent toutes sur un désir de faire partir le gouvernement AKP.

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Tayyip casse-toi!


« Tayyip casse-toi, démissionne ! », tel est le slogan adressé au premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan que l’on peut entendre dans les rues d’Istanbul, Izmir, Ankara, Adana et dans la plupart des grandes villes du pays, depuis quelques jours. Ce qui semble devenir aujourd’hui un véritable soulèvement populaire a débuté le 27 mai dans le parc de Gezi, place Taksim, en plein cœur d’Istanbul. A cause d’un projet du gouvernement visant à transformer le parc en caserne à l’ottomane abritant un centre commercial, des ouvriers ont commencé à couper les arbres jeudi matin. Immédiatement des gens se sont mobilisés et ont planté leurs tentes dans le parc pour empêcher sa destruction. La riposte étatique ne s’est pas fait attendre et durant plusieurs jours la police a tenté de faire partir les occupants du parc en utilisant tous les moyens à leur disposition, c’est-à-dire gaz lacrymogène, balles en caoutchouc, arrestations arbitraires, etc. Mais cette brutale répression, loin de décourager les manifestants, les a multiplié. Les dizaines de personnes qui manifestaient initialement pour protéger les arbres du parc se sont transformées en milliers de personnes demandant la démission du gouvernement, étrange non ?

Pas tant que cela, cette révolte populaire ne vient pas de nulle part, il faut se souvenir des multiples manifestations qui ont eu lieu en Turquie ces derniers mois, voire ces dernières années.

En 2010 déjà, au plein centre d’Ankara, les ouvriers de l’entreprise nationale de tabacs et d’alcools Tekel s’étaient mobilisés pour défendre leurs places de travail et leurs salaires. Durant plusieurs semaines, les ouvriers accompagnés d’une foule de sympathisants, s’étaient relayés pour occuper le centre de la capitale, allant même jusqu’à entamer une grève de la faim.

Mais depuis fin 2012 les protestations se sont enchainées.

Le 29 octobre 2012, à l’occasion de la fête nationale et en marge de la manifestation officielle, un rassemblement, jugé par le gouvernement comme illégal, a été organisé à l’initiative du parti d’opposition, le kémaliste Parti Républicain du Peuple (CHP). Des milliers de gens ont rejoint la contre manifestation, boudant les festivités étatiques, ce qui a failli dégénérer en affrontement.

En novembre 2012, afin d’obtenir le droit de parler leur langue maternelle dans les tribunaux et les écoles, 10 000 prisonniers politiques kurdes se sont mit en grève de la fin, dont plus de 650 « jusqu’à la mort ». Une partie importante de militants d’extrême gauche ont eu aussi commencé à jeûner afin d’apporter leur soutien symbolique aux prisonniers.

En décembre 2012, suite à l’arrestation arbitraire d’un étudiant accusé de « terrorisme » parce qu’il appartenait à une organisation d’extrême gauche, les étudiants de l’université d’ÖDTÜ à Ankara se sont soulevés. Les affrontements avec la police ont duré plusieurs jours et plusieurs nuits sur le campus, se propageant à d’autres universités du pays, et de nombreux étudiants ont été arrêtés.

Le premier mai 2013, les manifestants qui se dirigeaient place Taksim pour célébrer la fête du travail ont été surpris par l’interdiction étatique d’occuper la place en raisons des travaux en cours. Un immense dispositif de police avait été déployé en cette occasion, et de violents affrontements eurent lieux. Il y eu de nombreux blessés et beaucoup d’arrestations.

Les manifestations actuelles ne sont donc pas un phénomène isolé, mais juste un raz-le bol populaire qui dure depuis longtemps.

De quoi les gens ont en t-ils marre ? Du gouvernement ! Pourquoi ?

Parce que le gouvernement Erdoğan multiplie les réformes, les projets urbains gigantesques, la création de nouvelles lois, les déclarations diplomatiques belligérantes, sans jamais consulter la population.

En effet, le premier ministre turc compte ainsi construire un nouveau canal parallèle au Bosphore pour faciliter le passage des bateaux, un troisième pont ainsi qu’un métro souterrain pour traverser le Bosphore, deux nouvelles villes aux extrémités d’Istanbul pour dégrossir la population d’Istanbul et une immense nouvelle mosquée place Taksim. Il a, de plus, tenté d’interdire l’avortement, limité la vente d’alcool à des heures et des lieux précis tout en augmentant le prix, interdit toutes les terrasses au centre ville, et il tente de modifier seul la constitution par référendum afin d’instaurer un régime semi présidentiel en Turquie pour remplacer le régime parlementaire que l’on connait actuellement. Ce changement de constitution vise à fournir d’importants pouvoirs au Président de la République, afin qu’Erdoğan, qui ne peut pas briguer un nouveau mandât comme Premier Ministre, puisse continuer à contrôler le pays en tant que Président.

Mais il y a plus.

Depuis 2007, plusieurs grands procès basés sur un système juridique spécial, ad’ hoc, donc ne respectant aucune juridiction connue, ont été l’occasion pour l’AKP de pouvoir arrêter des hauts gradés militaires, des journalistes, des militants d’extrême gauche, mais aussi des académiciens et des étudiants et cela, sans avoir à se justifier. La politique internationale de l’AKP, le Parti de la Justice et du Développement d’Erdoğan, provoque aussi le mécontentement de la population. En effet, l’attitude “Va en guerre” d’Erdoğan vis-à-vis de la Syrie inquiète, parce que les Turcs ne veulent pas s’enliser dans un conflit régional qui ne les concerne pas et à propos duquel personne ne leur a demandé leur opinion. Le récent attentat au sud de la Turquie, dans la petite ville de Reyhanli (probablement organisé par un groupuscule d’extrême gauche en lien avec l’opposition syrienne) qui a provoqué la mort de 52 personnes éveillant l’indignation de l’opinion publique qui considère la politique agressive de l’AKP comme responsable de cet événement.

Le problème actuel n’est donc pas les arbres du parc Gezi, mais trouve sa source dans de multiples situations antérieures. C’est la raison pour laquelle des militants d’extrême gauche, des anarchistes, des kémalistes, des islamistes, et des individus issus de tous les horizons possibles défilent côte-à-côte dans les rues, pour des raisons multiples et personnelles mais qui débouchent toutes sur un désir de faire partir le gouvernement AKP. Si la Turquie est habituée aux coups d’Etat, c’est la première fois qu’un soulèvement populaire qui pourrait évoluer en révolution a lieu. Les soulèvements arabes ainsi que le mouvement international des indignés ont probablement contribué à faire comprendre au peuple turc que oui, il peut se lever, il peut résister, car les gouvernements peuvent tomber.

Une camarade stambouliote a accepté de répondre à une interview afin d’expliquer sa vision des événements en cours.

Dilan:
“Bonjour! Nous en sommes au 6ème jour de révolte. Hier un million de personnes ont défilé dans les rues des quartiers de Taksim, Beşiktaş, Şişli, Harbiye et Kadiköy. Actuellement, dans toute la Turquie, de nombreux groupes politiques de résistance se forment. Mais dans cette révolte il n’y a pas qu’une seule vision politique. Des Kurdes, des gauchistes, des anarchistes, des kémalistes, et des jeunes sans idéologies précises manifestent côte-à-côte. Les journalistes n’écrivent pas combien il y a eu de morts et de blessés. Aucune télévision ne parle des manifestations.

Même Recep Tayyip Erdoğan ne bouge pas le petit doigt.

Il a voulu tout nous imposer d’un coup : Il tente d’interdire l’alcool, l’avortement et la pilule du lendemain. Le peuple est très fâché. C’est la première fois depuis les années 1980 que des groupes politiques aux idéologies tellement différentes sortent dans la rue tous ensemble criant des slogan d’une même voix. Aucun crédit n’est accordé aux provocateurs. Les événements sont très intéressants et tout le monde s’accorde pour demander la démission du gouvernement. Comme tout le monde participe nous pouvons prendre le bateau qui traverse le Bosphore gratuitement et lorsque deux bateaux se croisent les passagers applaudissent et poussent des cris de joie. Lorsque la police utilise des gaz lacrymogène chacun aide les personnes proche de lui, même s’il ne les connaît pas. A Taksim on trouve partout des distributions gratuites d’eau, de nourritures et de jus de citron contre les lacrymos. Cette révolte est très importante, elle sera peut-être historique."


Pour plus d’informations:

Pour suivre les événements en directe à la télévision: http://www.livestream.com/revoltistanbul
Pour suivre le mouvement en directe sur Twitter : https://twitter.com/search?q=%23DirenGeziParkı&src;=tren

Quelques articles de fond :

http://ovipot.hypotheses.org/8889
http://ovipot.hypotheses.org/8880
http://istanbul.blog.lemonde.fr/

author by Auréliepublication date Thu Jun 06, 2013 23:48Report this post to the editors

Témoignage d'une camarade turque: "La nuit du 4 juin des policiers ont pénétré dans la faculté d'ingénierie de l'Université Technique d'Istanbul dans le quartier de Beşiktaş. Ils sont entrés en brisant les vitres et en criant aux étudiants qu'ils allaient "baiser leurs mères". Ils ont blessé un grand nombre d'étudiants en leur tirant à vu des balles en caoutchouc, puis, ils les ont tous emmené en garde à vue. J'ai été chanceuse car j'ai pensé à me dissimuler dans un coin sombre et ils ne m'ont pas vu. J'ai aussi une expérience de ce genre d'expériences puisque je suis née à Diyarbakır (région kurde). Aucun médias n'a mentionné l'événement. Ce genre de violence de la part de la police était très courante à l'est dans les années 1990. Mon père est mort assassiné à cette époque. Mais aujourd'hui, grace à la technologie, nous pouvons faire entendre notre voix. Ici, maintenant, des choses terribles se produisent et les médias turcs n'en parlent pas. Aujourd'hui Erdoğan rentre en Turquie (de sa tournée au Maghreb). Nous l'attendons de pied ferme pour lui demander des comptes. Personne ne sait qui à donner l'ordre à la police d'agir ainsi. Lorsque nous nous arrêter dans la rue pour le leur demander, les policiers nous frappent...

 

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