Confronté à Alain Minc, sur LCP, (à voir en ce moment, samedi 26 à 19 h 30 dimanche 27 à 13 h 30) dans un débat où l’on ne pouvait aller au fond, j’ai entendu celui-ci se féliciter en proposant de décerner le « prix Charlemagne » aux « marchés » qui réussissaient à construire l’Europe fédérale !
J’en avais entendu des vertes et des pas mûres sur la crise depuis deux ou trois années, mais jamais encore une telle bêtise d’un tel niveau dans la bouche de ce monsieur. Il est un peu comme ces bureaucrates soviétiques en 1989 qui niaient à l’aide de sophismes que leur monde était en train de s’effondrer.
Quid du « fédéralisme budgétaire » en Europe ?
C’est un curieux volatile puisqu’il s’agit d’un fédéralisme budgétaire sans budget fédéral.
Le budget de l’Union européenne restera toujours aussi ridicule (autour de 1 % du PIB européen) alors que le budget de l’Etat fédéral des Etats-Unis est de l’ordre de 20 % du PIB des USA.
Jusqu’à maintenant les arguments avancés contre un budget fédéral européen digne de ce nom étaient qu’un tel budget aurait signifié un abandon de souveraineté de la part des Etats de l’UE.
Mais avec la réforme voulue par Merkel et Sarkozy, la souveraineté populaire disparaît sans qu’il y ait pour autant de budget fédéral.
Ce fédéralisme est un fédéralisme unilatéral qui n’a rien à voir avec ce qu’on entend habituellement par fédéralisme. Il ne prévoit pas d’aider (sans contrepartie) les Etats en difficultés, comme aux Etats-Unis, ni d’augmenter les salaires ou de baisser la TVA dans les pays connaissant (comme l’Allemagne) un excédent commercial. Les seules mesures envisagées sont uniquement des sanctions contre les Etats dont les dettes et les déficits publics ne diminuent pas à la vitesse souhaitée par la Commission, le Conseil européen et surtout les marchés financiers.
Les dernières propositions de Merkel seraient d’ailleurs de rendre ces sanctions automatiques et de créer un « Sparkommissar » (commissaire à l’Epargne) doté du pouvoir d’annuler le budget d’un Etat de la zone euro s’il enfreint les règles fixées à l’échelon communautaire.
Ce fédéralisme est en réalité un centralisme budgétaire dans le seul but de rassurer les marchés en bradant la démocratie existant dans les Etats-membre.
Quid des fameux « Plans d’aide » à la Gréce, etc.
Tout est fait pour faire croire que les plans d’aide à la Grèce, à l’Irlande, au Portugal profiteraient aux Grecs, aux Irlandais, aux Portugais. C’est entièrement faux il ne voit pas un euro des prêts du Fonds européen de stabilité financière ou du FMI.
Chaque année, les Etats doivent rembourser les titres de leur dette publique qui arrivent à échéance. Pour cela, ils émettent de nouveaux titres de la dette publique pour rembourser les anciens. Lorsque les marchés financiers ont des craintes pour le remboursement de leur dette, ils exigent pour acheter les nouveaux titres de la dette publique des taux très élevés. Au-delà de 7 % un Etat n’a plus qu’une solution : soit faire défaut de sa dette publique, soit emprunter de quoi rembourser les dettes publiques arrivant à échéance auprès de l’UE et du FMI.
Les sommes versées par le FMI et l’UE n’ont donc qu’une seule destination : le remboursement des créanciers de la dette publique grecque. En bonne partie les banques et les assurances européennes. Les Grecs, les Irlandais ou les Portugais n’en voient pas la couleur.
Les plans d’aide à la Grèce, à l’Irlande, au Portugal ne sont donc que des plans d’aides aux créanciers de la dette publique de ces trois pays, en particulier aux banques et aux assurances.
Lorsque le gouvernement grec explique qu’il ne pourra pas payer ses fonctionnaires s’il ne perçoit pas la dernière tranche de 8 milliards des prêts de l’UE et du FMI accordé en 2010 c’est parce qu’il a pris la décision de payer les créanciers de la Grèce (banques, assurances, fonds souverains) avant les fonctionnaires grecs.
Qui des effets des « plans d’austérité » Sarkozy/Merkel/Papandreou, etc..
Les marchés financiers vivent aujourd’hui une étrange crise de schizophrénie.
D’un côté, ils souhaitent des plans de rigueur pour faire reculer les déficits budgétaires et donc, à terme, le montant de la dette publique.
De l’autre, ils craignent la récession qui se généralise à toute l’Europe.
Mais ils ne font aucun rapport entre les deux.
Pourtant selon l’OFCE la généralisation des plans d’austérité entraînerait l’Union européenne dans une récession de l’ordre de – 1,7 % du PIB en moyenne, en 2012.
Ces plans de rigueur sont donc ineptes. Si un pays est en récession, ses recettes fiscales diminuent et ses dépenses sociales (chômage, allocations) augmentent. Et les déficits publics ne peuvent qu’augmenter. Il suffit de constater quels ont été les effets des plans de rigueur en Grèce, au Portugal et en Irlande.
En Grèce
Le but affiché des prêts de l’UE et du FMI ainsi que des conditions qui y étaient mises avaient pour fonction de permettre à la Grèce de retourner se financer sur les marchés financiers en 201 ou 2013 à des taux normaux (de l’ordre de 2 à 3 %).
La réalité est tout autre.
Les plans de rigueur ont plongé la Grèce dans une récession toujours plus profonde : 4,5 % en 2010, 2 % en 2011 et une prévision de 5,5 % en 2012.
La dette publique passe de 134 % du PIB en 2010 à 160 % en 2011.
Le déficit public devrait s’élevait à 10,5 % du PIB en 2010 alors que le FMI et l’UE prévoyaient 6,5 %.
Les taux de rendement (pour des obligations d’Etat à 2 ans !) ont atteint le niveau démentiel de 50 %. Interdisant tout retour de la Grèce sur les marchés financiers dans les prochaines années.
Au Portugal
Les plans de rigueur exigés en contrepartie des 78 milliards d’euros destinés à financer les créanciers du Portugal préparent en 2012, selon la plupart des économistes, la pire récession depuis 1975, lorsque le PIB avait chuté de 5 %.
En Irlande
L’Irlande a connu une récession de – 3,5 % en 2008 ; de – 7,6 % en 2009 et de – 0,3 % en 2010.
Selon les statistiques du ministère de l’Economie irlandais, l’Irlande sortirait de la récession.
En réalité, il y a deux Irlande.
La 1ère est celle des très nombreuses entreprises étrangères qui ont installé leurs sièges sociaux dans l’île (notamment dans les secteurs pharmaceutique et informatique) pour profiter d’un impôt sur les sociétés de 12, 5 % (en réalité de 3 à 4 % avec les niches fiscales).
La 2ème est la véritable Irlande dont le PNB (qui exclut l’activité des sièges sociaux d’entreprises étrangères installés dans l’île) a enregistré un repli de 4,2 % sur l’année 2010.
La demande interne irlandaise a été massacrée par les plans d’austérité qui continuent.
Quid des clichés déversés par TF1 ? genre « L’Etat vit au-dessus de ses moyens » « Il faut réduire les dépenses publiques » “Qui paie ses dettes s’enrichit” et autres stupidités
Les dépenses publiques elles sont réduites depuis 1996. Elles ne sont pas la cause de la dette. Sous la gauche, il y avait même une « cagnotte publique » et toutes les caisses de protection sociales étaient au vert. C’est la droite et Sarkozy en 10 ans qui ont vidé les caisses et fait 23 points de dettes en baissant les recettes. Et Sarkozy a tellement conduit le pays à la faillite, qu’en effet, croissance en berne aidant, depuis 2009, les dépenses publiques on ré-augmenté. Sarkozy a même fait un emprunt avantageux de 35 milliards auprès des riches auxquelles il ne prenait plus d’impôts pour être sur de bien creuser la dette pour nous la faire payer.
Il faut ré augmenter les recettes qui ont baissé de 110 milliards selon l’UMP Gilles Carrez.
Le problème est que c’est l’Etat qui fixe lui-même (à la différence d’un ménage) ses propres moyens et que la droite à vider consciemment les caisses publiques en diminuant les impôts des ménages les plus riches et des sociétés.
Pour le Conseil des prélèvements obligatoires « Entreprises et niches fiscales et sociales » Octobre 2010, les 3 principales niches fiscales (elles concernent toutes les trois l’IS et avantagent les grands groupes) créées par la droite avant 2007 :
Régimes des Sociétés mères et filiales : coût de 34,9 milliards d’euros pour l’année 2009.
Régime d’intégration fiscale : coût de 19,500 milliards d’euros pour l’année 2009
Niche Copé (taxation à taux réduit des plus values à long terme provenant de cession de titres de participation : 8 milliards d’euros en 2009
Pour ces trois niches fiscales : un manque à gagner de 62,4 milliards d’euros.
Si l’on ajoute le coût (selon la cour des comptes) des 3 niches fiscales ajoutées par Sarkozy :
Heures supplémentaires : 4,5 milliards d’euros
TVA réduite sur la restauration : 3,5 milliards d’euros
Passage du bouclier fiscal à 50 % des revenus déclarés : 0,7 milliards d’euros.,
Soit 8,7 milliards d’euros pour ces trois niches fiscales.
Au total pour les 6 niches fiscales : 71 milliards d’euros. A comparer avec le plan de rigueur de 8 milliards d’euros.
Il faudrait ajouter à cela la baisse de l’impôt sur le revenu du à la diminution du nombre de tranches (de 13 avant 1986 à 5 aujourd’hui), au passage de la tranche supérieure de 65 % (avant 1986) à 41 % aujourd’hui.
Coût pour les finances publiques : 15 milliards d’euros en 2009.
Il ne faudrait pas oublier la baisse du taux de l’IS (avant même les niches fiscales) : de 50 % à 34,6 % aujourd’hui.
Coût pour les finances publiques : 20 milliards d’euros en 2010 (Rapport de la Cour des comptes 2010).
Au total : 71 = 35 = 106 milliards d’euros.
Niches sociales : 42 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales en 2009 (Rapport du Sénateur Jean-Jacques Jégou au nom de la commission des finances du Sénat – 2010)
Intérêts payés aux détenteurs de la dette publique : 48 milliards d’euros en 2009.
Au total : 106 + 42 + 48 = 196 milliards d’euros en 2009 alors que le déficit public s’élevait à 145 milliards d’euros.
Le rapporteur UMP, Gilles Carrez de la commission des Finances de l’AN estimait (en 2010) que les années 2000 à 2010 étaient « 10 années de pertes de recettes non compensées ».
Qui de l’évolution de la dette publique française : Sarkozy = dette
1980 : 20,7 % du PIB
1986 : 31 % du PIB. Augmentation due à la 1ère récession généralisée de l’économie néolibérale en 1981-1982.
1991 : 36 % du PIB.
1995 : 55,5 % du PIB. Augmentation due à la deuxième récession généralisée de l’économie néolibérale en 1992-1993.
1997 : 59,5 % du PIB.
2001 (après 5 années de gouvernement Jospin) : 57 %.
Entre 2001 et 2011, avec la droite au Pouvoir, la dette publique augment de 34 points de PIB.
Entre 2007 et 2011 (Présidence de Sarkozy) la dette publique augmente de 22,4 points.
Du fait de l’accentuation de la baisse des impôts des riches et des sociétés, déjà bien entamée sous le quinquennat de Jacques Chirac (l’un de ses ministres des Finances ne fut autre que Nicolas Sarkozy).
Du fait, aussi, de la 3ème récession généralisée de l’économie néolibérale, celle de 2008-2009.
Quid des réelles Dettes de l’Etat / Sécurité sociale / Collectivités territoriales
Dette publique = somme de la dette de l’Etat + dette de la Sécurité sociale + dette des Collectivités territoriales + dettes des Organismes d’administrations centrales (RFF, météo France, Opéra…)
Dette publique totale = 1 693 milliards d’euros (86,2 % du PIB) à la fin du 1er semestre 2011.
Dette de l’Etat : 1 325 milliards d’euros. 450 % du budget de l’Etat (290 milliards d’euros)
Dette des organismes de Sécurité sociale : 181 milliards d’euros. 40 % du budget de la Sécurité sociale (450 milliards d’euros).
Dette des Collectivités territoriales : 171 milliards d’euros. 80 % du budget total des collectivités territoriales (200 milliards d’euros) alors que les Collectivités territoriales réalisent plus de ¾ de l’investissement public en France.
Quid des officines de droite appelées « agences de notation » et du fameux Triple A de la France
Les agences de notation conservent (pour combien de temps ?) le triple A de la dette publique française pour faire pression sur le déroulement et le résultat des élections présidentielles.
Il est extrêmement curieux d’entendre Moody’s déclarer que la France pourrait perdre son triple A parce que les taux de placement de ses obligations d’Etat augmentent. En général, c’est l’inverse qui se produit : les agences de notations baissent leur note et les taux augmentent.
C’est bien la preuve de la volonté des agences de notation d’aider Sarkozy tant qu’elles le pourront.
Cela fait longtemps que les marchés ont entériné la perte de ce « AAA ».
Alors que l’Allemagne obtient des taux de l’ordre de 1,80 % pour placer ces obligations d’Etat à 10 ans, la France doit se résigner à des taux de l’ordre de 3,50 %, soit le double.
Il est donc évident que la France n’est plus dans le groupe de plus en plus restreint des 6 Etats triple A (Allemagne, France, Pays-Bas, Luxembourg, Finlande, Danemark).
Les marché financiers ont, dans les faits, distinguer 4 groupes
1er groupe : Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Luxembourg, Finlande
Les taux (des obligations d’Etat à 10 ans) vont de 1,80 % pour l’Allemagne à 2,50 % pour les Pays-Bas.
Même à l’intérieur de ce groupe, les taux tendent à diverger entre l’Allemagne et les 4 autres pays.
2ème groupe : Autriche, France, Belgique.
De 3,40 % pour l’Autriche à 4,60 % pour la Belgique en passant par 3,50 % pour la France.
La Belgique a de la chance de ne pas avoir de gouvernement depuis 500 jours : gouvernement qui pourrait imposer un plan de rigueur aux salariés belges, Wallons comme Flamands.
3ème groupe : Italie et Espagne
Les Taux de l’Espagne ont atteint 7 % et ceux de l’Italie 6,30 %.
C’est des taux de 7 % qui ont obligé la Grèce, l’Irlande et le Portugal à demander les prêts du FMI et de l’UE.
4ème groupe : la Grèce, l’Irlande et le Portugal.
Ces 3 pays ont du faire appel (puisqu’ils n’ont pas choisi de faire défaut) à l’UE et au FMI ?
Le taux de rendement de leurs obligations d’Etat sont de 8 % pour l’Irlande ; 12 % pour le Portugal ; 32 % pour la Grèce.
Lorsqu’on fait remarque à François Baroin que les taux des obligations d’Etat françaises augmentent dangereusement au cours de ces dernières semaines, il répond qu’il n’y a pas à s’inquiéter, que la moyenne des taux sur l’année est historiquement basse.
C’est un peu comme si un médecin répondait à un patient inquiet de voir en quelques jours sa fièvre passer de 37° à 40 ° qu’il n’avait pas à s’inquiéter car sur l’année sa température moyenne était de seulement 36,9 °.
La phrase à ne jamais prononcer :
« Rassurer les marchés »
1- C’est une catastrophe
Ainsi, en Grèce :
22 % de la population active est au chômage. 40 % chez les jeunes.
Les contrats à taux plein sont convertis en contrat à temps partiel avec une diminution proportionnelle du salaire.
Au cours de 4 derniers mois, 1/3 des salariés du privé n’a pas été payé.
Au premier trimestre 2011, 14 000 entreprises ont cessé leurs activités, faute de demande.
Selon MSF, 30 % des Grecs se soignent dans les cliniques de rue (contre 5 % auparavant).
Les retraités, les chômeurs, les sans-abri, les personnes touchées par le VIH et la tuberculose sont privées de couverture maladie.
Les coupes dans certains budgets liés à la santé comme à l’assistance sociale et le traitement de certaines maladie peuvent aller jusqu’à 80 %.
Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU : « On ne peut attendre d’un Etat qu’il ferme ses écoles, ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement afin de disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux »
Une catastrophe démocratique
Le traité de Lisbonne ne laisse déjà pas grand place à la démocratie. La démocratie perdue au niveau des Etats n’était pas remplacé au niveau européen où règnent des institutions non-élues telles que la Commission européenne et la Cour de Justice.
Depuis le début de la crise de la dette publique, la démocratie a encore reculé. Les semestres européens, les sanctions pour déficits excessifs, le pacte pour l’euro constituent une nouvelle régression de la démocratie en Europe. Les citoyens des Etats de l’UE sont de plus en plus dépossédés de leur droit de voter leur budget. Or, sans ce droit, la démocratie n’est plus qu’un couteau sans lame.
Avec le fédéralisme budgétaire (voir plus haut) les dirigeants européens veulent encore aller plus loin.
2- Et surtout cela ne marche pas
- Il suffit de constater ce qui se passe
L’accord du 26 juillet devait rassurer les marchés. Dès le surlendemain, les taux des obligations italiennes à 10 ans atteignaient 6 %. Les cours boursiers ont subi une descente aux enfers continuelle pendant out l’été. Le cours des actions des banques françaises s’effondraient.
L’accord du 27 octobre devait tout régler. Patatras ! Après une journée d’euphorie, et avant même que Papandréou ne parle de référendum, les taux italiens dépassaient 6 %.
Le problème nous disait-on, ce sont Papandréou et Berlusconi. Las ! Une fois ces deux dirigeants évacués, les marchés ne sont toujours pas rassurés : le 14 novembre, l’Italie émettait 3 milliards d’euros d’obligations à 5 ans à un taux record depuis 1997 : 6,30 % contre 5,30 % le 13 octobre.
La nomination des anciens de Goldman Sachs (la banque qui avait aidé à maquiller les comptes de la Grèce avant 2010) à la tête du FMI (Mario Draghi), du gouvernement italien (Mario Monti), du gouvernement grec (Loukas Papademos) ne réussit toujours pas à rassurer les marchés. Les taux de rendement des obligations d’Etat des pays de la zone euro continuent à s’éloigner de ceux ces obligations d’Etat allemandes.
Le 20 novembre, la droite prend le pouvoir en Espagne. Les marchés ne sont toujours pas rassurés. Dès le lendemain, les taux des obligations d’Etat espagnoles atteignent 7 %. Or c’est à partir de ce taux que la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont été obligés (faute de choisir de faire défaut) de faire appel au FMI et à l’Union européenne pour rembourser les titres de leurs dettes publiques arrivés à échéances.
Il n’est pas possible de rassurer les marchés parce que la politique qui vise à les rassurer connait 4 limites.
1- Le montant des prêts que pourrait accorder le Fonds européens de stabilité financière ne sont pas suffisants. Ce fonds dispose au mieux de 250 milliards d’euros. Le montant de la dette publique italienne est de 1 900 milliards d’euros, celui de la dette espagnole dépasse 700 milliards d’euros. L’effet levier ne rassure pas plus les marchés financiers : voir le FESF garantir 25 % de leurs créances alors que la décote des titres de la dette publique grecque détenue par des créanciers privés est de 50 % (accord du 26 juillet) n’a pas de quoi les rassurer.
2- Limite politique. Le financement ou la garantie des créances se heurtent à la démocratie politique. Le retard apportés par les parlements finlandais ou slovaques à l’acceptation de l’accord du 26 juillet en sont un exemple. Les décisions du tribunal constitutionnel de Karlsruhe qui limite les pouvoirs accordés à Angela Merkel et l’oblige à rendre compte devant le Bundestag en sont un autre. Le refus de la droite grecque de rejoindre effectivement le gouvernement d’union nationale voulue par l’UE en est un troisième. Le temps de la démocratie n’est pas celui des marchés et c’est pour cela que les dirigeants européens veulent supprimer la démocratie.
3- Limite sociale. Les plans de rigueur plonge des parties de plus en plus importantes de la population européenne dans le chômage et la misère. Les mobilisations sociales (syndicales, indignés) n’en sont qu’à leur début et ne pourront que s’amplifier et se coordonner au niveau européen.
4- Limite économique, enfin. La généralisation des plans d’austérité généralise la récession dans toute l’Union européenne. Et, si la récession se généralise, les recettes fiscales et sociales diminuent et les dépenses fiscales et sociales augmentent. Le remboursement de la dette publique ou le simple recul des déficits publics devient une impossibilité.
Ce qu’il faut dire et faire
« Briser les reins des marchés financiers »
Puisque la politique qui vise à rassurer les marchés ne marche pas et que de toute façon elle mène à la catastrophe sociale et démocratique, il ne reste plus qu’une solution : leur briser les reins pour les empêcher de nuire.
Comment ?
A court terme :
1- En amenant la BCE à prendre quelques distances avec le traité de Lisbonne pour racheter massivement les titres des dettes publiques attaquées par les marchés financiers. Tous ceux qui auraient spéculé à la baisse sur ces titres et verraient leurs cours monter suite à l’intervention de la BCE subiraient des pertes qui les dissuaderait de continuer leur manège. Contrairement au FESF, la BCE a une puissance de feu illimitée puisqu’elle peut créer autant d’euros qu’elle le souhaite.
2- En organisant un audit de la dette publique dans chaque pays européen. Il suffit de voir la panique qui avait pris à la gorge les dirigeants européens comme Merkel et Sarkozy à la simple annonce de la possibilité d’une référendum grec, pour comprendre comment cet audit changerait le rapport de forces entre les peuples et les marchés financiers.
3- En socialisant les banques pour éviter une nouvelle crise bancaire. Une fois ces banques socialisées, il sera enfin possible de connaître l’étendue de leurs actifs toxiques, de leur interdire toute une série de pratique (titrisation, vente à découvert, spéculation avec l’argent confié par leur déposant), de séparer banques de dépôts et banques d’investissement.
A moyen terme :
Modifier les traités européens (qui n’auraient jamais du être votés, qui ont été extorqués aux Français antidémocratiquement par Sarkozy en 2008 contre leur volonté exprimée le 29 mai 2005) pour en finir avec la contrainte des marchés financiers.
La dépendance des Etats européens vis-à-vis des marchés financiers n’a rien de naturel : il s’agit d’une construction politique qui vise à empêcher les Etats de se financer autrement qu’en passant par les marchés financiers.
L’article 63 du traité de Lisbonne (reprise d l’Acte unique de 1986) interdit tout entrave à la circulation des capitaux non seulement au sein de l’UE mais entre l’UE et l’ensemble du monde. La meilleure façon de livrer la politique des Etats et de l’Union européenne aux fonds de pensions, d’investissements ou spéculatifs anglo-saxons.
L’article 123 §1 interdit à la BCE d’acheter directement les titres de la dette publique d’un Etat de l’Union et de consentir un crédit à tout Etat de l’Union européenne.
L’article 125 § 1 interdit à l’Union européenne d’accorder des prêts aux Etats de l’Union et aux Etats de l’UE de se prêter entre eux.
L’article 312 (et suivants) empêche toute possibilité d’un budget fédéral digne de ce nom (1 % contre 20 % pour le budget fédéral des Etats-Unis).
Ces articles doivent être abrogés.
Cette abrogation constituera la première marche vers une véritable Europe fédérale.
(Lire « DETTE INDIGNE » 240 p, 15 euros Vient de paraître Jean-Jacques Chavigné Gérard Filoche Ed JC Gawsewitch)